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Full text of "Histoire naturelle des zoophytes. Infusoires, comprenant la physiologie et la classificatin de ces animaux, et la mani©·re de les ©tudier © l'aide du microscope"

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Seclal Collections 


Library of tbe Museum 


OF 


COMPARATIVE ZOOLOGY, 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. 


Pounded bp private subscription, în 1861. 


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| From the Library of LOUIS AGASSIZ. 


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HISTOIRE NATURELLE 


DES 


ZOOPHYTES. 


INFUSOIRES, 


COMPRENANT 
LA PHYSIOLOGIE ET IA CLASSIFICATION 
€” _ DE CES ANIMAUX, 
ET 


LA MANIÈRE DE LES ÉTUDIER A L'AIDE DU MICROSCOPE, 


PAR M. FÉLIX DUJARDIN, 


PROFESSEUR DE ZOOLOGIE, DOYEN DE LA FACULTÉ 
DES SCIENCES DE RENNES, 


Ouvrage accompagné de planches. 


PARIS. 
LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE ROMET, 


RUE HAUTEFEUILLE, N° 10 mis. 


4841. 


exo H. MILNE-EDWARDS, 
JAM PRIDEM ARCANORUM NATURÆ CONSCIO , 
ET ARTIS DELINEANDI ZOOPHYTA ; 
VEL OCULI ACIE, VEL MICROSCOPIL OPE DETECTA , 
QUAM MAXIMÉ PERITO, 
HOC MEUM OPUS, QUANTUMVIS INDIGNUM ; 
PERENNIS AMICITIÆ PIGNUS 


D. D. D. 


F. DUJARDIN. 


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PRÉFACE. 


Quoique le microscope , par les perfectionnements 
qu'il a recus depuis quinze ans, soit devenu en quelque 
sorte un instrument nouveau et inconnu de nos pré- 
décesseurs , nous sommes loin de croire qu’il soit arrivé 
au terme de ses perfectionnements possibles. La net- 
teté obtenue dans cet instrument avec des grossis- 
sements de 300 à 400 diamètres, nous a appris à 
chercher avec nos yeux seuls la vraie forme et la 
structure des corps, au lieu de la deviner à travers un 
contour diffus et nébuleux ; nous avons donc dü pro- 
scrire les grossissements exagérés de six cents, de mille 
diamètres, etau delà, qui n'étaient tant soit peu accep- 
tables qu’à l’époque où l’on ne voyait guère avec plus 
de précision aux grossissements moindres; mais aussi 
nous avons dü sentir davantage combien sont véri- 
tablement restreints nos moyens d'observation. En 
effet, des organes filiformes épais d’un 30000° de mil- 
limèlre, ne nous paraissent pas moins simples dans 
le meilleur microscope, qu’un brin de soie vu à l'œil 
mu; bien plus, un corps globuleux d’un millième de 
millimètre, ne nous parait que comme un grain de 
pollen de mauve vu à l'œilnu ,et cependant nous savons 


VIIL PRÉFACE. 


combien ces dimensions sont éloignées de la limite 
de divisibilité des corps les plus composés. Il y a done 
beaucoup à connaître encore au delà des limites de 
nos moyens d'observation ; telle combinaison que nous 
entrevoyons dans l'avenir, peut , en perfectionnant de 
nouveau le microscope , nous révéler un espace im- 
mense dont l'imagination seule ne pourrait donner 
aujourd hui que des notions mensongères. 

Comme celui qui bâtit sur le sable mobile ou sur 
un sol inconnu , nous sommes donc exposé à voir 
notre œuvre à peine édifiée , s’écrouler ou perdre tout 
d’un coup sa valeur, par suite de telle découverte 
pressentie vaguement et qui doit multiplier un jour là 
puissance de notre vue. | 
_ Cette idée, vraiment décourageante , et qui ne 6e 
présente point dans l'étude des autres branches de la 
zoologie, aurait dû nous empêcher de publier‘en cet 
instant une histoire des Infusoires ; et c'était bien aussi 
notre pensée, quand , songeant à perfectionner préa- 
lablement nous-même le microscope, nous consa- 
crions un temps considérable à la réalisation de cer- 
taines conceptions théoriques. Mais le but de nos 
recherches constantes est loin encore d’être atteint , 
nous ignorons si d’autres plus heureux arriveront 
avant nous à ce but; et cependant beaucoup de 
personnes qui se livrent avec ardeur à l'étude du 
microscope attendent un ouvrage pouvant servir de 
guide pour des recherches ultérieures sur les Infusoires. 


PRÉFACE. 1 

La publication si importante des Suites à Buffon 
appelait nécessairement cetouvraäge dans son cadre; et 
M. Milne-Edwards , que ses recherches sur les animaux 
inférieurs mettent à même de juger nettement de 
l'état de nos connaissances sur les Infusoires, m’en- 
gageait à entreprendre ce travail. Son opinion, aussi 
précieuse pour moi que son amitiè, m'a déterminé à 
passer par-dessus les désavantages que présentent à la 
fois le sujet et les circonstances; et dans l'espoir que 
je trouverai parmi mes lecteurs des juges bienveillants 
et disposés à me tenir compte des difficultés de ma 
tâche, j'ai depuis deux ans mis en ordre et complété 


les matériaux recueillis pendant les cinq années pré- 
cédentes. 


Si mes premiers travaux sur ce sujet ont eu Île 
caractère d'une polémique contre M. Ehrenberg, 
dont cependant j'aime à proclamer le mérite, c’est 
que cet auteur, cédant trop facilement à l’entraine- 
ment de son imagination , avait pris pour base de tous 
ses travaux sur les Infusoires et de la classification de 
ces êtres, des principes tout à fait erronés et que l’ob- 
servation n'a jamais confirmés. C’est aussi que les 
faits inexacts sur l’organisation des Infusoires, qu’il à 
mêlés à la foule de ses observations neuves et réelles, 
avaient longtemps arrêté ma marche; comme sans 
doute ils ont arrêté celle de beaucoup d’autres obser- 
vateurs sincères, en nous forçant à regarder comme 
incomplètes et défectueuses toutes nos études sur ce 


x PRÉFACE. 


sujet, et à regarder nos microscopes comme trop 
imparfaits, puisqu'ils ne voulaient pas nous laisser 
voir les mêmes détails qu'au célèbre naturaliste de 
Berlin. Cela dura jusqu’à l'instant où , d’une part, l’ob- 
servation directe de quelques détails qui avaient 
échappé à cet habile micrographe , et, d’un autre côté, 
les variations de ses opinions successives dans ses divers 
mémoires, me conduisirent d’abord au doute, puis, 
un peu trop loin peut-être au delà du doute, par un 
effet de réaction; mais, je me plais à le répéter, 
malgré la vivacité de mes attaques contre certaines 
opinions de M. Ehrenberg , je peux déclarer qu'aucun 
observateur n’a jamais fait une plus riche moisson de 
faits, et n’a contribué davantage au progrès de la mi- 
crographie ; et si malheureusement il n’eût persisté 
à prendre pour bases de sa classification les mêmes faits 
que jai contestés, que je regarde comme absolu- 
ment inexacts, j'aurais avec empressement pris pour 
guide le grand ouvrage qu’il vient de publier. On verra 
d'ailleurs que j'ai adopté, autant que possible, les 
genres , et mème les familles , établis par cet auteur ; et 
je dois dire qu’en cela, j'ai eu en vue de rendre té- 
moignage à son mérite , autant que d'éviter l'introduc- 
tion d’un grand nombre de noms nouveaux dans ia 
science. 

Dans ce livre, n'ayant point assurément l'in- 
tention de poser des bases invariables pour une partie 
de la zoologie qui ne se prête point encore à une clas- 


PRÉFACE. XI 


sification définitive, mais voulant seulement faciliter 
les études micrographiques et mettre les observateurs 
sur la voie de l'immense profit qu'on en doit attendre 
pour la physiologie, je n’ai parlé que de ce que j'ai vu 
moi-même. Or , je n’ai pas vu tous les Infusoires décrits 
par les auteurs, tant s’en faut; il est donc probable 
qu’il me manque encore la connaissance de beaucoup 
de faits importants , connaissance que je ne pouvais 
prendre que par mes yeux et non dans des livres 
dictés trop souvent par un esprit de système ; ma 
tâche était d’aplanir les difficultés de plus en plus 
grandes qui s'opposent à l'étude des Infusoires, et 
d'aider les observateurs par des renseignements con- 
sciencieusement donnés. 

Cette tâche est remplie pour le moment ; je retourne 
donc à mon microscope pour interroger de nouveau 
la nature avec le désir sincère de connaître la vérité ; 
et, plus tard , dans des mémoires que je publierai sur 
chaque famille en particulier , je ne craindrai pas d’a- 
vouer toutes les erreurs que je puis avoir commises. 
Cependant, que d’autres veuillent bien chercher de leur 
côté; ils seront assurément dédommagés de leurs 
peines par des observations neuves et par des décou- 
vertes nombreuses; et s'ils sont animés du même 
désir que moi, nous ne manquerons pas de nous ren- 
contrer plus d’une fois sur la route. 

Je dois, en terminant cette préface, me justifier aux 
yeux du lecteur d'avoir presque à chaque pas , dans le 


XII PRÉFACE. 


cours de mon ouvrage, parlé de moi et en men seul 
nom: c'était une nécessité, car sur un sujet si mal 
connu , je n'ai dû parler que de ce que j'ai vu; or je 
voyais seul dans mon microscope en faisant les obser- 
vations dont je rends compte. Ainsi , je dois le dire, 
j'apporte souvent ici un témoignage unique et ne pou- 
vant par conséquent avoir d'effet que sur Fesprit du 
lecteur qui aura essayé d'y joindre le témoignage de sa 
propre observation. 


HISTOIRE NATURELLE 


DES 


INFUSOIRES. 


DISCOURS PRÉLIMINAIRE. 


L'histoire des Infusoires est entièrement liée à 
l'histoire du microscope, car on ne pouvait, avant 
la découverte de cet instrument , soupconner l’exis- 
tence d'une foule d'animaux peuplant le monde 
nouveau que le microscope a fait connaître; mais 
aussi cette histoire a dû être mêlée à celle de tous 
les êtres vivants que leur extrême petitesse avait 
jusqu'alors dérobés aux yeux des observateurs. L’at- 
tention avait été singulièrement excitée par la vue 
des Animalcules qui apparaissent en foule dans les 
infusions de diverses substances végétales ou ani- 
males : on reconnut bientôt l’analogie de ces êtres 
avec ceux qui fourmillent dans les eaux stagnantes, 
au milieu des herbes aquatiques plus ou moins dé- 
composées , qui souvent rendent ces eaux de véri- 
tables infusions ; par conséquent on a dù confondre 
dans la même série d’études, et sous la même dé- 
nomination d'Infusoires, d'Animalcules, ou de 
Microscopiques, tous les êtres divers qu’on obser- 
vait dans les eaux stagnantes. 

INFUSOIRES. 1 


2 HISTOIRE NATURELLE 

Le départ, la distinction de ces êtres, n'ont pu 
avoir lieu que tardivement, et peu à peu. On en sé- 
para d’abord les insectes et leurs larves, puis les crus- 
tacés branchiopodes ou entomostracés ; plus tard on 
distingua aussi des Vers, des Zoophytes, confondus 
dans la foule des êtres microscopiques. Dans ces 
derniers temps, on en a séparé encore divers objets, 
tels que des lambeaux de branchie de Mollusques ; 
mais d’un autre côté on leur a réuni mal à propos, 
tantôt les Zoospermes, tantôt des familles entières 
d’'Algues microscopiques, les Desmidiées, les Dia- 
tomées. 

Une distinction plus rigoureuse des vrais Infu- 
soires doit sans doute être établie; mais quelque 
soin qu’on prenne pour l'établir, cette classe reste 
encore une réunion de types très - différents, et 
n'ayant de commun que des caractèresnégatifs ; aussi 
des naturalistes philosophes n’y veulent voir qu’une 
association provisoire des types primordiaux de 
diverses séries du règne animal, lesquelles pour 
avoir été étudiées à partir du plus haut degré d’'or- 
ganisation, ont paru sans rapport aucun avec les 
types correspondant à un minimum d'organisa- 
tion. Nous aurons à examiner plus loin ces difhiciles 
questions , sans oser nous flatter de pouvoir les ré- 
soudre ; pour le moment nous commençons par 
exposer l'historique des découvertes microscopi- 
ques , et du microscope lui-même , qui, soumis à 
de nombreuses variations, a souvent été décrit et 
même construit par chaque auteur d’une manière 
chftférente. 


DES INFUSOIRES. 3 

Mais remarquons-le d'abord, on aurait grand 
tort de croire que les Infusoires ne peuvent être 
aperçus qu'avec le secours de nos microscopes 
achromatiques dotés de tous les perfectionnements 
les plus récents. Bien au contraire, la plupart des 
Infusoires peuvent être vus, quoique moins distinc- 
tement, par le moyen d’un microscope composé, 
très-médiocre et non achromatique; leur forme 
extérieure est souvent même indiquée d'une ma- 
nière bien reconnaissable. Ce qui manquait et ce 
qu'on n’a obtenu que dans les derniers temps, c'est 
une netteté permettant de constater la forme réelle 
des parties internes ou externes, et la présence ou 
l'absence de tels ou tels organes. Le microscope 
simple ou la loupe montée, suffit même bien sou- 
vent pour étudier certains Infusoires ou Systolides ; 
notamment les Paramécies, les Plœsconia , les Bra- 
chions , les Rotifères , etc., dont les dimensions at- 
teignent ou dépassent un quart ou un tiers de milli- 
mètre , et qui s'aperçoivent à l'œil nu. En effet, 
une lentille ou un doublet de 4,5 millimètres 
( deux lignes) de foyer amplifie le diamètre de 
l'objet quarante fois, et fait voir une Paramécie 
de : millimètre, longue de 8 millimètres, ce qui est 
déjà considérable ; une lentille de 2,25 millimètres 
(une ligne ) de foyer, double ce grossissement, et 
une lentille ou un doublet de 1,12 millimètres 
(< ligne) de foyer, le rend quadruple, et montre 
la même Paramécie, longue de 32 millimètres, 
avec une grande netteté , si la lentille est bien mon- 
tée et bien centrée, et surtout si lon a un bon sys- 


k HISTOIRE NATURELLE 


tème de diaphragmes sur le trajet de la lumière; 
mais alors le champ est tellement restreint, et la po- 
sition de l’œil est tellement limitée, qu'on éprouve 
une fatigue fort grande, et que, d’un autre côté, 
on perd un temps considérable à chercher l’objet 
qui s'est écarté du champ de la vision. Toutefois de 
telles lentilles simples sont de beaucoup préférables 
à un microscope composé non achromatique ; et les 
meilleures observations, antérieures à la construc- 
tion du microscope achromatique, ont été faites par 
ce moyen. 

L'histoire des découvertes microscopiques peut 
se diviser en trois périodes : la première, celle des 
simples observateurs, commence à Leeuwenhoek , 
le père de la micrographie, et dut ses meilleurs 
résultats au microscope simple ; la deuxième, celle 
des classificateurs, commence à Otto - Frédéric 
Müller, qui le premier essaya de classer méthodi- 
quement les Infusoires, et qui se servit du micro- 
scope composé, ainsi que les observateurs qui le 
suivirent; dans la troisième enfin, signalée par 
l'emploi du microscope achromatique, et par les 
découvertes et les hypothèses de M. Ehrenberg , on 
s'est occupé à la fois de la classification et de l’or- 
ganisation des Infusoires. 

. Leeuwenhoek (1680-1723) construisait lui-même 
des microscopes simples qu’il tenait d’une main, tan- 
dis que de l’autre main il en approchait un tube de 
verre , contenant dans l’eau les objets à examiner. 
Ses microscopes étaient de très-petites lentilles bi- 
convexes , enchâssées dans une petite monture d’ar- 


DES INFUSOIRFS. (e) 
gent; il en avait formé une collection de vingt- 
six qu'il légua à la Société royale de Londres. Ces 
instruments , sujets à tous les inconvénients d'un 
maximum d'aberration de sphéricité et d’un man- 
que total de stabilité, n'avaient pu servir utilement 
qu'entre les mains de Leceuwenhock, qui, durant 
vingt années de travaux, avait acquis une habitude 
capable de suppléer en partie à la stabilité de nos 
appareils modernes ; aussi personne après lui ne put 
tirer parti de ses microscopes, et l'on renonca en 
quelque sorte à ce mode d'observation en attendant 
le microscope composé. Cet habile micrographe, 
dirigeant surtout ses études vers le progrès de la 
physiologie, et vers la solution de certaines ques- 
tions en particulier, telles que celle de la généra- 
tion, ne s occupa qu'en passant de l'étude des Infu- 
soires , et comme pour chercher seulement de nou- 
veiles preuves en faveur de l’axiome omne vivum 
ex 0vo. En observant l’infusion de poivre, l’eau 
des marais, la matière blanche pulpeuse qui s’a- 
masse autour des dents, ses excréments et ceux de 
plusieurs animaux, il eut l’occasion de voir des 
Vibrions, des Volvox, des Monades, des Kérones, 
des Paramécies , des Kolpodes, divers Vorticelliens 
et Systolides , les Anguilles du vinaigre, Îles Zoo- 
spermes, etc.; mais 1] ne songea pas à distinguer les 
Infusoires des autres Animalcules microscopiques. 

Baker (1), qui publia successivement deux traités 


(1) The Microscope made easy, London, 3743, — Employment for 
the Microsc. 1752. 


6 HISTOIRE NATURELLE 

sur l'usage du microscope, et qui paraît s'être pré- 
férablement servi du microscope simple de Wilson, 
dont il vante avec raison les avantages, a décrit et 
figuré un grand nombre d'Infusoires observés par 
lui, soit dans les eaux de marais, soit dans des in- 
fusions de foin, de poivre, de blé, d'avoine, etc. 
Ses dessins, qui par la suite ont servi beaucoup 
aux nomenclateurs, présentent donc un mélange 
de vrais Înfusoires avec d’autres Animalcules, et 
notamment avec des Brachions bien reconnais- 
sables. 

Trembley (1) (1544), fut conduit par ses belles 
observations sur le Polype à bras ou l’'Hydre, à dé- 
crire d'une part certains Infusoires parasites de ce 
Polype ; et d'autre part, quelques grandes et belles 
espèces de Vorticelliens qui se trouvent avec les 
Hydres dans les marais, et qu'il nomma Polypes à 
bulbe et Polypes à bras 

Hill (2), en 1952, fut le premier qui essaya de 
donner des noms scientifiques aux Animalcules 
microscopiques. Joblot (3), quelque temps après, 
en 1794, publia des observations microscopiques 
assez bonnes pour cette époque, et qui ne sont 
point encore sans valeur, malgré le ridicule des 
dénominations, souvent très-sigmificatives, adaptées 
par Jui à ses Animaicules, parmi lesquels il com- 


(1) Philosophic. Transact. 17946. — Histoire du Polype d'eau douce, 
1544. 

(2) Essay of natural history, 1752. 

(3) Observations d'histoire naturelle faites avec le microscope, par 
Joblot, 1754-3755. 


» 


DES INFUSOIRES, 7 
prend, outre les Infusoires, desSystolides, des En- 
tomostracés, des larves d'Insectes, etc. Plusieurs 
des figures qu'il en donne portant l'empreinte d’une 
admiration trop vive que ne réglait aucune idée 
scientifique, sont tellement bizarres et fantastiques 
qu’elles durent surtout contribuer à discréditer 
l'emploi du microscope. 

A cette même époque, Schæffer avait fait con- 
naître quelques animaux microscopiques. Rœæsel(1), 
à la suite de son bel ouvrage sur les Insectes , avait 
décrit et donné d'assez bonnes figures de plusieurs 
grands Vorticelliens, du Volvox ; et surtout il avait 
fait connaitre son petit Protée, qui est aujourd'hui 
le type du genre Amibe. Ledermuller, dans ses 
Amusements microscopiques , avait aussi représenté 
des Animalcules d’infusion, des Vorticelles et quel- 
ques Systolides. Et Wrisberg (2) (1764), avait pu- 
blié des Observations sur la nature des Animalcules 
infusoires, que le premier il nommait ainsi. 

Linné, qui n'avait point étudié par lui-même 
les Infusoires , les confondit d’abord sous la déno- 
mination trop significative de Chaos, en distinguant 
toutefois le J’olvox globator ; et plus tard il admit 
un genre Vorticelle (3). Pallas, dansson ouvragesur 
les Zoophytes (4), en 1766,se borna à réunir, dans les 
deux genres J’olvox et Brachionus , ceux des Ani- 
malcules microscopiques dont l'existence lui parut 


(1) Insecten Belustigung von Rôsel. 4 vol. in-4, 1546-1761. 

(2) Observationes de animalcul. infusor. naturä, Gôttingen. 1764. in-8. 
(3) Systema naturæ. Edit. X, 1558. — Syst. nat. Edit. XIT, 156%. 
(4) Elenchus zoophytorum. 1566. 


8 HISTOIRE NATURELLE 


mieux démontrée d’après les travaux antérieurs. 
Ellis décrivit aussi, sous le nom de Volvox, divers 
Infusoires dans les Transactions Philosophiques de 
Londres, en 1769. Puis vint Eichhorn, qui, dans 
un fort bon recueil d’observations(1), fit connaître 
un plus grand nombre d'Infusoires que tous ses 
prédécesseurs ; il ne songea nullement à les classer, 
et les désigna seulement par des noms allemands, 
exprimant quelque analogie de forme ; mais encore 
avec ses Infusoires se trouvaient mêlés beaucoup 
d'autres Animalcules. Spallanzani(2)(1776), étudia 
plus particulièrement quelques Infusoires et le Ro- 
tifère sous le point de vue physiologique; et son 
ami, l'illustre Saussure, contribua ävec lui à 
mettre en lumière quelques faits importants sur 
ce sujet. 

Gleichen (3), en poursuivant ses recherches sur 
Ja génération des êtres, eut l’occasion de faire beau- 
coup de bonnes observations sur les Infusoires et sur 
les Animalcules qui s’y développent dans des cir- 
constances variées; malgré limperfection de ses 
figures, on reconnait, ou plutôt on devine quels 
sont les Infusoires qu'il a pu rencontrer. Enfin 
Gœze (4) et Bloch (5), qui, chacun de leur côté, 
s'occupaient de l'étude des Vers intestinaux , Roeut 
connaître les curieux Infusoires qui vivent den l'in- 
 testin des Grenouilles. 


(1) Kleinste Wasserthiere. Berlin, 1581. — Beyträge, 1775 

(2) Opuscol. phys. 1576. — Traduits en français, 1787. 

(3) Infusionsthierchen, 1558. — Trad. en fancrais, 1709. 

(4) Naturgeschichte der Eingeweidewürmer, 1782. 

(5) Abhandl. über dieErseugung der Eingew. 1782.—Trad. en francais. 


DES INFUSOIRES. 9 


La seconde période, celle des classificateurs, 
commence à O.-F. Müller, car les tentatives de 
nomenclature qu'avait faites Hill étaient restées dans 
oubli; et quoique Müller lui-même ait fait de 
nombreuses découvertes dans l'étude des Tafusoires; 
c’est surtout comme créateur d’une classification et 
d’une nomenclature de ces animaux qu'il est plus 
célèbre. Vouloir soumettre aux règles de la mé- 
thode linnéenne la multitude des animalcules mi- 
croscopiques, déjà signalés par ses prédécesseurs, et 
de ceux encore plus nombreux qu'il avait observés 
lui-même ; c'était là une tâche bien autrement dif- 
ficile que celle de caractériser et de classer des 
plantes ou des insectes, dont la forme est tou- 
jours définie, dont les organes sont nombreux et 
bien distincts, et dont enfin le mode de développe- 
ment est connu. En caractérisant comme autant 
d'espèces, une foule d'objets divers dont la nature 
animale ou l'individualité, ou même l'intégrité 
n’était pas toujours constatée, il s’exposa donc à 
faire beaucoup de doubles emplois et de fausses dé- 
signations. Aussi, doit on le reconnaître, ses genres, à 
l'époque même de leur création, étaient trop vague- 
ment tracés ; et la plupart de ses espèces, caractéri- 
sées par une phrase linnéene de quelques mots, ne 

peuvent être reconnues sans le secours des figures 
qui en disent bien plus que cette phrase; et, même 
encore avec ce secours, la moitié des espèces sont 
à laisser de côté comme tout à fait équivoques ou 
douteuses. Mais ce tort ne doit pas lui être imputé 
tout entier : en effet, après avoir essayé une pre- 


10 HISTOIRE NATURELLE 


mière fois dans son histoire des vers marins et flu- 
viatiles (1) de classer les Infusoires, il se proposait 
de réunir dans un grand traité tous les résultats de 
douze années de recherches laborieuses, quand la 
mort vintle surprendre; ce fut donc son ami O. Fa- 
bricius qui se chargea de publier cet ouvrage pos- 
thume en le complétant au moyen des notes sou- 
vent contradictoires qu'il put trouver dans les pa- 
piers de l’auteur. Beaucoup d'espèces, et même 
un genre, celui d’'Æimantopus, que Müller vivant 
n'eut peut-être pas admis ou conservés en re- 
voyant son travail, furent donc établis d’après ces 
notes. Ainsi fut porté à 379 le nombre des espèces 
décrites, parmi lesquelles il en est à peine 150 que 
l'on puisse aujourd'hui rapporter avec certitude à 
des Infusoires connus. De ses dix-sept genres, le 
dernier (Brachion) ne comprend que des Systolides, 
et les animaux du même ordre composent une par- 
tie de son genre Vorticelle et se trouvent en outre 
disséminés parmi ses Trichodes et ses Cercaires. 
Müller d’ailleurs avait, comme ses prédécesseurs, 
confondu avec les Infusoires des objets bien diffé- 
rents , tels que des propagules d'algues, des Bacil- 
laires, des Navicules, des Anguillules, des Disto- 
mes, de jeunes Alcyonelles, des lambeaux de 
branchies de Mollusques; et surtout il avait multi- 
plié à l'excès certaines espèces en donnant un nom 


(1) Müller. Vermium terrestrium et fluviatilinm Historia. 2 vol. 
in-4, 1954. vi 
(2) Müller. Animaleula Infusoria fluvialilia et marina. În-4, 1566. 


DES INFUSOIRES, 11 
différent au même Animalcule en divers états, on 
même à des Infusoires devenus incomplets par suite 
d'une décomposition partielle. Cela tient à ce que 
Jon ne peut comparer les Animacules microsco- 
piques qu’en les dessinant séparément et en notant 
les caractères de chacun d'eux à mesure qu'on les 
observe ; mais la plupart de ces Animalcules sont si 
variables dans leurs formes , que si l’on vient à com- 
parer un grand nombre de dessins faits à différen- 
tes époques, on sera tenté d’abord de les rapporter 
à autant d'espèces différentes, à moins qu'on n'ait 
appris, par un long usage d'un excellent microscope, 
à déméler la vérité. Or, je le répète, ce fut Fabricius 
qui eut à mettre en ordre les notes de Müller. 

Son histoire des Infusoires n'en mérite pas moins 
d'être considérée comme un recueil d'observations 
consciencieuses et tout à fait exemptes d'esprit de 
système ; ses figures surtout sont ce qu'on pouvait 
faire de mieux à cette époque, aussi ont-elles servi 
de matériaux aux nomenclateurs qui vinrent en- 
suite, pour l'établissement d’une foule de genres 
nouveaux. 

Bruguières, dans l'Encyclopédie méthodique, se 
borna à copier les figures et les descriptions de 
Müller en y ajoutant seulement quelques espèces 
de Baker. 

Cuvier, comme les naturalistes allemands du 
commencement de ce siècle, ne s'occupa qu'en pas- 
sant et d’une manière générale de la classification 
des Infusoires. Il en avait préalablement séparé 


12 HISTOIRE NATURELLE 

mal à propos les vraies Vorticelles qu'il plaçait dans 
son ordre des Polypes gélatineux ; et il avait senti la 
nécessité de séparer les Systolides pourvus d'un in- 
testin et d'organes compliqués, et les vrais Infu- 
soires, « animaux à corps gélatineux de la plus ex- 
trême simplicité, sans viscères, et souvent même 
sans une apparence de bouche (1). » 

Lamarck, dans son Histoire des animaux sansver- 
tèbres (2), conserva beaucoup trop la classification 
de Müller ; cependant, il démembra heureusement 
plusieurs de ses genres, notamment celui des Vor- 
ticelles d’où il retira les Rotifères et les autres Sys- 
tolides pour en faire son genre Furculaire; mais 
n'ayant point observé par lui-même, il laissa sub- 
sister dans les divers genres les autres rapproche- 
ments erronés de Müller, et même en ajouta de 
nouveaux dans son genre Furcocerque. Il placa 
avec raison les Systolides dans une autre classe que 
les Infusoires proprement dits, mais avec eux, il 
eut le tort de placer les Vorticelles parmi les Poly- 
pes ciliés. M. Bory de Saint-Vincent (1825), appelé 
à terminer la partie de l'Encyclopédie méthodique 
commencée par Bruguières, eut à s'occuper beaucoup 
de la classification des Infusoires qu'il veut nommer 
des Microscopiques. Riche de ses propres obser- 
vations, quoiqu'il n'ait pu échapper au repro- 
che de s'être trop souvent servi des figures de Mül- 


: 
T4 


(1) Cuvier. Règne animal. 1817. 
(2) Lamarck. Hisioire des animaux sans vertèbres. 5 vol. in-8, 


1815-1819. 


DES INFUSOIRES. 13 


ler , il subdivisa les 15 genres de l’auteur danois en 
99 genres dont plusieurs ont dû être conservés 
comme bien précis. Dans sa classe des Microscopi- 
ques, 1l laisse encore confondus les Systolides, et il 
en distrait les seules Vorticelles pédicellées qu’il re- 
porte, avec les Navicules et les Lunulines, dans son 
règne psychodiaire. Dans sa dernière publication 
sur ce sujet(1831), iln'a faitque confirmer ses idées 
précédemment émises sans y ajouter de nouvelles 
observations. Cependant, dès 1817, en Allemagne, 
Nitzsch, qui, parle caractère de ses travaux, devrait 
être inscrit dans la dernière période, avait publié 
des observations précieuses sur les Navicules et sur 
les Cercaires qu'il démontra n'être point de vrais 
Infusoires, et, plus tard, en 1827, dans une Ency- 
clopédie allemande, il avait proposé l'établissement 
de plusieurs genres bien convenables. M. Dutrochet, 
en France , avait étudié les Rotifères et les Tubico- 
laires; M. Leclerc avait fait connaître les Difilu- 
gies ; et Losana, en Italie, avait décrit des Amibes, 
des Kolpodes et des Cyclides dont il multipliait les 
espèces sans raison et sans mesure. 

Dans la période actuelle , illustrée par les travaux 
de M. Ehrenberg et caractérisée par l'emploi du 
microscope achromatique, on veut à la fois s’occu- 
per de la classification des Infusoires et pénétrer les 
mystères de l’organisation de ces petits êtres. Les 
résultats obtenus pendant cette période seront donc 
bien autrement importants sous tous les rapports 
que ceux des périodes antérieures; mais par cela 
même ils doivent être plus difliciles à obtenir; et 


14 HISTOIRE NATURELLE 


l'on aurait tort, je crois, de s'attendre à en trouver 
jamais d'aussi positifs que dans les autres branches 
de la zoologie. 

M. Ehrenberg le premier a distingué nettement, 
pour en former deux classes séparées, les Infusoires 
qu'il nomme Polygastrica, et ies Systolides qu'il 
nomme Rotatoria ; mais il laisse parmi les vrais 
Infusoires, les Clostéries ou Lunulines, les Navicu- 
les et toutes les Diatomés et Desmidiées, que, par un 
singulier abus de l'esprit de système, il regarde 
comme des animaux pourvus d’une bouche et d’une 
multitude d’estomacs, Aussi a-t-il pu porter le nom- 
bre des espèces d'Infusoires polygastriques à 533. 
Sa classification, basée sur des faits entièrement er- 
ronés relativement à l’organisation des Infusoires, a 
été admise par les auteurs et les compilateurs qui 
n'avaient nul souci de vérifier les faits annoncés. 
Mais les vrais observateurs , d’abord frappés de stu- 
peur par l'annonce des découvertes du micrographe 
de Berlin, ne tardèrent pas à s’apercevoir de l’inuti- 
lité de tous leurs efforts pour arriver à la vérification 
de ces faits; et quand ils se furent bien assurés que 
cette impossibilité ne tenait ni à la faiblesse de leur 
vue n1 à l’imperfection de leurs microscopes, ils osè- 
rent relever la tête et renvoyer la dénégation la plus 
formelle à celui qui avait eu l’habileté de rendre en 
quelque façon solidaires de ses assertions et de sa 
renommée, des académies célèbres et des noms il- 
lustres. 

Si l'édifice des hypothèses Ehrenbergiennes vient 
à étre totalement renversé, sa classification aura 


F4 


DES INFUSOIRES,. 145 


disparu en même temps, et l'on se retrouvera en 
présence d’une multitude confuse et croïssant cha- 
que jour d'objets à classer, et pour lesquels on n’a 
souvent que des caractères négatifs. À la vérité, on 
aura appris de M. Ehrenberg à distinguer tout d'a- 
bord les Systolides, et de lui comme de Nitzsch et 
de M. Raspail, à séparer des Infusoires quelques 
animaux ou débris d'animaux regardés à tort comme 
autant d'espèces; puis enfin l'opinion des botanistes 
allemands et français aura prévalu pour faire ran- 
ger désormais les Navicules et les Clostéries dans le 
règne végétal; mais le nombre des êtres, laissés, 
comme résidu de cette exclusion, parmi les Infusoi- 
res sera encore très-considérable, et l’on manquera, 
pour les classer, de ces caractères précis fournis dans 
“les autres branches du règne animal par des organes 
dont la forme et les usages sont bien déterminés. 
Ainsi que je l'ai dit plus haut, je crois que l'in- 
stant n’est pas arrivé de proposer pour eux une clas- 
sification définitive; mais ayant accepté la tâche de 
faire connaître ce qu'il y a de vrai dans l’histoire 
des Infusoires, je dois essayer de les classer au 
moins provisoirement, en séparant, sauf à l’étudier 
à part, ce qui ne peut-être laissé parmi les Infusoires. 
Je suis donc conduit à partager mon travail en trois 
parties : la première, relative aux Infusoires propre- 
ment dits, formera les deux premiers livres, l’un 
consacré aux généralités sur l'étude de ces animaux, 
l'autre à la description méthodique; la deuxième 
partie consacrée aux Systolides formera aussi deux 
livres, l'un pour les généralités, l'autre pour la des- 


| 


16 | HISTOIRE NATURELLE éd: 
cription méthodique; enfin, une troisième partie 
formant le cinquième livre contiendra une énumé- 
ration détaillée des objets microscopiques qui ontété 
-confondus avec les Infusoires. . 


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DES INFUSOIRES, 47 


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LIVRE LH 


OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES INFUSOIR£ZS. 


PREMIÈRE PARTIE. 


SUR L'ORGANISATION DES INFUSOIRES. 


CHAPITRE I. 


DÉFINITION. 


Les Infusoires sont des animaux très-petits, dont les 
dimensions extrêmes sont de un à trois millimètres, 
d’une part, et d’un millième de cette grandeur d'autre 
part ; leur grandeur moyenne est de un à cinq dixièmes 
de millimètre. Les plus grands se montrent à l'œil nu 
sous la forme de points blancs ou colorés, fixés à divers 
corps submergés , ou comme une poussière ténue flot- 
tant dans le liquide. Les autres ne se voient qu'avec 
- l'aide du microscope simple ou composé. Ils sont pres- 
que tous demi-transparents, et paraissent blancs ou in- 
colores ; mais plusieurs sont colorés en vert ou en bleu ; 
d'autres moins nombreux sont rouges ; enfin il en existe 
de brunâtres ou noirâtres. Tous vivent dans l’eau liquide 
ou dans des substances fortement humides ; mais ils 
ne se développent et ne se multiplient le plus souvent 
que dans des liquides chargés de substances organi- 
ques et salines , tels que des infusions préparées artifi- 
INFUSOIRES. 2 


18 HISTOIRE NATURELLE 


ciellement avec des substances animales ou végétales, 
ou des eaux stagnantes dans lesquelles se sont décom- 
posées naturellement ces mêmes substances ; c'est ainsi 
que l’on peut trouver sûrement des Infusoires dans 
l'eau trouble des ornières, des mares et des fossés, et 
dans la couche vaseuse de débris qui couvre la base 
des plantes et des autres objets submergés au bord des 
rivières et des étangs, de même que dans l’eau qui 
baigne ces objets. Aussi la dénomination d’Infu- 
soires, quoique critiquée par quelques naturalistes, 
doit-elle être conservée comme la plus propre à don- 
ner une idée de ces petits êtres. M. Bory les voulait 
nommer des Wicroscopiques d’après cetle considéra- 
tion que beaucoup d'entre eux vivent dans les eaux 
pures et non dans les infusions ; mais d’une part, ceux 
qu'il citait comme présentant cette exception, appar- 
tiennent presque tous à la classe des Systolides, et 
d’ailleurs, il s’en faut bien que l’eau limpide qui bai- 
gne les conferves ou les végétaux en décomposition 
dans les marais et dans les rivières soit de l’eau pure. 

Les Infusoires observés au microscope paraissent 
formés d’une substance homogène glutineuse , dia- 
phane , nue ou revêtue en partie d’une enveloppe plus 
ou moins résistante. Leur forme la plus ordinaire est 
ovoïde ou arrondie. Les uns, et ce sont ceux qu’on 
rencontre le plus fréquemment et qui frappent tout d’a- 
bord l'œil du micrographe, sont pourvus de cils vibra- 
tiles qui, se mouvant tous, par instants, ou continuelle- 
ment , servent comme des rames innombrables au mou- 
vement de l'animal, ou bien servent seulement à ame- 
ner les aliments à sa bouche: d’autres n’ont, au lieu 
de cils vibratiles, qu’un ou plusieurs filaments d'une 
ténuité extrême qu'ils agitent d’un mouvement ondu- 


DES INFUSOIRES. 19 


latoire pour s’avancer dans le liquide ; d’autres enfin 
n’ont aucuns filaments ou cils et ne se meuvent que 
par des extensions et contractions d’une partie de leur 
masse. 

Ceux des Infusoires qui présentent distinctement 
une bouche contiennent souvent, à l'intérieur, des 
masses globuleuses de substances avalées qui les colo- 
rent, surtout en vert quand ce sont des particules végé- 
tales ; tous les Infusoires peuvent en outre présenter une 
ou plusieurs cavités sphériques ou vacuoles remplies 
d'eau, lesquelles sont essentiellement variables quant 
à leur grandeur et à leur position , et disparaissent en 
se contractant, pour être remplacées par d’autres va- 
cuoles creusées spontanément dans la substance char- 
nue vivante et n'ayant rien de commun avec les pré- 
cédentes que leur forme et leur mode de production. 

La plupart des Infusoires se multiplient par divi- 
sion spontanée ; c'est-à-dire que chacun de ces animal- 
cules, arrivé au terme de son accroissement , présente 
d'abord au milieu, s’il est oblong, un léger étrangle- 
ment qui devient de plus en plus prononcé jusqu’à ce 
que les deux moitiés, qui sont devenues deux ani- 
maux complets, ne tenant plus ensemble que par une 
partie très-étroite, se séparent. Elles commencent alors, 
chacune pour leur compte, une nouvelle vie, une 
nouvelle période d'accroissement au bout de laquelle 
elles se diviseront de même, et ainsi de suite à l’in- 
fini si les circonstances le permettent. C’est pourquoi 
on pourrait imaginer tel Infusoire comme une partie 
aliquote d’un Infusoire semblable qui aurait vécu des 
années et même des siècles auparavant, et dont les 
subdivisions par deux, et toujours par deux, se se- 


raient, continuant toujours à vivre , développées suc- 
>. 


20 HISTOIRE NATURELLE 


cessivement. Il n’est donc pas rare de rencontrer dans 
les infusions quelques animalcules en voie|de se diviser 
ainsi et paraissant doubles. 

Quand, par suite de laltération chimique du liquide 
soumis au microscope ou de son évaporation, ou par 
toute autre cause, un Infusoire n’est plus dans des con- 
ditions favorables à son existence , il se décompose par 
diffluence, c'est-à-dire que la substance glutineuse 
dont il est formé s'écoule en globules hors de la masse, 
laquelle, si les mêmes circonstances continuent à agir, 
se décompose tout entière en ne laissant pour dernier 
résidu que des particules irrégulières ou des globules 
épars; mais si, par une addition d’eau fraîche ou d'un 
liquide convenable, on change ces circonstances fu- 
nestes, le reste de l’animalcule reprenant sa vivacité 
primitive, recommence à vivre sous une forme plus 
ou moins modifiée. 


CHAPITRE IL. 


OPINIONS DIVERSES SUR LE DEGRÉ D ORGANISATION 
DES INFUSOIRES. 


Parmi les auteurs qui ont écrit sur les Infusoires , 
les uns, comme Leeuwenhoek, ont attribué à ces ani- 
maux l’organisation la plus compliquée; les autres, 
comme Müller, n'y ont voulu voir le plus souvent 
qu'une substance glutineuse homogène (mera gela- 
tina). Cette dernière opinion, adoptée par Cuvier, par 
Lamarck, par Schweigger, par Treviranus, et par 
M. Oken, paraissait désormais la plus probable, quand 
M. Ehrenberg vint hardiment, en 1830, offrir au 
monde savant des preuves qu'il croyait a voir trouvées, 


DES INFUSOIRES. 21 


et que maiheureusement personne n'a pu constater 
depuis, sur la richesse d'organisation des Infusoires. 
M. Bory de St.-Vincent, tout en partageant les idées 
de Lamarck sur la simplicité d'organisation de cer- 
tains Infusoires, et sur leur génération spontanée, ad- 
mettait néanmoins les organes, que l'œil armé du mi- 
croscope n'y peut découvrir, comme pouvant bien 
exister dans leur transparence ; il voyait d’ailleurs, dans 
les différents types de cette classe , le début ou l'ébauche 
de certaines classes d'animaux plus élevés dans la série 
animale. Ces idées de types primitifs où prototypes 
furent professées en Allemagne par MM. Bacr de Koe- 
nigsherg, Leukart et Reichenbach, qui se trouvèrent 
par là conduits à supprimer la classe des Infusoires pour 
en reporter les membres dans différentes autres classes : 
ces animalcules formant ainsi comme un premier 
terme ; renfermant en quelque sorte le principe d’une 
forme et d’une organisation qu’on voit développée de 
plus en plus dans les autres termes de la série. 
Leeuwenhoek avait été beaucoup plus explicite dans 
son opinion sur l’organisation des Infusoires. Ce grand 
observateur, entraîné par le sentiment d’admiration 
qu'il éprouvait à chaque pas dans le nouveau monde 
révélé à ses yeux par le microscope, crut pouvoir 
supposer encore un infini d'organisation parfaite, au 
delà de ces détails infinis que lui montrait le mi- 
croscope dans tous les objets de la nature vivante. 
On le voit, dans ses écrits, s’extasier avec complai- 
sance sur le tableau qu’il vient de tracer de l’organi - 
sation des plus petits animalcules. « Quand nous 
voyons, dit-il, les animalcules spermatiques contrac- 
ter leur queue en l’agitant , nous concluons avec raison 
que cette queue n’est pas plus dépourvue de tendons, de 


22 HISTOIRE NATURELLE 


muscles et d’articulations que la queue d’un loir ou d'un 
rat; et personne ne doutera que ces autres animalcules 
nageant dans l’eau des marais et égalant en grosseur 
la queue des animalcules spermatiques, ne soient pour- 
vus d'organes tout comme les plus grands animaux. 
Combien donc est prodigieux l'appareil de viscères 
renfermé dans un tel animalcule (1)! » En procédant 
avec cette logique, Lecuwenhoek arrive à conclure 
«qu’il n’est pas difficile de concevoir que, dans un ani- 
malcule spermatique, sont contenus les ébauches ou 
les germes des parties qui peuvent plus tard se déve- 
lopper en un animal parfait, analogue à celui qui l'a 
produit. » Eh bien! c’est à peu près de même qu'on a 
raisonné en attribuant aux Infusoires Îles plus petits , 
une perfection el une complexité imaginaires d’orga- 
nisalion, 

Les Infusoires, en raison de leur extrême petitesse 
et de leur transparence, n’ont pu être étudiés au mi- 
croscope qu'à l’aide d’une vive lumière qui, en les tra- 
versant , fait paraître la plupart d’entre eux entière- 
ment homogènes, et ne les rend visibles que moyen- 
nant un effet de réfraction, d’où résulte un contour 
plus ou moins ombré. Les observateurs ont donc dû 
recourir à l’analogie pour se faire une idée de l’orga- 
nisation de ces êtres, ou bien ils se sont abandonnés à 
des idées préconcues ; or, par l’une ou l’autre voie, ils 
ont bien pu être conduits à l’erreur : en effet, la mé- 
thode analogique à laquelle nous sommes redevables 
d’une grande partie de nos connaissances physiques, 
n'est généralement bonne que quand elle nous ramène 
à l'observation directe pour y chercher la preuve des 


(1) Leeuwenhoek, Æpistol. physiol, XLI, p. 305. 


Ÿ 


DES INFUSOIRES. 23 


6 


résultats qu’elle a fait pressentir ; « mais on doit, comme 
dit Bonnet, se défier des explications et des hypothè- 
ses que fournit une analogie imparfaite.» Êt qui donc 
oserait dire aujourd'hui que l’analogie soit parfaile 
entre le filament ondulatoire d’un Zoosperme ou d'un 
Infusoire , et la queue d’un mammifère comme le sup- 
posait Leeuwenhoek ? Ne sait-on pas au contraire que 
l'analogie , prise des animaux les plus parfaits, va en 
s’affaiblissant de plus en plus à mesure qu'on descend 
dans la série animale, à partir de l’homme et des car- 
nassiers ? Ainsi, par exemple, quoiqu'un type général 
d'organisation se reconnaisse bien chez tous les ver- 
tébrés, on rencontre déjà, chez les Poissons, des or- 
ganes et même des fonctions incomplétement détermi- 
nées. Chez les Mollusques, et bien plus encore chez 
les articulés, l'analosie primitive devient plus difücile 
à suivre; chez ceux-ci notamment, les mêmes fonc- 
tions, si elles existent, peuvent se montrer en sens 
inverse, et des contrastes deviennent alors plus frap- 
pants que des analosies. Chez les Radiaires, chez les 
Acalèphes, chez les Helminthes enfin , l’analogie qu'on 
voudrait invoquer n’est le plus souvent qu'un indice 
trompeur : à plus forte raison , l’argument analogique 
ne doit plus avoir de valeur s’il s’agit de déterminer les 
organes des Infusoires par comparaison avec les ani- 
maux supérieurs. L’on ne peut en effet accorder une 
importance réelle aux déterminations arbitraires faites 
pour ces prétendus organes d’après la simple appa- 
rence de certaines parties plus ou moins translucides, 
plus ou moins sranuleuses , mais dont les fonctions ne 
peuvent être prouvées par aucune connexion réelle, 
et que l’indécision de leur forme rend également pro- 
pres à recevoir une dénomination quelconque. 


2% NISTOÏRE NATURELLE 


M. Ebrenberg qui, guidé par de fausses analogies, 
a dépassé encore Leeuwenhoek , en attribuant aûx 
Infusoires une richesse prodigieuse d'organisation , 
s’est également fondé sur ce principe que « les idées 
de grandeur sont relatives et de peu d'importance 
physiologique. » Principe qui n’est que la conséquence 
d’une idée préconcue sur la divisibilité indéfinie de la 
matière. Or, en supposant que l’absence de toute li- 
mile à la divisibilité de la matière soit une loi de la 
nature : et une foule de phénomènes physiques ou chi- 
miques semblent prouver le contraire: cette loi ne suf- 
firait pas pour prouver la possibilité d’une organisa- 
tion très-complexe au delà d’une certaine limite de 
orandeur ; car on sait que beaucoup de phénomènes 
physiques ou dynamiques sont considérablement in- 
fluencés ou même supprimés.par des actions molécu- 
laires , quand les corps ou les espaces qui les séparent 
ont des dimensions trop pelites. Ainsi, par exemple ; 
le liquide cesse de s’écouler, même sous une forte 
pression, dans un tube capillaire dont le calibre est 
suflisamment petit. Or, dans les animaux dont le cœur 
est le plus puissant, les derniers vaisseaux capillaires 
ont au moins —- millimètre de diamètre : voudrait-on 
donc supposer à des Infusoires grands de = milli- 
mètre des vaisseaux de —— millimètre? mais la loi 
de la capillarité s’opposerait entièrement à une pa- 
reille supposition, dût-on même centupler le diamètre 
de ces vaisseaux. Il est donc bien plus conforme aux 
lois de la physique d'admettre que, dans ces petits 
animaux , les liquides pénètrent simplement par imbi- 
bition; comme il est plus conforme aux règles bien 
comprises de l’analogie de ne pas supposer que le type 
des organismes supérieurs se puisse reproduire dans 


BES INFUSOIRES. CE 


les plus petits êtres ; puisque nous voyons les éléments 
de ces Organismes, les globules du sang, la fibre mus- 
culaire et les vaisseaux capillaires , au lieu de subir un 
décroissement progressif dans leurs dimensions chez les 
vertébrés de plus en plus petits, montrer à peu près 
les mêmes dimensions chez l'éléphant et chez la souris. 

Ce n’est pas à dire pourtant que là où le microscope 
ne montre rien qu'une substance homogène, transpa- 
rente , et cependant douée du mouvement et de la vie, 
il faille conclure d’une manière absolue qu'il n'existe 
ni fibres, ni organes quelconques. Non sans doute ; 
mais seulement on doit reconnaître qu'en y supposant 
par analogie des membranes, des muscles, des vais- 
seaux et des nerfs imperceptibles, on ne fait que re- 
culer la difficulté au lieu dela résoudre. En effet, puis- 
que l'absence de toute limite à la divisibilité physique 
n’entraîne pas l'adoption du même principe pour la 
constitution des êtres vivants et pour la production des 
phénomènes physiologiques, il faudra bien en venir 
à concevoir un dernier terme de grandeur, où une 
substance homo:ène est contractile par elle-même ; 
soit que les fibres musculaires se composent d’autres 
fibres de plus en plus petites et contractiles elles- 
mêmes ; soit que les fibres élémentaires se composent 
d’une série de globules, agglutinés par une substance 
molle susceptible de se contracter seule. Alors, pour- 
quoi n’admettrait-on pas que ce dernier terme est déjà 
dans ce que nous montre de plus petit le microscope , 
dans des corps larges de quelques millièmes de milli- 
mètre; puisque nous savons qu’à ce degré de petilesse, 
ou un peu plus loin, les actions moléculaires contre- 
balancent les autres lois physiques. Aïnsi les liquides 
et les gaz ne peuvent s’écouler par des ouvertures trop 


26 HISTOIRE NATURELLE 


petites; et les corps solides réduits en particules très- 

fines cessent en quelque sorte d’être soumis aux lois 

de la pesanteur et de l’inertie, pour se mouvoir indé- 
niment comme le reconnut d'abord M. R. Browu. 


CHAPITRE TITI. 


SUBSTANCE CHARNUE DES INFUSOIRES. —— DIFFLUENCE. — 
SARCODE (1). 


Les Infusoires les plus simples , comme les Amibes 
et les Monades, se composent uniquement, au moins 
en apparence, d’une substance charnue glutineuse 
homogène , sans organes visibles, mais cependant or- 
ganisée, puisqu'elle se meut en se contractant en di- 
vers sens, qu'elle émet divers prolongements, et 
qu'en un mot elle a la vie. Dans les Infusoires d’un 
type plus complexe on voit, d’une part, des granules 
de diverses sortes, des matières terreuses engagées 
accidentellement, et même des cristaux de sulfate ou 
de carbonate de chaux, qui paraissent s’y être formées 
successivement ; d'autre part, des globules intérieurs, 
ou des masses ovalaires plus ou moins compactes , et 
des vésicules remplies d’eau et de substances étran- 
gères ; enfin des cils ou des prolongements filiformes 
de différentes sortes, et quelquefois une apparence 
de tégument réticulé, ou une cuirasse plus ou moins 
résistante. Mais toujours la substance charnue gluti- 
neuse paraît en être la partie essentielle. Elle peut 
être étudiée dans les Infusoires vivants (A) Jorsqw'ils 


. . . L … L 
(1) Ce chapitre et les suivants sont extraits de mon mémoire sur l'or- 
ganisatiou des Infusoires. { Annales des Sciences naturelles, 1838. ) 


DES INFUSOIRES. 27 


se sont agglutinés avec d’autres corps (A—a), ou 
lorsqu'ils sont accidentellement déchirés en lambeaux 
(Ab); elle peut être étudiée également dans les In- 
fusoires mourants (B), soit qu'ils se décomposent par 
difluence (B—a), soit qu'ils fassent exsuder hors de 
leur corps cette substance dans un état d'isolement 
presque parfait (B—0). 

 —(A—a). Les eéxpansions des Amibes, des Difilu- 
gies et des Arcelles, comme celle des Rhizopodes, ne 
sont formées que d’une substance glutineuse vivante, 
sans fibres, sans membranes extérieures où inté- 
rieures (1). Cela est prouvé suffisamment par la faculté 
qu'ont ces expansions de se souder et de se confondre 
entre elles, ou derentrer dans la masse commune qui 
en produit de nouvelles sur un point quelconque de sa 
surface libre. Peut-être pourrait-on prétendre que. 
cette soudure n’est qu'apparente, et qu'il ny a là 
qu’agolutinalion temporaire de deux filaments ou de 
deux expansions qui n'en sont pas moins distinctes ; 
ce seraient alors les mucosités de la surface, ou bien 
mieux ce seraient de petits organes invisibles, qui 
détermineraient lagglutination ; mais pour quicon- 
que aura vu ces objets, il n'y aura plus d'équivoque ; 
et les particularités qu'on ne peut suffisamment dé- 
crire sur ces soudures et sur les mouvements des ex- 
pansions au-dessus où au-dessous , n'échapperont pas 
à l’œil de l'observateur, et ne lui laisseront pas le 
moindre doute à ce sujet. 


(1) Ce fait de l'absence des téguments chez des animaux inférieurs, 
qu'il me paraît si important de voir admettre définitivement dans la 
science , a été constaté de la maniére la plus formelle par des obser- 
vations de M. Peltier sur les Areelles, communiquées à la Société phi- 
lomalique et publiées dans le journal l'Institut, 1836, n. 164, p. 209. 


28 HISTOIRE NATURELLE 


C'est surtout sur les Rhizopodes que le phénomène 
est facile à observer. Les expansions filiformes de ces 
animaux, qui ont tant de rapport d'organisation avec 
les Difflugies, se soudent quand ils se rencontrent, et 
leur soudure se propage d'avant en arrière, en pro- 
duisant une sorte de palmure, une lame étendue entre 
les deux filaments , comme la membrane qui unit les 
doigts des Palmipèdes et des Grenouilles (voyez An- 
nales des Sciences naturelles, décembre 1833). Si 
cette palmure était le résultat d’une simple aggluti- 
nation des expansions, on ne la verrait que là où deux 
expansions se séparent; mais puisque, au contraire, 
elle se montre en avant de la soudure qui se propage, 
on n’y peut voir qu'un effet de la fusion de deux par- 
ties d’une même substance visqueuse. Mais, m'a-t-on 
dit, pourquoi, si les expansions d’un KRhizopode, 
d’une Diflugie ou d’une Amibe, se peuvent souder 
ensemble sur le même animal, pourquoi celles de 
deux animaux qui se rencontrent ne se soudent-elles 
pas aussi ? Et, en effet, comme M. Peltier l'a bien 
observé, deux Arcelles qui se rencontrent se touchent 
sans se souder. À ce pourquoi, comme à tous ceux qui 
portent sur l’essence de la vie dans les animaux, je 
serais fort embarrassé, je l'avoue, pour faire une ré- 
ponse satisfaisante (1). 

Les divers Infusoires appartenant au type des Mo- 
nades, c’est-à-dire ayant le corps nu, de forme varia- 


— 


(1) Entre des animaux primitivement séparés , on n'a point observé, 
d'une manière positive, de soudure organique. Je crois que les sou- 
dures des polypes sont le résultat de la gemmation et non le produit 
de la réunion de plusieurs animaux. Si les jeunes Ascidies composées, 
qu'on a vues nager librement, ne sont pas déjà des réunions de plu- 
sieurs jeunes animaux, je n'en conclus pas, cependant , que des ani- 


DES INFUSOIRES. 23q 


ble , sans bouche , sans tégument et sans cils vibratiles, 
sont susceptibles de s’agglutiner temporairement, soit 
entre eux, soit à la plaque de verre du porte-objet : il 
en résulte des prolongements irréguliers qui s’allon- 
gent à mesure que l'Animalcule s’agite, jusqu'à ce 
que, leur adhérence cessant, il reste comme une queue 
qui se raccourcit en se contractant peu à peu, et finit 
même par disparaître. Ces prolongements accidentels 
sont quelquefois aussi déliés que les filaments mo- 
teurs. Dans tous les cas, ils ont eux-mêmes une cer- 
taine motilité. Ce sont des prolongements de cette 
sorte qui unissent des Monades, pour en faire ces 
combinaisons que Gleichen et d’autres ont nommées des 
boulets-ramés, des jeux-de-nature, etc. Ge sont eux 
aussi qui donnent aux Monades de certaines infusions, 
des caractères qu’on a crus suffisants pour établir des 
genres, mais qui n'ont rien de constant. Dans ces pro- 
longements encore on ne voit aucunes fibres, aucunes 
traces d’une organisation déterminée; et, en effet, 
on concevrait difficilement comment un corps, sou- 
tenu par des fibres et renfermé dans un tégument ré- 
sistant , pourrait s’allonger et s’étirer presque indéfi- 
niment dans tous les sens : ils concourent donc encore 
à prouver, chez les Infusoires qui les produisent, une 
extrême simplicité d'organisation. Il faut bien faire 
attention d’ailleurs que, en uiant dans certains ani- 
maux la présence d’un tégument propre, je ne pré- 


maux primilivement séparés se soient soudés pour former des amas, 
mais bien plutôt que ces amas proviennent d'une gemmation conti- 
nuelle, puisqu'on trouve toujours, dans la même masse , des indivi- 
dus de tous les âges. Quant aux Crustacés parasites et aux Entozoaires, 
ils n'ont point de communication organique réelle avec l'animal aux dé- 
pens duquel ils vivent. 


30 HISTOIRE NATURELLE 


tends pas du tout nier l’existence d’une surface; j’ad- 
mettrai même volontiers que cette surface peut, par 
le contact du liquide environnant, acquérir un cer- 
tain degré de consistance , comme la colle de farine 
ou Ja colle de gélatine qu’on laisse refroidir à l'air, 
mais simplement de cette manière , et sans qu'il se soit 
produit une couche autrement organisée que l’inté- 
rieur, sans que cette surface ait acquis, par le seul 
fait de sa consolidation, des fibres , un épiderme , des 
bulbes pilifères, ou seulement une contractilité plus 
grande ; et encore, si cette surface est réellement plus 
résistante, ce n’est pas, du moins sensiblement, chez 
les Monades et les Amibes. 

Ici encore se présente une question que je ne me 
flatte pas plus de résoudre que celle de là non-sou- 
dure des Arcelles. Comment se produit Fagglutination 
des Monades aux corps étrangers ? Est-elle subordon- 
née à la volonté de ces petits êtres? Je ne voudrais 
pas même à ce sujet entrer dans une discussion sérieuse 
sur Ja vo'onté, sur le Moi des Infusoires, comme l’ont 
fait pourtant des philosophes célèbres, I] paraît toute- 
fois qu’une agglutination du même genre et vraisem= 
blablement involontaire se produit chez les Loxodes 
vivant très-nombreux dans des infusions. Il m'est ar- 
rivé souvént de voir deux ou trois de ces animalcules 
agglutinés d’une manière fortuite, les uns par telle 
partie, les autres par une partie différente , et nageant 
en bloc dans le liquide jusqu’à ce qu’ils se détachas- 
sent , sans qu'on püt soupconner là rien d’analogue à 
. un accouplement. 

— (A—6) Les Infusoires en voie de multiplication 
par fissiparité ou division spontanée , et mieux encore 
ceux qu’un accident a dilacérés , montrent la substance 


DES INFUSOIRES. 31 


charnue, étirée, transparente et sans traces appré- 
ciables d'organisation intérieure. Il m'est arrivé fré- 
quemment de voir cela sur des Infusoires déchirés et 
déformés de la manière la plus bizarre, quand, pre- 
nant un petit paquet de conferves , je le comprimais à 
plusieurs reprises sur une lame de verre, pour en ex- 
primer l’eau que je voulais explorer. On y arrivera 
plus sûrement encore, en laissant tomber brusquement 
sur une goutte d’eau très-riche en Infusoires une lame 
mince de verre, qu’on relève ensuite, ou enfin en 
appuyant un grand nombre de fois , à plat sur le verre, 
une aiguille à travers la goutte d’infusion. Ce sont 
surtout les Trichodes et les Kérones (Oxytricha pel- 
lionella, Kerona pustulata), qui se prêtent le mieux 
à cette opération. Les déformations qui en résultent 
ont donné lieu à l'établissement de plus de trente es- 
péces de Müller ; car les vrais Infusoires, déjà si re- 
marquables par leur fissiparité, ont la propriété de 
continuer à vivre, tout mutilés qu’ils aient été, pourvu 
que Île liquide n'ait pas changé de nature, soit par 
l'addition de quelques nouveaux principes , soit par la 
privation d'oxygène. Il est même extrêmement proba- 
ble que, si, malgré leur petitesse, on pouvait parvenir 
à les couper en morceaux , chaque partie continuerait 
à vivre et deviendrait un Infusoire complet: c’est ce 
que démontrent les fragments qui, restant après la 
diffluence presque totale d’un Infusoire, recommen- 
cent à nager dans le liquide , si on y ajoute une goutte 
d'eau , et mieux encore l'exemple d’une Kerona pustu- 
lata (voyez mon Mémoire, pl. I, fig. D, 3), qui s'était 
accidentellement trouvée partagée presque compléte- 
menten trois fragments, vivant en communet nageant 
en tournoyant autour de la partie moyenne. On doit 


32 HISTOIRE NATURELLE 

remarquer que les parties, ainsi mises à découvert 
par une déchirure, et qui évidemment n'ont pas de 
tégument, ne paraissent pas différer, quant à leur 
aspect extérieur, du reste de la surface : elles sont plus 
diaphanes ; mais elles ne montrent ni moins de fibres 
ni plus de traces de l'intestin et des organes inté- 
rieurs. 

—(B—a). Un des phénomènes les plus surprenants 
que l’on rencontre dans l'étude des Infusoires, c’est 
leur décomposition par difiluence. C’est en même 
temps l'un de ceux qui tendent le plus à prouver la 
simplicité d'organisation de ces animaux. Müller l'avait 
bien vu dans une foule de circonstances : il l’exprime 
par les mots effusio molecularum , efflundi ou dirumpi 
ou solyi in moleculas, difiluere , efflari, etc. Il avait 
été extrêmement surpris de cette singulière décompo- 
sition d’un animal vivant. Tantôt il a vu des Infu- 
soires au seul contact de l’air se rompre et se répandre 
en molécules, ou bien arriver au bord de la goutte 
d’eau entrainant une matière muqueuse qui semblait 
être le principe de leur diffluence; d’autres, traver- 
sant avec vitesse la goutte d’eau, se rompaient et 
diffluaient tout à coup au milieu de leur course (Æni- 
malcula infusoria, præf. p. xv).) Il décrit ainsi la dif- 
fluence de l’Enchelis index, p. 38. « L’animalcule, 
s'étant échoué sur la rive et ayant pris une forme ovale 
ventrue, se décomposa depuis l'extrémité antérieure 
jusqu’au tiers de sa longueur en molécules, qui , au lieu 
de se répandre des deux côtés, comme chez les autres 
Infusoires, s’éloignaient en formant une colonne droite, 
comme Ja fumée d’une cheminée. Le reste du corps, 
au lieu de diffluer de même, s’'échappa au milieu au 
liquide, et, recommençant une nouvelle vie, com- 


DES INFUSOIRES. 33 
pléta bientôt une forme sphérique ». [l dit aussi (p. 106) 
avoir vu le Xolpoda meleagris se résoudre en molé- 
cules jusqu’à la sixième partie, et le reste se remettre 
à nager, comme s’il ne lui füt rien arrivé. Dans vingt 
autres endroits (p. 100 , 109, 215, 270, 290, etc.), 
il décrit avec admiration la difiluence des Infusoires, 
commencant à une extrémité et se continuant sans in- 
terruption jusqu’à la dernière particule qui , l'instant 
d'avant sa décomposition, agitait encore ses cils vibra- 
tiles, pour chasser au loin les molécules qui se sont 
détachées d’elle. 

Si j'ai cité Müller, ce n’est pas faute de pouvoir 
citer des observations qui me soient propres ; mais 
celles de l’auteur danois sont tellement exemptes 
de préventions, et ont un tel cachet de sincérité, 
qu'on ne peut, je crois, leur refuser une croyance 
entière. J'ai vu moi-même nombre de fois la difiluence 
des Infusoires, qui sont susceptibles de la montrer, 
c'est-à-dire qui sont dépourvus de téguments plus ou 
moins résistants, tels que les Trichodes et les Kérones; 
tandis que les Paramécies, les Vorticelles et les autres 
Infusoires, dont la surface est réticulée, offrent un 
autre genre de décomposition , qui sera décrit plus 
loin. On détermine aisément la difiluence, en appro- 
chant du porte-objet une barbe de plume trempée dans 
l'ammoniaque , et l’on peut alors suivre commodément 
sa marche. L'animal s'arrête; mais 1l continue à 
mouvoir rapidement ses cils; puis tout à coup, sur un 
point quelconque de son contour , il se fait une échan- 
crure, et toutes les parcelles provenant de cette dé- 
composion partielle sont chassées au loin par le mou- 
vement vibratile. L'échancrure s'augmente sans cesse 
jusqu'à ce qu’il ne reste plus que l’une des extrémités, 

INFUSOIRES. 3 


34 HISTOIRE NATURELLE 

qui disparaît à son tour ; à moins qu'on n'ajoute une 
goutte d'eau fraîche, qui arrête tout à coup la décom- 
position et rend la vie au reste de l’animalcule. La 
même chose s’observe par suite de l’évaporation pro- 
gressive, quand on laisse la goutte d’infusion à décou- 
vert sur le porte-objet, comme le faisait Müller, au 
lieu de la recouvrir d’une lame mince de verre poli. 
Dans ce dernier cas, on voit même mieux l'effet d’une 
affusion d’eau fraîche. 

Cette diflluence, cette dispersion des molécules sans 
que l’animalcule meure tout entier, M. Ehrenberg , 
qui l’a fort bien vue (1), la regarde comme un phé- 
nomène de reproduction : c’est la ponte, et les gra- 
nules sont les œufs. Nous discuterons plus loin cette 
opinion ; pour le moment, je dois dire seulement que 
les granules en question , qui sont de plusieurs sortes, 
paraissent être pour la plupart étrangers aux phéno- 
mènes de vitalité des Infusoires. Les uns sont évidem- 
ment des particules inertes ou organiques avalées par 
l’animalcule pendant sa vie; les autres sont des con- 
crétions produites dans la substance glutineuse vivante. 
Le résidu, laissé sur ie porte-objet, peut aussi mon- 
trer un bien plus grand nombre de granules, si on le 
regarde avec un microscope médiocre, qui donne cet 
aspect à toutes les parcelles irrégulières. Au milieu de 
ce résidu se voient aussi un ou plusieurs globules plus 


(1) Cet auteur, dans son mémoire de 1836 (Zusätze zur Erkennt- 
niss, etc.), dit à la page 5 : a On peut faire pondre artificiellement les 
Stentor, si on les observe avec peu d'eau sur une lame de verre. Ils 
s'élargissent d'abord et laissent sortir d'un endroit quelconque de leur 
corps des grains verts par la déchirure de l'enveloppe. Si on ajoute alors 
un peu d'eau nouvelle, ils s'arrondissent de nouveau, ia déchirure de 
la peau se ferme , et ils recommencent à nager , tandis que , dans d’au- 
tres cas, ils continuent à se décomposer (zerfliessen) entièrement. » 


DES INFUSOIRES. 35 


où moins volumineux, que Müller avait déjà observés 
et qu'il prenait pour des œufs ou des ovaires, et que 
M. Ehrenberg, en certains cas, a nommés testicules 
(Samendrüse ). 

Je dis que le phénomène de la diffluence offre une 
des preuves les plus frappantes de la simplicité d’or- 
ganisation des Infusoires ; car il est certain que si des 
fibres musculaires, si un tégument résistant, si un 
intestin et des estomacs existaient à l’intérieur, on en 
verrait quelque indice pendant cette décomposition 
progressive. On ne pourrait, en effet, supposer que 
tous ces éléments de l'organisme se décomposent à la 
fois, et qu'il n’y en a pas un seul qui subsiste un in- 
stant de plus que les autres ; puisque l’on voit les 
Planaires, les Distomes, les Méduses même qui oc- 
cupent dans la série du règne animal un rang encore 
moins élevé que celui qu’on voudrait assigner aux 
Infusoires ; puisque l’on voit, dis-je, ces animaux, 
en se décomposant, montrer distinctement les divers 
éléments de leur structure, et notamment des fibres 
bien visibles. 


DU SARCODE. 


(B—b). Un autre phénomène de décomposition des 
Infusoires, c’est l’exsudation de la substance gluti- 
peuse de l’intérieur à travers les mailles du tégument 
lâche qu’on aperçoit comme un réseau à la surface ; il 
s’observe en général chez les Infusoires, qui ne se dé- 
composent pas par difluence; chez les Paramécies, 
les Leucophres, les Vorticelles, etc., et chez d’autres 
espèces dont le tégument, quoique non réticulé, est 
cependant bien réel , telles que les Euglènes , les Disel- 

3. 


36 HISTOIRE NATURELLE 

mnis , etc. (1). On voit cependant que'quefois aussi des 
globules de cette substance glutineuse , que j’ai pro- 
posé de nommer Sarcode ; se montrer sur le contour des 
Infusoires décomposables par difluence , et, chez ceux 
qui se décomposent déjà, dans les parties qui sont 
moins exposées au mouvement vibratile des cils. Dans 
ce dernier cas ces globules, pouvant rester adhérents 
par un étranglement ou.une sorte de pédicule à la 
partie déchirée Ce l’animalcule , ressembleront quel- 
quefois aux prétendus estomacs de M. Ehrenberg ; je 
crois même que cet auteur a représenté des globules 
sarcodiques , ainsi pédicellés, dans plusieurs figures 
de son ouvrage. Souvent aussi de tels globules, se 
détachant tout à fait, flottent dans le liquide et sui- 
vent les courants occasionnés par les cils. On pourrait 
alors, ainsi que M. Ehrenberg, les regarder comme des 
estomacs tout à fait isolés et maintenus fermés par la 
contraction spontanée de leur pédicule rompu, si l’on 
pouvait concilier cette supposition avec la largeur de 
ce même pédicule avant la séparation. On ne pourra 
d’ailleurs conserver le moindre doute à ce sujet, si 
l’on examine attentivement, pendant un temps sufli- 
sant, les exsudations globuleuses ou discoïdes des 
Infusoires, et surtout celles plus volumineuses de la 
Leucophra nodulata, qui vit dans l’intérieur des Lom- 


(1) Quand on brise ou déchire les Navicules, les Bacillaires, les 
ÆEuastrum , les Clostéries, etc., que M. Ehrenberg classe parmi les 
Infusoires, la substance vivante qui en sort a beaucoup plus de rap- 
port avec celle des Characées et des Conjugées qu'avec celle des Infu- 
soires, Elle montre, dans ses différents lobes, une disposition à se 
mettre en globules, qui semble bien annoncer un certain degré de 
coutractililé ; quelques lobules même, dans les Bacillaires et les Na- 
vicules sont diaphanes comme le sarcode des Infusoires, mais je n'y ai 
jamais pu d'stinguer ni motitilé, n! formation de vacuoles. 


DES INFUSOIRES,. 37 
brics, et qui à fait l’objet d’un des chapitres de mes 
recherches sur les organismes inférieurs( {nnales des 
Sciences naturelles , décembre 1835). On ne manquera 
pas, en effet, de voir quelques-unes de ces exsuda- 
tions glutineuses se creuser de cavités sphériques ou 
de vacuoles, qui iront en s’agrandissant jusqu’à l’en- 
tière destruction des masses glutineuses ou sarcodi- 
ques. Ce qu'on voit plus difficilement dans les Infu- 
soires, on peut l’observer avec la plus grande facilité, 
au contraire , sur les vers intestinaux, et particulière- 
ment sur la Douve du foie ( Distoma hepaticum), qui 
laisse exsuder des globules sarcodiques de + millimètre 
environ, dans lesquels la production des vacuoles se 
voit admirablement (1). 

Dans ces différents cas, cette substance se montre 
parfaitement homogène , élastique et contractile, dia- 
phane, et réfractant la lumière un peu plus que l’eau, 
mais beaucoup moins que l'huile, de même que la 
substance gélatineuse ou albumineuse sécrétée par les 
vésicules séminales de plusieurs mammifères, et que 
celle qui accompagne les globules huileux dans le vi- 


(1) Je ne puis qu'engager les naturalistes à répéter cette observation 
sur les Entozoaires , et particulièrement sur les Tænias et les Distomes, 
pour acquérir une notion claire de la nature du sarcode et de la pro- 
priété qu'il a de se creuser spontanément de vacuoles. Tous les Ento- 
zoaires trématodes et cestoides m'ont fait voir de nombrenx globules 
de sarcode , lorsque je les conservais vivants avec un peu d'eau entre des 
lames de verre ; mais le Distome hépatique , si commun dans les canaux 
biliaires du foie des moutons, où sa présence est dénotée par un gon- 
flement bien visible, est celui qui m'a donné cette substance en glo- 
bules plus gros. Quand on a appris à l'observer, on le trouve aisément 
malgré sa transparence sur le contour desplus petits Tænias, des Scolex 
habitant l'intestin des poissons, des Distomes du poumon ou de la vessie 
des grenouilles , et de tous les autres Entozoaires qu'on laisse mourir 
entre les plaques de verre , ainsi que sur le bord des plaies de diverses 
Annelides et des jeunes larves vermiformes d'insectes. 


56 KISTOIRE NATURELLE 


tellus des œufs d'oiseaux , de poissons, de mollusques 
et d’articulés. On n'y distingue absolument aucune 
trace d'organisation, ni fibres, ni membranes, ni ap- 
parence de cellulosité , non plus que dans la substance 
charnue de plusieurs Zoophytes ou Vers, et dans celle 
qui, chez les jeunes larves d'Insectes, est destinée à 
former plus tard les ovaires et les autres organes inté- 
rieurs. C'est là ce qui m'avait déterminé à donner à 
cette substance le nom de sarcode, indiquant ainsi 
qu'elle forme le passage à la chair proprement dite, 
ou qu'elle est destinée à le devenir elle-même. L'idée 
exprimée par cette dénomination univoque, a d’ail- 
leurs commencé à s’introduire dans la physiologie; on 
a dû reconnaître en eftet que, dans les embryons et 
dans les animaux inférieurs , le tissu cellulaire ne peut 
avoir encore les mêmes caractères que dans les verté- 
brés adultes, et qu'il a dü être primitivement une 
sorte de gelée vivante. Qu’on l'appelle de ce dernier 
nom, ou qu'on l'appelle tissu hypoblasteux, comme 
le propose M. Laurent, ce sera toujours la même sub- 
stance dont on aura voulu parler : une substance qui, 
dans les animaux supérieurs, est susceptible de rece- 
voir avec l’âge un degré d'organisation plus complexe ; 
mais qui, dans les animaux du bas de l'échelle, reste 
toujours une simple gelée vivante, contractile, exten- 
sible, et susceptible de se creuser spontanément de 
cavités sphériques ou de vacuoles occupées par le li- 
quide environnant qui vient toujours, soit directe- 
ment, soit par imbibition , occuper ces vacuoles. Telie 
paraît être la cause qui, dans les animaux plus éle- 
vés, détermine la transformation de cette substance 
homogène en une substance plus organisée. 

Ilest d’ailleurs toujours facile de distinguer les £lo- 


DES INFUSOIRES. 39 


bules sarcodiques qui agissent sur la lumière comme 
des lentilles convexes faibles, comparativement aux 
globules huileux , et les vacuoles qui agissent au con- 
traire comme des lentilles concaves, puisque ce sont 
des cavités sphériques remplies d’eau, au milieu d’une 
substance plus dense ou plus réfringente. 

Cette substance, Lamarck la nommait, dans les 
Infusoires, tissu cellulaire, d’après l'usage qui vou- 
lait que ce füt là le tissu le plus élémentaire ; cepen- 
dant il en parlait comme d’une masse glutineuse ho- 
mogène , et, s’il y supposait des cellulosités, c'étaient 
donc des cellulosités absolument invisibles. 

Müller, qui avait vu les exsudations de sarcode au- 
tour des Infusoires ou dans leurs déchirures, les décrit 
comme des vésicules ou des bulles diaphanes ; il a même 
vu des vacuoles dans quelques-unes de ces exsudations, 
et les regarde comme des vésicules inciuses (voy. Kol- 
poda nucleus, Anim. inuf., pag. 99); il les regarde 
en général comme des ovaires ou des ovules. En par- 
lant du Kerona histrio, il les désigne simplement sous 
le nom de molécules muqueuses ( moleculæ mucideæ ). 
Gleichen et beaucoup d’autres observateurs les ont 
vues également, mais se sont mépris sur leur signifi- 
cation; il est présumable que le prétendu gaz intesti- 
nal, observé par M. Ehrenberg sur son Ophryoglena 
flavicans (Infusionsthierchen, p. 360, et pl. xz, 
f.1x d.), n'était autre chose qu'une exsudation de la 
substance glutineuse. 

Lorsque je décrivis pour la première fois cette sub- 
stance sous le nom de sarcode, en 1835, ses propriétés 
d’être insoluble , mais décomposable par l’eau; d'être 
coagulée par l'acide nitrique, par l'alcool et par la 
chaleur ; de se dissoudre bien moins que lalbumine 


Lk0 HISTOIRE NATURELLE 


dans la potasse, qui paraît seulement hâter sa décom- 
position par l’eau; sa faible réfringence et son carac- 
tère de viscosité et d’élasticité, m’avaient paru suffire 
pour la distinguer des autres produits de l'organisme, 
tels que l’albumine, le mucus et la gélatine. La sin- 
gulière faculté de se creuser de cavités sphériques ou 
vacuoles remplies d'eau , m'avait paru tenir à un reste 
de vitalité qui l'aurait encore plus essentiellement 
distinguée des substances que j'ai citées. Mais nous 
connaissons si peu ce qu'on a confondu sous le nom 
commun d'albumine, qu'il n'est peut-être pas im- 
possible que diverses substances , essentiellement dif- 
férentes, aient les caractères que j'ai assignés au 
sarcode, et qu'il reste encore à trouver un caractère 
spécial pour distinguer la substance charnue des ani- 
maux inférieurs. 

Malgré de légères variations dans la manière de se 
comporter avec l’eau, il me semble que cette sub- 
stance est bien analogue à celle des embryons de mol- 
lusques, quand la vie commence à s’y manifester ; à 
celle de très-jeunes articulés , et même à la substance 
que dans les poissons on trouve entre la peau et la 
chair; et que, chez plusieurs vertébrés, on fait sortir 
par expression de l'épaisseur des membranes mu- 
queuses. 

Le vitellus des œufs d’articulés et des poissons est en 
partie formé d’une sorte d’albumine peu soluble dans 
l'eau, et susceptible de se creuser de vacuoles comme 
la substance des Infusoires, mais bien moins consi- 
stante et moins élastique; d’où résulte qu’au lieu de 
former des globules dans l’eau , elle forme des disques 
ou des gouttes aplaties sur la plaque de verre. La por- 
tion la plus consistante de la liqueur spermatique, 


BES INFUSOIRES. ki 


celle qui est sécrétée par les vésicules séminales, 
ou par les vésicules accessoires, chez le cochon 
d'Inde, par exemple, a la propriété de former dans 
l’eau des gouttes aplaties ou des disques lenticu- 
laires, et de se creuser aussi de vacuoles; mais ce 
phénomène dure très-peu et Ja dissolution est bientôt 
complète, La partie extérieure et demi fluide du cris- 
tallin , celle qui , immédiatement au-dessous de la cap- 
sule, se confond avec l'humeur de Morgagni, m'a 
présenté aussi des particularités très-analogues ; ainsi 
elle forme des globules qui réfractent fort peu la 
lumière, paraissent assez élastiques, et se creusent 
ordinairement de vacuoles; mais ici cette propriété 
est absolument étrangère aux phénomènes vitaux, car 
on l’observe encore au bout de plusieurs jours, lors- 
que les humeurs de l’œil ont déjà subi un commence- 
ment de putréfaction. 

Le fait de la formation spontanée (1) des vacuoles 
pourrait être un phénomène physique et non organi- 
que; ces derniers exemples tendent à le faire croire ; 
quoi qu'il en soit, cependant, on devra reconnaître 
que ce fait doit avoir une grande influence sur le pas- 
sage de la substance glutineuse homogène à un degré 
d'organisation plus élevé. 

La substance glutineuse qui constitue la presque 
totalité ou la plus grande partie du corps des Infu- 
soires étant dès lors considérée comme simple et homo- 


(1) Quand on a préparé une émulsion avec de l'huile et de l'eau gom- 
mée ou sucrée ou albumineuse, et qu'on la soumet au microscope, on 
voit, dans les plus grosses gouttes d'huile, des gouttelettes d'eau em- 
prisonnées ou simplement enchässées à la surface , et qui sont de véri- 
tables vacuoles occupées par un liquide moins dense que le milieu en- 
vironnant ; mais ce ne sont pas des vacuoles formées spontanément. 


Lk2 HISTOIRE NATURELLE 


gène , il devient sans doute fort difficile de s'expliquer 
son extensibilité et sa contractilité; mais, vérita- 
blement, on ne serait pas plus avancé en la considé- 
rant comme du tissu cellulaire à mailles invisibles, 
puisque le tissu cellulaire, tel que nous le connaissons 
dàns les vertébrés, est tout à fait privé de ces pro- 
priétés. 

Au lieu de dire dans ce cas, comme dans beaucoup 
d’autres, que nous ne savons pas comment se produi- 
sent, et le mouvement et les phénomènes de la vie, 
il peut paraître plus simple de supposer, comme 
M. Ehrenberg l’a fait pour les expansions des Amibes 
et des Arcelles, qu'il y a dans cette substance si dia- 
phane et en apparence si homogène, des membranes, 
des muscles, des fibres et des nerfs imperceptibles ; 
mais, encore une fois, à part les réflexions que fait 
naître cet abus étrange de l'argument analogique, ne 
voit-on pas que c’est seulement reculer la difficulté 
que de supposer des organes invisibles là où l’on ne 
peut rien apercevoir. 


CHAPITRE IV. 


ORGANES LOCOMOTEURS ET ORGANES EXTÉRIEURS OU 
APPENDICULAIRES DES INFUSOIRES. 


Les principaux organes extérieurs des Infusoires sont 
les divers prolongements de leur substance charnue 
vivante, qui, sous la forme d’expansions, ou de fila- 
ments, ou de cils, ou de sotes, servent à la fois à la 
locomotion et à la nutrition , ou à la respiration, en 
multipliant les points de contact de la substance vi- 
vante avec le liquide environnant et avec l'air contenu. 


DES INFUSOIRES. Là 


D'autres prolongements filiformes, comme ceux des 
Actinophrys ne peuvent servir qu'à ce dernier usage, 
puisqu'ils sont presque immobiles. Les soies plus 
dures et cornées qui servent à l’armure de la bouche 
de certains genres, et les diverses sortes de cuirasse 
ou de têt, peuvent aussi être considérées comme or- 
ganes extérieurs. 

Les expansions des Amibes et des Difilugies , tantôt 
plus courtes, tantôt plus efhlées , et enfin tout à fait fili- 
formes , simples comme dans le 7rinema (Difflugia en- 
chelis Ehr.), ouramifiées dans les Gromies et les Rhizo- 
podes, offrent tous les passages jusqu’au long filament 
flagelliforme qui sertd’organelocomoteur aux Monades. 
Ces derniers Infusoires eux-mêmes sont susceptibles , 
comme je l’ai déjà dit , de s’agglutiner aux corps solides 
par une parlie quelconque de leur surface, et s’éti- 
rent ensuite de manière à présenter un ou plusieurs 
filaments latéraux ou postérieurs également contrac- 
tiles et mobiles. Ces filaments, qu'on reconnaît bien 
n'avoir rien de fibreux, de membraneux ou d’épider- 
mique , se contractent et se meuvent par eux-mêmes , 
et ne sont point du tout mus par des muscles insérés à 
Jeur base, qui leur feraient décrire une surface coni- 
que ayant son sommet au point d'attache, comme 
M. Ehrenberg l’a supposé et même figuré (Monas 
guttula, Infusionsth. 1838, pl. 1, fig. 11). Pour 
s’en convaincre, il faut observer les Monades vivant 
dans les vieilles infusions ; on en verra dont le fila- 
ment, trois ou quatre fois aussi long que le corps, 
se meut simplement à l'extrémité comme un fouet 
vivement agité, et demeure roide ou légèrement 
courbé vers sa base. 


M. Ebrenberg, qui nomme ce filament une trompe, 


L 


4% HISTOIRE NATURELLE 


et qui, particulièrement chez les Monades, dit l'avoir 
observé en laissant évaporer sur le -porte-objet du mi- 
croscope la goutte d’eau contenant ces animalcules, 
ne paraît pas avoir connu sa vraie longueur : il l'avait 
pris d’abord pour une vraie trompe, et avait même 
représenté l’afflux des particules nutritives à l’extré- 
mité, chez ses 7'rachelomonas et Chætoglena (n° mé- 
moire 1833, pl. vx, f. iv). Maintenant, à la vérité, 
il prend cette trompe pour un prolongement de la 
lèvre supérieure ; et même, en parlant de son genre 
Phacelomonas, qui est pourvu de huit à dix sembla- 
bles filaments, il dit que les trompes et les cils nesont 
point des organes trop différents entre eux (/nfus., 
p. 28). La bouche, suivant lui, est à la base des fila- 
ments; mais rien ne prouve que cette supposition soit 
fondée, car chez un grand nombre d’Infusoires pour- 
vus de cet organe, tels que les Euglena, on ne voit 
point d'intromission réelle de matière nutritive ou 
colorante ; et chez les Monades, qui souvent présen- 
tent de petits amas de matières étrangères à l’inté- 
rieur , l’intromission n’a point eu lieu à la base de la 
trompe , non plus que par l'extrémité. 

Si personne aujourd'hui ne veut persister à voir 
dans ces filaments de vraies trompes contenant un 
œsophage (1), je ne reviendrai pas sur les arguments 


(1) M. Ehrenberg décrit sous le nom de Z'rachelius trichophorus 
(Infusionsthierchen , p. 322, pl. 33, f. xur), un Infusoire qui parait bien 
être le même que j'ai nommé Pyronema en 1836 ; il représente comme 
une trompe assez épaisse et terminée par un bouton , ce que j'ai décrit 
comme un filament flagelliforme qui s'amincit considérablement à l'ex- 
trémité. A la vérité , il dit dans le texte que cette trompe est extraor- 
dinairement mince et difficile à voir , et que dans les individus observés 
en Russie , il n'a pas vu de bouton à l'extrémité de la trompe. D'ailleurs, 


LE 


DES INFUSOIRLS, 5 
que dans mes précédents mémoires je tirais de la té- 
nuité de ces filaments, qui deviennent de plus en plus 
minces à l’extrémité, et de leur facile rupture, et enfin 
de leur multiplicité. Je dirai pourtant que cette der- 
nière circonstance s'oppose même à ce qu'on suppose 
la bouche à leur base, puisque, chez l’'Infusoire que 
j'ai nommé //examila, rien n'indique la présence 
d’une bouche à la base d'aucun des six filaments qui 
partent de différents points, de sorte qu'il y aurait 
autant de raison à y supposer six bouches invisibles 
qu’à en supposer une seule. 

Les divers prolongements filiformes des Infusoires, 
quoique de même nature, se montrent plus où moins 
consistants, plus ou moins contractiles : ainsi, tandis 
que ceux des Gromia, pouvant à chaque instant s'é- 
tendre, puis se fondre dans la masse , ne montrent que 
rarement un desré de tension qui leur permette d'aban- 
donner le plan de reptation; ceux du 7rinema, qu’on 
aurait tort de confondre avec les Diflugies (1), se 
dressent dans toute leur longueur, et s’inclinent d’un 
côté à l’autre, cherchant un point d'appui où ils se 
fixent et s'agglutinent pour faire avancer l’animalcule 
en se contractant; ceux du Diselmis viridis ont encore 
la faculté de s'agulutiner au verre; cependant ils ne 
sont pas susceptibles de se contracter entièrement, et 
même, aprés s'être rompus ou détachés, ils restent 


en assimilant ce filament au prolongement antérieur garni de cils vi- 
bratiles des autres Z'rachelius , il ne le considère de même que comme 
un organe de tact et de mouvement , et il place la bouche à sa base. 

(4) La Diffluzia enchelys de M. Ehrenberg est évidemment le même 
Iufusoire que j'ai nommé Z'rinema en 1836; mais on reconnailra à l'in- 
speclion des figures qu'il en donne ( Zaf. pl. 1x, fig. iv) que l'auteur 
aémand n'a pas bien vu ni compris les filaments de cei animalcule. 


&G HISTOIRE NATURELLE 


quelque temps visibles dans l’eau comme des filaments 
flottants , sans mouvement. Dans d’autres espèces, des 
filaments agglutinés par l'extrémité se contractent 
brusquement , de manière à lancer l’animalcule à une 
certaine distance. 

Les cils vibratiles paraissent être de la même nature 
que ces divers filaments : on les voit, dans un grand 
nombre d’Infusoires, se crisper et se décomposer après 
la mort comme une substance glutineuse, à moins 
qu'ils n'aient été fixés à la plaque de verre par l’éva- 
poration du liquide : quelques-uns persistent pendant 
quelque temps , maisils ne sont jamais d’une substance 
cornée comme ceux des Entomostracés et des articulés 
en général, puisque aucun ne persiste si on y ajoute 
un peu d’alcali. 

On ne peut donc, dans aucun cas, les assimiler à 
des poils cornés, sécrétés par un bulbe et mus par des 
muscles ; l’analogie, prise des animaux supérieurs, a 
donc évidemment entraîné trop loin ceux qui admet- 
tent une telle similitude, et supposent des muscles 
insérés à la base des cils. M. Ehrenberg dit cependant 
avoir vu dans les grandes espèces de ses genres Stylo- 
nychia et Kerona, la base de chaque cil en forme de 
bulbe, et ce cil décrivant une surface conique, dont le 
sommet est au bulbe même : il croit pouvoir expliquer 
ce mouvement par l’action de deux muscles qui agis- 
sent sur leur base. De plus, il regarde la distribu- 
tion constante des cils en rangées , comme due à l'exi- 
stence des muscles longitudinaux qui les mettent en 
mouvement par série; mais il a soin d'ajouter que ce 
fait n’est pas facile à observer directement : je le crois 
bien; je dirai même que la difficulté de les apercevoir 
est si grande , que jamais je n'ai rien pu voir de sem- 


DES INFUSOIRES. k7 


blable. C’est de ce résultat négatif que j'ai tiré la con- 
séquence toute contraire, qu'il n'y a point de muscles 
moteurs pour les cils; je crois même que les cils vi- 
bratiles, au lieu. d’être portés sur les granules de la 
surface réticulée de certains Infusoires, sont situés 
dans les intervalles; quant aux appendices plus vo- 
lumineux des Kerones ( Stylonychia, Kerona, Oxy- 
tricha), ceux qu'on a nommés crochets et styles, ils 
montrent en effet un épaississement à leur base ; mais 
rien ne prouve qu'il y ait un vrai bulbe; bien au con- 
traire, la décomposition totale, par diffluence de ces 
Infusoires, montre que c'est partout une même sub- 
stance. 

Müller avait déjà distingué, parmi les appendices 
ciliformes des Infusoires, ceux qui sont plus fins et 
vibratiles ( Cilia micantia), et ceux qui , plus gros ou 
plus roides, sont immobiles (Setæ), ou simplement 
capables de se plier ou de s’infléchir en divers sens, 
pour servir à la progression ou au toucher ; il nom- 
mait ces derniers cirri ou cornicula. M. Ehrenberg, en 
outre des cils et des soies, distingue aussi des styles et 
des crochets (uncini ). 

Il peut paraître surprenant que des organes aussi 
divers soient resardés comme des expansions plus ou 
moins consistantes de la substance même qui consti- 
tue en majeure partie le corps des Infusoires ; peut- 
être devra-t-on admettre quelque autre différence dans 
leur nature, puisque véritablement une substance 
organisée peut être modifiée de plusieurs manières ; 
mais cette différence, si grande qu’on la veuille sup- 
poser, ne pourra jamais aller jusqu’à en faire de vrais 
poils sécrétés par des bulbes comme ceux des vertébrés; 
ou même des poils cornés tubuleux, comme ceux des 


48 HISTOIRE NATURELLE 

animaux articulés. Müller, quoiqu'il parle à plusieurs 
reprises de la base globuleuse de ces appendices , comme 
s’il leur supposait des bulbes sécréteurs, rend aussi 
témoignage de leur nature molle et glutineuse et de 
leur décomposition dans l’eau , notamment à l’occasion 
de la difiluence du 77ichoda charon et de l'Himan- 
topus sannio (1). On peut d’ailleurs se convaincre fa- 
cilement de ce fait, en approchant d'un flacon d’am- 
moniaque le porte-objet chargé d’Infusoires tels que les 
Kerones , les Plæsconies, etc. Ces animalcules cessent 
bientôt de se mouvoir, et subissent des déformations 
curieuses; leurs cils se crispent et se contractent , et 
finissent par disparaître, comme on le voit dans les 
figures que j'ai données , représentant les changements 
successifs de la Kerona pustulata et de la Plæsconia 
charon. 

Ge dernier exemple montre aussi que la cuirasse 
des Plæsconia n’est pas plus de nature cornée que 
les cils, car elle se déforme et se décompose en 
même temps, bien différente en cela de la cuirasse des 
Brachions , qui se censerve dans l’eau et résiste même 
à la putréfaction. Le têt des Arcelles, des Diflugies, 
des 7'rachelomonas et de plusieurs autres 7’hecamo- 
nadiens, se conserve aussi sans altération, ainsi que 
l'étui des Dynobryum et des Tintinnus, et Vagini- 
cola : il en peut assurément résulter de fort bons ca- 
ractères pour la distinction des groupes, mais on ne 
peut rigoureusement donner à ces parties la dénomi- 
nation commune de cuirasse. 


(1) Muller s'exprime ainsi (Animalcula Infusoria , p. 229) : Cilia 
in mortus evanescunt, ctp. 250 : aqua deficiente… cilix rigida absqué 
môtu, pauéis mormentis persistentia , evanuére denique prorsus. 


DES INFUSOIRES. L9 


Les petites baguettes solides qui entourent comme 
une nasse la bouche des Chilodon, des Prorodon et des 
Nassula, résistent beaucoup plus à la décomposition 
que les autres appendices. Je les ai même vus persis- 
ter après l'action d’une solution de potasse, qui avait 
dissous tout le corps d’un gros Chilodon ( Kolpoda 
cucullulus, Müller ?) (1); mais celles des Vassula se 
dissolvent au contraire très-bien dans ia potasse. On 
peut sans doute admettre que ce sont des productions 
cornées analogues aux soies des Naïs, et plus encore 
aux crochets des Tænias, des Cysticerques et des 
Echinocoques. Nous ne savons comment se forment 
celles-ci; mais nous savons que leur présence n’est 
pas l'indice d’une organisation très-complexe ; et celle 
des Infusoires étant encore plus simple, nous n’avons 
pas de motifs pour les regarder comme indiquant 
tout un système d'organes qu'on ne saurait aper- 
cevoir. 

Les pédicules contractiles des Vorticelles peuvent 
aussi être comptés parmi les organes extérieurs des 
Infusoires. Leur structure et le mécanisme de leurs 
mouvements présentent un des problèmes les plus 
difficiles de cette étude. On voit, à la vérité, dans leur 
cavité centrale, une substance charnue moins transpa- 
rente, mais ce n'est point, comme on à paru le croire, 
une vraie fibre musculaire : au contraire, la partie 
diaphane enveloppant ce cordon charnu et formant 
une bande plus mince vers un de ses bords, se con- 


(1) Cet Infusoire, observé dans l’eau de l'Orne en 1835, était beau- 
coup plus gros que les Chilodon cucullulus que j'ai revus ailleurs , car 
il était long de ? millimètre; il avait en outre un point oculiforme rou- 
geätre, qui persista avec le cercle aréolaire qui l'entourait, ainsi que 
l'armure de la bouche après l'action de la potasse. 


INFUSOIRES. % 


50 ‘4 HISLOIRE NATURELLE 

tracte seule ; et comme elle le fait davantage au bord 
le plus épais, il en résulte une courbe en LA dont 
le bord externe est occupé par le tranchant du pé- 
dicule. 

Leur substance paraît plus résistante que celle des 
cils , car on en voit quelquefois qui restent assez long- 
temps isolés dans le liquide. Les pédicules simples ou 
rameux des Epistylis sont encore plus résistants : ils 
restent fixés aux plantes aquatiques bien longtemps 
après que les animaux ont disparu, et présentent alors 
le plus grand rapport avec les polypiers cornés des 
Sertulariées , ainsi que les étuis des Dynobryum. 

Pour compléter l’examen des organes externes 
des Infusoires, il faut encore parler de l'enveloppe 
réticulée si évidente des Paramécies, des Vorticel- 
les, etc., laquelle se contracte dans un sens ou dans 
l’autre avec plus ou moins de rapidité. Cette enve- 
loppe est susceptible de laisser exsuder la substance 
intérieure , et paraît constituer un réseau contractile 
dont les nœuds en séries transverses ou obliques , don- 
nent à la surface l'apparence d’une granulation régu- 
lière; mais la substance contractile elle-même est ho- 
mogène et non granulée ou formée de granules. 1] y 
a donc véritablement ici une certaine analogie avec la 
fibre élémentaire qui, dans les insectes, se montre es- 
sentiellement homogène et simplement noduleuse par 
l'effet de la contraction. On pourrait dès lors vouloir 
poursuivre l’analogie jusque chez les expansions si 
diaphanes des Arcelles et des Amibes, mais encore 
faudrait-il alors reconnaître que la contractilité est 
dans la masse tout entière et non dans des fibres 
incluses où dans un tégument. 


DES INFUSOIRES. s 5 


CHAPITRE V. 


BOUCHE ET ANUS DES INFUSOIRES. 


Sans remonter jusqu'aux plus anciens microgra- 
phes, qui ont cherché à deviner, plus qu'ils n’ont 
observé réellement, l’organisation des Infusoires ; nous 
trouvons l’existence d’une bouche chez les Infusoires, 
mentionnée positivement par Gleichen chez les Kol- 
podes, et indiquée sept ou huit fois directement ou 
indirectement par Müller, quand il parle de l'intestin. 
Ainsi, à la page 240 de son ouvrage, il dit que le 
Kerona mitylus avale continuellement beaucoup d’eau; 
à la page 197, il dit que le 7richoda linter présente 
une incision par laquelle il paraît avaler l'eau. Son 
Trichoda lyncœus aurait aussi, suivant lui, un canal 
intérieur , allant de la bouche aux viscères du milieu 
du corps; cependant il déclare, bien positivement ail- 
leurs, n'avoir jamais vu un Infusoire avaler sa nour- 
riture. 

Lamarck donna précisément à ses vrais Infusoires 
le caractère d’être astomes ou sans bouche; mais :il 
accorda cet organe à ceux qu'il place parmiles Polypes 
ciliés. M. Bory refusa également une ouverture buc- 
cale à ses deux ordres d’Infusoires, des Gymnodés et 
des Trichcdés, et n’en recornut l'existence que chez 
ses Stomoblepharés, comprenant les Vorticelles sans 
pédicule. 

M. Ehrenberg, en annoncant ses idées sur l’organisa- 
tion des Infusoires en 183%, accorda à tous ces animaux 
une bouche entourée de cils, et attacha tant d’impor- 
tance à la position de cet organe, qu’il caractérisa par 


L.. 


52 d HISTOIRE NATURELLE 


là ses divers genres de Aonadines ; les uns devant avoir 
une bouche tronquée terminale dirigée en avant, les 
autres cette même bouche tronquée , dirigée en divers 
sens dans le mouvement , quelques autres enfin une 
bouche oblique sans bords et bilobée. Les Cryptomo- 
nadines étaient aussi distingués par une bouche ciliée 
ou nue ; celle des Euglènes était positivement ciliée ; 
les Vibrions eux-mêmes devaient avoir une bouche 
terminale. Les Enchelides et les Leucophres étaient 
pourvus d’une bouche terminale droite ou oblique, 
presque aussi large que leur corps. De tels résultats, 
quoiqu'ils eussent été modifiés, en 1832 et 1833, par 
la découverte d’une trompe chez quelques Cryptomo- 
nadines et chez l’'Euglena viridis, étaient trop inadmis- 
sibles pour que je ne fusse pas tenté de les contredire. 
Ma contradiction, en 1835, a été trop loin; et con- 
vaincu , comme je le suis encore, de l’inexactitude des 
faits que je viens de citer, j'ai conclu que les autres 
vrais Infusoires ne pouvaient non plus avoir de bou- 
che. Je ne tardai pas à revenir sur cette assertion ha- 
sardée ; et, au commencement de 1836 (_{nnales des 
Sciences naturelles, avril 1836), je dis avoir vu non- 
seulement l'introduction des substances colorées par 
une ouverture particulière dans les Kolpodes, mais 
encore la déglutition de plusieurs brins d’oscillaires 
par une Vassula, ayant la bouche entourée d’un fais- 
ceau de soies cornées roides. 

Dans son mémoire de 1836, M. Ehrenberg confirma 
son observation du filament flagelliforme de certains 
Infusoires, qu'il a continué depuis à nommer une 
trompe, quoiqu'il en ait trouvé plusieurs à la fois dans 
certains genres et qu'il les regarde comme analogues 
aux cils. La bouche, suivant lui, n’est donc point 


DES INFUSOIRES. 53 


située à l'extrémité, mais à la base de ces trompes. Il 
n’a pu toutefois établir autrement que sur des conjec- 
tures l'existence de cette bouche dans les Infusoires à 
filaments. Quant aux Infusoires qu’il avait représentés 
primitivement avec une si large bouche, il a quelque 
peu varié à leur égard; et sans renoncer positivement 
à ses anciennes figures de la Leucophra patula, où il 
avait représenté leur intestin, il en donne de nouvel- 
les, qui ne montrent ni l'intestin ni la grande bouche. 

On ne peut toutefois douter de la présence d'une 
bouche que chez les Monadiens, les Vibrions, les 
Amibes, les Euglènes et les autres espèces d’Infusoires 
non pourvus de cils vibratiles, sans parler des Navi- 
cuies et des Clostéries. Chez beaucoup d’Infusoires 
ciliés , il existe réellement une ouverture servant à l’in- 
troduction des aliment, et chez quelques-uns même, 
cetle ouverture est munie d’appendices particuliers, 
d’un faisceau de petites baguettes cornées, qui l’entou- 
rent comme l'entrée d’une nasse, chezles Chilodon, Nas- 
sula, Prorodon et Chlamidodon, ou d’une lame vibra- 
tile, sorte de valve charnue chez les Glaucoma. Il est 
bien certain aussi que cette ouverture est susceptible de 
dilatation à la volonté de l’animalcule, et que les ba- 
guettes cornées qui l'entourent peuvent s’avancer plus 
ou moins, s’écarter et se rapprocher pour faciliter la 
déglutition d’une proie plus ou moins volumineuse. 
Il n’en faut pas davantage sans doute pour qu’on puisse 
regarder cette ouverture comme une bouche. Si cepen- 
dant on devait conclure de l’existence d’une bouche à 
celle d’une cavité digestive permanente, il faudrait 
ne lui donner ce nom qu'avec une certaine réserve. 
En effet il y a une ouverture pour l'introduction des 
aliments, et la cavité destinée à loger ces aliments 


54 HISTOIRE NATURELLE 


n'existe point d’abord : elle est formée successivement 
par ces aliments eux-mêmes et par l’eau que le mou- 
vement des cils y pousse incessamment. La substance 
charnue intérieure arrive jusque contre la bouche et 
se trouve progressivement creusée d’un tube en cul- 
de-sac, dont l'extrémité est interceptée de temps en 
temps par le rapprochement des parois. 

L'existence d’une ouverture anale chez les Infusoires 
est bien moins certaine, et si quelquefois on remarque 
une véritable excrétion dans une partie quelconque du 
corps, on ne peut dire absolument qu'elle s’est faite 
par un anus. Îl ne suffit pas d’ailleurs de voir un amas 
de substances analogues aux aliments d’un Infusoire, 
retenues à sa partie postérieure > pour conclure que ce 
sont là des excréments ; car les courants produits par 
les cils sur les deux côtés du corps doivent nécessaire- 
- ment porter en arrière des particules plus ou moins 
liées entre elles par des mucosités, et qui restent lé- 
gèrement adhérentes à l’animalcule, là où les courants 
ne se font plus sentir (1). On conçoit que, si les deux 
courants produits par les cils, au lieu de se rencontrer 
tout à fait en arrière, viennent se joindre sur un des 
côtés, en avant ou en arrière, ce sera encore au point 
de jonction que sera placé l’amas de particules en ques- 
tion ; et, pour peu que l’on aime les déterminations 
hasardées, on verra l’anus, ainsi placé dans telle ou 
telle position, en rapport avec la disposition des cils. 

C’est ce simple fait qui a pu faire croire aussi aux 
anciens microsraphes que les Infusoires sont pourvus 
d’un orifice excréteur ; cependant il arrive quelquefois 


(1) Gleichen, ayant vu des Kolpodes trainer après eux un amas de 
particules étrangères, a cru y voir le frai de ces animalcules. 


DES IXFUSOIRES, 50 
que l’on voit réellement sortir du corps des Infusoires, 
sur quelque point de leur contour, des substances 
contenues dans l’intérieur ; et probablement le résidu 
de leur digestion. 

Müller dit positivement avoir vu sortir les excré- 
ments du Kerona mytilus (sordes excernere vidi, 
Anim. inf., p.240). On ne peut douter que M. Ehren- 
berg ne l'ait vu aussi; car il l’a représenté pour beau- 
coup de ses Infusoires. Moi-même je l'ai vu plusieurs 
fois, et notamment, dela manière la plus distincte, dans 
l'Amphileptus anser, Ehr. ( Vibrio anser, Müller ). 
Mais ce que j'ai vu ne m'a point convaincu de l’ana- 
logie de cette ouverture accidentelle avec une ouver- 
ture anale, qui devrait être la terminaison d’un in- 
testin. 

J'avais recueilli, le G décembre, dans des ornières 
au nord de Paris, un enduit brun au fond de l’eau, 
sur une terre blanchâtre. Croyant avoir pris ainsi des 
Navicules, je ne fus pas médiocrement surpris de voir 
l’eau de mes flacons fourmiller de ces Amphileptus, 
que j'avais auparavant rencontrés toujours isolés. Avec 
eux se trouvaient quelques Hydatines et des Théca- 
monadiens qui leur servaient de nourriture. Il me 
fut donc bien facile d'étudier mon Amphileptus ; car 
chaque goutte , Mise sur le porte-objet , en contenait 
plusieurs. À l'intérieur se voyaient toujours cinq ou 
six vacuoles distendues par de l'eau, et par des Mo- 
nades ou d’autres substances avalées. Ces vacuoles 
changeaient de place, en s'avançant peu à peu vers 
l'extrémité postérieure , où se trouvait une vacuole ou 
vésicule plus grande, souvent irrégulière, lobée et 
évidemment formée par la réunion de plusieurs va- 
cuoles plus petites, amenées successivement en con- 


56 HISTOIRE NATURELLE 


tact pour se fondre en une seule, comme des bulles de 
gaz. Cette grande vésicule postérieure s’emplit ainsi 
de plus en plus; ses parois s’amincissent , et elle finit 
par s'ouvrir latéralement pour verser son contenu au 
dehors; puis elle se referme avec des dimensions beau- 
coup moindres. Ce mode d'excrétion est parfaitement 
en rapport avec la nature molle et glutineuse de cet 
Infusoire .que la pression entre deux lames de verre, 
et, mieux encore, que la vapeur d'ammoniaque dé- 
compose en gouttelettes diaphanes de cette substance 
olutineuse dont j'ai parlé plus haut. 

Cet orifice excréteur temporaire est bien à la place 
indiquée par M. Ebrenberg, pour son genre Amphi- 
leptus. Sera-t-il toujours au même endroit ? Je ne sais, 
mais il me paraît probable que, dans la paroi formée 
par le rapprochement et la soudure de substance glu- 
tineuse homogène, une nouvelle ouverture ne pourra 
pas se produire exactement au lieu même qu'occupait 
la précédente. Si ce mode d’excrétion est général, 
comme je le présume (1), l'orifice excréteur devra être 
placé à l'endroit où les vésicules intérieures , les pré- 
tendus estomacs, s'arrêtent après avoir parcouru un 
certain espace dans la substance glutineuse de l'in- 
térieur; et sa position alors, bien qu'il ne soit pas à 
l'extrémité d’un intestin, pourrait fournir de bons ca- 
ractères pour la classification. 

Dans les Vorticelles, cet orifice accidentel paraît 
se produire à côté de l’ouverture buccale, c'est-a-lire 


(1) L'excrétion des substances avalées par les Infusoires se voit d'une 
manière analogue chez les Kerona pustulata, Oxytricha pellionella et 
chez d'autres espèces sans tégument, qui, tenues captives entre des 
lames de verre, s'ouvrent latéralement pour laisser sortir lentement 
une masse plus ou moius volumineuse et se referment ensuite. 


DES INFUSOIRES. 57 


que les vésicules , remplies d’eau et d'aliments , par- 
courent à l’intérieur un circuit qui les ramène contre 
l'entrée du cul-de-sac, au fond duquel se creusent et 
se séparent ces vésicules ou prétendus estomacs. 

La décomposition par difiluence des Infusoires 
peut présenter aussi l'apparence d’un large orifice ex- 
créteur sur le contour d’un de ces animalcules, et par- 
ticulièrement dans la partie postérieure. En effet, si, 
par suite de l’évaporation de l'eau, un Infusoire ne se 
trouve plus dans les conditions normales, il commence 
à se décomposer, en rejetant à une certaine distance, 
par l'effet du mouvement des cils , et les corps étrangers 
dont il s'est nourri, et sa propre substance. Si alors on 
lui rend du liquide convenable, il reprend Ja vie, sa 
blessure se ferme et la partie désagrégée reste comme 
une excrétion. 

C’est dans des circonstances à peu près semblables 
qu'on voit se former sur leur contour des exsudations 
globuleuses et diaphanes de la substance glutineuse 
interne, que j ai nommée sarcode. 


CHAPITRE VI. 


ORGANES DIGESTIFS DES INFUSOIRES,. 


A. Globules intérieurs ou vésicules stomachales.— 
Dans l’intérieur de certains Infusoires se voient des glo- 
bules ou des vésicules variables, quant à leur nombre, 
quant à leur forme et à leur position, qui ontété vus par 
tous les micrographes,mais interprétés diversement par 
chacun d'eux. Ges vésicules, remarquables par leur ex- 
tensibilité indéfinie et par leurs contractions subites, 
renferment quelquefois des corps étrangers , et même 


58 HISTOIRE NATURELLE 


d’autres Infusoires plus petits, morts ou vivants, 
u’on doit supposer avoir été avalés. Plus souvent elles 
ne contiennent que de l'eau ou du moins un liquide 
aqueux moins réfringent que la substance charnue en- 
vironnante, comme on s’en assure en faisant varier la 
distance du microscope à l’objet. En ellet , ces vésicules 
deviennent plus sombres à mesure qu’on les éloigne, 
et paraissent au contraire comme des globules plus 
brillants au centre, si on les rapproche. Le contraire 
a lieu pour le corps diaphane de l'Infusoire, de telle 
sorte que, dans certains cas, on croit voir dans l’a- 
mimalcule un véritable trou librement traversé par 
la lumière. En général, les micrographes, faute d’a- 
voir établi des comparaisons convenables avec des glo- 
bules de diverses substances plus ou moins réfrin- 
gentes, ont pris les vésicules intérieures des Infu- 
soires pour toute autre chose que pour ce qu’elles sont 
réellement , et ont attribué une même signification à 
toutes les apparences globuleuses observées dans ces 
animalcules. 

Müller avait bien vu ces objets, et quoique dans la 
même acceplion, il comprenne des choses véritable- 
ment différentes , ses expressions sont bien préciseset 
bien propres à en donner une idée. Dans plus de qua- 
rante endroits de son Histoire des Infusoires, il en 
parle sous le nom de pésicules hyalines , de globules, 
de bulles et de nodules, qui lui paraïssent caractériser, 
parmi les Infusoires, un groupe qu’il veut nommer 
Bullaria, par opposition avec d’autres Infusoires ({) 


“ 


(1) Ceux-ci, tels que les Monades et certains Vibrions, animaleules 
gélatineux, homogènes et sans organes apparents, lui paraissent seuls 
susceptibles de se produire spontanément dans les infusions, tandis que 


DES INFUSOIRES. 39 


d’une organisation plus simple, dans lesquels on ne 
voit pas de ces bulles ou vésicules. Il regarde avec 
doute les plus grands globules comme des ovaires, et 
donne le nom d’ovules à ceux des plus petits qui se 
trouvent disposés en rangées dans le Stentor poly- 
morphus, dans les Kerona mrytilus et lepus, etc. Il 
distingue, chez quelques individus de Kolpoda me- 
leagris, trois globules plus grands au milieu (Sphæ- 
rulæ), qu'il suppose pouvoir remplir les fonctions 
d'estomac ou d’intestin, parce que, dans Pétat de va- 
cuité, elles sont moins visibles; tandis que les Glo- 
bules pellucides, formant une rangée près du bord, 
persistent après la difluence del'animalcule, ce qui, sui- 
vant lui, ne permet pas de douter que ce ne soient des 
œufs (Anim. inf., p. 109). Dans le Kolpoda culcullus, 
il a compté de huit à vingt-quatre vésicules pellucides, 
qu'il regarde encore comme des œufs (soboles), et 
qu’il a vus expulsés au dehors à la mort de l'animal. 
Ailleurs, Müller mentionne lapparition et la dis- 
parition alternative de ces vésicules pendant la vie de 
l'animal (1), ou leur disparition après la mort (2); et 
enfin, en parlant du 7richoda aurantia (1. c., p. 185), 
il signale « une vésicule qui, se montrant quelquefois 
à la partie postérieure, offre l'apparence trompeuse 
d’un trou, mais dont la vraie nature, ajoute-t-il, est 
indiquée par la comparaison de vésicules semblables 


_— 


les Bullaria sont membraneux, présentent des parties hétérogènes in- 
ternes et externes, et se propagent par des petits vivants (Ænimalcula 
infusoria , Préf. , p. vu). 

(1) In postica extremitate pustula hyalina interdum apparet (Anim. 
inf. — Leucophra pustulata, p. 150). 

(2) In morte ., globuli omnes evaneseunt (Anim. inf. — Trichoda 
linter, p. 197). / 


60 HISTOIRE NATURELLE 


dans d’autres parties du corps. » Il parle d’ailleurs 
toujours de ces vésicules, comme étant en nombre 
variable. | 

Quoique l'Italien Cortiet, plus anciennementencore, 
Joblot eussent dit avoir vu des Infusoires avaler leur 
nourriture, ce fait paraissait si peu certain quil ne 
put influer sur l'opinion de Müller, relativement à la 
signification des vésicules ou globules intérieurs. Une 
expérience concluante restait à faire: il s'agissait de 
vérifier si des Infusoires auraient avalé les parcelles 
de matière colorante en suspension dans le liquide. 
Cette expérience, Gleichen la fit avec succès, en 1777, 
sur des Paramécies, des Kolpodes et des Vorticelles ; 
et, chose surprenante, après avoir vu des globules 
colorés par le carmin à l’intérieur des Infusoires, il 
en tira une conclusion absurde. Il avait voulu, disait- 
il, constater une déglutition effective de la nourriture; 
et, après avoir reconnu que le carmin avait passé dans 
l’intérieur, il regarda les globules colorés comme des 
œufs, attendu que, quand ils sont séparés par des in- 
terstices, on les voit entourés d’un anneau clair, 
comme les œufs de grenouille (1). Cependant, il n’était 
pas satisfait lui-même de cette supposition ; et, après 
avoir dit qu’il a vainement tâché de voir éclore ces 
prétendus œufs, sortis spontanément du corps des 
Infusoires , il ajoute un peu plus loin, en appréciant 
les doutes qu’on peut élever à ce sujet , que si les glo- 
bules excrétés ne sont pas les excréments de ces ani- 
malcules, ce qui, dit-il, souffre bien des difficultés , 
il ne sait plus qu'en dire. I} avait bien remarqué, 


(1) Dissertation sur la génération , les animaleules, elc., parGleichen; 
trad. franc. , p. 177-198. 


DES INFUSOIRES. 61 


d’ailleurs, que tous les animalcules qui ne contien- 
nent pas de globules , ne prennent jamais de couleur , 
et c’est ce qui rend son erreur encore moins conceva- 
ble. D'un autre côté , il disait aussi (1) que «les bulles 
vues à l’intérieur ne sont souvent que l'effet du gonfle- 
ment de la fine peau musculeuse de l’animalcule, et 
qu'elles disparaissent instantanément. » 

L'expérience de Gleichen demeura comme oubliée 
jusqu’à l'instant où M. Ehrenberg a su en tirer un si 
grand parti; et, dans l'intervalle, on continua à re- 
garder les globules intérieurs comme des corps repro- 
ducteurs, ou même, avec Schweigger, comme des 
Infusoires plus petits, comme des monades logées 
dans les plus gros animalcules. 

M. Bory, dans sa dernière publication sur ce sujet 
(Dict. cl. d’'Hist. nat.,t. 17, p. 52), jugeant d'après 
ce qu’on sait de certains Gymnodés, qui réellement 
ne peuvent avoir d’estomacs, a nié la signification 
réelle de ces vésicules dans les autres Infusoires : il 
a même Cru pouvoir, d'après ses expériences, assu- 
rer que ce ne sont pas les globules internes ou pré- 
tendus estomacs qui se pénètrent de la teinture, et 
en cela il se trompait. D'un autre côté, il eut en- 
tièrement raison de contester leur communication 
directe avec l’extérieur , et surtout leur liaison avec 
un intestin central; car, dit-il, « ces globules sont 
tellement mobiles, qu'ils se déplacent en tout sens, 
passent de devant en arrière selon les moindres 
mouvements que se donne l'être dans lequel on les 
distingue. S'ils étaient mis en rapport avec la sur- 
face par quelques tubes, tous ces intestins se mé- 


(1) Mème ouvrage, pages 126-127. 


62 HISTOIRE NATURELLE 


leraient d’une manière inextricable ». M. Bory, d’ail- 
leurs, par une singulière contradiction, quoiqu'il re- 
fusât même une bouche véritable à ses Gymnodés, 
disait avoir vu plusieurs grosses espèces en avaler 
d’autres 

B. Intestin des Infusoires. — Les expériences de 
coloration artificielle avaient conduit M. Ehrenberg à 
reconnaître en 1830 la réalité d’une déglutition chez 
beaucoup d'Infusoires; considérant alors comme des 
estomacs toutes les vésicules où s'était logée la matière 
colorante, cet observateur chercha à deviner le mode 
de connexion de ces estomacs avec une bouche et un 
anus. Trompé sans doute par quelque illusion, il crut 
voir un tube central droit ou diversement courbé, 
auquel les vésicules stomacales sont suspendues par : 
des tubes plus étroits, comme les grains d’une grappe 
de raisin. 11 décrivit et représenta l'£nchelys pupa 
avec un intestin droit, la Zeucophra patula avec Pin- 
testin courbé trois fois, et la Forticella citrina avec 
cet intestin formant un cercle presque complet et re- 
venant s'ouvrir pour l'excrétion à côté de l’orifice buc- 
cal. Dans des Monades, au contraire, il représentait 
tous les estomacs longuement pédicellés autour de la 
bouche et non suspendus à un intestin. Quoique, dans 
le texte de son mémoire, il eùt soin de dire que les 
vésicules remplies d’une nourriture solide sont sphé- 
riques et paraissent isolées, parce que l'intestin qui 
les réunit se rétrécit et devient transparent, cepen- 
dant ses dessins, censés faits d'après nature, repré- 
sentaient cet intestin partout également gonflé , et 
même rempli de matière colorante chez la Vorticelle, 
de sorte qu'on était naturellement conduit à penser 
que toutes ces figures étaient idéales. Il reconnaissait 


TR 
DIS INFUSOIRES. 65 


bien qu'une vésicule pouvait se dilater considéra- 
blement, de manière à loger une proie très-volumi- 
neuse, et, conséquemment, il admettait que l’intes- 
tin avait dù se dilater également pour livrer passage à 
cette proie. Il n'avait point encore apercu de différence 
entre les vésicules ou les globules de l’intérieur, mais il 
attachait alors tant d'importance à la découverte qu'il 
croyait avoir faite de l'intestin des Infusoires qu'il en 
fit la base de sa classification : nommant polygas- 
triques les Infusoires proprement dits, par opposition 
avec les Rotateurs, qui sont monogasiriques, et qui, 
réunis par lui sous la même dénomination, lui four- 
nissent de fausses analogies. I} distinguait les anenté- 
rés (anentera), qui, dépourvus d’intestin, comme 
les Monades, ont leurs estomacs pédicellés suspendus 
simplement autour de la bouche, et les entérodélés, 
qui ont un intestin. Ceux-ci étaient divisés en cy- 
clocæla, orthocæla, et campylocæla, suivant que 
l'intestin formait un cercle, comme dans les Vorticelles, 
qu'il était droit comme dans les £nchelys, ou con- 
tourné comme dans les Leucophres; mais l’auteur, 
pour se conformer, disait-il, aux rèoles admises en 
zoologie, substituait immédiatement à ces dernières 
divisions d'autres coupes établies sur des caractères 
extérieurs dépendant de la position de l’anus et de la 
bouche. I nommait donc anopisthia, les cyclocæla qui 
ont les deux ouvertures réunies en avant ; enantiotreta, 
ceux qui ont ces deux ouvertures opposées, ct situées 
aux extrémités du corps, et qui peuvent se subdiviser 
eu Orthocèles et en Campylocèies ; a{lotreta , ceux qui 
ont l’une des ouvertures terminale et l’autre latérale; 
et enfin katotrela ceux chez lesquels les deux ouver- 
tures sont latérales ou non terminales. 


6% HISTOIRE NATURELLE 

Dans son deuxième mémoire (1832), M. Ehrenberg, 
sans apporter de nouveaux faits à l'appui de son opi- 
nion , développa davantage ses premières idées. Dans 
son troisième mémoire (1833), il représenta dans deux 
nouveaux types, le Chilodon cucullulus et le Stylo- 
nychia mytilus, l'intestin aussi large, sinon plus large 
que dans les trois espèces précédentes, ce qui semble 
être en contradiction avec la contractilité extrême qui 
aurait dérobé cet organe aux investigations persévé- 
rantes des autres observateurs. En même temps, il 
commença à établir une distinction entre les vésicules 
que peut remplir la matière colorante, et celles qui, 
toujours remplies d’un liquide diaphane, et ordinai- 
rement plus volumineuses et plus susceptibles de con- 
tractions subites, sont prises par lui pour des organes 
génitaux mâles. Déjà, en 1776, Spallanzani avait si- 
snalé chez les Paramécies ces dernières vésicules, qui, 
dans cette espèce, sont en forme d'étoile , mais il leur 
avait assigné des fonctions respiratoires. M. Ebren- 
berg, au contraire, en poursuivant ses idées sur la 
signification qu’il leur attribue, s’est donné un moyen 
de lever en apparence les difficultés que présente l’ex- 
plication du jeu de toutes ces vésicules intérieures. 

Dans son grand ouvrage publié tout récemment, 
en 1838, il a reproduit sans changement les figures 
des cinq espèces précédemment représentées avec un 
inlestin largement dilaté; et de plus, il a ajouté, 
comme représentant aussi ce même organe, la figure du 
Trachelius ovum , déjà décrit en 1833 (11° mémoire), 
avec une large bande foncée au milieu, d’où partent 
des rameaux très-minces, anastomosés, ce qui n'a pour- 
tant aucun rapport avec l'intestin primitivement sup- 
posé, si contractile et si difhicile à apercevoir. Il a bien 


DES INFUSOIRES, 65 


représenté aussi un intestin plus ou moins complet 
chez plusieurs Vorticelliens ; et cet intestin, uniformé- 
ment dilaté dans quelques-unes, se montre, dans la 
figure de l’une d’elles (Epistylis plicatilis),renflé d’es- 
pace en espace , comme si les estomacs, au lieu d’être 
appendus en grappe, étaient enfilés à la suite les uns des 
autres. Quant à la figure qu’il donne de la Paramécie 
aurélie avec un intestin replié, il avertit lui-même que 
c’est une figure idéale. Plus loin, il déclare que dans 
sept espèces seulement, dont quatre Vorticelles, il 
a pu voir l'intestin assez clairement (1) pour le des- 
siner, puis, au nombre des quatre espèces où il n'a pu 
lapercevoir que par le passage successif des aliments, 
il compte précisément les deux Infusoires donnés en 
1830 comme lui ayant montré les premiers cel intestin; 
et encore a-t-il mis à côté de ses anciennes figures de la 
Leucophre (2), des figures nouvelles qui semblent les 
contredire. On doit remarquer aussi linsistance avec 
laquelle cet auteur recommande les Vorticelliens pour 
la vérification de ce fait si important, et la tendance 
qu'il a toujours montrée à négliger, pour y repré- 
_senter l'intestin, les espèces qu'il avait citées dans 
son premier mémoire pour y avoir remarqué d'abord 
cet organe : ainsi l'exemple de la Leucophre perd une 
grande partie de sa valeur par la comparaison des nou- 
velles figures, les Paramécies n’ont fourni qu'une fi- 
gure idéale, et les Kolpodes n'ont jamais été repré- 
sentés par lui avec un intestin quelconque. 
Voudra-t-on, comme on l'a déjà fait, invoquer l’a- 
nalogie des Rotateurs ou Systolides, etc., pour prouver 


(1) Die Infusionsthierchen , 1838, p. 362. 
(2) Die Infusionsthierchen , 1838, pl. xxx. fig. 1,2, 3, 4, 6. 
INFUSOIRES. 5 


66 HISTOIRE NATURELLE 


l'existence de l'intestin chez les Infusoires , là où on 
n’en a pas même pu signaler un indice ? Mais, comme 
je l'ai dit plus haut, la diflérence des deux types est si 
grande, que cette analogie est des plus imparfaites ; 
et tout en persistant à nier l’intestin des Infusoires 
proprement dits, j'admets, chez les Systolides, non- 
seulement un intestin, mais encore de vraies mâ- 
choires, des organes respiratoires, des glandes et un 
ovaire. 

Dira-t-on qu’il suffit d’avoir démontré que les sub- 
stances alimentaires ont pénétré du dehors dans ces 
vésicules, pour conclure d’abord que ce sont des es- 
tomacs, et ensuite que ces estomacs doivent commu- 
niquer avec un intestin, car on ne concevrait pas des 
estomacs sans communicationavec l'extérieur ? Eh bien ! 
voilà précisément ce qu’on pourra contester ; car cette 
conséquence s'appuie sur une fausse analogie avec des 
animaux supérieurs chez lesquels l'estomac est tou- 
jours la continuation de l'intestin. Maïs avant d’en ve- 
nir aux preuves directes, nous devons examiner une 
objection qui , présentée d’abord par M. Bory de Saint- 
Vincent , en 1832, a été reproduite de nouveau par le 
docteur Focke de Bremen , en 1835 (1); et vient encore 
d'être présentée à M. Ehrenberg par le professeur 
Rymer-Jones , devant l'association britannique à New- 


(1) Voyez dans le journal allemand l'Zsis pour 1836, p. 985, l'ana- 
lyse de la communication faite par Ic Dr. Focke à la réunion des natu- 
ralistes allemands à Bonn , en 1835. M. Focke dit n'avoir pu aucune- 
ment distinguer l'intestin supposé dans le Stentor Mülleri, dans le 
Loxodes bursaria et dans une espèce de Vaginicola , et déclare que le 
mouvement évident des amas de nourriture ou de couleur à l'intérieur 
du corps de ces animalcules est incompatible avec la supposition de 
l'existence d'uu intestin (Hier muss also eine andere Organisation des 
Darmcanals, als die von Ehrenberg angegebene statt finden ). 


DES INFUSOIRES. 67 


Gastle, Cette objection, que je crois parfaitement fon. 
dée , repose sur le mouvement intérieur des globules 
ou vésicules stomacales, qu'on ne peut aucunement 
concilier avec l'hypothèse d’un intestin reliant ensem- 
ble tous ces globules, et qui prouve au contraire leur 
indépendance absolue, Comme le disait M. Bory, les 
intestins , les tubes de communication , s'ils existaient, 
seraient bientôt mêlés d’une manière inextricable ; et, 
à moins de les supposer indéfiniment extensibles , ils 
ne permettraient pas aux globules de se promener 
comme ils le font à l’intérieur. 

Aux objections fondées sur le déplacement des pré- 
tendus estomacs à l’intérieur des Infusoires, M. Ehren- 
berg répond , dans son grand ouvrage, que ce mouve- 
ment n’est qu'un déplacement apparent, analogue à 
celui qu’éprouvent les petites figures en bois peint que 
fontmanœuvrer les enfants sur le bras extensible, formé 
de tiges assemblées en losanges, qui leur sert de jouet. 
Ce déplacement intérieur que j'avais cru, en 1835, 
pouvoir expliquer par le changement de position des 
Infusoires , par leur rotation autour de l’axe de leur 
corps, je le regarde depuis deux ans comme bien réel, 
et il a été surtout bien vu et bien décrit par le profes- 
seur Rymer-Jones (1). Ce savant observateur, en dé- 
clarant publiquement à New-Castle n'avoir jamais pu 
apercevoir la moindre trace du canal central décrit par 
M. Ebrenberg, ni des branches qui en dérivent, pour 
communiquer avec les petits sacs (sacculi), ajoute que, 
par de nombreuses observations , il s’est convaincu que 
dans la Paramécie aurélie et dans les espèces voisines, 


(1) Voyez le compte rendu del’Association britannique dans le journal 
anglais The Athenœum , n. 567, p. 635. 


D. 


68 HISTOIRE NATURELLE 

les petits sacs gastriques ( les vésicules ) se meuvent, 
suivant une direction déterminée, tout autour du corps 
de j'animalcule ; fait qui, en lui-même, dit l’observa- 
teur anglais, parait incompatible avec l’arrangement 
indiqué par le professeur de Berlin. À cela, M. Ebren- 
berg, sans recourir de nouveau à la comparaison des 
jouets d'enfant, à répondu qu'il est extrêmement dif- 
ficile de voir le tube central (l'intestin), et que c'est 
seulement en suivant la marche des grosses masses de 
nourriture qu'il a été à même de le tracer. 

Ce n’est pas là ce qui avait été dit d’abord, et moins 
encore ce qui avait été représenté sur les figures de 
1830 , reproduites en 1838. Mais, on le voit à présent, 
de l’'aveu même de l'inventeur, toute la théorie de la 
structureintérieuredes Infusoires repose sur des figures 
idéales et sur des observations impossibles à vérifier en 
prenant les Infusoires mêmes qui en avaient été l’objet. 
Etqu’on y fasse bien attention, ces observations, cette 
découverte de l'intestin, ont été faites, avant 1830, 
avec des instruments évidemment moins bons que ceux 
dont l’auteur s’est servi depuis, et qui lui ont fait dé- 
couvrir l'armure de la bouche des Vassula et des Chi- 
lodon , et reconnaître les organes génitaux de tous les 
Infusoires , et le filament locomoteur des Monadiens et 
des Euglènes, etc. Or, un fait aussi important que 
celui qui servait de base à la physiologie et à la classi- 
fication des Polygastriques, ne mérite-t-l pas, non 
pas dix , mais cent confirmations ? ne devait-il pas être 
constaté cent fois avec les moyens d'observation que 
Yauteur nous dit être devenus entre ses mains de plus 
en plus puissants ? ne devait-il pas surtout être ex- 
primé clairement dans la plupart des figures, de ma- 
nière à pouvoir être vérifié? Bien loin de là, ce fait, 


DES INFUSOIRES. 59 
amoindri et disparaissant presque dans la vaste éten- 
due du grand traité des Infusoires, est limité aux 
mêmes exemples cités précédemment; et devenus en 
quelque sorte surannés par le fait même de l'auteur. 
Et M. Ehrenberg , dédaignant de répondre aux objec- 
tions qui lui ont été faites depuis plusieurs années, 
traverse le continent pour aller à New-Castle entendre, 
en présence de l'Association britannique, des objec- 
tions non moins instantes. 

J'ai essayé en 1835 ( Ann. sc. nat., déc.), de prou- 
ver la non-existence de l'intestin des Infusoires; par 
ce seul fait que, pour être aussi extensible et aussi 
contractile qu'on le suppose, il devrait contenir dans 
ses parois au moins quelques fibres qui persisteraient 
et deviendraient visibles quand l’Infusoire se décom- 
pose avec difiluence ? Or, disais-je, dans cette sorte de 
dissolution , on ne peut saisir absolument aucune trace 
d'intestin; et, de toute manière, ce phénomène de 
difluence tend à prouver davantage la simplicité d'or- 
ganisation des Infusoires. Ayant vu, en 1836, des 
Nassula avaler de longs brinsd’Oscillaires qui se cour- 
baient à l’intérieur, et les distendaient en manière de 
sac, Je citai ce fait dans un mémoire suivant, comme 
prouvant à la vérité la déglutition que j'avais eu le 
tort de nier précédemment, mais aussi comme tout à 
fait inconciliable avec l'hypothèse d’un intestin et d’un 
vrai estomac. En eilet, d’autres vésicules contenant des 
débris d'Oscillaires se voyaient en même temps entière- 
ment indépendantes les unes des autres ; et la grande 
vésicule, creusée par l’élasticité de l'Oscillaire, com- 
muniquait avec la bouche par toute sa largeur, et non 
par un tube ou un rameau de l'intestin central. L'ob- 
jection que je faisais alors contre l'existence d’un in- 


70 HISTOIRE NATURELLE 


testin dont les fibres auraient dü persister , je la fais 
encore aujourd'hui, d'autant plus que M. Ehrenberg 
insiste davantage (1) sur la grande contractilité de cet 
intestin , pour expliquer pourquoi on ne les voit jamais 
dans un grand nombre d'espèces : « C'est parce que, 
dit-il, ce canal, comme l’œsophage des gros animaux, 
sert seulement pour livrer passage aux aliments, etnon 
pour lés contenir ou les digérer , ce qui a lieu seule- 
ment dans les vésicules stomacales ; il s’élargit à vo- 
lonté pour le passage de la nourriture , comme la 
"petite bouche et le gosier d’un serpent qui avale un 
lapin, et se contracte aussitôt après, et devient complé- 
tement invisible s’il n’est pas en action. » Mais, dira- 
t-on, si on admet la contractilité indéfinie des vésicu- 
les stomacales et leur action digérante, à plus forte 
raison devra-t-on leur supposer une membrane assez 
complexe et contenant autant, sinon plus de fibres 
que l'intestin ; or, ces vésicules, dans la décomposition 
par diffluence, ne montrent jamais de fibres : il faut 
donc en conclure, ou bien que la contraction s'opère 
sans fibres, ou bien que ces fibres sont réellement in- 
visibles dans les vésicules comme dans l'intestin. Je 
vais prouver tout à l'heure que l’on doit considérer les 
vésicules comme des vacuoles creusées à volonté dans 
la substance glutineuse de l’intérieur , et que , par con- 
séquent, elles sont sans membrane propre et se con- 
tractent par le rapprochement de la masse: je dirai 
que les prétendues vésicules diaphanes observées hors 
du corps des Infusoires ne sont que des globules de 
sarcode, sortis par expression ou par déchirement , ou 


DE D SE mn 


(x) Die Infusionsthierchen.… 1838; p. 362. 


DES INFUSOIRES. 71 


par diffluence du corps de l’animalcule; comme le 
prouve leur réfringence et leur faculté de se décompo- 
ser en se creusant de vacuoles. Cependant il estun fait, 
un seul fait rapporté par M. Ehrenberg dans son troi- 
sième mémoire, en 1833, et que je n'ai pu compren- 
dre en 1836 (Ann. sc. nat., avril 1836), non plus 
qu'aujourd'hui. Il s’agit d’une vésicule stomacale qui 
sortait d’une Bursaria vernalis, se décomposant par 
diffluence, et qui contenait encore deux fragments 
d'Oscillaire. C'est ainsi, du moins, qu'il l’a représen- 
tée alors (IIT° mém., pl. IIT, fig. 4 x), et il a repro- 
duit la même figure , par conséquent le mème fait, 
dans son grand ouvrage, en 1838. 


M. Ehrenberg (1) regarde la séparation et l’isole- 
ment des vésicules stomacales comme ne devant sur- 
prendre que ceux qui n’ont point observé des vers de 
terre coupés en morceaux. Ces morceaux, dit-il, si 
petits qu’ils soient, se contractent à chaque extrémité, 
tellement qu’il en sort très-peu des sucs contenus , et 
un pareil effet se produit par la contraction sur les 
estomacs isolés des Infusoires. Un fait, sans doute, 
est plus puissant que tous les arguments, et je regrette 
seulement que celui d’une vésicule contenant des frag- 
ments d'Oscillaires ne se soit pas présenté plusieurs 
fois à l'observateur ; mais pour ce qui est des prétendus 
estomacs sans aliments contenus, quand même ils pa- 
raissent légèrement colorés, la similitude si fausse 
des morceaux de ver de terre ne suffirait pas pour me 
prouver que cesoient autre chose que des globules de la 
substance glutineuse de l’Infusoire : en effet, j'ai vu 


(1) Die Infusionsthierchen..….. 1838, p. 361. 


72 HISTOIRE NATURELLE 

souvent ces globules un peu colorés, soit qu ils eussent 
une teinte propre, soit que cet effet fût le résultat 
d’une illusion d’optique ou d’un phénomène de cou- 
leurs accidentelles. | 


C. £xpériences de coloration artificielle des 
Infusoires. 


Lors de mon premier mémoire sur les estomacs des 
Infusoires en 1835 , j'avais observé la coloration quel- 
que temps après qu’elle s’était produite et non point 
dans l'instant même où ces animalcules avaient la 
substance colorante. J'avais cru, mal à propos, pou- 
voir conclure de ce qui, comme je le crois, est bien 
certain pour les Monades et les Amibes, à ce qui doit 
avoir lieu dans les Infusoires ciliés ; et j'eus le tort de 
dire que la couleur a pénétré dans les vacuoles des 
Paramécies et des Kolpodes à travers les mailles du 
tégument. Je m'empressai, quelques mois après, de 
revenir sur cette assertion ; cependant , il est bon, je 
crois, de m'arrêter un instant, sur les deux motifs qui 
m'avaient conduit à adopter d’abord cette opinion. 

Les Infusoires non ciliés, mais munis d’un ou de plu- 


sieurs filaments flagelliformes locomoteurs , sont dé- 


pourvus de bouche et ne peuvent se nourrir que par 
leur surface extérieure ; ainsi les Euglènes , les Cryp- 
tomonadines, les Vibrions et les Volvociens ayant un 
tégument perméable seulement aux substances dis- 
soutes dans l’eau , ne peuvent jamais être colorés arli- 
ficiellement par du carmin ou de lindigo, dont les 
particules , relativement trop grosses, sont arrêtées 
par ce tégument. Et ceci doit paraître plus plausible 
que de dire, avec M, Ehrenberg , que ces animalcuales 


€ 


DES INFUSOIRES,. 75 
n'aiment peut-être pas la couleur (1); car, comme je 
l'ai déjà dit dans mes précédents mémoires (1835), on 
ne peut supposer à des Infusoires quelconques un ap- 
pétit particulier (2) pour une substance telle que l'in- 
digo , qui ne peut être digérée. Les Monades , au con- 
traire, et les autres Infusoires non ciliés qui n'ont pas 
de téguments , présentent près de leur surface des 
vacuoles variables, plus ou moins profondes , qui, don- 
nant accès au liquide extérieur , multiplient la surface 
d'absorption et conséquemment aussi les moyens de nu- 
trition. Des corps étrangers et des matières colorantes 
peuvent donc être entraînés avec le liquide dans ces 
vacuoles et rester engagés dans l’intérieur du corps, 
sans cependant être entrés par une bouche. On pour- 
rait être surpris de voir des vacuoles ou prétendus 
estomacs plus chargés de couleur que le liquide envi- 
ronnant , si l’on ne considérait d’une part que ces ani- 
malcules se tiennent souvent contre les plaques de 
verre où la couleur est en plus grande quantité, et, 
d'autre part , qu’une vacuole , après s’être remplie par 


(1) Ehrenberg's Abhandl. 1. 1830, p. 183. « V’ielleicht liebt es diese 
Farben nicht. » 

(2) Cette supposition d'un appétit particulier n'embarrasse pas le 
professeur de Berlin, qui va plus loin encore, en admettant qu'une Para- 
mécie , dans un liquide coloré à la fois par de l'indigo et du carmin, 
choisit parmiles corpuscules Lenus en suspension , tantôt les uns, tantôt 
les autres, pour en remplir exclusivement et à volonté tels ou tels de 
ses estomacs. Ce fait, qu'il dit avoir observé quelquefois (zuweilen) lui 
parait démontrer chez ces animalcules le sens du goût (Geschmacksinn) 
(Die Infusionsthierchen, 1838, p. 351); mais pour quiconque voudra 
considérer le mode d'intromission des aliments et des substances colo- 
rantes dans les Infusoires , il paraîtra bien plus rationnel d'admettre que 
cette différence de coloration provient seulement de ce que l'animalcule 
s'est trouvé successivement dans divers endroits où, par suite d’une dif- 
férence de densité ou d’un mélange imparfait , l'une ou l’autre des deux 
couleurs était en excès, 


74 HISTOIRE NATURELLE 


une large ouverture , peut s’être vidée lentement de 
manière à retenir les particules colorantes. 

Ce mode d'explication, également applicable aux 
Amibes, je l'avais cru d’abord convenable pour tous 
les Infusoires ciliés , d’après une analogie trompeuse , 
et surlout parce que certaines vacuoles se forment 
spontanément près de la surface, soit dans les In- 
fusoires à l’état normal, soit dans les Infusoires 
mourants, et se remplissent d’eau seulement, à tra- 
vers les mailles du tésument lâche des Vorticelles, 
des Kolpodes, des Paramécies, etc. Ces vacuoles, 
susceptibles de se contracter entièrement pour ne plus 
revenir les mêmes, paraissent ne point difiérer , par 
leur structure, de celles que produit au fond de la 
bouche le courant excité par les cils ; ce ne sont égale- 
ment que des cavités non limitées par une membrane 
propre, mais creusées à volonté dans la substance 
charnue et contractile de l’intérieur. Souvent même 
les vacuoles formées au fond de la bouche paraissent 
remplir exactement les mêmes fonctions que celles 
de la surface, c'est-à-dire qu’elles ne contiennent 
que de l’eau ; de même aussi, dans ce cas, elles sont 
susceptibles de disparaître entièrement, en se con- 
tractant. 

Ces vacuoles de la surface sont ordinairement ron- 
des, très-volumineuses et peu nombreuses; ce sont elles 
surtout qui peuvent présenter l’apparence de trous; 
mais en outre elles présentent, dans certaines espèces, 
un degré de complication bien remarquable; ce sont 
elles queSpallanzani avait soupçonnées être des organes 
de respiration chez les Paramécies où elles ont la forme 
d’une étoile dont le centre et les branches se contrac- 
tent alternativement; ce sont elles aussi que M. Ehren- 


DES INFUSOIRES. 7 


bers a prises pour des vésicules séminales ; maïs il suffit 
de faire remarquer pour le moment qu'elles se multi- 
plient singulièrement chez les Infusoires mourants et 
chez ceux qui sont un peu comprimés entre des lames 
de verre , comme si elles avaient en effet pour objet de 
multiplier les points de contact de la substance inté- 
rieure avec le liquide. Ce qui d’ailleurs prouve bien 
leur nature, c'est que très-souvent ces vésicules se sou- 
dent et se confondent comme deux bulles de gaz , ou 
mieux encore comme deux gouttes d'huile à la surface 
d’un liquide. J’ai représenté dans mes planches plu- 
sieurs exemples de ces réunions de vacuoles. 

Dans mon mémoire de 1836 ( Ann. sc. nat., avril 
1836), je revins sur la coloration artificielle des Kol- 
podes, dans lesquels j'avais vu le carmin occuper 
d’abord une bande irrégulière oblique à partir de 
la bouche, puis se circonscrire en globules sur plu- 
sieurs points etse trouver successivement transporte 
aux extrémités du corps. Je n'avais pu apercevoir 
la moindre trace d’intestin ou de tubes quelconques 
de communication; et, pour expliquer ces phénomè- 
nes, j'admettais une succession irrégulière de vacuo- 
les, dans lesquelles le liquide extérieur avait pénétré 
avec les matières colorantes. 

Ce qui me manquait alors, c'était d’avoir vu com- 
ment les vacuoles se produisent successivement au 
fond de la bouche, et comment ensuite elles parcourent 
un certain trajet dans l’intérieur du corps. Depuis cette 
époque, des observations nombreuses m'ont mis dans 
le cas de rendre compte entièrement du phénomène. 
Voici donc ce qui a lieu : quand une Paramécie , un 
Kolpode, un Glaucoma , une Vorticelle ou quelque 
autre Infusoire cilié commence à produire le mouve- 


76 HISTOIRE NATURELLE 

ment vibratile destiné à amener la nourriture à la 
bouche (mouvement différent de celui qui détermine 
le changement de lieu), le courant produit dans le 
liquide vient heurter incessamment le fond de la bou- 
che, qui est occupé seulement par la substance gluti- 
neuse vivante de l’intérieur ; ille creuse en forme de 
sac ou de tube fermé par en bas et de plus en plus 
profond, dans lequel on distingue par le tourbillon des 
molécules colorantes , le remous que le liquide forme 
au fond. Les particules s'accumulent ainsi visible- 
ment au fond de ce tube, sans qu'on puisse voir en cela 
autre chose que le résultat physique de l’action même 
du remous. En même temps que le tube se creuse de 
plus en plus, ses parois, formées non par une membrane, 
mais par la substance glutineuse seule, tendent sans 
cesse à se rapprocher en raison de la viscosité de cette 
substance, et de la pression des parties voisines. Enfin 
elles finissent par se rapprocher tout à faitet se soudent 
vers le milieu de la longueur du tube en interceptant 
toute la cavité du fond, sous la forme d’une vésicule 
remplie d’eau et de particules colorantes. C’est une 
véritable vacuole, une cavité creusée dans ure sub- 
stance homogène ; mais puisqu'elle renferme les ali- 
ments entrés par la bouche, et que ses parois , formées 
d’une substance vivante, ont la faculté de digérer le 
contenu , on peut, si l’on veut, la nommer estomac. 
Ce ne sont point, d’ailleurs, les matières colorantes 
seules que l'on voit se loger ainsi dans une vacuole 
au fond de la cavité buccale ; divers corps étrangers, 
animaux ou vésétaux , où même d’autres petits Infu- 
_soires vivants amenés avec le liquide parle tourbillon, 
peuvent écalement se trouver emprisonnés ainsi; et 
je crois même avoir observé que la séparation de la 


DÉS INFUSOIRES, 77 


vésicule du fond a lieu plus promptement quand l'In- 
fusoire ressent le contact d'une proie plus volumi- 
neuse. Cependant on voit bien souvent aussi se former 
des vésicules ne contenant que de l'eau, et d’un autre 
côté, divers observateurs disent avoir vu des Infu- 
soires avalés , par de plus gros, être rendus à la vie et 
à la liberté; ce dernier fait, je n'ai pas eu l’occasion 
de le vérifier, mais j'ai vu des Infusoires demeurer 
Jongtemps vivants dans le corps de ceux qui les avaient 
avalés, 

Aussitôt après que le rapprochement des parois a 
intercepté une vésicule à l'extrémité du tube partant 
de la bouche; le tube restant, devenu beaucoup plus 
court, recommence à se creuser par l’afilux continuel 
du liquide , etla vésicule se trouve repoussée successi- 
vement par la substance qui la sépare du fond du sac ; 
de sorte qu'une nouvelle vésicule venant à se former, 
doit se trouver presque à égale distance du tube res- 
tant et de l’ancienne vésicule. Celle-ci étant donc tou- 
jours repoussée par Îles vésicules formées successi- 
vement après elle, doit suivre à travers la substance 
molle et glutineuse de l’intérieur une direction dé- 
pendant à la fois de impulsion primitive, de la forme 
du corps et de la présence de quelques autres corps 
ou organes à l’intérieur. C'est ainsi que, dans les In- 
fusoires allongés , tels que les 7 rachelius et Amphi- 
leptus, les vésicules se mouvront en ligne droite, et 
arrivées à l'extrémité dans une partie plus étroite, 
elles se réuniront, se fondront plusieurs ensemble, et 
finiront par évacuer au dehors tout ou partie de leur 
contenu, par une ouverture qui se forme à l'instant 
même et disparaît ensuite complétement. Dans les 
infusoires dont le corps est globuleux, tels que les 


78 HISTOIRE NATURELLE 


Vorticelles, les vésicules devront décrire un cercle et 
revenir se vider près du point de départ; dans les 
Infusoires ovales-oblongs, comme les Paramécies, après 
être arrivées à l'extrémité postérieure, en partant 
de la bouche située au milieu et en suivant un des 
côtés , elles reviendront jusqu’à l’autre extrémité, en 
suivant le côté opposé, puis reviendront encore et 
pourront décrire un circuit très-complexe; dans les 
Kolpodes enfin, qui présentent en avant une saillie 
volumineuse prolongée comme un capuchon au-dessus 
de la bouche, les vésicules pourront venir s’accumuler 
en nombre considérable dans cette saillie. J'ai repré- 
senté dans mes dessins ces dispositions des vésicules 
remplies de carmin dans plusieurs types d’Infusoires, 
et j'insiste particulièrement sur l'analogie parfaite que 
présentent, sous ce rapport, les Vorticelles PrApEÉMENT 
dites, parce que leur organisation a été envisagée de 
diverses manières par “3 bons observateurs ; et parce 
que M. Ehrenberg indiquant plus particulièrement les 
Vorticelliens comme les Infusoires polygastriques qui 
montrent mieux l'intestin, on aurait pu être tenté de 
leur accorder cet organe, tout en le refusant aux au- 
tres Infusoires ciliés. 

Il faut remarquer que le trajet parcouru par les vé- 
sicules à l’intérieur correspond assez bien à l'intestin 
qu'on y a supposé, et, véritablement, si M. Ehren- 
berg veut se borner aujourd’hui à dire que le passage 
successif de la nourriture lui a donné l’idée d’un intes- 
ün, et ne plus dire qu'il a vu cet intestin, il aura seu- 
lement donné une fausse interprétation d’un fait incon- 
testable et bien réel. Quant à ce que dit cet auteur du 
passage des aliments d’une vésicule dans une autre , en 
même temps qu'il nie la réalité du déplacement de ces 


DES INFUSOIRES. 79 


vésicules , il est encore là dans l'erreur, car les vési- 
cules se déplacent réellement en suivant le trajet indi- 
qué ci-dessus , et si parfois elles communiquent entre 
elles, c’est seulement par la fusion complète de deux 
ou plusieurs vésicules en une seule, et non par le pas- 
sage successif du contenu de l’une dans l’autre, ces 
vésicules demeurant distinctes. Cette fusion de plu- 
sieurs vésicules, qui s’observe bien dans lÆmphileptus 
anser, prouve suffisamment , d’ailleurs, que les vési- 
cules n’ont pas de membrane propre. 

Les vésicules stomacales ou vacuoles, à l'instant où 
ellesse forment, sont sphériques et sonflées de liquide; 
elles conservent ce caractère pendant un certain temps 
et quelquefois durant tout leur trajet, mais sou- 
vent aussi elles se contractent peu à peu en cédant 
le liquide contenu à la substance environnante, ou 
en le chassant à travers les parois du corps; ainsi, 
après avoir présenté les particules colorantes ou les 
corps étrangers au milieu d’une quantité de liquide 
de moins en moins considérable , elles finissent par 
disparaître comme vésicules , laissant les matières co- 
lorantes simplement interposées en petits amas irré- 
guliers dans la substance charnue glutineuse. C’est ce 
qu'on voit surtout à la partie antérieure des Kolpodes, 
dix ou douze heures après qu’on leur a fait avaler du 
carmin. | 

Tel est le mécanisme du transport de la matière 
colorante , et sans doute aussi du transport des ali- 
ments dans l’intérieur du corps des Infusoires. Si on 
voulait considérer comme de vrais estomacs ces vési- 
cules sans membrane interne, sans communication di- 
recte avec l'extérieur, et susceptibles de se contracter 
jusqu'à disparaître ; alors , sans doute , on serait fondé 


80 HISTOIRE NATURELLE 

à nommer polygastriques les Infusoires qui les possè- 
dent ; mais encore faudrait-il reconnaître que cette 
dénomination ne pourrait s'appliquer à tous les Infu- 
soires , à ceux, par exemple, qui sont dépourvus de 
bouche; et à ceux, en général, chez lesquels on 
n'observe aucune intromission de matière colorante. 


Tel était l'état de Ia question, quand M. Meyen à 
inséré dans les Archives allemandes d'anatomie ( Mul- 
ler’s AÆrchiv.), en 1839, une notice (1) qu'il m'a fait 
l'honneur de m'adresser, et dans laquelle sont exposées 
avec clarté des observations presque entièrement sem- 
blables aux miennes, et devant conduire aux mêmes 
conclusions , relativement aux prétendus organes di- 
gestifs des Infusoires. 


Ces observations sont très-importantes par elles- 
mêmes, et comme confirmation des miennes, et sur- 
tout parce qu'elles montrent que les hypothèses de 
M. Ehrenberg perdent, même en Allemagne, leur 
crédit passager. Je crois donc devoir traduire ici les 
passages suivants de la notice de M. Mevyen : 

« Que sont, dit-il, les grosses vésicules et les 2lobules 
qui se présentent dans l'intérieur des Infusoires, et 
qui ont été pris pour leurs estomacs ? » À cette ques-. 
tion il répond ainsi : 

« Les vrais Infusoires sont des animaux vésiculeux 
dont la cavité est remplie d'une substance glutineuse, 


(1) Cette notice est traduite dans les Annales des Sciences naturelles, 


1839. 


DES INFUSOIRES, Si 


presque en consistance de gelée. L'épaisseur de la 
membrane qui forme cette vessie est facile à constater 
dans quelques-uns de ces animaux; et, pour différents 
genres, j'ai pu observer dans cette membrane une 
structure en spirale très-reconnaissable , de sorte que 
sous ce rapport la structure de ces Infusoires me paraît, 
en général, analogue à celle des cellules des végétaux. 

» Chez les plus gros Infusoires un canal cylindrique 
ou æsophage partant de la bouche se dirige oblique- 
ment à travers la membrane qui constitue l’animal- 
cule. L’extrémité inférieure de ce canal se dilate plus 
ou moins par suite de l'introduction de la nourriture, 
mais ordinairement jusqu’à la dimension des vési- 
cules ou globules qu’on voit dans l’intérieur de ces mé- 
mes Infusoires. La paroi interne de cette partie de 
l'œsophage est garnie de cils dont l'agitation fait tour- 
ner circulairement avec une extrême rapidité la nour- 
riture et les corpuscules étrangers avalés en même 
temps, jusqu'à ce que ces objets soient agglomérés en 
une boule régulière. Pendant la formation de cette 
boule , l’estomac, car on ne peut nommer autrement 
cet organe, est en communication ouverte avec l’œso- 
phage, et l'appareil des cils vibratiles extérieurs y 
pousse sans cesse de nouvelles substances ; mais quand 
enfin la boule formée des substances avalées a atteint 
les dimensions de l'estomac, elle est expulsée par l’au- 
tre extrémité de cet estomac et poussée dans la cavité 
interne de l'animal ; immédiatement après, une nou- 
velle boule commence à se former dans l’intérieur de 
l'estomac, si des particules solides se trouvent dans le 
liquide environnant; cette seconde boule est à son 
tour poussée dans la cavité interne de l’animal, et 
pousse devant soi la première boule avec la substance 

INFUSOIRES, 6 


82 HISTOIRE NATURELLE 


glutineuse interposée, et ainsi de suite tant que de 
nouvelle nourriture est avalée. Ce sont ces boules d’où 
M. Ehrenberg a conclu la multiplicité des estomacs de 
ces animaux. S'il n’y a pas beaucoup de particules so- 
lides dans le liquide environnant , alors ces boules ou 
globules sont moins compactes et paraissent comme 
celles qu'on remarque ordinairement dans les infu- 
sions non colorées, où de tels globules montrent seu- 
lement quelques petites particules solides, et con- 
sistent , pour la plus grande partie , en une masse de 
mucus agelutinant ces particules. Quelquefois deux de 
ces globules à l’intérieur d’un Infusoire sont tellement 
comprimés l’un contre l’autre, par suite des contrac- 
tions de l'animal , qu'ils demeurent réunis. 

«.…. Le nombre de ces globules est quelquefois si 
considérable que tout l’intérieur des Infusoires en est 
rempli, et ces globules sont si rapprochés qu'ils forment 
ensemble comme une grosse boule, qui souvent, comme 
chez les Vorticelles en particulier, tourne lentement 
autour de son centre. Mais cette rotation provient, 
comme je m'en suis assuré , complétement de limpul- 
sion reçue par les nouveaux globules chassés de l’esto- 
mac, et communiquée par eux à la périphérie de la 
masse déjà formée. » 

Plus loin, examinant aussi la question de ces va- 
cuoles ou cavités vésiculeuses qui se forment souvent 
en si grande quantité et de diverses grosseurs dans 
l'intérieur des Infusoires, et qu’il déclare bien n'être 
pas des estomacs, «on peut, dit-il, observer la for- 
mation de ces vésicules, comme aussi leur soudaine et 
complète disparition dans la substance glutineuse de 
l'intérieur des Infusoires , aussi bien que la formation 
des globules, puisque même quelquefois on voit se 


DES INFUSOIRES. 83 


former une telle cavité entourant un globule et dispa- 
raissant au bout de quelque temps. Le microscope 
montre que ces cavités n'ont aucune paroi membra- 
neuse qui leur soit propre, mais qu’elles consistent en 
de simples excavations (Æushôhlungen , vacuoles) de 
la substance glutineuse; elles se produisent aussi le 
plus souvent près de la paroi interne de la membrane 
qui forme le tégument de l'animal , et quelquefois une 
d’entre elles s'agrandit d’une manière si considérable 
qu’elle occupe un tiers ou la moitié du volume total 
de l'animal. Que ces cavités (vacuoles) contiennent un 
liquide aqueux peu dense, et non de l'air, c'est ce que 
démontre leur faible réfringence sur les bords. Chez 
les plus gros Infusoires on peut aussi voir très-claire- 
ment qu’elles ne s'ouvrent pas à l'extérieur. De sem- 
blables cavités se forment également dans la substance 
muqueuse ou gélatineuse (Schleime ) des cellules des 
végétaux. » | 


CHAPITRE VIT. 


DE LA GÉNÉRATION DES INFUSOIRES PAR DIVISION SPONTANÉE. 


Des différents modes de propagation qu'on peut 
admettre chez les Infusoires, un seul est bien constaté, 
c’est la fissiparité ou multiplication par division spon- 
tanée; et encore il n’a pas été observé dans tous les 
types de cette classe d'animaux. Les deux autres sont 
encore plus ou moins hypothétiques : c'est l’oviparité 
et la génération spontanée. On a bien signalé un fait 
de viviparité (1), mais ce fait est unique et tellement 


(1) Le Monas vivipara de M. Ehrenberg , dans son mémoire de 1836 


6, 


Su HISTOIRE NATURELLE 


en désaccord avec ce qu’on connaît des autres Infu- 
soires qu'on doit hésiter beaucoup à l’admettre. 

Le phénomène de la division spontanée des Infu- 
soires avait été vu d’abord par Beccaria et pris pour un 
accouplement ; ce fut Saussure , en 1765, qui recon- 
nut la vraie signification de ce fait. Dans les années 
suivantes , il se trouva bien encore quelques observa- 
teurs qui ne virent là qu'un accouplement; mais, 
depuis plus de soixante ans, ce mode de propagation, 
si extraordinaire qu'il püt paraître, a été générale- 
ment admis dans la science. Rien , en effet, n’est plus 
éloigné du mode de reproduction des animaux supé- 
rieurs et ne contrarie davantage les lois de l’analogie, 
si, pour en juger, on part de l’autre extrémité de la 
série du règne animal. 

Les gemmes, les bourgeons qu on voit se déta- 
cher du corps des zoophytes, peuvent encore être 
comparés jusqu'à un cerlain point avec les germes 
détachés de l'ovaire des animaux plus parfaits : le 
corps de l’animal mère, par le fait de cette produc- 
tion, même chez les polypes, ne perd aucun de ses 
organes, aucune partie essentielle de l'individu. Dans 
les Infusoires, au contraire, la division spontanée fait 
deux individus complets, des deux moitiés d’un seul 
individu, et ces deux moitiés, nous les voyons, sui- 
vant les espèces, se séparer tantôt en long, tantôt en 
travers, ou bien indifféremment de l’une de ces maniè- 
res, dans une même espèce. Certaines petites espèces 
de Naïs ont montré un phénomène analogue, quoique 
avec plus d’uniformité. Mais, pour ne nous occuper 


(Zusätze zur Erkenntniss, ete., p. 22), et dans son Traité des Infu- 
soires, 1839, P. 10. 


DES INFUSOIRES. 85 


ici que des Infusoires , nous devons dire que leur mul- 
tiplication par division spontanée prouve ou bien que 
le corps susceptible de se partager ainsi en deux moi- 
tiés ne contenait pas d'organes essentiels, ou bien 
que s’il en contenait quelqu'un dans une de ses moitiés, 
cet organe a dû se produire spontanément dans l’autre 
moitié; car on ne peut croire que les organes de la 
partie antérieure, par exemple, se soient dédoublés 
pour envoyer une de leurs moitiés à la partie posté- 
rieure, à travers tous les organes intermédiaires, 
tandis que les organes dédoublés de la dernière partie 
auraient fait à la première un envoi correspondant. 
Or, l’une et l’autre supposition, inconciliables avec 
l’idée de développement d’un germe, viennent égale- 
ment à l’appui des idées qu'on peut se former de la 
simplicité d'organisation des Infusoires, dont toutes 
les parties réunissent en elles les conditions nécessaires 
pour continuer à vivre et à s’accroître après la sépara- 
tion. Et, en effet, ce ne sont pas seulement les deux 
moitiés prises en long ou en travers qui peuvent con- 
tinuer à vivre séparément, mais encore tous les 
fragments dans lesquels un Infusoire est divisé acci- 
dentellement, comme le montrent, avec une très- 
grande probabilité , les exemples rapportés plus haut: 
(p. 31 ). 

Voyons toutefois, pour nous en tenir simplement 
aux faits, ce qui a lieu dans la division spontanée. Un 
Infusoire oblong, tel qu'une Paramécie , un Trichode, 
une Kérone , etc., présente d'abord au milieu un étran- 
glement qui devient de plus en plus prononcé, puis la 
partie postérieure commence à montrer des cils vibra- 
tiles à l’endroit où sera la nouvelle bouche; puis cette 
bouche devient de plus en plus distincte, et la sépa- 


86 HISTOIRE NATURELLE 


ration s'achève en laissant voir la substance glutineuse 
intérieure, étirée jusqu’à ce qu’elle rompe. Les deux 
moitiés, primitivement courtes, arrondies ou comme 
tronquées, s’allongent peu à peu en s’accroissant et 
finissent par ressembler à l’animalcule primitif. Le 
phénomène, dans le cas de division longitudinale , se 
produit d’une manière analogue, sinon que les deux 
parties antérieures se séparent en dernier lieu. M. Eh- 
renberg, pour le besoin de ses théories , ayant sup- 
posé que les vésicules contractiles de la surface sont 
des organes génitaux mâles, ainsi que certains corps 
plus consistants, ovoïdes ou de toute forme, situés à 
l'intérieur , a trouvé là un exemple de la division préa- 
lable des organes dans le cas de division spontanée. 
C’est que, en effet, les vacuoles qu’il nomme des vési- 
cules contractiles, et les prétendus testicules , sont sus- 
ceptibles de se multiplier à tel point, qu'on en voit 
toujours dans les diverses parties du corps de tout 
prêts pour les divisions futures. 

On conçoit que, par ce mode de propagation , un 
Infusoire est la moitié d’un Infusoire précédent, le 
quart du père de celui-ci, le huitième de son aïeul et 
ainsi de suite, si l’on peut nommer père ou mère d’un 
animal celui qui revit dans ses deux moitiés ; aïeul ce- 
lui qui, par une nouvelle division, continue à vivré 
dans ses quatre quarts , etc. ; de sorte qu’un Infusoire 
est une fraction encore vivante d’un Infusoire qui vi- 
vait bien longtemps auparavant et dont il continue la 
vie en quelque sorte. Il résulte de là qu'un corps étran- 
ger , logé dans la partie antérieure, par exemple, d’un 
Infusoire , pourrait être transmis indéfiniment à toutes 
les moitiés antérieures résultant des divisions sponta- 
nées successives, s’il n’était éliminé par excrétion; il 


DES INFUSOIRES,. 87 


en résulte qu’une difflormité, un accident quelconque 
pourrait se transmettre de même, et qu'en un mot, 
la partie antérieure d’un Infusoire, dernier terme d’une 
série de divisions spontanées , est encore la même par- 
tie encore vivante de l’Infusoire primitif. 

Une telle considération conduit à demander si ce 
mode de propagation est vraiment illimité , ou si , la 
vitalité provenant d’un premier germe ou d’une géné- 
ration spontanée, se continue dans un Infusoire et dans 
ses subdivisions binaires jusqu’à un certain terme seu- 
lement , passé lequel tout s'éteint ; de même que nous 
voyons les pucerons, être fécondés en une seule fois pour 
plusieurs générations successives, mais non pour un 
nombre de générations indéfini ? Une solution précise 
de cette question aurait une grande importance, par 
rapport à la question de la préexistence des germes ou 
de la génération spontanée ; peut-être est-elle impossible 
à obtenir; cependant, on a vu déjà ce mode de propa- 
gation continué sans diminution apparente jusqu’à la 
huitième division au moins. 

La division spontanée ne se présente pas aussi clai- 
rement chez tous les types d'Infusoires. Les Vorticelles 
ont, en même temps que ce mode de propagation , la 
faculté de produire des gemmes ou bourgeons, ce qui 
les rapproche véritablement des polypes. Les Vibrions 
se divisent non en deux mais en un nombre indéfini de 
parties qui restent contiguës à la suite les unes des 
autres , au moins pendant un certain temps. Beaucoup 
de Monadiens n'ont pas encore paru se diviser sponta- 
nément ; d’autres, très-probablement , doivent le faire 
comme les Amibes, par l'abandon d’une partie de leur 
substance, qui continue à vivre isolée. C’est également 
ainsi que se multiplient les Arcelles, et ce dernier 


88 HISTOIRE NATURELLE 


exemple, constaté par M. Pellier, permet de penser que 
certains Thécamadiens à têt siliceux tels que les Zra- 
. Chelomonas pourraient se multiplier de même; on peut 
croire au contraire que les Euglena et les Peridinium 
sont tout à fait dépourvus de ce moyen de reproduc- 
tion. 


CHAPITRE VIII. 


DES OEUFS, DES OVAIRES ET DES ORGANES GÉNITAUX MALES 
CHEZ LES INFUSOIRES, ET DE LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 


La science ne tire pas toujours un profit direct des 
efforts tentés prématurément pour arriver à la solution 
de certaines questions. C’est ainsi que toutes les dis- 
cussions pour ou contre la génération spontanée des 
Infusoires ont laissé la question stationnaire, si même 
elles ne l'ont fait rétrograder. Cependant les faits s’ajou- 
tent les uns aux autres; et, s'ils sont exacts, quand 
même, faute d’avoir été coordonnés par une logique 
rigoureuse, ils n'auraient fourni qu’un édifice infor- 
me; ce sont des matériaux qui, mieux connus, loin 
de perdre leur valeur , en acquièrent une nouvelle et 
qu'un architecte plus habile peut un jour mettre en 
œuvre avec sUCCés. 

Spallanzani, lié d'amitié et de pensée avec Bonnet, 
adopta et étendit les idées du naturaliste genevois sur 
la préexistence et Femboîtement des germes, et il ré- 
duisit au néant les arguments de Needham sur la force 
végétative et sur la génération spontanée. Cependant 
les faits qui lui fournirent ses principaux arguments, 
tels que l’étude du poulet dans l’œuf, le Volvox , etc., 
avaient été mal interprétés, et son argumentation porte 


DES INFUSOIRES. 89 


à faux sur bien des points aujourd’hui. D’après ses ex- 
périences sur des infusions soumises à l’ébullition (1) 
et tenues dans des vases hermétiquement fermés, il se 
crut fondé à admettre que les Infusoires les plus sim- 
ples proviennent de corpuscules préorganisés ou ger- 
mes susceptibles de résister à une ébullition de trois 
quarts d'heure, tandis que les germes des Infusoires 
plus complexes, tels que les Paramécies et les Kolpo- 
des, sont détruits beaucoup plus promptement ; les 
uns et les autres étant également susceptibles d’être 
transportés par l'air dans les infusions non scellées, 
qu’elles aient oun'’aient pas été préalablement bouillies. 
À la vérité il parle aussi d'Infusoires qui auraient pon- 
du des œufs (2), et qu'on pourrait croire, d'après sa 
description , être des Kolpoda cucullus ; maïs il est ex- 
trêmement probable que ce fait a rapport à quelque 
Systolide. L’observateur italien, dans un autre endroit, 
revenant encore sur l'apparition des Infusoires qui se 
montrent indifféremment dans diverses sortes d’infu- 
sions, se détermine à penser qu’ils proviennent d’abord 
de quelques germes ou principes préorganisés apportés 
par l'atmosphère; mais, en même temps, il déclare 
formellement (3) n’avoir aucune certitude sur la nature 
de ces principes préorganisés, pour savoir si ce sont 
des œufs, des germes ou d'autres semblables corpus- 
cules. 


(1) Spallanzani. Opusc. phys., trad. franc. , p. 48 et suiv. 

(2) Même ouvrage, p. 217. 

(3) Même ouvrage, pag. 230.— « Les Infusoires tirent sans doute leur 
première origine de principes préorganisés ; mais ces principes sont-ils 
des œufs, des germes ou d’autres semblables corpuscules? S'il faut 
offrir des faits pour répondre à cette question, j'avoue ingénument 
que nous n'avons sur ce sujet aucune certitude. » 


90 HISTOIRE NATURELLE 

Gleichen, comme Ellis, avait bien vu la division 
spontanée des Infusoires, et la regardait également 
comme un cas rare ou accidentel; il croyait que les 
Infusoires les plus simples se forment spontanément par 
l’organisation d’une matière première (1) répandue 
dans toutes les eaux même les plus pures, mais qui 
ne se développe que dans les liquides, tels que les 
infusions, contenant des substances nutritives. Ces In- 
fusoires simples , il croyait les avoir vus se réunir en 
amas, jouissant d’une vie commune et susceptibles de 
s’entourer d’une enveloppe générale pour devenir des 
animaux d'un ordre un peu plus élevé, tels que ce 
qu’il nomme des Pendeloques ( Xolpoda cucullus). Ces 
derniers, qu'il avait colorés artificiellement en leur 
faisant avaler du carmin, étaient, suivant lui, désor- 
mais capables de se reproduire par des œufs, et c'é- 
taient précisément les globules intérieurs, colorés par 
le carmin, qu'il prenait pour des œufs et qu'il avait 
espéré vainement voir éclore; mais on doit croire que 
ce qu'il avait pris pour la ponte des animalcules était 
simplement un effet de décomposition par diffluence, 


(1) Gleichen. Dissertation sur la génération , les animalcules , ete. 
trad. franc. ; p. 108 et suiv. ( $ 83 — $ 90 ). Suivant cet auteur, que 
je ne me flatte pas de pouvoir comprendre ( $ 83), c'est le mouvement 
qui est l'agent ou le principe, et ce sont les particules organiques 
contenues dans l'eau ou parties intimes et constitutives de l'eau (S 88) 
qui sont les éléments de l'organisation. Celles-ci proviennent elles- 
mèmes de la décomposition d’autres êtres organisés. Le mouve- 
ment qu'il nomme intérieur résulte de la séparation des esprits et 
de la matière , dans la fermentation des fluides, et met les particules 
organiques dans un mouvement de coction que Gleichen nomme mou- 
vement radical. Les particules , ainsi mises en mouvement, se réunissent 
de nouveau en vertu de l'attraction ou de quelque autre moyen de 
jonction , pour s'élever à la vie animale par l’action de la substance 
spiritueuse qui s’en est dégagée ($ 90) !!.…. 


DES INFUSOIRES, 941 


puisqu'il observait ses gouttes d’infusion sans les re- 
couvrir d’une lame mince de verre, comme on le fait 
ordinairement aujourd'hui. 

L'opinion de Müller, qui dans ses longues recherches 
se montra généralement exempt d'esprit de système, 
aurait sans doute plus de poids dans cette question 
que celle de Gleichen; malheureusement, parmi les 
contradictions que son éditeur Fabricius a dù laisser 
subsister dans son ouvrage inachevé, nous ne pouvons 
reconnaître au juste les idées qu'il aurait définitive- 
ment adoptées. Ainsi , tout en admettant bien positi- 
vement la multiplication des Infusoires par division 
spontanée, il parle encore, au sujet de plusieurs In- 
fusoires, de leur accouplement; cependant sa pré- 
face, qu'on pourrait croire écrite en dernier lieu, 
contient cette déclaration, qu’il n’a pu voir d’accou- 
plement réel. D’un autre côté ,tout en paraissant, par 
occasion , admettre, comme Leeuwenhoek , une organi- 
sation complexe dans les plus petits vibrions ; ilrapporte 
des faits qui tendent à prouver la génération spontanée 
de ces vibrions ; et, dans sa préface même, il expose 
toute une théorie de la génération spontanée. «Les ani- 
maux et les végétaux, dit-il, se décomposent en parti- 
cules organiques , douées d’un certain degré de vitalité 
et constituant des animalcules très-simples; lesquéls 
sont susceptibles de se développer comme des germes 
par l’adjonction d’autres particules, ou de concourir 
eux-mêmes au développement de quelque autre animal, 
pour redevenir libres après la mort et recommencer 
éternellement un pareil cycle de transmutations ». Ces 
particules constitutives qu’il dit passer alternative- 
ment de l’état de matière brute à l’état de matière or- 
ganique , il croyait bien les avoir vues dans la décom- 


92 HISTOIRE NATURELLE 


position des animaux et des végetaux; mais proba- 
blement il n’avait vu que le mouvement brownien des 
particules désagrégées. 

_ Cettehypothèse, Müller la proposait seulement pour 
les Infusoires les plus simples, et tout au plus pour 
expliquer la première apparition des autres (les Bul- 
laria) dans une infusion ; et cela ne l’'empéchait pas 
d'admettre pour ceux-ci des œufs bien distincts ; mais, 
comme nous l'avons vu plus haut, ce qu'il a pris pour 
des œufs ou des ovaires, ce sont les vacuoles ou vési- 
cules stomacales de l’intérieur , ou bien les exsudations 
de sarcode qu’on voit quelquefois en globules à l'exté- 
rieur. 

Après ces trois naturalistes, ceux qui , comme Tre- 
viranus et Oken, ont traité la question de la repro- 
duction des Infusoires , ont plus argumenté qu’ils n’ont 
observé eux - mêmes. Lamarck, par exemple, avait 
cherché à démontrer par le raisonnement , non-seu- 
lement que les animaux les plus simples peuvent se 
produire spontanément, mais encore que des êtres 
une fois produits de cette manière peuvent acquérir 
un nouveau degré d'organisation qu’ils transmettent à 
des parties d'eux-mêmes, lesquelles, en se dévelop- 
pant à leur tour comme des germes, sont susceptibles, 
d'acquérir progressivement d’autres organes encore. 
Cuvier, dans l'éloge historique de cet illustre natu- 
raliste, fit ressortir habilement toutes les inconsé- 
quences d’un tel système appuyé seulement sur l’ob- 
servation des formes extérieures et développé par 
l'imagination. 

M. Bory de St.-Vincent avait assurément observé 
plus que Lamarck ; cependant , dans sa théorie de l’or- 
ganisation de la matière , il n’a pas su se tenir assez en 


DES INFUSOIRES. 93 


garde contre son imagination, et, par conséquent, 
on ne peut accorder une autorité suffisante à ce qu’il 
dit d’après sa théorie sur la production spontanée des 
Infusoires. 

Au nombre des partisans de la génération sponta- 
née des Infusoires, on doit aussi compter dans ces 
derniers temps M. Fray, qui, dans son essai sur l’ori- 
gine des corps organisés (1817), poussa beaucoup 
trop loin les conséquences qu'il eùt pu tirer de ses 
expériences , et M. Dumas qui, dans le Dictionnaire 
classique d'histoire naturelle, parut croire comme 
Gleichen que des Infusoires peuvent se former par la 
réunion des globules élémentaires, provenant de la 
décomposition de la chair musculaire mise en infusion. 
Il admettait bien , toutefois, qu'on ne faisait revivre 
ainsi que des substances qui ont déjà vécu, mais il 
prenait alors pour un signe de vie le mouvement brow- 
nien des molécules. 

M. de Blainville, d’un autre côté, en indiquant des 
réformes essentielles dans la classe des Infusoires , se 
prononça , mais avec réserve, contre les idées de gé- 
nération spontanée. 

M. Ehrenberg plus hardi, etse fondant sur les 
analogies les plus contestables, entreprit de prouver 
que les Infusoires ne peuvent provenir que d'œufs vé- 
ritables ; et, pour justifier l’ancien principe omne vi- 
vum ex 0vo , il voulut démontrer chez ces animalcules 
l'existence de tousles systèmes d'organes qu’on retrouve 
chez les animaux les plus complexes. 

Reconnaissant avec raison que chez eux il n’y a pas 
accouplement ou concours de deux individus pour la 
fécondation , il crut avoir le droit d’en conclure qu'ils 
doivent être hermaphrodites. Puis, après s'être con- 


94% HISTOIRE NATURELLE 


tenté d’abord de donner le nom d'œufs aux particules 
dans lesquelles un Infusoire se décompose par dif- 
fluence, il voulut trouver aussi des organes génitaux 
mâles. Il nomma donc ainsi, d’une part, des nodules 
ou certains corps plus consistants qui, se décomposant 
moins facilement quand l’animalcule vient à diffluer, 
lui paraissent devoir être les organes sécréteurs ou les 
testicules ; et d'autre part, des vacuoles contractiles et 
toujours remplies d'eau près de la surface , les mêmes 
que Spallanzani avait soupconnées être des organes 
respiratoires, et qui sont pour lui des vésicules sé- 
minales. 

Son principal argument pour démontrer la signifi- 
cation de ces derniers organes , c'est l’analogie des Ro- 
tateurs ou Systolides ; analogie que je crois absolu- 
ment imparfaite; et qui est contredite même par le 
fait de l'existence des œufs qui, chez ces derniers , sont 
très - volumineux proportionnellement, comme en 
général chez tous les animaux inférieurs où leur 
existence est démontrée, tels que les Helminthes, les 
Polypes, etc. ; tandis que les granules, pris pour 
des œufs par M. Ehrenberg dans les vrais Infusoires , 
ces granules qui restent après la diffluence, sont, chez 
quelques espèces, parmi les plus grandes, gros de 
1/1000 à 1/2000 de ligne, ce qui ne fait que 1/100 
à 1/200 , et même 1/400 de la longueur de l’animal (1). 
D'un autre côté, la signification donnée à la vessie 
contractile des Systolides est très - contestable elle- 
même, comme celle de tous les organes qu'on a cru 
deviner à priori. 


(1) Chez le Monas guttula, M. E. fixe cette grosseur à 1/30 du dia- 
mètre de l'animalcule, ce qui fait 1/576o de ligne. 


DES INFUSOIRES. 95 


M. Ehrenberg, qui déclare (1) n'avoir pu voir de 
communication vasculaire entre les prétendus organes 
génitaux des Infusoires , toujours à cause de leur dé- 
licatesse, et qui cependant, d'après des analogies 
quelconques ,: veut faire croire au passage d’une li- 
queur spermatique des testicules dans la vessie con- 
tractile, et de là, par des canaux invisibles, sur les œufs 
disséminés dans toutes les parties du corps : lui qui n’a 
point vu d’animalcules spermatiques dans ces prétendus 
organes sénitaux mâles, tandis que les Distomes dont il 
invoque l’analogie en ont montré à M. Siebold (2) : lui 
enfin qui n’a point vu éclore les prétendus œufs (3), 
et qui tout en reconnaissant que pour être fixé défini- 
tivement sur leur nature, il faudrait avoir vu au moins 
des coques vides après l’éclosion, trouve dans leur cou- 
leur blanche, jaune, verte, bleue, brune ou rouge, 
un argument suffisant pour se prononcer. M. Ehren- 
berg , dis-je, a été conduit à interpréter ainsi les par- 
ties réelles, ou supposées des Infusoires par le seul 
besoin de compléter l’organisation de ces êtres , ou tout 
au plus par de fausses analogies , telles que celles des 


(1) Zusätze zur Erkenntniss, etc. 1836, p. 17 « Da die Zartheit de 
hier abzuhandelnden Objecte bisher nicht erlaubte, den Gefäss-Zu- 
sammenhand dieser Organe mit den übrigen Kôrpertheilen direct zu 
erkennen. » 

(2) Müller’s Archiv für Anatomie, 1836, p. 51. 

(3) 11 s'exprime ainsi dans son mémoire de 1836 (Zusütze zur , etc., 
p. 6) : « L'éclosion d'un jeune animal polygastrique sortant d’un de ces 
œufs, laquelle en fixerait une fois pour toutes la nature, ou même des 
coques laissées vides après l’éclosion , n'ont point encore été observées, 
parce que leur extrême petitesse y oppose une grande difficulté ; mais 
tous les phénomènes observables, tous les rapports et jusqu’à la couleur 
ordinairement vive et souvent verte, jaune, bleue, brune, rouge ou 
laiteuse du vitellus permettent de croire, avec une très-grande vrai- 
semblance , que telle est leur signification. » 


96 HISTOIRE NATURELLE 

Systolides, des Planaires et des Distomes. II fait servir 
les œufs à prouver la signification des organes mâles ; 
puis, prenant celle-ci pour démontrée, il s'en sert 
pour démontrer la signification réelle des œufs : et 
c'est après avoir ainsi tourné plus d’une fois dans un 
cercle vicieux , qu'il dit avec assurance. « En démon- 
» trant , depuis 1832 , la présence des glandes sexuelles 
» mâles et des œufs dans tous les individus d’une es- 
pèce quelconque d’Infusoires , et la manière dont ces 
organes se comportent dans la division spontanée, je 
» crois avoir acquis une base scientifique solide pour 
» ces recherches; la réalité d’une fécondation que 
» Schweigcer, encore en 1820, regardait comme un 
» argument contre l’existence de véritables œufs, trou- 
» vera dans ces rapports , confirmés par la remarquable 
» vessie contractile, un appui d’unesolidité incontesta- 
» ble, jusqu’à ce qu'il ait été complétement démontré 
» queles granules pris par moi pour des œufs, laissent 
» effectivement éclore de jeunes Infusoires en forme 
» de Monades, ou bien jusqu’à ce qu’il ait été positi- 
» vement démontré que leur nature est différente. Des 
» opinions, sans observations exactes, n’ont en vérité 
» absolument aucune valeur. » ( /nfusionsthierchen.… 
1838, p. 382.) 

Si une pareille argumentation pouvait être acceptée 
par les juges compétents, et s’il était admis qu’un au- 
teur eût le droit de donner l’autorité de la vérité à des 
opinions plus ou moins probables, sinon hypothé- 
tiques, en récusant d'avance toute objection de qui- 
conque n'aurait pas préalablement démontré la vraie 
nature des objets en litige; il faut convenir que le 
cas serait bien choisi : en effet, il n’est pas présumable 
que de longtemps on parvienne à démontrer (et il 


Y 


53 


DES INFUSOIRES. 97 


faudrait cela) des communications vasculaires , autres 
que celles supposées par l’auteur allemand dans les 
prétendus organes génitaux des Infusoires, ni que 
l’on démontre la vraie structure de ce qu'il prend pour 
des œufs, car il est physiquement impossible , dans 
l'état actuel de nos connaissances optiques , de déter- 
miner seulement la forme exacte d’un corps globu- 
leux ou polyédrique de 1/2000 de ligne (1/900 milli- 
mètre environ) (1). 

Mais suivons cet auteur lui-même dans le dévelop- 
pement de ses opinions sur la génération des Infu- 
soires, c'est le meilleur moyen d'apprécier au juste 
ses assertions. Dans son premier mémoire (1828-1830), 
sur la distribution géographique des Infusoires, il 
s'efforce de prouver que les germes de ces animalcules 
ne peuvent être apportés par l'atmosphère (2) dans 
les infusions, ce qui, tout en contrariant l'opinion @e 
Spallanzani, ne permettait pas de voir dans les expé- 
riences faites avec tant de soin par le célèbre obser - 
vateur italien autre chose qu'une génération spon- 


(1) On peut déterminer approximativement avec assez d’exactitude 
l'épaisseur d'un filament beaucoup plus mince, mais on ne peut prendre 
idée de sa structure; les corpuscules sanguins ont au moins 1/150 mill. ; 
les petits grains de pollen dont on apprécie bien la structure ont 1/50 
mill., et plus ; d’un autre côté, des séminules de moisissures de 1/260 
mill. ne montrent rien de distinct à l'intérieur, à plus forte raison il 
doit en être de même des prétendus œufs de polygastriques. 

(2) Die geographische Verbreitung der Infusionsthierchen, etc., 
1828-30 , p. 13. Il dit n'avoir pu trouver un seul Infusoire dans l’eau 
de la rosée nouvellement recueillie : mais, pour que l'expérience püt 
réellement être comparée avec celle de Spallanzani , il eût fallu mettre 
infuser avec cette rosée pure, des matières organiques soumises à un 
certain degré de chaleur; de cette manière, les germes , s'ils étaient 
dans la rosée, auraient pu se développer. 11 est présumable d’ailleurs 
que de la rosée recueillie pres d'une grande ville ou dans la ville même 
et conservée seule pendant quelque temps eùt pu donner un résultat 
différent. 


INFUSOIRES. fi 


98 HISTOIRE NATURELLE 


tanée; mais dans ce cas, encore, je crois que 
M. Ehrenberg s’est trop hâté de tirer une conclusion 
générale de quelques expériences faites en voyage avec 
des instruments imparfaits. Dans ce même Mémoire, 
où il veut établir des lois générales sur la distribution 
géographique des Infusoires, il nous apprend que 
toutes les infusions qu'il a préparées lui-même près de 
la mer Rouge et du mont Sinaï, lui ont donné précisé- 
ment les mêmes espèces d’Infusoires qu'en Europe; 
ce qui semblerait plutôt favoriser les idées des parti- 
sans de la génération spontanée qu'indiquer une 
différence réelle dans la distribution géographique 
des Infusoires. Dans le Mémoire publié avec le précé- 
dent (14830), sur la connaissance de l’organisation des 
Infusoires, il avait pris la diffluence du Kolpoda cu- 
cullus pour la ponte de cet animalcule, et il avait 
représenté (pl. III, fig. 14) le prétendu ovaire 
comme un réseau formé de fibres de 1/1000 de ligne. 
Il s'appuyait de l’observation des Systolides seulement 
pour prétendre que tous les Infusoires naissent d’un 
œuf, et croyait avoir suflisamment prouvé l’absurdité 
de la génération spontanée et équivoque, en accor- 
dant à tous les Infusoires, même au Monas termo, 
une organisation très-complexe. Il déterminait par le 
calcul les dimensions des estomacs des plus petits In- 
fusoires, et supposait des particules alimentaires de 
1/36000 de ligne, destinées à remplir des estomacs 
de 1/6000 de ligne ; il fixait enfin la grosseur de leurs 
œufs qui devait être de 1/6000 de ligne. Le tout sans 
s'inquiéter des limites probables de la divisibilité des 
substances organiques et de l’influence que peuvent 
exercer de si petites dimensions sur les phénomènes 
physiques. 


DES INFUSOIRES. 99 


Dans son second Mémoire (1832), sur le dévelop- 
pement et la durée de la vie des Infusoires, il se pro- 
pose plus spécialement de combattre la génération 
spontanée; bien qu'il crût déjà l'avoir complétement 
anéantie par sa précédente argumentation. ILdéclare 
avoir constaté que la génération de ces êtres est nor- 
male, et qu'elle à lieu au moyen d'œufs; mais chose 
singulière ! il ne parle encore que des œufs si gros, si 
incontestables des Systolides, et en particulier de 
l’'Aydatina senta, quant aux Infusoires proprement 
dits, il n’a point vu éclore leurs œufs; bien loin de là, 
il prouve par des expériences prolongées durant neuf 
ou dix jours, qu'il n’y a pas eu d'autre mode de 
propagation que celui par division spontanée. Car 
on devra convenir que c'est un fait embarrassant 
pour les partisans de l’oviparité que de voir con- 
stamment dans une même infusion tous les indi- 
vidus d’une inême espèce à peu près de Ia même 
grosseur , ou bien montrant, s'ils sont plus petits, 
les traces d’une division récente, comme si tous 
avaient dù éclore au même instant, et comme si 
l'éclosion des œufs était désormais ajournée jusqu’à 
ce qu'une nouvelle infusion soit préparée. Eh bien! 
cest là tout ce qu'a vu M. Ehrenberg dans ses ex- 
périences, peu nombreuses à la vérité, sur deux 
espèces d’Infusoires proprement dits. Il a vu dans 
deux tubes de verre un seul individu de Parame- 
cium aurelia se diviser spontanément trois fois dans 
vingt-quatre heures, d’où résultaient huit indivi- 
dus; lesquels continuèrent à se diviser ainsi pen- 
dant plusieurs jours de manière à remplir le tube 
d'individus tous semblables à l’animalcule primitif, 


tous produits de la même manière et sans aucun mé- 
ré 


100 HISTOIRE NATURELLE 
lange d'individus plus petits qui seraient provenus 
d'œufs; il dit même très-positivement à la page 11 : 
« Je n'ai pas observé qu'il soit né des individus pro- 
venant d'œufs. » 

Le Stylonychia mytilus (Kerona mytilus Müller) lui 
a présenté une seule fois les mêmes résultats d’une 
manière incomplète. Aussi, a-t-il soin de dire, qu’il 
ne peut rien en conclure touchant la durée de sa vie; 
cependant il passe un peu plus loin (p.12) à des con- 
clusions générales et tout à fait afhrmatives. Suivant 
lui, la force reproductive des animaux Infusoires est 
plus développée que dans aucune autre classe d'êtres, 
et pour expliquer leur multiplication rapide en très- 
peu de temps , &l n’est plus besoin de la génération 
spontanée qui, d'après ces nouvelles observations, 
parait une hypothèse superflue et que n’appuie au- 
cune observation certaine. Voilà un des nombreux 
exemples de la logique de M. Ehrenberg, et de sa 
tendance à généraliser. Il a la franchise de nous dire 
qu'il n’a vu aucun indice de la multiplication par les 
œufs dans deux espèces de polygastriques , et il con- 
clut que tous les Infusoires polygastriques doivent 
provenir d'œufs ; mais admettons son observation 
comme exacte, et cela d'autant plus volontiers qu’elle 
a été faite de la même manière par Saussure en 1769 : 
ne serait-il pas plus simple d'admettre que ces Infu- 
soires se sont produits une première fois spontané- 
ment dans une infusion à un certain degré de fer- 
mentation, ou qu'ils proviennent du développement 
successif de quelque autre forme produite elle-même 
spontanément dans cette infusion, et que, arri- 
vés à un certain degré de développement , ils ont 
pu seulement se multiplier par division sponta- 


DES INFUSOIRES. 101 
née (1)? Mais je me hâte de le dire, je n’adopte pas cette 
idée non plus que celle des œufs ; j'ai voulu seulement 
mettre une opinion probable à côté d’une opinion pro- 
bable , et j'attends des faits pour me prononcer sur un 
sujet aussi important. Je conviens volontiers qu'aucun 
observateur digne de foi n’a vu se former un Infusoire 
sous ses yeux ; je crois même qu'il serait absurde de 
supposer qu'un animalcule, si simple füt-il, se formât 
ainsi par une agrégation de molécules par une sorte 
de cristallisation; mais je ne crois point du tout à la 
vraie nature des œufs en question et si probléma- 
tiques. 

Il ne serait pas impossible assurément que les parti- 
cules organiques provenant de la décomposition des 
Infusoires, celles-là même que, dans quelques espèces, 
M. Ehrenberg prend pour des œufs , pussent servir à 
la reproduction des Infusoires ; mais ce ne seraient pas 
des œufs pourvus comme on l’entend d’une double en- 
veloppe, d’un albumen, d’un vitellus et d’une vésicule 
germinative ; ce seraient les plus simples des germes, 
ce que, peut-être , Spallanzani entendait nommer des 


(1) De ce que, dans les observations’citées, on n'a vu dans le liquide que 
des animalcules de même grosseur , on doit conclure aussi qu'il ne s’est 
point opéré, pendant la durée de l'expérience (9 à 10 jours) , de gé- 
nération spontanée, non plus que d'éclosion d'œufs; mais, pour peu 
qu'on ait l'habitude d'obserrer desinfusions, on doit savoir qu'un certain 
degré de fermentation ou de putréfaction est nécessaire pour l'appari- 
tion de certains animalcules qu'on ne voyait pas auparavant et qu'on 
cesse quelquefois même aussi de voir plus tard ; soit qu'ils aient été 
remplacés par d'autres ; soit qu'ils aient subi une certaine modification 
relative, Pour que les mêmes raisonnements fussent applicables aux œufs 
des Paramécies , il faudrait admettre que ces animalcules, au sortir de 
l'œuf, nè sont pas encore des Paramécies , mais des animalcules plus 
simples vivant dans l'infusion à un autre degré de fermentation ; alors 
on arriverait de conséquence en conséquence à l'opinion citée plus haut. 


102 HISTOIRE NATURELLE 


corpuscules préorganisés ; ce seraient ce que d'autres 
ont appelé des globules élémentaires ; des molécules 
qui, ayant joui de la vie, sont susceptibles de recom- 
mencer, suivant l'expression de Müller, un cercle déjà 
parcouru. 

Je ne crois pas impossible non plus, d’après ce que 
j'ai vu des changements qu'éprouvent les Infusoires 
suivant la nature des infusions; je ne crois pas im- 
possible que ces petits germes parcourent une série de 
développements plus où moins variés avant d'arriver 
au degré le plus élevé, et qu'ils ne puissent aussi, 
suivant l’état de l’infusion, rester stationnaires dans 
un degré inférieur. Gette manière de voir, vers la- 
quelle je suis conduit par mes observations, mais pour- 
tant sans y être encore arrivé, a plus d’un point de res- 
semblance avec celle de M. Ehrenberg, qui a signalé le 
premier les formes diverses sous lesquelles se montre 
le Kolpoda cucullus avant d’avoir atteint le terme de 
son développement : s’il ne tenait pas beaucoup à la 
signification de ces œufs d'Infusoires, on pourrait 
même finir par ne voir dans cette discussion qu’une 
querelle de mots; mais je reviens à l’examen des opi- 
nions successivement développées par M. Ehrenberg 
sur les organes génitaux des Infusoires. 

Dans son! iroisième mémoire (1833), il représente 
plusieurs fois la diffluence des Infusoires comme la ponte 
ou l'émission des œufs, et parle plus positivement des 
granules qu’il prend pour les œufs, lors même qu'ils 
ne se montrent que comme une matière colorante uni- 
formément répandue; tandis que, dans son premier 
mémoire, le résultat de la diffluence ou de la ponte du 
Kolpode était représenté seulement comme un réseau 
de fibres. Puis, parmi les vésicules intérieures prises 


DES INFUSOIRES, 103 


d’abord indifféremment pour des estomacs (1), il choisit 
les plus grandes, les plus subitement contractiles, celles 
qui ne contiennent jamais que de l’eau, et en fait des 
organes sexuels mâles. Quand il aperceut plus tard les 
prétendus testicules, ies vésicules contractiles ne furent 
pour lui qu'un organe d’éjaculation, et leurs contrac- 
tions brusques durent avoir pour objet de lancer sur 
les ovaires, répandus par tout le corps, leur contenu si 
abondant, arrivé on ne sait d’où. Si ce singulier mode 
de fécondation intérieure par des éjaculations si co- 
pieuses et si fréquentes était cru véritable, on devrait 
convenir au moins que la nature nous a accoutumés 
à la trouver plus avare et plus simple dans ses moyens. 

Ces vésicules contractiles, qu'on voit simplement 
globuleuses dans la plupart des Infusoires , se mon- 
trent avec une forme plus complexe ou une disposi- 
tion particulière dans quelques espèces. Dans les Pa- 
ramécies aurélies, elles constituent, comme je l'ai 
déjà dit, les organes en étoile que Spallanzani croyait 
destinés à la respiration, et dont il décrit ainsi le 
mouvement régulier et alterne : « À toutes les trois ou 
quatre secondes, les deux petits globes centraux se 
gonflent comme des utricules et deviennent plus gros 
du triple ou du quadruple, et l’on aperçoit le même 
changement dans les rayons des étoiles, avec cette 
différence, que lorsque les petits globes s’enflent , les 
rayons se désenflent (2). » M. Ehrenberg les a vues de 
la même manière dans les Paramécies, où je les ai 


(x) Elles se distinguent des estomacs également contractiles, parce 
qu'elles ne se remplissent jamais comme ceux-ci de nourriture colorée, 
et restent tout à fait transparentes (Ehrenberg, 1836. Zusützezur, ete., 
P- 9). 

(2) Spallanzani. Opus. phys. trad. franc. , t. 1 , p. 248. 


10% HISTOIRE NATURELLE 

également étudiées avec soin ; mais, de plus, il a si- 
gnalé aussi la présence de vésicules contractiles en 
étoile dans trois autres espèces (PBursaria leucas, 
Ophryoglena atra, et Glaucoma scintillans), et il 
a indiqué une vésicule à bord perlé.ou moniliforme 
dans la Nassula ornata. 

Les vésicules en étoile dont il discute la signification 
dans son mémoire de 1836, p. 9 (1), lui ont particu- 
lièrement paru démontrer la réalité d’une éjaculation 
qui serait dirigée par les branches sur les divers ovi- 
ductes , tandis que la vésicule centrale serait l’extré- 
mité élargie du conduit déférent. Conséquemment, il 
suppose aussi que les vésicules simples doivent éjacu- 
ler leur contenu par des ouvertures percées dans leurs 
parois , ouvertures invisibles qu'il ne craint pas d’ad- 
mettre, tandis qu'il nie la possibilité du passage de 
l’eau à travers les mailles du tégument , dans le cas où 
on les voudrait considérer avec Spallanzani comme des 
organes respiratoires. Mais, que l’on considère leur 


(1) 11 s'exprime ainsi à la page 11 du mémoire cité (Zusätze zur Er- 
kenntniss , etc.): « Il est difficile de se représenter clairement la con- 
nexion de ces organes avec le système auquel ils appartiennent. Mon 
opinion individuelle est la suivante : les vésicules contractiles sont les 
extrémités élargies du canal déférent (non encore apercu), qui vient du 
testicule. Dans les cas les plus ordinaires, ces extrémités élargies et 
contractiles s'abouchent immédiatement dans l'oviducte , comme chez 
les Rotateurs; conséquemment leur forme est également simple. Mais, 
dans d'autres cas, l'ovaire peut bien communiquer avec plusieurs ovi- 
ductes qui se réunissent de nouveau à l'orifice sexuel. D'après cela, la 
vésicule contractile pourrait bien être liée avec les canaux en étoile, 
qui, de cette vésicule, conduisent aux différents oviductes..… Si l'on 
considérait aussi les vésicules contractiles simples comme pourvues de 
plusieurs orifices correspondant aux oviductes et s'y abouchant , alors 
disparaitrait la différence (le restant, Schroffheit) entre les diverses 
formes ; alors quelques animaux auraient seulement l'embouchure de la 
vésicule séminale dans l'oviducte plus éloignée de cette vésicule, et les 
rayons seraient les canaux de communication. » 


DES INFUSOIRES, 105 


multiplication dans les Infusoires mourants, ou dans. 
ces animaux simplement comprimés entre deux lames 
de verre et privés des moyens de renouveler le liquide 
autour d’eux ; que l’on se rappelle leurs rapides con- 
tractions et même leur complète disparition , qui ont 
frappé tous les observateurs ; que l’on songe enfin à 
la manière dont elles se soudent et se confondent plu- 
sieurs ensemble, et l’on ne pourra s'empêcher de re- 
connaître des vésicules sans téguments ou des vacuoles 
creusées spontanément près de la surface , pour rece- 
voir , à travers les pores du tégument, le liquide ser- 
vant à la respiration. 

La pluralité des vésicules contractiles a été inter- 
prétée par M. Ehrenberg comme un indice de prochaine 
division spontanée ; mais le fait de la soudure des vé- 
sicules apparaissant chez les Infusoires mourants n’a 
pas même été mentionné par lui. 

Dans son mémoire de 1833 , M. Ehrenberg ne figura 
point encore ce qu’il nomme la glande séminale, le 
testicule ; mais il la mentionna dans le texte seulement 
à l’article du Chilodon cucullulus, du Paramecium 
aurelia , et des trois Vassula , comme une découverte 
toute récente. C'était , disait-il , un corps glanduleux, 
diaphane , ovale oblong , situé près de la bouche, et 
ne présentant aucune connexion avec les autres orga- 
nes. Dans son mémoire de 1836, il poursuivit chez 
tous les Infusoires la recherche de cet organe qui de- 
vait compléter leur système sexuel mâle, et il a pré- 
tendu l’avoir trouvé presque partout, même chez les 
Euglènes qui n’ont pas de vésicule contractile ou sé- 
minale. Aussi ne s'est-il pas montré difficile pour la 
détermination de cet organe ; non-seulement il y rap- 
porta les gros globules en chapelet des Stentor poly- 


106 HISTOIRE NATURELLE 


morphus et cæruleus et de son ÆAmphileptus moniliger, 
les bandes sombres plus ou moins contournées dans 
l'intérieur du corps du Stentor Mulleri, de plusieurs 
Vorticelles et Bursaires , et les corps ovoïdes ou glo- 
buleux paraissant plus denses ou plus consistants dans 
la plupart des autres Infusoires, maïs encore il désigna 
ainsi les corpuscules en petites baguettes de lÆ4mblro- 
phis et de quelques Euglena, ceux très-nombreux et 
en petits anneaux de l’Euglena spirogyra, le disque 
observé dans l’Euglena pleuronectes, et une foule d’au- 
tres corpuscules non moins problématiques observés 
dans l’intérieur du corps des Infusoires, et qui n’ont 
d’autres titres à cette distinction que le besoin qu'en a 
l’auteur pour compléter sa série. Plusieurs de ces cor- 
puscules persistant après la diffluence des animalcules 
furent pris par Müller pour des œufs ; la plupart sont 
jusqu'alors restés sans signification et pourront bien 
être encore longtemps considérés comme tels par les 
naturalistes qui voudront considérer la solidité des ar- 
guments du professeur de Berlin pour assigner une 
même fonction à des corpuscules si divers et sans con- 
nexion aucune avec les autres organes. 

Quant à moi, j'ai bien vu dans un grand nombre 
d’Infusoires , notamment dans les Stentor , les Tricho- 
dines , les Vorticelles, les Fuglènes, les Oxytricha, 
les Kérones , etc., les corpuscules en question ; j'ai 
bien vu que, dans les Infusoires diffluents , ils résis- 
tent plus à la décomposition spontanée que ne devrait 
le faire un corps glanduleux comparativement aux 
autres parties que leur contractilité devrait rappro- 
cher de la chair musculaire des Mollusques ; mais je 
n'ai pu me faire une idée de leurs fonctions dans l’or- 
ganisme , non plus que celles des diverses sortes de 


DES INFUSOIRES, 107 


granules qui restent après la diffluence d’un Infusoire. 
Je suis bien disposé à croire qu’il doit y avoir là des 
corpuscules reproducteurs, mais je ne saurais les dis- 
tinguer parmi les granules simples, qui sont proba- 
blement un produit de sécrétion ; parmi ceux qui ont 
pénétré comme aliments ou comme corps étranger dans 
l’animalcule vivant , et enfin parmi les concrétions ou 
les cristallisations produites à la surface de l’Infusoire 
par les matières terreuses dissoutes dans l’eau (1). A la 
vérité , M. Ehrenberg , en outre de leur coloration, 
attribue à ses prétendus œufs une grosseur uniforme 
dans chaque espèce , et prétend qu’ils se développent 
et disparaissent périodiquement , mais je n’ai pu con- 
stater ces derniers faits. 

En définitive , je pense donc qu’à part le fait incon- 
testable de la division spontanée des Infusoires , nous 
ne savons rien de précis sur la génération de ces ani- 
maux, ni sur les organes qui peuvent servir à cette 
fonction , ni sur les œufs qui doivent les reproduire. 
Serait-ce à dire qu'il faut croire à leur production 
spontanée ? non sans doute, si on l’entend à la manière 
de Lamarck, ou si l’on veut que les éléments chi- 
miques se soient rencontrés pour former une combi- 
naison douée de la vie, ce qui serait universellement, 
je crois, regardé comme une absurdité ; mais peut-être 
pourrait-on se rapprocher de la manière de voir de 
Spallanzani , qui ,tout en combattant les idées absurdes 
de quelques-uns de ses contemporains, se trouvait 


(1) M. Ehrenberg a vu des cristaux sur certains Infusoires ; j'ai vu, 
de mon côte, fort souvent de petits cristaux de sulfate de chaux sur 
les animalcules habitant des eaux tres-chargées de ce sel, comme sont 
les eaux de Paris concentrées par l'évaporation spontanée, 


108 HISTOIRE NATURELLE 


conduit par ses expériences, si consciencieusement 
faites, à admettre que les Infusoires naissent de cor- 
puscules préorganisés , apportés par l'air dans les in- 
fusions et susceptibles de résister à certaines actions 
physiques qui détruiraient des œufs proprement dits ; 
corpuscules que lui-même n'ose pas nommer des germes 
ni des œufs ; tandis que d’un autre côté il suppose que 
« pour des animaux inférieurs (1), le changement de 
demeure , de climat , de nourriture, doit produire peu 
à peu dans les individus , et ensuite dans l'espèce, des 
modifications très-considérables qui déguisent à nos 
yeux les formes primitives. » 


CHAPITRE IX, 


DE LA CIRCULATION ET DE LA RESPIRATION CHEZ LES INFUSOIRES, 
DE LEURS SENS ,; DE LEURS NERFS ET DE LEUR INSTINCT, 


Corti , en 1774, trompé par le mouvement ondula- 
toire des cils qu’il ne pouvait distinguer eux-mêmes à 
la surface des Infusoires, admit une circulation réelle 
chez ces animaux ; d’autres observateurs , plus récem- 
ment, ont commis la même erreur, ou bien ont été 
dupes de quelque autre cause d’illusion. M. Ehren- 
berg lui-même, qui dans son troisième mémoire 
avait cru reconnaître sur le Paramecium aurelia un 
réseau vasculaire , renonce , dans son Traité des Infu- 
soires (p. 351), à cette supposition , et pense que ce 
pourrait être le réseau de l'ovaire; et si, dans la des- 
cription de presque tous ses genres, il mentionne le 


(x) Spallanzani. Opuscules de physique. Trad, franc., t. 2, p. 124. 


DES {NFUSOIRES. 109 


système vasculaire, c’est pour répéter chaque fois 
qu’on n’a pu jusqu'ici le reconnaître directement , ce 
qui ne l'empêche pas toutefois d'en admettre l'existence 
et de s’écrier avec admiration, en parlant des Micro- 
glena (M) : « Mais quelle ténuité doivent avoir les 
vaisseaux de ces petits animaux! » 

Quant à la respiration , elle paraît plus réelle chez 
les Infusoires , soit qu’on admette, d’après Spallanzani, 
que les vésicules contractiles sont destinées à cette 
fonction ; soit qu’on admette, d’après l’analogie de 
beaucoup d'animaux inférieurs, que le mouvement 
vibratile des cils peut n’y être pas étranger, en même 
temps qu'il sert à la locomotion et à la production du 
tourbillon qui amène les aliments. On ne peut douter 
que ces animalcules n’aient besoin de trouver de l'air 
respirable dans l’eau ; les expériences faites par M. Pel- 
tier (2) sur l’asphyxie de ces animalcules, tendent à 
le prouver, ainsi que je l'ai rapporté plus haut en 
parlant de la manière dont se comportent des Infu- 
soires légèrement comprimés entre des lames de verre. 

Nous avons vu à la page 73 ce qu'on peut penser 
du sens du goût découvert par M. Ehrenberg chez les 
Infusoires. Le sens de la vue, découvert par le même 
naturaliste, aurait plus de réalité s’il suffisait de la 
coloration d’une tache sans organisation appréciable, 
sans forme constante , sans délimitation précise, pour 
prouver que ce doit être un œil. Mais, par exemple, 
dans les Euglènes, qui sont particulièrement citées 
comme caractérisées par cet organe, la tache rouge 


5 
qu'on prend pour un œil est excessivement variable; 


(1) Die Infusionsthierchen.… 1838; p. 26. 
(2) L'institut, 1836, n. 158 , p. 158. 


110 HISTOIRE NATURELLE 


elle est quelquefois multiple, quelquefois formée de 
grains irrégulièrement agrégés. 

L’analosie se trouve encore ici en défaut sur ce 
point ; car, si l’on descend dans la série des animaux, 
on se trouve forcé, pour la détermination de cet or- 
gane, de sauter brusquement des Daphnies, qui ont 
encore un œil mobile rappelant par sa composition 
celui des Insectes et des Crustacés ; ou bien des Mol- 
lusques, dont l'œil, pourvu d’un cristallin, est comme 
dérivé du type de l'œil des vertébrés; on se trouve, 
dis-je, forcé de passer à des animaux ne présentant 
plus que des taches diffuses. Ges taches , soit par leur 
nombre, soit par leur position, ont si peu d'impor- 
tance physiologique dans les Planariées et dans cer- 
taines Annélides, que souvent on ne pourrait même 
en faire un caractère spécifique absolu. Chez les Sys- 
tolides ou Rotateurs, dont l’analogie est plus particu- 
lièrement invoquée , on les voit disparaître avec l’âge 
pour quelques espèces, et, pour d’autres , se montrer 
plus distinctes, suivant le volume ou le développe- 
ment des individus; de sorte que le savant micro- 
graphe de Berlin ayant voulu baser ses caractères gé- 
nériques pour ces animaux sur la présence et le nombre 
des yeux, a été conduit à mettre dans des genres diffé- 
rents certaines espèces très-voisines sinon identiques. 
Mais que la couleur rouge ou noire soit en général 
un attribut du pigment des yeux, ce ne doit pas être 
une raison pour supposer un œil partout où l’on voit 
au rouge ; sinon il en faudrait accorder même à des 
vers intestinaux , tels que le Scolex polymorphus, qui 
a deux taches rouges au cou; aux Actinies, qui sou- 
vent en sont toutes parsemées ; aux Mollusques bival- 
ves , tels que les Peignes, etc. 


DES INFUSOIRES. 411 


Si l’on invoquait la faculté qu'ont les Infusoires de 
se diriger dans le liquide et de poursuivre leur proie, 
au moins faudrait-il vérifier d’abord la réalité de cette 
faculté, que je crois aussi fabuleuse que tout ce qu'on 
rapporte de l'instinct de ces animalcules. Et encore 
cela ne sufhrait pas pour prouver que les points rouges 
sont des yeux, car le plus grand nombre des Infusoires 
auxquels on a supposé cette faculté en sont dépour- 
vus, et ceux qui en présentent, au contraire, n'ont 
point montré cette faculté plus développée. 

M. Ehrenberg, suivant sa méthode d’argumenta- 
tion , après avoir supposé la signification des points 
rouges, s’en est servi pour démontrer la vraie signifi- 
cation de certaines taches blanches plus ou moins dis- 
tinctes qu'il prend pour un cerveau ou tout au moins 
pour un ganglion nerveux ; c’est là tout ce qu’on dit 
avoir vu du système nerveux chez les Infusoires ; tout 
le reste est fourni par l’analogie. 

Nous ne devons pas , je pense , nous arrêter à com- 
battre plus longtemps toutes les suppositions qui ont 
été faites sur l’instinct de ces animaux ; la plupart des 
faits anciennement cités sur cet objet sont controuvés : 
le fait, par exemple, rapporté par Spallanzani, de 
certains Infusoires qui viennent aider à se séparer, les 
deux moitiés d’un animalcule en voie de se diviser 
spontanément, ne supporterait pas aujourd'hui un 
sérieux examen. Le fait du groupement des Infusoires 
du genre Uvella s'explique tout naturellement par la 
division spontanée ; et celui de la réunion d'Infusoires 
d'abord libres, s'il n'est pas le résultat de l’évapora- 
tion du liquide ou de quelque circonstance fortuite, 
pourrait s'expliquer tout aussi facilement. Quant à 
l'acte de chercher et de choisir des aliments, il est, 


112 HISTOIRE NATURELLE 


comme je l'ai dit plus haut, le résultat de l’action mé- 
canique des cils, produisant dans le liquide un cou- 
rant dirigé vers la bouche. 


CHAPITRE X. 


RÉSUMÉ SUR L'ORGANISATION DES INFUSOIRES. 


4 


Aux observations exposées dans cette première partie 
sur l’organisation des vrais Infusoires , si nous ajoutons 
les particularités les plus frappantes sur la forme, sur 
la couleur, sur le genre de vie et d'habitation de ces 
animaux , nous pourrons , au lieu de la définition en 
quelque sorte pratique donnée dans notre premier 
chapitre , présenter le résumé suivant comme une dé- 
finition plus complète et plus rationnelle. 

Les vrais Infusoires, dont la forme est plus ou moins 
variable, irrégulière et essentiellement asymétrique, 
ou dépourvue de symétrie, tendent à se rapprocher 
de la forme globuleuse ou ovoïde, soit par l'effet de 
leur contractilité propre, soit quand la vitalité diminue 
chez eux; ils peuvent, sans cesser de vivre, subir les 
altérations ou les déformations les plus variées par 
l'effet d’une blessure quelconque ou d’une décomposj- 
tion partielle, ou par suite de quelque changement 
survenu dans la composition du liquide où ils nagent. 

Leur forme montre souvent d’ailleurs , soit dans les 
plis, les rides ou les stries de la surface, soit dans 
l’arrangement des cils vibratiles, une tendance mar- 
quée à la disposition spirale ou en hélice ; de sorte que 
ces caractères de forme, qui ne manquent absolument 
que dans quelques types symétriques , rangés pro- 
visoirement à la suite des Infusoires, paraissent devoir 


DES INFUSOIRES. 113 


entrer en première ligne dans Îa définition de ces 
. animaux. 

Les Infusoires se produisent de germes inconnus, 
dans les infusions soit artificielles , soit naturelles, 
telles que l’eau stagnante et celle qui, dans les rivières, 
séjourne entre les débris de végétaux. On ne leur con- 
naît aucun autre mode de propagation bien avéré que 
la division spontanée. La substance charnue de leur 
corps est extensible et contractile comme la chair mus- 
culaire des animaux supérieurs, mais ellene laisse voir 
absolument aucune trace de fibres ou de membranes, 
et se montre au contraire entièrement diaphane et ho- 
mogène , sauf le cas où la surface paraît réticulée par 
l’effet de la contraction. 

La substance charnue des Infusoires , isolée par le 
déchirement ou la mort de l’animalcule, se montre 
dans le liquide en disques lenticulaires ou en globules 
réfractant peu la lumière , et susceptibles de se creuser 
spontanément de cavités sphériques analogues par leur 
aspect aux vésicules de l’intérieur. Les vésicules for- 
mées à l’intérieur des Infusoires sont dépourvues de 
membrane propre et peuvent se contracter jusqu'à 
disparaître, ou bien peuvent se souder et se fondre 
plusieurs ensemble. Les unes se produisent au fond 
d’une sorte de bouche et sont destinées à contenir l’eau 
engloutie avec les aliments ; elles parcourent ensuite 
un certain trajet à l'intérieur , et se contractent en ne 
laissant au milieu de la substance charnue que les par- 
ticules non digérées, ou bien elles évacuent leur con- 
tenu à l'extérieur par une ouverture fortuite, qui peut 
se reproduire plusieurs fois, quoique non identique, 
vers le même point, ce qui pourrait faire croire à la 
présence d’un anus. 

INFUSOIRES. 8 


114 HISTOIRE NATURELLE 


Les vésicules contenant des aliments sont indépen- 
dantes et ne communiquent point avec un intestin ni 
entre elles , sauf le cas où deux vésicules viennent à se 
souder. | 

Les autres vésicules ne contenant que de l’eau, se 
forment plus près de la surface, et paraissent devoir 
recevoir et expulser leur contenu à travers les mailles 
du tégument. On peut, d’après Spallanzani, les con- 
sidérer comme des organes respiratoires ou du moins 
comme destinées à multiplier les points de contact 
de la substance intérieure avec le liquide environ- 
nant. 

Les organes extérieurs du mouvement sont des fi- 
laments flagelliformes, ou des cils vibratiles, ou des 
cirrhes plus ou moins volumineux, ou des prolonge- 
ments charnus; lesquels, à cela près qu’ils sont plus 
ou moins consistants, paraissent tous formés de la 
même substance vivante, et sont contractiles par eux- 
mêmes dans toute leur étendue. Aucun n’est de nature 
épidermique ou cornée, ni secrété par un bulbe. 

Sauf quelques téguments contractiles et le pédicule 
des Vorticelles, et le faisceau de baguettes cornées 
qui arment fa bouche de certaines espèces , toutes les 
parties vivantes des Infusoires se décomposent presque 
subitement dans l’eau après la mort. 

Les œufs des Infusoires, leurs organes génitaux, 
leurs organes des sens, ainsi que leurs nerfs et leurs 
vaisseaux , ne peuvent être exactement déterminés, et 
tout porte à penser que ces animalcules, bien que 
doués d’un degré d'organisation en rapport avec leur 
manière.de vivre, ne peuvent avoir les mêmes sys- 
tèmes d'organes que les animaux supérieurs. Les 
points colorés, ordinairement rouges, que l'on a 


DES INFUSOIRES. 115 
pris pour des yeux, par exemple, ne peuvent avec la 
moindre certitude recevoir cette dénomination. 

Quoique la coloration de certains Infusoires pro- 
vienne des particules végétales ou autres qu’ils ont 
avalées, cependant il en est plusieurs qui, par une 
couleur propre bien prononcée, se distinguent de la 
grande majorité des Infusoires qui sont blancs ou in- 
 colores. 

Le genre de vie et l'habitation pourront aussi faire 
distinguer plusieurs Infusoires; ainsi quelques-uns 
vivent exclusivement dans l’intérieur du corps de 
certains animaux d’une classe plus élevée, dans les 
Lombrics par exemple, et dans l’intestin des Batra- 
ciens; d’autres sont simplement parasites à la surface 
des Hydres et de quelques Zoophytes et Helminthes. 
Plusieurs, pour se trouver toujours dans une eau re- 
nouvelée, se fixent à des Crustacés ou à des larves de 
Nevroptères, ou à des coquilles de Mollusques, qui 
les transportent avec eux dans les endroits où l’eau 
est suffisamment aérée ; c’est là surtout le mode d’ha- 
bitation de plusieurs Vorticelliens. Un plus grand 
nombre d’Infusoires vivent exclusivement dans des 
eaux très-chargées de substances organiques dis- 
soutes; d’autres enfin ne se trouvent que dans la mer, 
au milieu des Hydrophytes du rivage. 


116 HISTOIRE NATRUELLE 


EE —…—…—…—…—…….…"…—"…. 


DEUXIÈME PARTIE. 


CLASSIFICATION DES INFUSOIRÉES. 


CHAPITRE XI. 


DISCUSSION DES CARACTÈRES OFFERTS PAR LES INFUSOIRES, 
ET CLASSIFICATION BASÉE SUR CES CARACTÈRES. 


Si, en partant des observations précédentes, on es- 
saye d'établir pour les Infusoires une classification ba- 
sée sur les seuls caractères réels, on ne tarde pas à 
s’apercevoir qu'au contraire de ce qui se présente 
dans les autres classes du règne animal et dans le rè- 
gne végétal, on manque ici le plus souvent de signes 
ou caractères suffisants pour distinguer l'espèce, et 
même en certains cas l'individu. Ici, en effet , au lieu 
de ces formes arrêtées, de ces organes bien définis 
qui se présentent ailleurs, on ne trouve qu’une forme 
instable , incessamment modifiée par des causes qu’on 
ne peut pas toujours apprécier convenablement. Ainsi 
des modifications de forme qui, dans les autres classes, 
fournissent de si excellents caractères spécifiques, sont 
souvent sans nulle valeur pour les Infusoires ; et cela 
explique pourquoi la plus grande partie des phrases 
linnéennes de Müller ne peuvent absolument servir à 
rien. Les divers appendices extérieurs, qui avaient 


DES INFUSOIRES. 117 


échappé aux moyens d'observation des anciens micro- 
graphes, pourront sans doute fournir des caractères 
d'une plus grande valeur ; mais ce ne seront jamais 
que des caractères de genre ou de famille, et non des 
caractères d'espèce ; et encore, pour achever de carac- 
tériser un genre, faudra-t-il recourir à des caractères 
pris de la forme en général, ou d’une certaine dispo- 
sition particulière qu'on ne peut exprimer avec la con- 
cision qui est le propre des phrases linnéennes; :ïil 
en résulte donc un certain vague dans la circonscrip- 
tion de ces genres. Quant aux espèces, on sera réduit 
à employer, pour les distinguer, des considérations 
prises de la grandeur, de la couleur et de l'habitation , 
lesquelles encore ne sont point de vrais caractères spé- 
cifiques dans le sens que Linné et ses successeurs ont 
attaché à ce mot. Aussi, malgré l'importance réelle 
qu'ont dans le cas actuel ces distinctions , Müller né- 
gligea de les employer pour indiquer préférablement, 
dans sa Caractéristique, quelque accident de forme 
tout à fait insignifiant ou équivoque. 

Il semble donc que l’on doive caractériser plus fa- 
cilement ici des familles ou des ordres , que des genres 
ou des espèces; puisque les considérations que l’on 
pourra employer seront de plus en plus à l'abri de 
ces modifications continuelles et de cette instabilité 
de forme que nous venons de signaler dans les es- 
pèces et même dans les genres ; cherchons donc d’abord 
quelles seront les considérations à faire entrer comme 
caractères de première valeur dans la distinction des 
groupes principaux parmi les Infusoires. 

Ce qui nous frappe tout d’abord dans l’étude des 
Infusoires, c’est leur forme presque toujours irrégu- 
lière et très-variable, et qui cependant laisse voir plus 


118 HISTOIRE NATURELLE 


ou moins distinctement certains types dominants; 
quand ces animalcules sont entièrement dépourvus de 
tégument, l’œil ne voit chez eux le plus souvent qu’une 
mobilité, une instabilité perpétuelle qui semble ex- 
clure même toute idée de forme arrêtée; c’est tout au 
plus, dans ce cas, si une rangée double ou simple de cils 
vibratiles conduisant les aliments à la bouche par leur 
mouvement, a pu donner l’idée d’une disposition spi- 
rale par sa direction en écharpe. Chez ceux , au con- 
traire, qui sont pourvus d’un tégument contractile, 
quelque lâche qu’il puisse être, on aperçoit distincte- 
ment une tendance à la disposition en spirale ou en 
hélice , soit dans la forme générale, soit dans la direc- 
tion des plis, des stries et des cils (1). Chez ceux, au 
contraire, dont le tésument plus ou moins résistant 
n’est plus contractile, on reconnaît moins générale- 
ment ce caractère; mais lors même qu’une coque ou 
un têt paraïîtrait symétrique chez ces animaux, la 
partie vivante serait encore entièrement privée de sy- 
métrie, et même de régularité. On pourrait consi- 
dérer ceite absence de symétrie comme un caractère 
exclusif, si quelques types peu nombreux et en quel- 
que sorte douteux ne se montraient comme pour établir 
un lien entre la classe des Infusoires et d’autres classes 
plus élevées du règne animal. On est donc conduit à 
distinguer d’abord, comme une section à part, les 
quelques Inrusoires symérriQues , tels que le Coleps, 


(1) Sans vouloir attribuer à cette disposition en hélice une impor- 
tance très-grande, et sans oser dire que cette disposition pourrait 'exis- 
ter virtuellement dans les Infusoires , où l'absence de téguments em- 
pêche qu'elle ne se manifeste, je ne puis m'empêcher de faire remarquer 


combien ce caractère éloigne les Infusoires des vrais Zoophytes ou ra- 
diaires. 


DES INFUSOIRES, 119 


la Chœtonotus , la Planariola , etc., pour ne laisser 
que les Ixrusornrs AsyMÉTRIQUES dans une première 
section beaucoup plus importante. 

Pour ceux-ci, le caractère de la disposition spirale 
en connexion avec la présence d’un tégument con- 
tractile ou non, lâche ou résistant, et la présence des 
appendices ou cils rangés en écharpe pour conduire les 
aliments à la bouche, serviront à établir des distinc- 
tions importantes; mais on aura d'abord un groupe 
considérable d'Infusoires asymétriques , sans indice de 
la disposition spirale, au moins dans les parties vi- 


vantes qu'ils peuvent étenäre hors d’un têt s'ils ne sont 
pas nus; d'autres groupes d'Infusoires rappelleront 


seulement cette disposition spirale par la rangée de 
cils disposés en écharpe et formant en quelque sorte 
une moustache qui en fit nommer une partie les Mys- 
tacinés , par M. Bory-Saint-Vincent. Enfin, d’autres 
Infusoires , tels que les Bursariens, les Paraméciens 
et les Vorticelliens, seront caractérisés par un tégu- 
ment lâche qui présente, en se contractant, des plis ou 
des stries plus ou moins obliques et en spirale, ou des 
granules en disposition quinconciale , et dont souvent 
le corps, en se pliant ou en se tordant sur lui-même, 
rend cette disposition plus manifeste. 

La présence d’une bouche semblerait devoir offrir 
un caractère d’une importance plus grande; mais lors 
même que cette bouche existe, il n’est pas toujours 
facile de le constater ; ce sera toutefois un caractère 
positif ou négatif de première valeur et qui nous servira 
à établir des coupes principales parmi les Infusoires 
ciliés. Cette bouche d’ailleurs est généralement en rap- 
port avec la rangée de cils en moustache ou formant 
écharpe, qui caractérise les groupes indiqués plus 


120 HISTOIRE NATURELLE 


haut; mais même dans les Infusoires ainsi pourvus 
d’ane rangée de cils, la bouche paraît ne pas exister 
toujours. Dans ceux à tégument lâche, contractile, elle 
existe plus généralement, et l’on pourrait supposer 
que chez ceux qui en paraissent dépourvus, elle est 
seulement plus difficile à voir. Séparant donc d’abord 
les Infusoires non ciliés, qui sont toujours sans bouche, 
on pourra diviser les [nfusoires ciliés avec ou sans té- 
gument contractile, d’après l'absence ou la présence 
de la bouche. 

Mais les divers appendices ou organes locomoteurs 
fourniront , par leur présence ou leur absence, des ca- 
ractères bien plus précieux comme plus généralement 
applicables pour classer les Infusoires. En effet, nous 
verrons un premier ordre d’animalcules, chez lesquels 
on n'observe aucun organe spécial pour la locomotion, 
soit qu'il n'existe pas, soit que son extrême ténuité le 
dérobe encore à nos moyens d'investigation; ces ani- 
maux, longs, filiformes , qui paraissent se mouvoir en 
vertu seulement de leur contractilité générale, consti- 
tuent une famille à part, celle des Visrioniens, dont on 
ne voit guère le rapport avec les autres familles. D’au- 
tres animalcules sans aucune apparence d’organisation 
interne, formant un deuxième ordre plus considérable, 
n'ont pour organes extérieurs que des expansions va- 
riables formées par la substance même du corps, la- 
quelle, par l'effet d’une force propre, s’allonge et s’é- 
tend au dehors en lobes, en filaments susceptibles par 
la rétraction de revenir plus ou moins promptement 
se fondre dans la masse. Cet ordre, caractérisé par ses 
expansions variables, sera plus loin divisé en cinq 
familles. Un troisième ordre prendra son caractère dis- 
tinctif du flament flagelliforme ou des deux ou plu- 


DES INFUSOIRES. 121 


sieurs filaments semblables servant d'organes loco- 
moteurs, et qu'on a pris mal à propos pour une ou 
plusieurs trompes. Cet ordre des Infusoires à filaments 
flagelliformes sera subdivisé d’après la présence et la 
nature d'un tégument; jamais une bouche ne sera vi- 
sible chez aucun de ces animaux. 

Un quatrième ordre comprendra les Infusoires ciliés 
sans tésument contractile. Elle sera subdivisée d’a- 
près l'absence ou la présence d’une rangée de cils en 
écharpe ou en moustache, d’après la présence d'une 
bouché , des appendices ou cirrhes en forme de styles 
ou de crochets, et enfin d’une cuirasse apparente ou 
réelle. 

Un cinquième ordre comprendra les Infusoires ciliés, 
à tégument contractile, presque tous pourvus d’une 
bouche, pour lesquels nous chercherons plus loin 
des moyens convenables de subdivision. Quant au 
groupe particulier , et en quelque sorte provisoire , des 
Infusoires symétriques, nous en parlerons plus tard. 

On voit donc que nous trouvons dans la présence et 
les caractères des appendices, cils ou expansions, un 
bon caractère pour diviser les Infusoires asymétriques ; 
tandis que le caractère de la forme, après avoir con- 
couru à former la définition, ne peut plus venir ensuite 
qu’en seconde ligne, ainsi que celui de la présence de 
la bouche pour létablissement des divisions secon- 
daires , ou des familles naturelles. Pour ce même objet 
de la distinction des familles, nous devons chercher 
d'autres caractères qui, soit seuls, soit combinés 
deux ou plusieurs ensemble, nous donneront le moyen 
de diviser chacun des quatre derniers ordres en tribus 
et en familles ; ces caractères , nous les trouverons dans 
la manière de vivre des Infusoires, libres ou fixés, 


1422 HISTOIRE NATURELLE 


dans la condition d’être nus ou recouverts d’un tésu- 
ment, etc. 

Le premier ordre, comme il a été dit plus haut, ne 
contient que la famille des Visriontens. 

Dans notre deuxième ordre, la distinction des ani- 
malcules nus, et de ceux qui sont revêtus d’une coque, 
ou d’un têt, ou d’une enveloppe membraneuse, nous 
fournit un bon caractère; mais il aura préalablement 
fallu employer un caractère qui ne se présentera que 
cette seule fois, et qui est fourni par le mouvement 
des expansions variables. Ces expansions, sans être 
jamais animées d’un mouvement vif, et comparable à à 
celui des cils ou des filaments délit: se meuvent 
chez les Amibes et les Rhizopodes, assez rapidement 
pour que l'animal qui rampe par leur moyen change 
de place sensiblement sous le microscope; tandis que 
chez les Actinophryens, leur mouvement est telle- 
ment lent, qu'on les voit rarement se contracter, 
et plus rarement encore s’allonger ; aussi ne servent- 
elles pas à l’animal pour la locomotion qui lui est 
impossible. On peut ainsi former trois familles de 
la manière suivante : dans les deux premières les 
mouvements sont très-sensibles; la première seule, 
celle des Amierens, présente des animalcules entië- 
rement nus; la seconde, celle des Ruizorones, se 
distingue par la présence d’une coque ou d’un têt 
souvent régulier ; la troisième famille, celle des Acri- 
NOPHRYENS , est remarquable par l’extrême lenteur du 
mouvement des expansions , et par la presque immo- 
bilité des animaux. 

Dans le troisième ordre se voit toujours un flament 
flagelliforme simple ou multiple, servant d’organe 
locomoteur, et dont la présence est ici un caractère 


DÉS INFUSOIRES. | 125 


sénéral et exclusif. La présence d’un tégument con- 
tractile ou dur, la manière de vivre des animalcules 
isolés ou agrégés fourniront les caractères secondaires 
pour la division des familles ; et la disposition en hélice 
du corps de ces animalcules , ou des stries , ou des plis 
de la surface, bien que très-importante en elle-même, 
ne sera dans ce cas qu’un caractère accessoire ; quant 
à la présence des points rouges pris pour des yeux par 
M. Ehrenberg, elle nous servira une seule fois à 
distinguer un genre. 

La première famille de cet ordre, celle des Moxa- 
DIENS, comprendra tous les animalcules à filament 
flagelliforme, simple ou multiple, entièrement dépour- 
vus de tégument, mais elle présentera trois divisions 
principales , suivant que les Monadiens sont isolés 
( Monas), ou agrégés et libres ( Uvella), ou agrégés 
et fixés temporairement ( Anthophysa ). 

Une deuxième famille comprend des animaux ana- 
logues aux Monades, mais vivant réunis sous une 
enveloppe commune, gélatineuse ou membraneuse, 
libre : le fameux Volvox globator en est le type et lui 
donne son nom, ce sont les Vozvociens. 

La troisième famille, celle des Dixosryexs, encore peu 
connue, comprend des animalcules vivant isolés dans 
des étuis membraneux , soudés par un point seulement 
en manière de polypier. 

La quatrième famille comprend des types nombreux 
qui n'ont de commun que la présence d’un ou de plu- 
sieurs filaments flagelliformes , et d’une enveloppe ré- 
sistante non contractile; plusieurs l’ont dure et fra- 
gile comme une coquille; la plupart l'ont globu- 
leuse ; mais il en est aussi qui l'ont déprimée comme 
une feuille ou une gousse; pour exprimer leur seul ca- 


19% HISTOIRE NATURELLE 


ractère distinctif commun, on peut nommer tous ces 
Infusoires des T'aécamonaniens, ou Monadiens enve- 
loppés. 

La cinquième famille, celle des EucLÉNIENS , se 
distingue par l'instabilité de forme qui caractérise 
tous ses genres; ce sont en quelque sorte encore 
des Monadiens avec leurs filaments flagelliformes ; 
mais de plus, avec un tégument éminemment con- 
tractile qui change leur figure à chaque instant, et 
qui, le plus souvent , est susceptible de se tordre en 
hélice ou de montrer des plis ou des stries suivant cette 
disposition. 

Enfin , parmi les Infusoires à filament, une sixième 
famille , celle des Périniniens, se distingue à la rigidité 
de son enveloppe qui est un véritable têt, et à la pré- 
sence d’une double rangée de cils occupant un sillon 
creusé au milieu. 

Le quatrième ordre, celui des Znfusoires ciliés sans 
tégument contractile , sera divisé d’après le mode de 
distribution des cils vibratiles, d’après la présence 
d’une bouche et des cirrhes en forme de styles ou de 
crochets, enfin d’après le caractère fourni par une 
cuirasse membraneuse réelle ou apparente. Quant au 
mode de distribution des cils vibratiles, on doit mettre 
en première ligne cette disposition en écharpe ou en 
moustache d’une rangée régulière de cils conduisant 
les aliments à la bouche quand cette ouverture existe. 
Ainsi, parmi les Infusoires ciliés, sans tégument d’au- 
cune espèce , une première famille n'ayant que des cils 
épars, sans bouche et sans cette rangée régulière de 
cils, est la famille des Excnécyens. 

Dans une deuxième famille, celle des Tricaoptens , 
les Infusoires ne sont également pourvus que de cils 


DES INFUSOIRES. 195 


fins, épars sans ordre; mais ils ont une bouche bien 
visible , ou indiquée par une rangée régulière de cils 
un peu plus forts formant une petite crinière ou une 


moustache. 
Une troisième famille, celle des Kérontens , montre 


ordinairementune bouche bien manifeste à l'extrémité 
de la rangée de cils en écharpe ; mais cette famille est 
surtout caractérisée par la présence de cils, ou cirrhes , 
ou appendices de diverses formes; les uns plus roides, 
non vibratiles, ressemblant à des soies ou à des styles ; 
les autres , plus épais à leur base, étant recourbés en 
crochets. 

Restent maintenant à diviser en deux autres familles, 
ceux des Infusoires ciliés qui, avec ou sans la rangée 
de cils en écharpe, et la bouche des précédents, pré- 
sentent une cuirasse réelle ou apparente. Quand la 
cuirasse difflue et se décompose comme le reste du 
corps, les Infusoires appartiennent à la quatrième 
famille , celle des Pcossconrexs. Dans la cinquième fa- 
mille, au contraire, celle des Erviziens , la cuirasse 
est bien réelle, membraneuse ou coriace, et persiste 
après la décomposition de l'animal qui d’ailleurs est 
pourvu d’un pédicule court. 

Le cinquième et dernier ordre est caractérisé par 
la présence d’un tégument réticulé contractile plus ou 
moins distinct, mais toujours indiqué par la dispo- 
sition en séries régulières ou en quinconce des cils, 
et des granulations ou tubercules à la surface : une 
bouche y est presque toujours visible. Pour diviser cet 
ordre en familles, on doit chercher d’abord un carac- 
tère important dans la manière de vivre des animaux, 
soit isolés et libres ou temporairement fixés par leur 
base, soit agrégés et fixés à des pédoncules simples ou 


126 HISTOIRE NATURELLE 


rameux , d'où ils se détachent pour se mouvoir libre- 
ment sous une forme différente. On a recours ensuite 
à ja présence d’une rangée de cils en écharpe, ou même 
en spirale, qui se trouve toujours chez ceux de ces 
Infusoires qui vivent fixés , et que l’on rencontre aussi 
dans une famille d’Infusoires libres que je nomme les 
Bursariews. Les autres Infusoires libres constituent la 
famille des ParamÉciens si leur bouche est visible, et 
celle des Leucornryens si elle n'existe pas d'une manière 
évidente. Ceux qui sont fixés volontairement , et qui 
vivent isolés ou sans connexion organique avec leur 
support, sont les Unrcéorartens; enfin ceux qui, soit 
simples , soit agrégés, sont fixés par un pédoncule, 
et se détachent à une certaine époque pour vivre sous 
une autre forme, sont les VorTiCELLIENs. 

Nous pouvons donc, laissant de côté les Infusoires 
symétriques qui constituent des types isolés sans rap- 
ports mutuels, établir pour les autres, de la manière 
suivante, une division en cinq ordres et en vingt fa- 
milles, qui, à part les fibrioniens trop imparfaite- 
ment connus, nous paraissent rangés ainsi de la ma- 
nière la plus naturelle et la plus conforme à leurs 
affinités mutuelles. 


INFUSOIRES NON SYMÉTRIQUES OU ASYMÉTRIQUES. 
ORDRE Er. 


Animaux sans organes locomoteurs visibles. 
ire Famille. NigrionieNs. Corps filiforme contractile. 


ORDRE Ile. 


An. pourvus d'expansions variables. 


$ 1. Expansions visiblement contractiles , simples ou souvent 
ramifiées. 
2e fam. AMIBIENS. An. nus , rampants, de forme incessamment 
variable. 

3e fam. RuizOPODES. An. rampants ou fixés, sécrétant une 
coque ou un têt plus ou moins régulier, 
d’oisortent des expansions incessanument 
variables. 

?. Expansions {rès-lentement contractiles , toujours simples. 

4e Jam. ACTINOPHRYENS. — An. presque immobiles. 


223 


: DES INFUSOIRES. 127 
- ORDRE III. 


An. pourvus d'un ou de plusieurs filaments flagelliformes servant 
| d'organes locomoteurs.— Sans bouche. 


$ 1. Sans aucun tégument. 
5e fam. MOoNADIENS. — An. nageants ou fixés. 
$ 2. Pourvus d’un tégument. 
X Agrégés. — Flotiants ou fixés. 
Ge Jam. NoLvociexs. Téguments soudés en une masse eom- 
mune, libre. 
7e fam. Dinogryenxs. Téguments soudés par un point, en un 
| polypier rameux. | 
YE Tsolés. — Nageants. 
8e fam. TnécAMOnADIENS. Tégument non contractile. 
Je Jam. EUGLÉNIENS. Tégument contractile. 
10e Jam. PÉRIDINIENS. Tégument non contractile , avec un sil- 
lon occupé par des cils vibratiles. 


ORDRE IVe. 
An. ciliés, sans tégument contractile. — Nageants. 
"if Nus. 
Île fam. ENcnéÉLyENs. Sans bouche, cils épars sans ordre. 
12e fam. Tricuoniexs. Bouche visible ou indiquée par une ran- 
gée de cils en écharpe ou en moustache. 
Point de cirrhes. 
13e fam. KÉRONIENS. Avec une bouche , une rangée de cils en 
écharpe et des cirrhes ou cils plus forts, 
en forme de styles ou de crochets. 


MH Cuirassés, 
44e fam. PLOESCONIENS. Cuirasse diffluente, ou décomposable 
comme le reste du corps. 
15° fam. ERVILIENS. Cuirasse réelle, persistante Un pédicule 
| court. 
ORDRE Ve. 

An. ciliés, pourvus d'un tégument lâche, réticulé , contractile, ou chez 
lesquels ia disposition sériale régulière des cils dénote la présence 
d'un tégument. 

X Toujours libres. 

16e fam. LEucoPHRYENS. Sans bouche. 

17e fam. PARAMÉCIENS. Avec une bouche, sans rangée de cils 

en moustache. 
18e fam. BuRSARIENS. Avec une bouche et une rangée de cils 
en moustache. 
. IS Fixés soit volontairement , soit par leurs organes. 

19e Jam. URCÉOLARIENS. Fixés volontairement. 

20° fam. VORTICELLIENS. Fixés au moins temporairement par 
leurs organes ou par une partie de 
leur corps. . 


- INFUSOIRES SYMÉTRIQUES. 
2 Plusieurs types sans rapports entre eux. 
— Planariola, 
— Colcps. 
— Chionotus, — Ichthydium. 


128 HISTOIRE NATURELLE 


Si de la division des Infusoires en familles natu- 
relles nous passons à la division de ces animaux en 
genres , nous verrons d’abord la famille des Vibrioniens 
si mal connue , pour laquelle , dans l’absence de 
tout organe ou appendice visible, on peut employer 
seulement le caractère du plus ou moins de courbure 
et de rigidité d’un corps filiforme ; cette famille four- 
nit ainsi les trois genres Bacterium, Vibrio et Spuril- 
lum , suivant que le corps est droit et susceptible seu- 
lement d’un mouvement de vacillation lente, ou suivant 
qu'il est alternativement droit et flexueux ou suscepti- 
ble d’un mouvement ondulatoire plus ou moins mar- 
qué ; ou enfin si, paraissant plus roide, il forme tou- 
jours une hélice ou spirale allongée qui tourne par 
instant avec rapidité sur son axe sans changer de forme. 

La deuxième famille , celle des Æmibiens , ne peut, 
pour le moment , donner lieu à l'établissement de plus 
d'un genre, dont encore les espèces, n'ayant rien de 
fixe dans les formes, semblent se fondre l’une dans 
l’autre. 

Les animaux de la troisième famille , les hizopodes, 
s'ils n'ont pas plus de fixité quant à la forme de leurs 
expansions, deleur partie vivante en général, présen- 
tent au moins une partie sécrétée solide, une coque ou 
un têt dont les formes variées permettent d'établir des 
tribus nombreuses, des genres et même des espèces 
bien distinctes ; mais la partie vivante elle-même offre, 
dans la forme des expansions variables, un caractère 
suffisant pour diviser d’abord en deux sections les Rhi- 
zopodes. Les uns, correspondant en partie à la famille 
des Ærcellina de M. Ehrenberg, n’ont que des expan- 
sions obtuses également épaisses dans toute leur lon- 
sueur qui est relativement peu considérable ; les au- 


DES INFUSOIRES. 129 


tres , qui sont les Rhizopodes proprement dits, ont des 
expansions très-longues, très-amincies, filiformes, et 
le plus souvent rameuses comme des fibres radicel- 
laires. Ils s’en servent pour ramper, d’où leur vient 
ce nom formé des mots grecs gitzracine, roÿ:-rodos pied. 

La première section contient deux genres : les 
Difflugies, qui d’une coque membraneuse, souvent 
sphérique, font sortir leurs expansions en diverses 
directions : les {rcelles, qui du centre d’un têt hémi- 
sphérique ou aplati, dur et cassant , font sortir leurs 
expansions entre le tèt même et le plan de reptation. 

La deuxième section se divise en trois tribus, dont la 
première, comprenant des Rhizopodes qui d'un tèt 
ovoïde ou slobuleux font sortir desexpansionsfiliformes, 
se divise dans les genres 7'rinema, Euglypha et Gro- 
mia, suivant que ces filaments sont peu nombreux et 
simples, ou bien très-nombreux et très-ramifiés. Les 
deux dernières tribus répondent en partie à l’ordre des 
Foraminifères, de M. Alcide d’Orbigny , et se distin- 
guent par un têt à plusieurs loges ou cavités toutes 
occupées par la substance charnue de l’animal. Mais 
dans la deuxième tribu seulement, qui comprend le 
genre Miliole , les expansions sortent toutes par une 
large ouverture unique , comme dans tous les genres 
précédents. 

Dans la troisième tribu, au contraire, il ny à 
plus d'ouverture unique; les expansions filiformes, 
nombreuses, sortent par les pores ou petits trous 
dont le têt est percé. De ces derniers Rhizopodes, 
les uns sont libres, comme les /otalies, les Vor- 
ticiales , les Cristellaires, parmi lesquelles se distin- 
guent les premières, parce que les loges de leur tèt sont 
tapissées par une membrane interne, tandis que dans les 

INFUSOIRES. 9 


430 HISTOIRE NATURELLE 


deux autres, le têt, entièrement calcaire et sans mem- 
brane sous-jacente, est simplement percé de trous qui, 
par toute la surface chez les Vorticiales , laissent sortir 
les expansions ; au lieu que chez les Cristellaires ces ex- 
pa»sions ne sortent que par les pores du bord de la 
dernière loge. 

D'autres sont fixés comme les Xosalines , les Pla- 
norbulines et peut-être le Polytrema , l'ancien mille- 
pora rubra, que d’après des observations non vérifiées 
depuis 1834, je suis porté à ranger parmi les Rhizo- 
podes. ; 

La quatrième famille, celle des Acrinormrxens , ne 
donne lieu qu’à l'établissement de deux genres bien 
caractérisés, à moins qu'on ne veuille ajouter un nou- 
veau genre Dendrosoma simplement annoncé par 
M. Ehrenberg. Le premier de ces genres, Actinophrys, 
comprend les espèces nues ou sans aucune partie mem- 
braneuse ; le deuxième, {cineta , renferme celles qui, 
au contraire, présentent un pédoncule membraneux, 
supportant un corps nu ou partiellement revêtu d’une 
enveloppe résistante. 

La cinquième famille, celle des Monwaprexs, se par- 
tage en deux tribus, les Monadiens isolés et les Mo- 
nadiens agrégés. Parmi les premiers, on trouve à 
établir plusieurs genres d’après le nombre des fila- 
ments flagelliformes , et d'après la présence de plusieurs 
autres sortes d'appendices ; savoir : 1°les ÂZonas , qui 
n'ont qu’un seul filament et le corps de forme variable; 
9° les Cyclidium qui, avec un corps discoïde peu va- 
riable, ont un filament plus épais et plus roide à sa 
base, de sorte que s'agilant seuiement à l'extrémité, 
il produit un mode de locomotion beaucoup plus lent 
el plus régulier ; 3° les Cercomonas, qui ont en arrière 
un prolongement susceptible de s’étirer en s’aggluti- 


DES INFUSOIRES, : 131 


nant aux autres corps, d’où résulte un mouvement de 
balancement ; k° les Âmphimonas, qui ont un prolon- 
sement latéral, devenant quelquefois un second fila- 
ment, d’où résulte leur mouvement saccadé; 5° les 
Trepomonas aplatis et contournés en avant avec un 
double filament , ce qui leur donne un mouvement gy- 
ratoire, irrégulier; 6° les Chilomonas, chez qui le 
filament part obliquement à côté d’un prolongement 
antérieur ; 7° les //examita, qui ont quatre filaments 
flagelliformes en avant, et deux prolongements fili- 
formes en arrière ; 8° les //eteromita, qui ont à la fois 
un filament flagelliforme au moyen duquelïils se meu- 
vent en avant , et un filament trainant rétracteur qui, 
se collant à leur gré, sur les corps voisins, et se con- 
tractant tout à coup, leur permet de changer instan- 
tanément, de lieu et de direction ; 9° enfin les 77richo- 
monas, qui réunissent une rangée de cils vibratiles à 
leur filament flagelliforme. 

Les Monadiens agrégés forment les deux genres, 
Uvella et Anihophysa, suivant que les groupes d’a- 
nimalcules se meuvent librement dans le liquide, ou 
qu'ils sont, au moins temporairement, fixés à des ra- 
meaux d'une substance cornée, sécrétée par eux 
comme une sorte de polypier. 

La sixième famille, celle des Vozvocrews, caracté- 
risée par la soudure des enveloppes particulières d’une 
agrégalion d'animalcules, en une masse commune, 
peut fournir quatre genres bien tranchés; les trois 
premiers présentent des animalcules presque glo- 
buleux sans queue, qui, dans le genre Folvox, sont 
situés à la surface de la masse commune; dans le genre 
Pandorina, ïls sont groupés plus profondément, 
ou au centre même d’une masse globuleuse; dans le 

LS A 


1352 HISTOIRE NATURELLE 

Gonium , ils sont situés sur un même plan dans une 
masse commune en forme de plaque quadrangulaire. 
Un quatrième genre enfin Uroglena se distingue par 
Ja forme des animalcules qui sont pourvus d'un prolon- 
gement caudiforme au moyen duquel ïls sont réunis 
au centre de la masse commune globuleuse. 

La septième famille est formée du seul genre Dino- 
bryon qui lui a donné son nom. 

Les Tuécamonwaniens , qui forment la huitième , se di- 
visent en huit genres au moins , suivant le nombre de 
leurs filaments, et suivant la forme ou la consistance 
de leur tésument. Parmi ceux à un seul filament, on 
distingue d’abord ceux dont la forme est globuleuse 
ou ovoïde et le mouvement vif; l’on en forme les gen- 
res 7'rachelomonas si le tézument est dur et cassant , 
ou le genre Cryptomonas s’il est membraneux et flexi- 
ble ; de ce dernier peut-être on devra séparer au moins 
comme sous-senres les Zagenella dont l'enveloppe 
présente une sorte de goulot à la base du filament, et 
les Tetrabæna qui , par suite de la division spontanée, 
restent réunis par quatre. Les Thécamonadiens à un 
seul filament et de forme aplatie, ont un mouvement 
très-lent ; ce sont des Phacus , si le corps se prolonge 
en manière de queue ; des Crumenula, si son contour 
est ovale sans prolongement. Les 7’hécamonadiens à 
deux filaments sont les Diselmis si ces filaments sont 
égaux ; si, au contraire, l’un de ces filaments est plus 
épais et traînant, nous avons le genre Plæotia ou le 
genre Ænisonema, suivant que le corps est prismatique 
ou en forme de pepin. Un dernier genre enfin, que 
je nomme Oxyrhis, à cause de son prolongement an- 
térieur en pointe, m'a seul présenté plus de deux fila- 
ments. 


DES INFUSOIRES. 133 


La neuvième famille , celle des EveLénirxs, se divise 
aussi d'abord suivant le nombre et la disposition des 
filaments. Ceux qui n'ont qu'un seul filament, sont des 
Peranema , si ce filament, agité seulement à l'extré- 
mité, est plus épais et roide à sa base , où il semble 
n'être que le prolongement du corps aminci en avant ; 
ce sont des Astasia ou des Euglena, si ce filament 
agité vivement dans toute son étendue s'articule brus- 
quement à sa base, ou est inséré un peu de côté dans 
une entaille ; la distinction un peu artificielle de ces 
deux genres repose sur la présence ou l'absence d'un 
ou de plusieurs points rouges dont les ÆEuglena 
seules sont pourvues. 

Les Eugléniens à deux filaments égaux, forment le 
genre Zygoselmis; ceux qui ont un filament flagelli- 
forme et un second filament traînant plus épais, sont 
les Z/eteroselmis; enfin un genre Polyselmis comprend 
ceux qui ont plus de deux filaments. 

Dans la famille des Périninienxs, la dixième, se 
trouvent seulement deux genres, le Peridinium dont 
le corps est globuleux ou ovoïde sans cornes, et le 
Ceratium qui se distingue par des prolongements en 
corne, souvent très-longs, et par sa forme concave 
d’un côté. 

La famille des Excneuyexs , qui est la première des 
Ciliés , et la onzième de toute la série, se divise en 
cinq genres, qui sont : 1° les Acomia, nus sur une 
portion de leur corps; 2° les Gastrochæta, ayant en 
dessous une fente garnie de cils ; 3° les £nchelys, uni- 
formément ciliés partout; 4° les Ælyscum, qui, avec 
les cils des Enchelys, possèdent aussi de longs fila- 
ments contractiles qui leur servent à s’élancer pour 
changer de heu instantanément ; 5° les lrorema, 


13% HISTOIRE NATURELLE 
qui, également ciliés, ont en arrière un long filament 
droit. 

La douzième famille, celle des T'ricioniens, se divise 
en cinq genres, dont les trois premiers ne montrent 
pas distinctement une bouche, et cependant semblent 
en avoir une qui est indiquée par une rangée ré- 
sulière de cils plus forts; dans le premier genre, 
Trichoda, le corps est ovoïde ou pyriforme, épais, 
les cils de la bouche sont souvent dirigés en arrière; 
dans le deuxième, 7'rachelius , le corps est très-allongé 
ou notablement rétréci en manière de cou, les cils qui 
le terminent en avant sont écartés et forment une pe- 
tite crête; le troisième genre, Æcineria, a le corps 
oblong, aplati et recourbé en lame de sabre au bord 
antérieur , avec une rangée régulière de cils dirigés en 
avant. Les deux derniers genres ont une bouche bien 
distincte : ce sont les Pelecida, de la même forme 
à peu près que les précédents, ou contournés en 
fer de hache au bord antérieur ; et un cinquième genre, 
enfin, Dileptus, différant totalement des précédents 
par son corps fusiforme, rétréci aux deux extrémités, 
et montrant une large bouche ciliée à la base du pro- 
longement antérieur. 

Dans la treizième famille nous ne pouvons établir, 
pour le moment, que trois genres qui sont : 1° le 
genre fJalteria, caractérisé par sa forme globuleuse, 
et par des cils rétracteurs très-longs, dont il se sert 
pour sauter brusquement d’un lieu à un autre; 2 Je 
genre Oxytricha, ayant le corps oblong et muni de 
cirrhes roides en forme de styles; 3° le senre Kerona, 
montrant en outre des cirrhes corniculés ou en forme 
de crochets, dont il se sert comme de pieds, pour 
marcher sur les corps solides. 


DES INFUSOIRES, 1435 


La famille des PLorscontens , qui est la quatorzième, 
contient cinq genres dont les quatre premiers ont des 
cils ou appendices de diverse grandeur, et souvent des 
cirrhes en crochet ou des styles comme les Kéroniens ; 
deux de ces genres ne montrent pas de bouche; ce 
sont les Diophrys n'ayant d’appendices en forme de 
cils qu'aux deux extrémités du corps, et les Coccu- 
dina ayant des appendices en crochet épars à la face 
inférieure. Des deux autres genres munis de cirrhes, 
l’un, Plæsconia, est caractérisé par sa forme enn acelle, 
et sa bouche sans dents, l’autre, Chlamidodon , a la 
bouche armée d'un faisceau de baguettes roides servant 
de dents. 


Les Plæsconiens du dernier genre n’ont que des cils 
à peine visibles ; ils forment le genre Loxodes dont on 
pourrait peut-être séparer certaines espèces ayant 
des dents comme le genre précédent. 


Deux genres seulement appartiennent à la quin- 
zième famille, celle des Ervizress ; l’un, Ærvilia, est 
caractérisé par la forme de sa cuirasse lisse repliée 
Jongitudinalement comme une gousse d'Ervum et lais- 
sant en avant et sur le côté une Jongue ouverture 2ar- 
nie de cils vibratiles ; l’autre, Trochilia , a sa cuirasse 
marquée de sillons obliques en spirale et ouverte seu- 
lement en avant pour le passage des cils. 


La seizième famille, celle des Leucophryens, fournit 
trois genres dont les deux premiers, distingués l’un de 
l’autre par leur forme, manquent absolument de bou- 
che; dans l’un, Spathidia, le corps est aplati et tronqué 
en avant; dans l’autre, Leucophra, le corps ovale est 
également épais et arrondi aux deux extrémités. Le 
troisième genre, Opalina, se distingue par une fente 


136 HISTOIRE NATUPELLE 


oblique ciliée paraissant indiquer une bouche à la 
partie antérieure. 

La dix-septième famille, celle des PARAMÉCIENS, con- 
tient douze genres dont les deux premiers pourraient 
être reportés avec les Leucophryens, comme n'ayant 
pas une bouche bien distincte, ce sont les Pleuronema 
dont le corps ovale oblong présente latéralement une 
large ouverture d’où sort un faisceau de longs filaments 
flottants mais contractiles, et les Lacrymaria qui 
paraissent avoir une bouche près de l'extrémité d’un 
long prolongement très-mince en forme de cou. 

Les dix autres genres se divisent en deux groupes, 
suivant que la bouche est Jatérale ou terminale. Huit 
d’entre eux ont la bouche latéralement située , les deux 
premiers ont en outre cette bouche munie d’une sorte 
de lèvre saillante qui est longitudinale et vibratile 
dans les Glaucoma , transversale et ciliée dans les 
Kolpoda. 

Les trois suivants ont la bouche non saillante sans 
aucun appendice , et se distinguent par leur forme 
oblonsue plus ou moins comprimée. 

Les Paramecium ont le corps oblong, souvent mar- 
qué d’un pli longitudinal oblique , passant par la bou- 
che qui est au milieu de fa longueur. 

Les Æmplhileptus ont le corps fusiforme , très-al- 
Jonsé et rétréci en avant , avec la bouche, à la base de 
ce rélrécissement. 

Les Zoxophyllum ont le corps lamelliforme, 
oblique , ondulé. 

Un sixième genre à bouche latérale et à corps très- 
aplati, se distingue par un faisceau de baguettes cor- 
nées entourant la bouche , et par son contour sinueux 
d’un côté, c’est le genre Chilodon. 


DES INFUSOIPES. 1437 


_ Deux autres genres de Paraméciens , à bouche Jaté- 
rale, se distinguent par leur forme ovoïde oblongue, 
devenant globuleuse par Ïa contraction : ce sont les 
Panophrys qui ont la bouche nue, et ne diffèrent 
des Paramécies que par leur forme non comprimée, 
et les Vassula qui ne sen distinguent que par un 
faisceau de petites baguettes dont leur bouche est en- 
tourée. 

Les deux derniers genres de Paraméciens ont la 
bouche terminale et le corps oblong , ovoïde ou globu- 
leux ; ce sont les Z/olophrya dont la bouche est nue, 
et les Prorodon qui l’ont entourée d’une rangée de 
petites baguettes. 

La dix-huitième famille, celle des Bursariexs, se 
divise en cinq genres dont les trois premiers montrent 
bien ordinairement les stries de leur tégument et les 
rangées de cils longitudinales; mais ces genres se distin- 
suent surtout des suivants par la forme de leur corps 
qui est aplati chez le Plagiotoma , et subglobuleux ou 
ovoïde chez les Ophryoglena etles Bursaria : ces deux 
senres diffèrent l’un de l’autre par la forme du corps 
plus épais et plus arrondi en arrière chez celui-ci , 
plus étroit au contraire chez celui-là qui se distingue 
en outre par une tache plus ou moins prononcée près 
de la bouche. 

Les deux derniers genres de Bursariens montrent 
toujours les stries de leur tégument , et les rangées de 
cils correspondantes, suivant une direction oblique ou 
en hélice ; mais la forme de leur corps cylindrique, 
très-allongé et très-flexible les distingue de tous les 
autres. L'un de ces genres, Spirostomum , a la boucie 
très-reculée en arrière , à l’extrémité d’une longue 
rangée de cils; l’autre, Xondylostoma, Va très-crande, 


138 HISTOIRE NATURELLE 


entourée de grands cils et latéralement située à l'extré- 
mité antérieure. 

La dix-neuvième famille, celle des Urcéozarrens, 
contient quatre genres, dont le premier, Stentor, ayant 
seul le corps cilié partout et la bouche à l'extrémité 
d’une rangée de cils en spirale , se rapproche beau- 
coup des Bursariens ; mais il s’en distingue aussi bien 
que des genres suivants, parce que seul il se fixe à 
volonté sur les corps solides par son extrémité posté- 
rieure. Des autres Urcéolariens deux genres égale- 
ment privés de queue ou de pédoncule se distinguent 
l'un de l’autre, parce que les Urceolaria sont toujours 
libres ou se fixent transitoirement pour vivre en para- 
sites sur d’autres animaux, tandis que les Ophrydia 
sont ordinairement engagées dans une masse gélati- 
neuse. Un dernier genre enfin , Urocentrum , est ca- 
ractérisé par une sorte de pédoncule ou de queue 
latérale. 

La famille des V’orticelliens , la dernière , forme 
également quatre genres : le premier, Scyphidia, a le 
corps oblong , sessile, rétréci à sa base en forme de 
pédoncule; les deux suivants, Épistylis et Porti- 
cella , ont le corps porté sur un pédoncule simple 
ou rameux, et se distinguent parce que celui-ci a son 
pédoncule contractile en spirale, et que pour celui-là, 
le pédoncule est roïde et le corps seul est contractile. 

Le dernier genre enfin, Ÿaginicola, est remar- 
quable parce que son corps est rétractile au fond d’un 
étui ou d'un tube membraneux transparent. 

Ainsi se trouvent divisées nos vingt familles en 
qualre-vingt-quinze genres environ. 


DES INFUSOIRES, 1439 


CHAPITRE XII. 


EXAMEN CRITIQUE DES CLASSIFICATIONS ANTÉRIEURES. 


Tout imparfaite que puisse être notre classification, 
nous allons, pour essayer de la justifier, examiner 
comparativement les classifications précédemment pro- 
posées. 

Les naturalistes qui, avant Müller, ont parlé des 
Infusoires, ne peuvent être cités que commeinventeurs 
de plusieurs noms de genre restés désormais dans la 
science. C'est ainsi que Hill, en 1752, désigna dans 
son Histoire naturelle divers Infusoires par les noms 
de Paramecium , Cyclidiun, Enchelys, 
mots grecs Tapauxnc (oblong), Kilos (cercle ) et éidos 
(forme), Éyxeus (anguille), qui expriment bien le ca- 
ractère qui frappe d’abord dans l'observation de ces ani- 
maux. Linné employait déjà le nom de Wolvox, dérivé 
du mot latin volvere (rouler), en 1758 , et il introdui- 
sit, en 1767, dans la 12° édition du Systema naturæ, 
le nom de Vorticelle, diminutif du mot vortex, tour- 
billon. Parmi les naturalistes qui sont venus depuis, 
nous ne pouvons guère citer Schranck, Lamarck et 
Nitzsch sous le rapport de la classification , que comme 


dérivés des 


créateurs de genres nouveaux qui ont dû être conser- 
vés , tels que les genres Ceratium et Trachelius du pre- 
mier, le genre Ürceolaria du second, et les genres 
Phacus et Coleps du troisième ; de sorte qu'il nereste à 
examiner que les classifications de Müller, de M. Bory 
et de M. Ehrenbercg. 

Müller n'avait pas à sa disposition d'instruments 
assez parfaits pour être à même d’apercevoir les détails 


140 "#8 HISTOIRE NATURELLE 


d'organisation ou de structure que nous ont dévoilés 
récemment les microscopes achromatiques ; il a donc 
décrit comme entièrement nus, comme des globules 
animés , et comme des corpuscules ovoïdes, ou cylin- 
driques, ou déprimés , des animaux que nous trou- 
vons tous aujourd’hui pourvus de cils vibratiles très- 
nombreux , ou de filaments flagelliformes. Il a bien vu 
que ces animaux se meuvent, mais il n’a pas apercu 
leurs moyens de locomotion ; il a bien constaté la con- 
tractilité de plusieurs d’entre eux, mais il n’a pas vu 
comment leurs téguments se plissent en se contractant. 
Cependant la plupart de ses genres, caractérisés par la 
forme extérieure et par certains détails de structure, 
peuvent , en étant convenablement épurés, non-seu- 
lement être conservés, mais devenir le cadre d'autant 
de familles ; ainsi, dans la classification que je pro- 
pose, onze de mes vingt familles représentent autant 
de genres de Müller, savoir : Monas, Protée ( Amibe), 
Volvox, Vibrion, Enchélvs, Paramécie, Trichode, 
Kérone, Bursaire, Leucophre et Vorticelle, et trois 
autres genres de cet auteur sont nominativement con- 
servés dans trois diverses famiiles, ce sont les Cycli- 
dium, Gonium et Kolpoda ; de sorte qu'il n’y a de 
supprimés que deux des seize genres établis par lui 
pour les Infusoires , puisque son genre Brachion appar- 
tient tout entier aux Systolides : de ces deux genres, 
lun, Himantopus, fut créé par Fabricius, après la mort 
de Müller, pour recevoir quelques fausses espèces 
établies sur des dessins d’Infusoires altérés ou incom- 
plets, et une seule espèce réelle qui rentre dans notre 
genre Plæsconia ; l’autre, Cercaria , doit être entière- 
ment supprimé, car les travaux de Nitzsch ont montré 
depuis longtemps que les principales espèces sont des 


DES INFUSOIRES. 11 


Distomes dans le premier âge, et les autres se placent 
naturellement dans d’autres genres. 

Quant à ses espèces, en général elles ont été éta- 
blies sans critique sur des dessins imparfaits représen- 
tant le plus souvent des Infusoires altérés ou en partie 
décomposés , et d’après des notes consciencieuses, il 
est vrai, mais qui ne peuvent donner une idée sufli- 
sante de ce que l'auteur n’a vu que très-incompléte- 
ment. Aussi doit-on faire un triage parmi ces espèces, 
comme M. Ehrenberg l’a déja indiqué, et ne pas re- 
garder toutes les figures comme représentant des es- 
pèces distinctes et réelles. 

Müller, qui rangeait parmi les Infusoires tous les 
animaux microscopiques exclus des autres classes lin- 
néennes , divisa les Infusoires , parmi lesquels il con- 
fondait les Systolides, en deux ordres : 1° ceux qui n’ont 
aucun organe extérieur ; 2° ceux qui en sont pourvus ; 
puis il subdivisa chaque ordre en deux sections, sui- 
vant que les animalcules sont épaissis ou aplatis pour 
le premier ordre; suivant qu’ils sont nus ou munis 
d’un têt dans le deuxième. Mais cette dernière section 
précisément , ne comprend que ses Brachions. Chacun 
des genres ne fut ensuite caractérisé que par deux ou 
trois mots indiquant d’une manière absolue la forme 
du corps ; de sorte qu’en réunissant les notions géné- 
rales, plutôt négatives que positives, de la classe, de 
l’ordre et de la section, avec l’idée fournie en dernier 
lieu par la phrase ou le mot caractéristique du 
genre , on n'avait en somme qu'une notion fort incom- 
plète et fort insufhisante de tel ou tel groupe. On ne 
doit donc pas être surpris de voir entassées sans ordre, 
dans un même genre, par l’auteur, les espèces les plus 
disparales, n'ayant de commun qu’un caractère vague 


142 HISTOIRE NATURELLE 


de forme extérieure ou même de contour, sans rap- 
port avec l’organisation, ou quelquefois rapprochées 
par un prétendu caractère négatif de l'absence de cer- 
tains organes qu’on n'avait point su apercevoir. 

On doit remarquer aussi que Îa concision linnéenne 
des phrases spécifiques de cet auteur, est absolument 
insuflisante pour faire reconnaître les espèces, puisque 
souvent , trois ou quatre mots latins, loin d'exprimer 
des caractères précis et essentiels, indiquent tout 
au plus des accidents de forme. Ce n’est donc qu'avec 
l'aide des figures et des notes généralement bien 
détaillées de l'auteur, qu’on peut aujourd hui rap- 
porter quelques-unes de ses espèces à celles qu’on 
sait observer d’une manière bien plus complète, 
mais aussi bien différemment de ce que Müller a pu 
voir. 

Son genre Â/onas, le premier de la section des 
épaissis, est caractérisé par un corps ponctiforme, ce 
qui veut dire seulement, que ce corps est trop petit 
pour avoir présenté d'autres caractères à l’auteur. 
Des dix espèces qu’il renferme, on peut à peine en 
reconnaître avec certitude six; ce sont bien d’ail- 
leurs pour la plupart, des espèces de Monadiens, 
quoique imparfaitement décrites; mais la première 
est un Vibrionien, le Bacterium termo, et la troi- 
sième, Monas punctum, est un autre Pacterium ; 
le Monas pulvisculus est un 'Fhécamonadien; le A0- 
nas tranquilla, observé dans l'urine putréfiée avec de 
nombreuses moisissures, est probablement unes porule 
de cette moisissure. 

Le second genre Proteus, caractérisé par sa forme 
variable , ne renferme que deux espèces, dont la pre- 
mière est le type du genre Amibe et de la famille des 


DES INFUSOIRES. 113 


Amibiens , et dont la seconde, Proteus tenax, d'après 
la description de l'auteur, ne pourrait qu'avec doute 
être rapportée à une espèce d'Euglénien. 

Le troisième genre, Wolvox, a pour caractère une 
forme sphérique qui se voyait déjà plus en petit chez 
les AMonas ; mais, avec des animalcules vivant isolés, 
comme ses quatre premières espèces, dont deux 
au moins (V’olvox granulum , VW. globulus) font par- 
tie de la familie des Thécamenadiens, et deux autres. 
V. punctum, F. pilula , sont des Monadiens ; auteur 
y réunit plusieurs animaux comme le Wolvox globa- 
tor etle Folvox morum, vivant réunis par une enve= 
loppe commune, et dont nous faisons le type de 
notre famille des Volvociens. Il y ajoute d'autres ani- 
maux, comme les Ÿ’olyvox uva, Volvox socialis et 
Volvox vegetans, qui sont des Monadiens agrégés ; 
celui-ci, type du genre Ænthophysa, ceux-là appar- 
tenant au genre Uvella, et enfin trois autres objets 
mal vus par l'auteur lui-même, et sur la nature des- 
quels on ne peut avoir d'opinion bien formelle. 

Le quatrième genre , Enchelis, caractérisé par un 
corps cylindrique, renferme parmi ses vingt-sept es- 
pèces, deux ou trois Monadiens , deux Thécamona- 
diens, deux ou trois Eugléniens, quelques Enchélyens, 
Leucophryens et Paraméciens, dont l’auteur n'a point 
aperçu les cils vibratiles, et au moins neuf espèces 
absolument douteuses, et qu'on ne peut rapporter 
avec certitude à rien de ce qu'on connaît aujour- 
d'hui. | 

Le cinquième genre, #ibrio, le dernier de la pre- 
mière section, caractérisé par un corps allongé, ce 
qui ne le distingue pas du précédent , comprend, dans 
le nombre de ses trente-une espèces, les objets les 


14/4 HISTOIRE NATURELLE 


plus disparates; après en avoir distrait trois Bacilla- 
riées (Vibrio bipunciatus, F. tripunctatus , F. paxil- 
lifer et un Closterium (W. lunula), comme végétaux, 
d’une part, et quatre vers Nématoïdes (7. coluber, 
V. anguillula, VF. gordius, F. serpentulus), d'autre 
part, il reste vingt-trois espèces d’animalcules dont 
deux ou trois ne sont probablement pas des Infusoires. 
Six d’entre eux sont de vrais Vibrioniens (7. lineola, 
J. rugula, V. baciilus, V. undula, V. serpens, 
V. spirillum), un autre (Ÿ. acus), est un Euglénien 
(Euglena); quant aux autres, l’auteur eüt pu avec 
tout autant de raison les placer parmi ses Enchelys, 
ou ses Paramécies, quoique en général il paraisse 
avoir considéré comme Vibrions ceux qui, plus ou 
moins épais, plus où moOIns déprimés, présentent un 
certain amincissement aux deux extrémités. Ce sont 
surtout des ‘Frichodiens, et des Paraméciens (Æmphi- 
leptus, Lacrymaria), dont Müller n’a pu découvrir 
les cils vibratiles. 

La seconde section, celle des Infusoires, sans nul 
organe extérieur, mais à Corps membraneux, com- 
prend cinq genres caractérisés simplement, et de la 
manière la plus vague, par le contour ovale, oblong, 
sinueux ou anguleux, ou par la forme excavée de 
leur corps, sans mentionner encore les cils vibratiles 
très-fins de leur surface. 

e premier de ces genres, Cyclidium, qui aurait dù 
ne comprendre que des Infusoires d'une forme discoï- 
dale, nous offre au contraire, avec diverses espèces 
douteuses, plusieurs Monadiens presque globuleux , 
ce qui tend à faire penser que le caractère des Cyclides 
doit être complété et rectifié par l’indication du mode 
de locomotion lent et uniforme, en raison de la lon- 


DES INFUSOIRES. 145 


gueur du filament flagelliforme, qui est simple et 
épaissi à sa base. 

Le deuxième genre, Paramecium, présente u 
principale espèce (P. aurelia) qui, en raison de son 
abondance extrême dans les infusions végétales et dans 
les eaux de marais conservées à la maison, a été vue 
de tous les micrographes, et a recu de plusieurs ob- 
servateurs des dénominations significatives en rapport 
avec sa forme de pantoufle ou de chausson. Mais avec 
cette espèce type de nos Paraméciens, le genre de Müller 
contient un autre Paramécien , le Pleuronema (Para- 
mecium chrysalis), un Bursarien ( P. versutum ), et 
deux espèces douteuses, 

Le troisième genre, Kolpoda, qui, suivant la défi- 
nition, ne devait contenir que des espèces à corps 
aplati et à contour sinueux , en présente plusieurs qui 
ne sont pas moins cylindriques que les Enchelys (Kol- 
poda nucleus, K. pirum). Le type même de ce genre, 
le Kolpoda cucullus, est bien plutôt ovoïde que com- 
primé, comme l'indique le nom de Cornemuse, qui 
lui fut anciennement donné par Joblot. Parmi les treize 
autres espèces plus ou moins déprimées, se trouve un 
autre Kolpode (X. ren); et le À. meleagris , faisant 
aussi partie de notre famille des Paraméciens ; un autre 
est le Chilodon ( K. cucullulus); un autre est un 
Trachelius (K. lamella), de la famille des Tricho- 
diens , ainsi que le Æ. rostrum. Le K. cucullio est un 
Loxodes, et le reste , au nombre de huit, est à laisser 
au moins provisoirement parmi les objets douteux. 

Des quatre espèces composant Île quatrième genre, 
Gonium, caractérisé seulement par sa forme angu- 
leuse, une seule est bien authentique, le Gonium 
pectorale ; une autre ( G. pulvinatum) , observée dans 

INFUSOIRES. 10 


146 HISTOIRE NATURELLE 


l’eau de fumier, pourrait être un végétal; les trois 
autres sont de simples débris de quelques autres 
espèces. 

Dans le cinquième genre enfin, Bursaria, une 
seule espèce peut conserver ce nom (Bursaria 
truncatella), et cest le type de notre famille des 
Bursariens ; une autre espèce ( Bursaria hirundi- 
nella) appartient à la famille des Péridiniens; les trois 
autres sont douteuses, et deux d’entre elles (B. bullina, 
B. globina), observées une seule fois dans l’eau de 
mer, paraissent appartenir à d’autres classes qu'à celle 
des Infusoires. 

Le deuxième ordre de Müller, comprenant les Infu- 
soires munis d'organes extérieurs, présente dans un 
premier genre, Cercaria, caractérisé par une queue, 
les objets les plus dissemblables. Il y a d’abord les 
Cercaria lemna et Cercaria inquieta , qui sont à re- 
porter dans la classe des Helminthes; puis huit autres 
espèces, qui sont des Systolides. Il reste donc douze 
espèces seulement qu'on peut rapporter aux Infusoires 
avec plus ou moins de certitude, encore deux d’entre 
elles (Cercaria hirta et C. podura) font-elles partie 
du groupe anomal des Znfusoires symétriques. Des dix 
espèces restantes , il faut en reporter cinq aux Mona- 
diens, une autre (C. viridis) aux Eugléniens, une 
septième (C. pleuronectes) aux Thécamonadiens , une 
huitième ( C. tripos) aux Péridiniens, une neuvième 
(C. turbo) aux Urcéolariens , et une dernière enfin est 
un Trichodien indéterminé, de sorte que ce genre 
a dû disparaître de la nomenclature. 

Un second genre d’Infusoires à organes extérieurs 
est celui des Leucophres, qui ont pour caractère d’être 
velus ou ciliés sur toute leur surface. Plusieurs espèces 


DES INFUSOIRES. 147 


ici sont encore douteuses; quelques-unes même ne 
sont pas des Infusoires, comme la Leucophra hetero- 
clita reconnue depuis longtemps pour une jeune Al- 
cyonelle, et les Leucophra fluxa et L. armilla qui 
sont des lambeaux de la branchie d’une Moule dans 
l'eau de laquelle Müller les observa ; mais, des vingt- 
six espèces de l’auteur , il y en a au moins seize qu'on 
doit regarder comme des Leucophryens , des Paramé- 
ciens , ou même des Bursariens, sans toutefois préciser 
l'espèce à laquelle ils se rapportent. 

Un troisième genre, Zrichoda, que caractérisent des 
cils ou des soies sur une partie plus ou moins considé- 
rable du corps, est peut-être le plus confus de tous 
ceux de Müller, ou du moins, sous ce rapport, on ne 
peut lui comparer que le genre Vorticelle du même 
auteur. En eflet, à part la différence que présentent 
dans leur forme, dans leur disposition , et même dans 
leur usage , les cils aperçus par Müller , et qui souvent 
ne sont pas tous ceux qui devaient être vus, il y a 
parmi ces Trichodes d’autres différences plus grandes 
encore pour la forme et pour la structure du corps ; 
à tel point que, dans ce genre, sont réunis avec des 
représentants de huit familles de vrais Infusoires , plus 
de trente-sept espèces fondées sur des dessins représen- 
tant des lambeaux d’Infusoires, ou des animalcules 
diversement altérés, et en outre neuf espèces de Systo- 
lides. Dans les quarante-trois Trichodes , qui peuvent 
être considérés comme des espèces réelles d'Infusoires, 
se trouvent le 7richoda Larus, du groupe des symé- 
triques, puis quatre Actinophryens dont les cils ne 
sont nullement vibratiles, savoir : les 7’richoda sol, 
solaris , granata et fixa ; trois ou quatre Vorticelliens , 
(T7. inguilinus, T, ingenita et T. innata); deux 

10. 


118 HISTOIRE NATURELLE 


Bursariens ( 77. ambigua et 77. patula), et le reste 
appartient aux familles des Trichodiens, Kéroniens, 
Plæsconiens, et peut-être des Leucophryens. 

Le quatrièmegenre, Kerona, est mieux caractérisé 
par ses appendices corniculés d’où lui vient son nom 
( de Képx corne ); et à part quatre espèces ( Kerona 
rastellum, K. haustellum, K. haustrum, et K. cypris), 
établies sur des lambeaux vivants de certaines espèces 
qui , en raison de leur facilité à se déformer , ont aussi 
donné lieu à l’établissement de diverses espèces de 
Trichodes et d'Himantopus; à part, dis-je, ces espèces 
fictives, on ne voit dans les dix autres que des Kéro- 
niens et deux Plæsconiens. 

Le cinquième genre, Æimantopus, qui est totale- 
ment à supprimer comme il a été dit déja, fut institué 
par Fabricius d’après les notes incomplètes de Müller, 
pour le Plæsconia charon et six lambeaux vivants de 
Kérone qui se servaient de leurs cils ou longs appen- 
dices filiformes , comme de pieds pour marcher sur le 
porte-objet, d’où ce nom d’A/imantopus (iut:, iuivros, 
Janière, où, pied ). 

Enfin le dernier genre V’orticelle, non moins confus 
que le genre T'richode, est caractérisé par sa contrac- 
tilité et par un orifice garni de cils. Avec dix-huit 
Systolides, huit Urcéolariens, dix-huit Vorticelliens, 
un Péridinien (Worticella cincta) ,etun Actinophryen 
(F7. tuberosa) , il ne contient pas moins de vingt-neuf 
fausses espèces établies sur des dessins imparfaits , ou 
répétant d’une manière inexacte d’autres espèces mieux 
décrites autrement. 


Lamarck n'ayant point observé par lui-même, ac- 
cepta les espèces établies par Müller, et modifia seu- 


DES INFUSOIRES. 1419 


lement sa classification , en supprimant le genre /41- 
mantopus pour le réunir aux Kérones, et en instituant 
le genre Trichocerque aux dépens du genre Cercaire ; 
et les genres Urcéolaire, Furcocerque et Furculaire 
aux dépens des Vorticelles. 


M. Bory de Saint-Vincent tenta le premier d'établir 
une classification méthodique pour les Infusoires, 
qu'il nomma Microscopiques ; malheureusement il pa- 
rait, dans ses propres recherches , n’avoir rien apercu 
de plus que Müller , et sa classification est uniquement 
fondée sur les caractères indiqués par cet auteur dans 
ses figures d'Infusoires, quoique non exprimés tou- 
jours dans son texte. Il en résulte que ces figures, 
faites à l'instant des observations, n'ayant été soumises 
à aucune critique, n'ayant même pas subi l'épreuve 
d’une dernière comparaison, et d’une épuration que 
l’auteur n'eüt pas manqué de faire , si la mort ne l’eût 
enlevé avant l’achèvement de son livre ; ces figures, 
dis-je, n’ont pu qu'induire en erreur M. Bory, quand 
il a pris pour des formes bien précises et persistantes 
ce qui n'était qu'un simple accident, ou le produit 
d’une décomposition partielle et quand il a voulu 
d’après cela établir de nouveaux genres. 

Ce qu’il a y de plus regrettable encore dans sa classi- 
fication , c’est l'ignorance où l’a laissé son microscope 
au sujet des organes ou appendices , ou des cils dont 
sont pourvus la plupart des Infusoires qu’il regarde 
comme entièrement nus, et qu'il nomme en consé- 
quence des Gymnodés. 

Mais avant d'aller plus loin, il est bon de dire que 
M. Bory a séparé des Infusoires les Vorticelles pédi- 
cellées dont ïl fait des Psychodiaires, en y laissant 


150 HISTOIRE NATURELLE 


sous divers noms ces mêmes Vorticelles détachées de 
leurs pédoncules. En même temps il réunit à cette 
classe d'animaux les Zoospermes, les Systolides, et y 
laisse les Vers nématoïdes , antérieurement confondus 
avec les Vibrions, ainsi que les Helminthes, pris par 
Müller pour des Gercaires. 

De ses Microscopiques ainsi conçus, il fait cinq 
ordres subdivisés en dix-huit familles et quatre-vingt- 
deux genres , dont cinquante seulement sont de vrais 
Infusoires ; et à défaut de caractères suflisants pris 
dans la forme ou dans les organes ou appendices , il 
a recours à des considérations, fort difhciles à com- 
prendre et à expliquer, « sur la molécule organique 
constitutrice , tantôt jouissant d’une vie individuelle, 
tantôt asservie à une vie commune, et dans laquelle 
se gare pour certains types des globules IE 
plus visibles. 

Son premier bird celui des GYMNODÉS, ne devait 
contenir, suivant lui , que des animaux très-simples, 
de forme parfaitement déterminée et invariable, ne 
montrant aucun organe, ni cirres vibratiles, ni 
même la moindre apparence de poils ou de cils quel- 
conques. Cependant, à l'exception des vrais Vi- 
brions , il n’est pas un des animaux de cet ordre qui 
ne contredise sa définition , soit par l'instabilité de sa 
forme, soit par la présence des filaments flagelliformes 
ou des cils qui lui servent d'organes locomoteurs. Neuf 
familles composent cet ordre : la première, celle des 
Mowaparres, correspond en partie à nos Wonadiens; elle 
contient notamment un genre Cyclide, représentant 
celui de Müller ; la deuxième famille, celle des Pan- 
DORINÉES, répond à notre famille des Folvociens, et 
contient de plus son genre Uvella, que nous placons 


DES INFUSOIRES. 151 


parmi les Monadiens ; la troisième famille, que mal à 
propos il nomme des Vozvocrexs, est un assemblage 
d’animalcules fort différents, parmi lesquels, suivant 
l’auteur, pourraient être confondus des propagules vi- 
vants de Conferves ou Zoocarpes. Il leur donne pour 
caractère commun, d’avoir un corps ovoïde ou cylin- 
dracé, déjà constitué par des molécules visibles, as- 
treint à une forme constante, qu’il n’est pas donné à 
l'animal de défisurer à son gré. Dans cette famille il 
place un genre Gyges qui est peut-être un de nos Thé- 
camonadiens ; un genre Volvox, qui comprend bien à 
la vérité une espècede Müller, que nous croyons devoir 
reporter aussi parmi les Thécamonadiens (Wolvox glo- 
bulus) , et non point le vrai Volvox globator, connu 
de tous les auteurs sous cette dénomination, et que 
M. Bory seul a nommé Pandorina ; les autres Volvox 
de cet auteur sont des Infusoires ciliés , des Enchéliens 
ou Leucophryens, qui n’ont avec les deux précédents 
aucun autre rapport qu'une forme obronde ou sphéri- 
que. Enfin, dans cette même famille se trouve un 
genre Enchelys, au corps cylindracé, plus ou moins 
pyriforme, toujours sensiblement atténué à son extré- 
mité antérieure, renfermant plusieurs Enchelys ou 
Kolpodes du Müller, que nous croyons devoir être re- 
portées dans des familles différentes. 

Ses Kozroninées , formant une quatrième famille , 
sont caractérisés par un « corps plus ou moins mem- 
» braneux , jamais cylindracé, où des globules hyalins 
» plus visibles se prononcent dans la masse de la molé- 
» cule cowstitutrice, et qui, évidemment contractile, 
» varie de forme au gré de l'animal. » 

M. Bory y place quatre genres très-dissemblables , 
savoir : 1° le 7riodonta formé avec le Kolpoda cuneus, 


152 HISTOIRE NATURBLLE 

qu'il n’a point vu lui-même, et que Müller, qui l'a 
observé imparfaitement une seule fois , décrit comme 
ayant un corps cylindrique et produisant sur ses bords 
un mouvement d’agitation (de mication, micatio), 
qu'on ne peut attribuer qu'à des cils ; on devrait donc 
ajourner l'inscription de cet animal dans la nomencla- 
ture, bien plutôt que d'en faire un genre ; 2° le genre 
Kolpode, auquel il attribue un corps parfaitement 
membraneux, irès-variable, atténué au moins vers 
l’une de ses extrémités, et auquel cependant il rap- 
porte les Vibrio utriculus et F. intermedius de Müller 
qui sont cylindriques, les Gonium rectangulum et obtu- 
sangulum, qui sont décrits par le même auteur comme 
étant de forme invariable , et enfin plusieurs autres 
Infusoires ciliés, et notamment le Kolpoda méléa- 
gris de Müller qui doit faire partie de notre famille 
des Paraméciens ; 3° le genre Æmibe ayant pour 
type le Protée de Rœsel et le Protée diffluent de 
Müller, si bien caractérisés par l'instabilité de leur 
forme et par les appendices variables et comme dif- 
fluents que ces animaux émettent de tous côtés. Ce- 
pendant M. Bory leur associe, dans le même genre, le 
Vibrio anser de Müller, qui est notre Dileptus , et le 
Kolpoda cucullus dont les caractères sont si différents 
et si frappants, et que sa forme bien reconnaissable a 
fait nommer jadis Cornemuse où Pendeloque:', &° en- 
fin le genre Paramécie , dans lequel il réunit à la Pa- 
ramécie aurélie , véritable type de ce genre , d’autres 
espèces n'ayant rien de commun que la forme oblon- 
gue, où un corps membraneux qui présente un pli 
longitudinal et oblique quand il change de direction 
en nageant. 


La cinquième famille , celle des Bursariées , caracté- 


DES INFUSOIRES. 1453 


risée par la forme du corps membraneux , replié sur 
lui-même en sac ou en petite coupe, se compose de 
trois genres, Bursaire, Hirondinelle et Cratérine, 
dont les espèces fort différentes doivent être rapportées 
à six de nos familles ; savoir : le genre Hirondinelle 
formé avec la Bursaria hirundinella de Müller qui est 
le Ceratium de notre famille des Péridiniens ; le genre 
Bursaria qui avec une vraie Bursaire ( B. trunca- 
tella), contient les Cyclidium rostratum et Kolpoda 
cuculio de Müller, qui sont des Loxodes , et le Para- 
mecium chrysalis dont nous avons fait le genre Pleu- 
ronema dans la famille des Paraméciens ; et enfin dans 
les Bursariées M. Bory place son genre Cratérine 
formé avec un de nos Euglèniens (Ænchelys viridis de 
Müller), et des Vorticelliens ou Urcéolariens, mal 
observés et jugés dépourvus de cils. 

Dans sa sixième famille, celle des VrrrioNIDES, ca- 
ractérisée par un corps cylindracé, allongé , flexible, 
et qui est assurément l’une des plus confuses, deux 
genres seulement se rapportent à nos Wibrioniens ; ce 
sont le genre Melanella qui répond à nos Bacterium 
et Spirillum , et le genre Vibrion, dans lequel, avec 
les vrais Vibrions, sont confondus des Vers nématoïdes, 
comme l’Anguille du vinaigre et celle de la colle. Un 
premier genre, Spirulina , est établi pour le Folvox 
grandinella que Müller seul a vu, et dont la nature 
est fort équivoque. Un quatrième genre, Lacryma- 
toria , dont le corpscylindracé s’amincit en un cou ter- 
miné par une dilatation en manière de tête, contient, 
avec une espèce d'Euglènien (fibrio acus), plusieurs 
autres Infusoires qui méritent de former un genre par- 
ticulier , mais qui ne doivent pas rester associés avec 
les vrais Vibrioniens, quoique Müller en ait placé 


154 HISTOIRE NATURELLE 


plusieurs dans son genre Vibrion; enfin, M. Bory 
place dans un dernier genre, Pupella, des espèces d’'En- 
chelys et de Vibrions de Müller, fort différentes les 
unes des autres, mais qui, dit-il, « ne pouvant ren- 
trer dans aucun des genres précédents , ne peuvent 
cependant en former de nouveaux; ce sont des Vi- 
brions obtusés, plus épais , non uniformes.» Nous de- 
vons ajouter que ce sont des espèces pour la plupart 
douteuses, et qui d’ailleurs, si l’on savait comment 
elles sont ciliées , seraient assurément fort loin des 
Vibrions. 

Sa septième famille, celle des CErcaRIÉES, caractéri- 
sée par la présence d’un appendice caudiforme, ré- 
pond au genre Cercaria de Müller, moins les Furco- 
cerques de Lamarck, mais elle est rendue plus hété- 

rogène encore par l’adjonction des Zoospermes , que 
M. Bory regarde comme des animaux distincts, et dontil 
fait un genre à part. Un premier genre nommé ÆAapha- 
nella, comprend le Proteus tenax, la Cercaria viridis, 
qui est le type du genre Euglena dans les Euglèniens, 
et dont les variations de forme sont si remarquables; 
puis d’autres espèces tout à fait différentes qui sont 
des Enchelys douteuses et mal connues de Müller. Un 
deuxième genre, flistrionella, à corps plus ou moïns 
contractile, cylindracé, oblong , avec une queue fort 
distincte, renferme à la fois les Cercaria lemna et in- 
quieta de Müller, qui sont, comme nous avons dit , de 
vrais Helminthes, et avec elles lEnchelys pupula, 
qui est bien un Infusoire, mais impossible à déter- 
miner. Le genre Cercaria, qui vient ensuite, est 
réduit à quelques espèces de Monadiens; un qua- 
trième genre, T'urbinella , est uniquement formé pour 
une espèce (Cercaria turbo) que M. Ehrenberg re- 


DES INFUSOIRES. 155 


porte aujourd’hui dans le voisinage des Vorticelles, 
en la nommant Urocentrum. Son genre Virguline , a, 
dit-il, « un corps oblong , membraneux, aminci par sa 
partie postérieure en une très - petite queue fléchie 
en virgule. » Il y place la Cercaria pleuronectes, qui 
est un Thécamonadien du genre Phacus, et la Cerca- 
ria cyclidium, qui doit certainement faire partie d’un 
autre genre. Enfin, son genre Zripos est formé avec 
la Cercaria Tripos, qui appartient à la famille des 
Péridiniens. 

M. Bory, dans sa huitième famille, celle des Uro- 
piées, dont le nom ressemble beaucoup trop à celui 
d’une autre famille (Urodées), et que doit caractériser 
une queue fourchue, n’a compris que les Furco- 
cerques de Lamarck, avec trois autres genres de 
Systolides qu’il en sépare; puis un genre (77) établi 
sur une espèce problématique de Müller (Cercaria 
malleus), et un genre Kérobalane, fait avec des Ur- 
céolariens ou des Vorticelliens mal observés par 
Müller ou par Joblot seulement. De même aussi il 
forme une neuvième famille pour une seule espèce 
établie sur un simple débris de Kérone, la Kerona 
rastellum, M., dont il fait le genre 7ribuline. 

Aux Microscopiques de son second ordre, à ses 
TRICHODES , M. Bory n’accorde « ni ouverture buc- 
cale , ni organes internes déterminés , mais seulement 
des poils ou des cirres non vibratiles, sur la totalité ou 
sur quelques parties d’un corps simple, contractile. » 
Il remarque que les corpuscules hyalins (et dans ce cas 
ce sont des vacuoles qu’il nomme ainsi), s’y multiplient 
et y deviennent beaucoup plus considérables. Il fait 
trois familles de ses Trichodés, savoir : les Polytriques, 
les Afystacinées et les Urodées. 


156 HISTOIRE NATURELLE 


Chez les Poryrriques « des poils très-fins et non 
distinctement vibratiles, sont répandus en villosités 
sur toute la surface du corps, ou en cils sur l'intégrité 
de sa circonférence, » ce qui fait dire à M. Bory que 
« ces animaux semblent être des ébauches du genre 
Béroë. » Ils forment quatre genres : 1° Le genre Leu- 
cophre répondant à celui de Müller avec peu de chan- 
gements ; et par conséquent avec une grande partie de 
ses erreurs et de ses espèces très-douteuses; 2° Le 
genre Diceratella, comprenant avec les deux princi- 
paux types de nos Infusoires symétriques (7richoda 
larus , Cercaria hirta), une espèce douteuse de Sys- 
tolide (Leucophra cornuta); 3 le genre Péritrique, 
dans lequel le corps n’a de poils ou cils qu’au pour- 
tour et non sur toute la surface, est formé d’une 
réunion confuse d’Actinophryens (7richoda sol, M.), 
et d’Urcéolariens (Vorticella stellina, M.), avec | 
divers Trichodiens et Leucophryens ; 4 le genre Stra- 
volæma , que l’auteur regarde « comme un passage 
trés-naturel aux vers intestinaux par les Echinorhin- 
ques, » est établi seulement sur une espèce de Müller 
(Zrichoda melitea) qui paraît appartenir au genre 
Lacrymaria. 

La deuxième famille , celle des MysraciNÉES (Mioroë , 
moustache) est caractérisée par la disposition des cils 
en petits faisceaux ou en séries. Le premier genre , 
Phialine, que distingue un seul faisceau de cils sur 
un bouton en forme de tête séparé du corps par un 
rétrécissement, renferme plusieurs Trichodes de 
Müller, qui peuvent être réunis au genre Lacrymaria. 
Le deuxième genre, 7richode, quoique considéra- 
blement réduit, présente encore beaucoup des inco- 
hérences si nombreuses dans celui de Müller; car 


DES INFUSOIRES. 457 


son caractère d’avoir un faisceau de cils non vibratiles 
en avant, et d'être glabre en arrière, est trop vague; 
aussi y trouve-t-on des Oxytriques, des Trachélius, 
des Trichodiens, etc. Le troisième genre, Fpsistomum, 
établi d’après une figure de Müller, pour une seule 
espèce, Zrichoda ignita, trop peu connue, est cepen- 
dant aussi indiquée par l'auteur, comme faisant un 
passage aux Biphores. Le quatrième genre, Plagio- 
rique, qui, comme l'indique son nom, doit avoir des 
poils ou cils disposés en une série longitudinale sur un 
des côtés du corps, contient des espèces très-dissem- 
blables, parmi lesquelles sont quelques Trichodiens 
mélés à des espèces douteuses. Le cinquième genre, 
Mystacodelle , ne comprend que des espèces de Kéro- 
niens douteuses ou altérées, vues seulement par Müller 
et Joblot, et représentées par eux comme ayant le 
corps terminé en avant par une fissure ou des lèvres 
inégales munies de cils en manière de moustaches. 
Le genre Oxytrique, qui, modifié et restreint con- 
venablement, doit être conservé, est inexactement 
caractérisé, chez M. Bory, par des cils ou poils dispo- 
sés en deux séries ou faisceaux, aussi contient-il avec 
de vraies Oxytriques, diverses espèces de Müller, 
qui sont très-douteuses ou indéterminables. Le genre 
Ophrydie, qui doit être reporté avec les Vorticelliens, 
contient avec la ’orticella versatilis, M, qui est le vrai 
type de ce genre, d’autres Vorticelliens, plus ou moins 
douteux, dont Müller avait fait des Trichodes. 
Le genre 7rinelle est établi pour le seul 7richoda 
floccus, qui n’est connu que par la figure de Müller 
et paraît être un Systolide. Le genre Kerona , qui, 
outre les cils mobiles disposés sur un côté ou tout au- 
tour du corps, doit présenter des appendices particu- 


158 HISTOIRE NATURELLE 


liers en dentelures, en cirres fort longs ou en cornes, 
comprend les Kérones et les Himantopes de Müller ; 
mais malheureusement il n’est presque formé que d’es- 
pèces douteuses. Le Kondyliostome enfin, le dernier 
genre des Trichodés, est assez bien caractérisé par la 
forme cylindrique du corps avec un orifice buccal laté- 
ralement situé et bordé de cils plus grands que ceux 
du reste du corps. 

La troisième famille de Trichodés, dont le nom 
Unonées ressemble trop à celui des Urodiées, qui en 
effet ne s’en distinguent que par l’absence des cils, con- 
tient un genre de Systolides, et un autre genre Ratule 
formé de quelques Trichodiens ou Kéroniens à corps 
aminci postérieurement en forme de queue. 

Le troisième ordre des Microscopiques de M. Bory est 
nommé par lui SroMosLÉPHARÉS ( réuz bouche, Bléozpoy 
paupière, cils), pour exprimer que ces animaux ont 
antérieurement une ouverture buccale, munie de cils 
ou cirres vibratiles. Ils sont toujours d’ailleurs, sui- 
vant M. Bory, formés d'une molécule constitutrice 
transparente où se voient des corps hyalins plus gros. 
Deux familles constituent cet ordre ; la première, celle 
des Urcéorariées, répond au genre Urcéolaire de La- 
marck et à notre famille des Urcéolariens , dont elle 
contient les deux principaux genres Stentor et Urceo- 
laire, maïs , avec eux, elle contient divers autres Vor- 
ticelliens mal étudiés ; la seconde famille, celle des T'ur- 
KIDÉES , renferme quatre genres de Systolides avec le 
genre Vaginicole qui fait partie de nos Vorticelliens. 

Un quatrième ordre, celui des Rorirères, formant 
une seule famille , ne contient que des Systolides, et 
le cinquième et dernier ordre, celui des Crusronés, for- 
mant trois familles, comprend tout le reste des Systo- 


DES INFUSOIRES. 159 


lides , et les deux genres Plæsconie et Coccudine, ran- 
. fort mal à propos avec les Anourelles dans la der- 
nière famille. 

Ainsi, des cinq ordres de M. Bory, quatre seule- 
ment renferment des Infusoires ; de ses dix-huit fa- 
miiles , quinze seulement sont daus le même cas; et de 
ses quatre-vingt-deux genres , il n’y en a que cinquante 
qui puissent se rapporter avec plus ou moins de certi- 
tude à des Infusoires proprement dits, auxquels ce- 
pendant on doit ajouter les Vorticelles. On voit 
d’ailleurs que tout en conservant environ vingt-trois 
de ces genres, nous sommes obligés de les circonscrire 
et de les caractériser d’une manière bien différente. 


M. Ehrenberg publia pour la première fois, en 1830, 
une FAR des Infusoires , divisés alors en 20 sd 
milles et 77 genres ; il y comprenait les Bacillariées et 
les Clostériées, qui formaient déjà dix genres. Depuis 
lors, en 1833, ila, par diverses additions et modifi- 
cations, porté le nombre de ses familles à 21, et le 
nombre de ses genres à 106; mais il est vrai de dire 
que cette augmentation a surtout porté sur les Bacil- 
lariées, qui , au lieu de 9 genres, en ont formé 18; de 
sorte qu’en laissant de côté comme végétaux ces êtres 
et les Clostériées , il ne restait en définitive que 87 
genres d’Infusoires à cette époque. Enfin cet auteur, 
daus son grand ouvrage publié en 1838, a, par de 
nouvelles additions, porté le nombre des familles à 22 
et celui des genres à 133, renfermant 533 espèces ; 
mais encore, dans ces nombres , il comprend 36 genres 
et 206 espèces de Bacillariées et Clostérinées, de sorte 
qu'il ne reste en définitive que 20 familles, 97 genres 


160 HISTOIRE NATURELLE 
et 347 espèces plus ou moins réelles de vrais infu- 
soires. 

Cet auteur, dès le principe, regardant comme au- 
tant d’estomacs les vacuoles plus ou moins nombreuses 
à l’intérieur des Infusoires, nomma ces animaux des 
PozyaasTriQues, et les subdivisa en Ænentera sans in- 
testin, et Enterodela pourvus d’unintestin ; puis cher- 
chant un caractère dans la disposition qu'il croyait 
exister dans ce prétendu intestin , il partagea ces der- 
niers, 1’ en Ænopisthia , sur lesquels les deux extré- 
mités de l'intestin viennent aboutir à un même orifice, 
20 en Énantiotreta , où les orifices de cet intestin sont 
situés aux deux extrémités ; 3° en Æ{llotreta où l’un 
seulement des orifices de l'intestin est à une des 
extrémités du corps; et 4° enfin en Catotreta, qui ont 
les deux orifices de l'intestin situés à la face ven- 
trale et non terminaux. Quant aux Æ{nentera , il les 
partage en trois sections; la première comprenant 
ceux qui sont sans pieds ou appendices, Gymnica ; la 
deuxième ceux qui ont des pieds ou appendices varia- 
bles, Pseudopoda ; la troisième enfin ceux qui sont 
ciliés, Epitricha. 

Chacune de ses sept sections se divise ensuite en fa- 
milles d’après diverses considérations, et surtout d’après 
la présence ou l'absence d’un têt ou d’une cuirasse ; 
considération que, dans ses premières publications, 
l'auteur avait jugée si importante, qu'il partageait tout 
d’abord les Infusoires en deux séries parallèles , les 
nus et les cuirassés, s'efforçcant de compléter cette se- 
conde série au moyen de rapprochements fort peu ad- 
missibles, et par l'institution de divers genres créés 
dans ce seul but. 

Il a donc ainsi sept divisions qu'on peut nommer 


DES INFUSOIRES. 161 


des ordres et qu’il divise en familles de la manière sui- 
vante : les Gymnica d’abord , suivant que la forme est 
invariable ou variable, et dans le premier cas, suivant 
qu’ils se multiplient par division spontanée complète 
ou incomplète; les premiers forment les deux familles 
des Monadina et des Cryptomonadina ; l'une sans ca- 
rapace , l’autre avec carapace ou cuirasse : les Gymni- 
ques à division incomplète forment les trois familles 
des Volyocina qui sont cuirassées et éprouvent la di- 
vision spontanée dans toutes les directions ; des Wibro- 
nia qui sont nus et n’éprouvent la division spontanée 
que dans une seule direction ; des Closterina enfin 
qui sont cuirassés et se divisent aussi dans une seule 
direction. Les Gymniques à forme variable sont les. 4s- 
tasiæa , s'ils sont nus, ou les Dinobryina, s'ils sont 
cuirassés. 

Les Pseudopoda nus forment la famille des Amæ- 
baca, et ceux qui sont cuirassés sont des Ærcellina , si 
leurs pieds à lobes multiples sortent d’une seule ou- 
verture, et des Bacillaria, si un pied simple sort 
d’une seule ouverture ou de chaque ouverture, carac- 
tère que l’auteur seul a observé jusqu'ici. Les Epitri- 
cha nus forment la famille des Cyclidina, et les cuiras- 
sés celle des Peridinæa. 

Les Anopisthia nus ou cuirassés sont les V’orticel- 
lina et les Ophrydina ; les Enantiotreta nus ou cui- 
rassés sont les Ænchelia et les Colepina ; les Allotreta 
nus, s'ils ont une bouche dépassée par une trompe et 
s'ils sont depourvus de queue, forment la famille des 
Trachelina ; s'ils ont la bouche à l'extrémité anté- 
rieure et le corps aminci postérieurement en manière 
de queue, ce sont les Ophryocercina ; ceux qui sont 
cuirassés forment la famille des Æspidiscina. 

INFUSOIRES. 11 


162 HISTOIRE NATURELLE 

Les Catroteta nus, s'ils n’ont d’autres organes loco- 
moteurs que des cils, sont des Colpodea ; s'ils ont au 
contraire des organes locomoteurs de plusieurs sortes, 
ce sont les Oxytrichina ; ceux enfin qui sont cuirassés 
constituent la famille des Euploia, ou nos Plæscomiens. 
ILest clair que n'admettant point l'existence d’un in- 
testin chez les Infusoires, ni la présence d’un anus dans 
un endroit déterminé de leur corps, nous ne pouvons, 
non plus, reconnaître exactes ces distinctions artifi- 
cielles de familles. Quelques-unes cependant sont à con- 
server , quand d’autres caractères suffisants étant em- 
ployés par l’auteur, en ont fait des familles naturelles; 
telles sont celles des F’olvocina, des Vibrionia, des 
Peridinæa, des Vorticellina , des Oxytrichina et des 
Euplota , qui correspondent presque exactement à nos 
Volvociens, Fibrioniens, Peridiniens, Vorticelliens, 
Kéroniens, et Plæsconiens, sauf la réunion des 4s- 
pidiscina à cette dernière, et la réunion des Ophry- 
dina aux Vorticelliens, d'où nous séparons au con- 
traire les Urcéolaires. F'elles sont encore les familles 
des Æmocbaea et des Dinobryina qui, formées cha- 
cune d’un seul genre, ne pouvaient être circonscrites 
différemment et sont pour nous les Æmibiens et les 
Dinobryens. Les Fonadina sont bien aussi à peu près 
nos Monadiens ; autrement définis, les Cryptomona- 
dina augmentés de quelques Æstasiæa à formes con- 
stantes sont nos 7 hécamonadiens ; les Astasiæa ainsi 
réduits pour répondre mieux au caractère d’instabilité 
de forme indiqué par leur dénomination, sont nos 
Euglèniens ; les Col/podea, réunis aux Ophryocercina, 
répondent en partie à notre famille des Paraméciens ; 
les Cyclidinarentrent en partie dans nos Encheleins ; 
les Trachelina dans nos Trichodiens et nos Bursa- 
riens; @t les Enchelia aussi en partie dans nos Zeuco- 


DES JINFUSOIRES. 163 
phryens, et en partie dans nos Bursariens ; les Ærcel- 
lina forment une section de nos Ahizopodes. Les Co- 
lepina, enfin , ne forment qu’un genre de notre groupe 
anomal des Infusoires symétriques. Quant aux Clos- 
terina et Bacillaria, qui seraient également des In- 
fusoires symétriques s'il était permis de les re- 
garder comme des animaux , je persiste à penser 
qu'ils sont sans estomacs et sans pieds variables, 
comme sans cils vibratiles, et qu'ils n’ont point d’ail- 
leurs les caractères des animaux. Mais en outre de ces 
vingt-deux familles, M, Ehrenberg indique dans une 
note , à la suite de la famille des £nchelia (1), la né- 
cessité de créer une famille des Æcinetines qui corres- 
pond à notre famille des Æctinophryens. 

Si nous passons à l'examen des genres du même au- 
teur, nous verrons une foule de rapprochements que 
rien ne justifie, et de distinctions sans nulle valeur, 
fondés sur des caractères fictifs ou douteux ; mais cet 
examen , nous aurons l’occasion de le faire successive- 
ment, lors de la description méthodique de nos fa- 
milles : je me borne pour le moment , tout en avouant 
que moi-même j'ai plus d’une fois employé des carac- 
tères équivoques, pour la distinction des familles et des 
genres parmi ces animaux aux formes si variables et si 
aisément altérables , et dont l’organisation est souvent 
si simple en apparence ; je me borne, dis-je, à faire re- 
marquer que c'était une nécessité de présenter, au 
moins provisoirement, une classification en rapport 
avec les principes de la méthode naturelle, aujour- 
d'hui que les classifications artificielles basées sur des 
faits inexacts ou sur de pures hypothèses, ont dû 
perdre tout leur crédit. 

: 


ee 


(1) Die Infusionsthierchen , 1838 , p. 316. 


11. 


164 HISTOIRE NATURELLE 


TROISIÈME PARTIE. 


SUR L'OBSERVATION DES INFUSOIRES. 


CHAPITRE XIII. 


DE LA RECHERCHE ET DE LA CONSERVATION DES INFUSOIRES 
VIVANTS. 


Certaines eaux stagnantes sont tellement remplies 
d'Infusoires , qu'il suffit de puiser au hasard pour en 
avoir abondamment ; ce sont particulièrement les 
Euglènes , les Phacus, les Diselmis, les Cryptomonas, 
et la plupart des Infusoires verts ou rouges qui se trou- 
vent ainsi dans les fossés, dans les ornières , dans les 
mares , dont ils colorent fortement l’eau et les bords ; 
l’'Euglène verte est celle qu’on rencontre le plus fré- 
quemment autour des lieux habités dans les ornières 
et les écouts, mais j'ai vu le Diselmis viridis colorer 
entièrement en vert l’eau qui baignait du terreau dans 
un jardin , en juillet 4837; et cet hiver, à Toulouse, 
j'ai vu les fossés du boulevard remplis d’une eau verte, 
colorée exclusivement par le Phacus pleuronectes. On 
sait enfin que certaines eaux stagnantes ont paru avoir 
été changées en sang, par suite de la multiplication 
de l’'Euglena sanguinea et de quelques autres Infu- 
soires rouges, et que telle est aussi la cause de la co- 
loration des salines. 


DES INFUSOIRES. 1465 


Certains Infusoires, sans remplir entièrement les 
eaux, forment une couche, soit au fond, soit à la sur- 
face ; tels sont le Dileptus anser que j'ai vu, dans 
les ornières au nord de Paris , former une couche bru- 
nâtre au fond de l’eau , et le Spirostomum ambiguum, 
bien visible à l'œil nu , et qui se montre quelquefois 
tellement abondant, qu’on croît voir flotter à la sur- 
face une poussière blanchâtre. 

D’autres Infusoires visibles à l'œil nu , sans être aussi 
abondants, seront faciles à recueillir directement ; tels 
sont : le ’olvox , que l’on voit en nombre souvent con- 
sidérable , monter et descendre en tournant dans le 
liquide, comme autant de globules verts ou jaune-bru- 
nâtres ; les Stentors verts ou bleus , fixés aux herbes, et 
surtout les Vorticelles qui forment des touffes blanches 
comme un duvet plumeux , sur les tiges submergées, 
sur les petites coquilles , et même sur quelques in- 
sectes nageurs. 

Mais le plus grand nombre des espèces ne peut 
frapper la vue d'aucune manière , et doit être pris en 
quelque sorte au hasard dans les eaux de la mer, des 
rivières , des marais ou des fossés. Toutefois , il ne 
faut pas croire que de l’eau puisée au hasard con- 
tiendra les animalcules que l’on cherche, bien au con- 
traire; il y a mille à parier contre un que cette eau 
n’en contiendra pas si elle est prise dans les endroits 
où la mer est sans cesse agitée sur des galets, sur 
des rochers nus et sans végétation, ou si elle est 
prise dans le courant d’une rivière limpide, ou 
même au milieu d'un étang sans herbes maréca- 
geuses, ou enfin dans un fossé que la pluie vient 
de remplir. Il faut chercher les Infusoires là où l’eau 
moins agitée est peuplée d'herbes , et surtout de Con- 


166 HISTOIRE NATURELLE 


ferves de Lemna et de Ceratophyllum , dans les ma- 
rais , ou de Céramiaires dans la mer. L'eau puisée au 
milieu de ces herbes contiendra fréquemment ces ani- 
malcules , et l’on s’en assurera en regardant avec une 
loupe forte, ou une lentille, à travers un flacon 
de verre blanc rempli de cette eau; elle en con- 
tiendra bien davantage encore si l’on a mis quelques 
toufles d'herbes dans le flacon, et surtout si l’on y a 
fait couler l’eau exprimée de plusieurs touffes. 

Les pierres, les branches mortes, après quelque temps 
de séjour au fond des eaux peu agitées, se recouvrent 
d’une forêt de petites Conferves qui retiennent une 
foule de débris flottants, avec un peu de limon, d’où 
résulte une couche légère dans laquelle se multiplient 
indéfiniment de nombreuses espèces d’animalcules ; il 
conviendra donc de ràcler et de faire couler un peu de 
cette couche avec l'eau qui la couvre, dans un flacon ; 
il serait mieux encore d’emporter quelques pierres ou 
quelques branches mortes assez petites pour pouvoir 
entrer dans le flacon. Non-seulement ainsi on sera sûr 
de posséder les Infusoires vivant sur ces objets, mais 
encore , On pourra les conserver longtemps, et les voir 
se multiplier dans le flacon. 

Ge n'est pas tout que d’avoir fait une riche provision 
d'Infusoires dans des flacons, il faut savoir les conserver 
vivants, et empêcher que la putréfaction ne vienne 
envahir plus ou moins rapidement tous les flacons. 
Quelquefois, dans l'été, au bout de quelques heures, 
il ne reste plus rien de ce qui existait d’abord ; ce sont 
de nouveaux Infusoires qui se sont développés dans 
le liquide devenu une véritable infusion. Pour pré- 
venir cet inconvénient, il faut éviter de mettre trop 
d'objets dans l’eau d’un flacon ou du moins trop d’ani- 


DES INEUSOIRES. 167 


maux ; car une fois que plusieurs de ces animaux sont 
morts faute d'air renouvelé dans le liquide, ils 
commencent à se décomposer , et la corruption fait de 
rapides progrès : mieux vaudrait multiplier le nombre 
des flacons et mettre peu dans chacun. On doit donc 
éviter aussi que le liquide, trop abondant, ne soit en 
contact avec le bouchon, parce qu'alors ilne resterait 
pas d’air au-dessus, et que certains animaux autres que 
les Infusoires ne tarderaient pas à périr. Si l’on a rem- 
pli plusieurs flacons loin de chez soi , on doit se hâter, 
en rentrant à la maison, d'en partager le contenu dans 
plusieurs vases , en ajoutant de l’eau de pluie ou de ri- 
vière, si ce sont des objets d’eau douce, ou de l’eau 
de mer pure dans le cas contraire. 

Chaque vase ou flacon doit contenir, autant que 
possible , quelques végétaux bien vivants qui contri- 
buent à maintenir l’eau fraîche. Pour l’eau de mer, ce 
sont les Ulves et quelques Conferves ; pour l'eau douce, 
ce sont des Conferves, des Zygnèmes, des Gallitriches, 
des Chara , et quelques autres plantes susceptibles de 
vivre longtemps en captivité. Ces vases sont laissés 
découverts ou débouchés jusqu’à ce que les objets con- 
tenus aient pris l’habitude d’y vivre ; on peut ensuite 
couvrir imparfaitement chacun d'eux pour empêcher 
une évaporation trop prompte, qui mettrait la plu- 
part des liquides dans le cas d’une solution saturée 
de certains sels, et par conséquent impropre au séjour 
des animalcules vivants. 

Ainsi, par exemple, certaines eaux des environs de 
Paris, notamment celles des ornières, deviennent, par 
l’évaporation , complétement saturées de sulfate de 
chaux; les eaux prises au voisinage des lieux habités 


contiennent du sel marin, et du sulfate de potasse, 


168 HISTOIRE NATURELLE 


outre le sulfate de chaux, etc.: l’eau de mer, comme on 
le doit penser, devient promptement ainsi unesolution 
saturée de sel marin. On peut bien maintenir les eaux 
douces à peu près dans leur état primitif en ajoutant 
de temps en temps un peu d’eau de pluie; mais pour 
l’eau de mer on ne pourrait ajouter que de nouvelle 
eau de mer, ce qui n'empécherait pas le sel d’être en 
excès, à moins que de vérser chaque jour quelques 
gouttes d'eau douce pour remplacer à mesure ce qui 
est enlevé par l’évaporation. Cependant, le mieux est 
toujours de s’opposer autant que possible à cette éva- 
poration; s'ilne suflit pas de placer sur les vases une 
plaque de verre ou un verre de montre, on peut ren- 
verser une cloche par dessus. Je suis ainsi parvenu à 
conserver vivants pendant plus de cinq mois de petites 
Actinies , de petites Amphitrites et divers mollusques 
avec une foule d'Infusoires dans un vase ouvert, placé 
sur une assiette et recouvert d’une cloche que j'enlevais 
quelquefois pour renouveler l'air , et que j'humectais 
pour retarder davantage l’évaporation. 

Malgré toutes les précautions qu'on a prises, 
certains Infusoires cessent de vivre dans des flacons, 
tandis que d’autres s’y produisent successivement ; il 
est donc à propos de garder longtemps les mêmes 
flacons en les étiquetant et en notant ce qu’on y a vu à 
diverses époques. 

S'il est incertain et chanceux de pouvoir transporter 
et conserver vivants les Infusoires qu’on vient de 
recueillir dans un flacon; il n’en est plus de même quand 
une fois ces animaux se sont acclimatés dans leur nou- 
velle habitation , quand des végétations de divers 
genres, des Diatomées, etc., qui se sont développées 
sur les parois, leur offrent à la fois un abri et une 


DES INFUSOIRES. 169 


nourriture assurés. Ainsi, tandis que la plupart des 
flacons remplis de diverses productions vivantes, soit 
dans l’eau de mer , soit dans l’eau douce, sont fortement 
altérés dans les quelques jours suivants; ceux de ces 
flacons, qui, par suite d’une proportion convenable 
entre le volume du flacon et la quantité d'animaux ou 
de végétaux vivants, se sont conservés plus de dix 
ou quinze jours sans altération, peuvent être ensuite 
conservés indéfiniment, pourvu qu’on s'oppose à l’éva- 
poration tout en permettant à l’air de se renouveler à 
la surface. J'ai pu transporter des bords de la Méditer- 
ranée à Paris, des Infusoires et d’autres animaux ma- 
rins qui s'étaient de la sorte acclimatés dans des fla- 
cons d’eau de mer avec divers végétaux. 

Certains Infusoires vivent, non pas simplement dans 
les eaux, mais dans des sites habituellement humectés, 
comme les toufles de mousses, et surtout les couches 
minces d’oscillaires, sur la terre ou sur les murs humi- 
des; pour les trouver, il suffit d’agiter et de presser 
dans un vase d’eau successivement plusieurs touffes de 
mousse prise au pied des arbres, dans les lieux frais, ou 
au bord des ruisseaux ; ou bien de placer dans une 
soucoupe , avec un peu d’eau la pellicule enlevée à la 
surface du sol couvert d'oscillaires. J'ai été surpris 
quelquefois de voir la quantité d'Infusoires obtenus 
ainsi. 

D’autres animalcules enfin vivent parasites à l’exté- 
rieur ou à l’intérieur de certains animaux, ou même se 
multiplient habituellement dans leurs excréments li-- 
quides et dans plusieurs autres produits de l'organisme. 
On trouve particulièrement à la surface des Hydres 
ou polypes d'eau douce , une Urceolaria et un Kéro- 
nien parasite. Un autre Infusoire vit sur un Distome 


170 HISTOIRE NATURELLE 


de la Grenouille: les cavités des lombrics et des 
Naïs contiennent presque toujours des Leucophres 
et plusieurs autres animalcules qui ne vivent que là; 
les excréments liquides des Batraciens en contien- 
nent plusieurs autres du même genre avec des Mona- 
diens remarquables par le nombre de leurs filaments ; 
l'intestin des Limaces m'a présenté avec ces Mona- 
diens , tantôt des vers Nématoïdes ou des Systolides, 
et tantôt un 7richomonas différent de celui que 
M. Donné a trouvé dans les sécrétions muqueuses de 
certaines femmes ; le même observateur a rencontré 
des Bacterium ou Vibrions dans le pus : Leeuwenhoek 
enfin avait observé divers Infusoires dans ses déjec- 
tions et dans la matière blanche pulpeuse qui s’amasse 
à la base des dents. 


CHAPITRE XIV. 
DES INFUSIONS. 


Rien de plus simple que de préparer des infusions 
et d'y voir se produire les Infusoires; mais rien de 
plus difficile que d’obtenir des résultats semblables de 
deux infusions préparées en apparence dans les mêmes 
conditions : c’est qu’en effet les circonstances ne peu- 
vent jamais être exactement semblables. En supposant 
que la dose des ingrédients et la qualité de ces ingré- 
dients soient les mêmes , la température , l’état hygro- 
métrique et l’état électrique , ainsi que l'éclairage, et 
l'agitation ou le renouvellement de l'air, n’auront pas 
pu être les mêmes ou varier de la même manière dans 
les deux cas. Or, toutes les causes exercent sur le dé- 
veloppement des Infusoires une influence qui , pour 


DES INFUSOIRES. 171 


n'être pas scientifiquement déterminée, n'en est pas 
moins bien réelle et souvent bien considérable, 

On ne devra donc pas être surpris de voir, dans 
certains cas, une infusion éprouver rapidement la fer- 
mentation alcoolique, ou la fermentation acide , ou la 
fermentation putride, ou se couvrir entièrement de 
moisissures, tandis qu’une autre infusion, préparée en 
apparence dans les mêmes circonstances, se sera com- 
portée tout autrement. Au reste, quand une de ces 
fermentations s'est manifestée trop fortement, ou 
quand les moisissures ont envahi la surface, on peut 
regarder l'expérience comme manquée. Le mieux, 
c’est que l'infusion , sans se moisir, se couvre d’une 
légère pellicule blanchâtre ou floconneuse, qui est elle- 
même presque toute formée d'Infusoires, et qu’elle 
présente une odeur sûre, ou nauséabonde , ou un peu 
fétide , mais non très-infecte. Pour cela, il convient 
de préparer les infusions , par une température mo- 
dérée , dans des flacons à large ouverture , d’une capa- 
cité de 30 à 100 grammes, aux deux tiers remplis, 
avec dix fois environ autant d’eau que de la substance 
à infuser, qui doit être convenablement divisée ; puis, 
de laisser les flacons exposés à la lumière, en facilitant, 
autant que possible , le renouvellement de l'air. Dans 
Yobscurité , il se développera bien plus de moisissures , 
une température trop élevée déterminera une fer- 
mentation plus active , et le défaut d'air paraît favori- 
ser une putréfaction complète. Les huiles essentielles 
s'opposent généralement à la fermentation et à la moi- 
sissure : voilà pourquoi des infusions de poivre réus- 
sissent toujours et pourquoi elles furent préconisées 
par les micrographes du 18: siècle. L'infusion de per- 
sil ou de céleri doit réussir par la même raison , puis- 


L 


172 HISTOIRE NATURELLE 


que ces végétaux contiennent beaucoup d'huile es- 
sentielle ; il en serait probablement de même pour 
d'autres plantes aromatiques. 

Le sucre, comme on sait, éprouve la fermentation 
alcoolique quand il est dissous dans une certaine quan- 
tité d’eau avec des substances azotées , à une tempéra- 
ture assez élevée ; on sait aussi que quand la dissolution 
est trop faible, la fermentation n’a point lieu ; le sucre 
se décompose néanmoins en donnant d’autres pro- 
duits ; mais ce dont on n’a pas parlé, c’est l'influence du 
volume qui, toutes choses égales d’ailleurs, arrête ou 
permet la fermentation : c'est pourquoi, dans un petit 
vase, une infusion n’éprouve pas la fermentation qu'on 
. n’eût pas évitée en opérant plus en grand. Pour les 
infusions de pain, de blé et des autres substances con- 
tenant des principes fermentescibles , on devra donc 
avoir égard à cette considération, et éviter une tempé- 
rature trop élevée, afin d'obtenir plus sûrement des 
Infusoires. Les champignons qui contiennent un sucre 
non fermentescible, la mannite, fournissent de bonnes 
infusions pour lesquelles on n’a point à craindre cet 
inconvénient ; il en est, je crois, de même de l’infu- 
sion de foin, qui a été recommandée par les anciens 
micrographes. 

Gertains réactifs favorisent singulièrement le dé- 
veloppement des Infusoires , et je puis citer en par- 
ticulier le phosphate de soude, les phosphate, nitrate 
et oxalate d’ammoniaque , et le carbonate de soude ; 
j'ai été tenté de penser que plusieurs de ces sels, en se 
décomposant en présence des substances organiques 
de l’infusion , avaient fourni de l’azote aux Infusoires , 
ce que je puis affirmer, c’est que l’oxalate d’ammonia- 
que au moins avait complétement disparu. J’ai vu les 


DES INFUSOIRES. 173 


Infusoires se développer dans une infusion tenant en 
dissolution un sel végétal de peroxyde de fer , mais 
non dans les infusions mêlées de sulfate de protoxyde 
de fer ou de sulfate de cuivre. Le peroxyde de man- 
ganèse, le chlorate de potasse, l’iode, ont été sans in- 
fluence funeste sur le développement des Infusoires. 
Enfin , j'ai pu constater que les poisons végétaux les 
plus énergiques n’ont aucune action sur les Infusoires 
que j'ai vus se produire abondamment dans les infu- 
sions de noix vomique, de cévadille et de coque du 
Levant; celles d’opium et de fausse angusture ne 
m'ont présenté que le Vibrion linéole. 

Depuis l'instant de sa préparation, une infusion 
change incessamment, et plus ou moins vite, suivant la 
température; elle montre seulement d’abord le Bacte- 
rium termo, puis quelqu’autre Bacteriumetle Vibrion 
linéole, puis des Monades, des Amibes et quelques 
autres Vibrions ou Spirillum; un peu plus tard, les 
Enchelys et les Trichodes commencent à s’y montrer 
avec des Kolpodes qui, grossissant rapidement, se mon- 
trent conformes au type nommé Ko/poda cucullus ; 
enfin , viennent les Trachelius, les Loxodes , les Coccu- 
dina ou Plæsconia , les Paramécies, les Kérones, les 
Glaucomes et les Vorticelles, soit tous ensemble, 
soit séparément; mais toujours à peu près des mêmes 
animalcules, de ceux que Joblotnommait d’une manière 
très-significative les Cornemuses, les petites Huiîtres, 
les Chaussons, que Gleichen appelait les gros et petits 
Ovales, les Pendeloques et les animalcules pantou- 
fles. Le nombre en est assez restreint, et c’est à peine 
si les quinze genres que nous venons de citer fournis- 
sent en tout quarante ou cinquante espèces. Si les in- 
fusions sont conservées pendant longtemps, elles 


174 HISTOIRE NATURELLE 


changent tout à fait de nature; pourvu que le liquide 
soit en quantité suffisante, la substance mise à infuser 
devient un sol sur lequel peuvent se développer des 
végétations, ainsi que sur la paroi du vase; si la lumière 
est assez intense, on observe même des végétations 
vertes; alors, avec d’autres Infusoires on peut rencon- 
trer dans les liquides des Systolides et des Diatomées. 

Il n’est pas absolument nécessaire de mettre dans 
certaines eaux des substances organiques pour que ces 
eaux deviennent des infusions : le peu de substances 
étrangères que contiennent les eaux de rivière ou même 
de pluie suffit pour que si on les tient exposées à la lu- 
mière dans un flacon, ils’ y développe, au bout d’un 
certain temps, de petites végétations vertes formant 
une couche légère à la paroi la plus éclairée ou au 
fond du flacon ; et en même temps, ou bientôt après, 
ils’ y produit aussi des Infusoires très-petits. Priestley, 
le premier, avait observé cette production de matière 
verte à laquelle on donne encore son nom; mais 
M. Morren (1), dernièrement , a étudié ce phénomène 
dans le but d'apprécier l'influence de la lumière sur la 
production ou le développement des êtres. 

Outre les infusions qu'on a préparées directement, 
il se rencontre souvent des infusions accidentelles qu’on 
ne doit pas perdre l’occasion d'étudier : teiles seront 
l'eau qui a séjourné sur de la terre de jardin ou sur du 
terreau, l’eau croupie des tonneaux d'arrosage, dans 
es jardivs ; celle d’un vase de fleurs quand elle n’est 
pas trop fétide et qu’on y découvre déjà à la vue sim- 
ple des nuages de particules flottantes tout formés 
d'Infusoires; celles qui auront séjourné longtemps 


(1) Annales des Sciences naturelles, 1939, zoologie, tom. 5. 


DES INFUSOIRES. 175 


à Ja cave dans des vases découverts et dans lesquelles 
seront venus se noyer divers insectes qui en font une 
vraie infusion, etc. 

Comme renseignement sur ce sujet, je crois devoir 
donner ici, d’après mes notes, les détails suivants sur 
quelques-unes des infusions que j’ai étudiées : 

1° Une infusion de noix vomique, du 24 décembre 
1835, conservée dans l'appartement, ainsi que les sui- 
vantes , ne montrait rien encore Îe 27 ; mais le 4 jan- 
vier il y avait en abondance des Bacterium et des 
Monades en forme de losange, longues de 0,0104, 
flexibles et traïnant un Îong prolongement filiforme. 
Le 9 ces Monades avaient presque disparu. Le 16 fé- 
vrier des moisissures s'élaient développées, et avec 
elles des Amibes ; la saveur était très-amère et l’odeur 
très-faible. 

2° Une infusion de Coque-du-Levant, offrait, le 
21 février, des Monades longues de 0,016% avec un 
filament bien visible ; il y avait aussi des Bacterium, 
l'odeur fétide était très-faible, la saveur était nulle. 

3° Uneinfusion de Cévadille écrasée , faite le même 
jour, montrait des Bacterium, des Vibrions linéoles 
et des Monades, le 8 janvier ; on y voyait, dès le 3 fé- 
vrier, des Kolpodes qui m'ont servi, le 17 février, à 
des expériences de coloration artificielle parle carmin, 
et de difiluence par l’action de l’ammoniaque ou par 
la compression. 

4° Une infusion de persil, du même jour, contenait 
des Bäcterium, des Vibrions et des Monades, le 9 jan- 
vier; il sy était développé ensuite , le 21 février, 
des Amibes radiées et des Monades à filaments très- 
visibles. | 

5 Une infusion de farine, du même jour, contient 


576 HISTOIRE NATURELLE 
des Vibrions linéoles et des Monades en quantité ; le 
30 décembre, les Monades ont encore augmenté en 
nombre et en volume; le 8 janvier , l'odeur est peu 
prononcée. Le 20 janvier, l’odeur est devenue fétide, 
et avec diverses sortes de Monades et de Vibrions je 
vois des Kolpodes; le 3 février, je retrouve les mêmes 
Infusoires; mais le 17 février, les Kolpodes sont bien 
moins nombreux, les Monades sont devenues plus 
grandes, et il s’est produit beaucoup d'Amibes. 

6° Uneinfusionde foin haché , du même jour, montre 
des Bacterium termo , déjà doubles ou formés de deux 
corpuscules fusiformes, dès le 27. IL s’y trouve déjà 
des Monades le 4° janvier ; le 3 janvier, le nombre et 
la grosseur des Monades ont augmenté ; le 21 janvier 
il s’est produit des Trichodes , des Kolpodes, des Ami- 
bes et des Plæsconies arrondies, longues de 0,041. Le 
3 février, il y a encore des Monades avec une quantité 
énorme de Plæsconies ; le 22 février, les Plæsconies, 
encore aussi abondantes, ont évidemment grossi ; elles 
sont longues de 0,050 à 0,055 ; avec elles se trouvent 
diverses Monades. 

7° Une infusion de lichen frais (/mbricaria parie- 
tina ), du 235 décembre, contenait déjà des Monades 
de 0,007 au bout de 24 heures ; le 3 janvier, il y avait 
des Bacterium et des Monas ; le 9 il s'était produit 
en outre des F’ibrio lineola et des ibrio bacillus ; le 
17 février, le liquide, rougeâtre, transparent, sans 
odeur, contenait des Glaucoma scintillans, auxquels 
j'ai pu faire avaler du carmin; avec eux se trouvaient 
aussi des Trichodes, et des Monas longs de 0,0052, 
à filaments bien visibles. 

8° Une infusion dechaircrue, préparéedepuis vingt- 
sept jours dans un petit bocal, en décembre 1835, s'é- 


DES INFUSOIRES, TL'F1 


tait couverte d’une pellicule fibrilleuse où je trouvai 
en abondance des Amibes à bras. Une autre infusion 
de chair avec une plus grande quantité d’eau ne donna 
pas d’Amibes , mais des Bacterium, des Vibrio bacil- 
lus et rugula et beaucoup de Monas. Dans une autre 
infusion de chair mélée de nitrate d'ammoniaque, j'ai 
vu le Wibrio serpens avec beaucoup d’autres Vibrions 
et de Monades. — Le carbonate de soude, et l’hydro- 
chlorate d’ammoniaque , ajoutés de même à l’infusion 
de chair, paraissent avoir favorisé le développement 
des Monades. — L’oxalate d'ammoniaque, ajouté de 
même, a produit une odeur fétide ammoniacale qui a 
disparu presque entièrement au bout de deux mois; 
il ne restait alors que des Bacterium dans l'infusion 
qui avait présenté d’abord des Monades et des Vi- 
brions. — L’acide oxalique a produit , au bout de dix- 
huit jours, des Vibrions fort curieux ( Vibrio ambi- 
guus ) et des Monas dans l’infusion de chair. 

9° Le 1° février 1836 , furent préparées dans des bo- 
caux semblables, avec 74 gram. d’eau de pluie, 1 gram. 
de colle forte , ou gélatine sèche concassée , soit seule 
soit avec addition de différents sels; plusieurs infu- 
sions dans lesquelles la gélatine se dissolvit lente- 
ment. —- Seule, ellea donné le troisième jour quelque 
Monades ; — avec 55 centigr. d’oxalate d’ammonià- 
que, elle a donné des Monades à queue et à deux fila- 
ments, très-remarquables ; — avec 1 gramme de phos- 
phate de soude, elle montrait, le 11 février, une pelli- 
cule remplie de Bacteriunm, de Monas lens, longs 
de 0,0064 ; et d’autres Monades à queues, longs de 
0,006 à0,012, et pourvus de filaments bien visibles ; — 
avec 30 centigr. de sel marin, 30 centigr. d’oxalate 
d'ammoniaque, et 30 centigr. de phosphate d’ammo: 

INFUSOIRES, 12 


178 HISTOIRE NATURELLE 
niaque, j'aieu dix jours après des Vibrions et des 
Monas très-réguliers, émettant des expansions comme 
les Amibes ; — avec 66 centigr. de sulfitede soude, j'ai 
également obtenu des Monades assez remarquables, 
le liquide restait transparent et presque sans odeur. 

Une infusion de gélatine avec addition de nitrate 
d’ammoniaque, faite le 26 décembre, m'avait présenté, 
le 13 janvier, des Monades à filaments susceptibles de 
s’agglutiner. — Des Monades analogues existaient en- 
core, le 14 mars 1838, dans cette même infusion ré- 
duite par l’évaporation à la douzième partie de son 
volume primitif, et n'ayant ni saveur ni odeur. 
* Un gramme de gélatine fut mis, le 2 février, dans 
16 grammes d’eau de mer , conservés depuis deux mois 
avec des Plæsconia , des T'rachelius et quelques autres 
Infusoires vivants. Ces animalcules continuèrent à 
vivre, et se multiplièrent beaucoup, en même temps 
qu’il se produisit des Monas lens. 

10° Une série de 26 infusions avait été préparée avec 
de la gomme et différents réactifs chimiques. — La 
gomme seule donnait déjà , au bout de huit jours, des 
Monades à filaments ; — elle en donna aussi avec l’a- 
cide oxalique au bout d’un mois ; — avec le nitrate de 
potasse, et avec le nitrate d’ammoniaque, elle donna 
des Monades très-remarquables, le 12 janvier, ainsi que 
des Vibrio rugula ; — avec le carbonate de soude, le 
40 février ; — avec le phosphate de soude et avec le 
phosphate de soude et d’ammoniaque, ainsi qu'avec 
Foxalate d’ammoniaque , le 12 janvier ; — avec la li- 
maille de fer et le nitrate d’ammoniaque, ou le nitrate 
d’urée, ou l’oxalate d’ammoniaque; le liquide a été 
fortement coloré en rouge , et dégageait une odeur pé- 
nétrante, analogue à celle de l'acide formique ; il avait 


DES INFUSOIRES. 179 


une forte saveur ferrugineuse, et cependant il s’y est 
développé des Monades à filaments. 

41° Une infusion de vessie de cochon dans de l’eau 
sucrée, provenant d’une expérience d’endosmose, mon- 
trait, 54 heuresaprès le commencement de l'expérience, 
des Vorticelles et des Zoxodes cucullio. — Dans 
une autre expérience préparée le 12 janvier 1836, un 
tube fermé inférieurement par un morceau de vessie 
de cochon, et rempli d’eau sucrée plongeait dans un 
verre d’eau pure; quatre jours après , le 16, l’eau du 
verre contenait beaucoup de Monades, de Vorticelles, 
et de Loxodes; le 47, les mêmes animalcules y étaient 
encore ; mais le liquide ayant été transvasé dans un 
flacon, il n’y avait plus rien de vivant le 18, parce que 
la fermentation alcoolique s'était manifestée dans ce 
flacon. De nouvelle eau fut versée dans le verre ou res- 
taient l'appareil d’endosmose, et les pellicules déjà 
formées sur l’infusion , les mêmes Infusoires continuè- 
rent d'y vivre, et je pus surtout y bien étudier des 
monades à queue et des Spirillum undula. — Le 26 
janvier l’eau fut encore renouvelée dans le verre, la 
membrane de vessie ne contenait presque plus de par- 
ties solubles, aussi leliquide resta limpide, cependant 
il contenait des Monades et des Amibes. — Le 8 février 
il n'y avait plus d’Amibes. 

12 Un tonneau qui avait contenu du vin rouge , et 
se trouvait encore tout enduit de tartre, fut disposé 
pour recevoir l’eau de pluie amenée par les gouttières, 
cette eau se putréfia bientôt et devint une infusion fort 
riche en Infusoires ; j'y observai notamment plusieurs 
sortes d'Amibes, des Monades, des Vibrions, des 
Glaucomes verts, des Kérones, et des Oxytriques. 

On peut juger par ces détails de l'infinie variété 

12. 


180 HISTOIRÉ NATURELLE 


d'expériences, que l’on peut tenter sur les infusions , 
et je dois répéter encore que les résultals en seront tou- 
jours variés, quant au développement des Infusoires, 
et aux modifications de forme qu’ils présentent. 


CHAPITRE XV. 


MANIÈRE D'OBSERVER ET D'ÉTUDIER LES INFUSOIRES 
SOUS LE MICROSCOPE. 


La première chose à faire avant de soumettre un 
liquide au microscope pour y chercher des Infusoires, 
c’est de s'assurer s’il en contient réellement, et pour 
cela, on doit l'explorer préalablement avec une loupe 
de un à deux centimètres de foyer que l’on tient à la 
main. Si le liquide est dans un flacon ou un petit 
bocal, on le tient d’une main, entre l’œil et un 
fond lumineux ou éclairé comme le ciel ou une mu- 
raille blanche , ou devant la flamme d’unelampe à une 
distance convenable pour qu'il soit tout éclairé, et 
l’on promène la loupe devant toute la paroi du flacon 
à laquelle ont dù se fixer à l’intérieur les Vorticelles, 
les Stentors, les Anthophyses, les Arcelles, les Rhizo- 
podes, etc. sile liquide a séjourné quelque temps dans 
le vase. Dans tous les cas, c’est de préférence contre 
la paroi, soit au fond , soit au bord du liquide que 
nagent les Infusoires, tels que les Paramécies, les Ké- 
rones , les Plœsconies, etc., que l’on reconnaît aisément 
à l’aide d’une loupe d’un centimètre de foyer. J'ai 
d’ailleurs employé fréquemment des loupes encore plus 
fortes pour étudier sur place les animalcules fixés à la 
paroi. 

Si l’on a pressé sur une plaque de verre une petite 


DES INFUSOIRES. 181 


touffe de conferves ou de quelque autre plante qu’on 
vient de retirer de l’eau, on pourra aussi explorer 
à la loupe le liquide restant sur la plaque de verre 
qu'on tient au-dessus d’un miroir couché ; presque tou- 
jours, dans ce liquide , entreles débris, on distinguera 
des animalcules. Enfin , on pourra de même faire écou- 
ler dans un verre de montre, le liquide qui baigne 
les débris vaseux ou floconneux dont se couvrent les 
pierres ou les autres objets qui ont séjourné long- 
temps au fond des rivières ou des marais, etqu'on frot- 
tera avec le doigt ou avec un pinceau. 

Quand on a constaté la présence des Infusoires , il 
faut les placer avec une très-petite quantité d’eau sur 
une plaque de verre bien plane, telle que la glace d'Al- 
lemagne qui n’a qu'environ un millimètre d'épaisseur. 
On doit donc savoir les pêcher en quelque sorte dans 
une grande masse de liquide, car, en cherchant suc- 
cessivement dans plusieurs gouttes de liquide , on ris- 
querait de perdre beaucoup de temps avant que le 
hasard n’eût amené sous le microscope l’objet cherché ; 
à moins toutefois qu’on n’ait à étudier une infusion 
tellement chargée d’animalcules , que chaque goutte- 
lette du liquide ne peut manquer d’en contenir beau- 
coup , comme il arrive quelquefois. Maïs avec l’eau de 
mer ou de rivière, conservée dans un bocal pour l’é- 
. tude, il n’en est point ainsi, il faut véritablement 
pécher les animalcules. À cet effet, je me sers avec 
avantage d’une plume d’oie choisie de telle sorte, qu’en 
la taillant par le dos, elle offre à l'extrémité une petite 
cuiller bien concave et à long manche, avec laquelle on 
râcle exactement la paroi interne du flacon , là où l’on 
a déjà aperçu l’Infusoire à étudier. Quand, par suite 
de la longue conservation du liquide dans le flacon, il 


1482 . HISTOIRE NATURELLE 


s’est développé de petites végétations, formant une 
couche de débris sur la paroi, la petite cuiller de 
plume rapporte un amas de ces débris parmi lesquels 
on trouve certainement des objets à étudier. 

Quelques observateurs pêchent les Infusoires au 
moyen d'un tube de verre ouvert aux deux bouts , et 
sur l'extrémité supérieure duquel on appuie le doigt 
pour empêcher le liquide d’y entrer, jusqu’à ce que 
l'extrémité inférieure qui est plus étroite ou eflilée, 
étant vis-à-vis l’animalcule on soulève le doigt pendant 
un instant; l’eau qui s’élance dans l’intérieur entraine 
alors avec elle l’animalcule ; on appuie de nouveau 
le doigt , et l’on transporte ainsi sûrement sa capture 
jusque sur la plaque de verre où on laisse couler le 
liquide contenu dans le tube; mais on ne prend faci- 
lement ainsi que des objets visibles à l'œil nu. 

On peut aussi se servir pour cela d’un petit pinceau, 
ou mieux encore d'une portion de la barbe laissée à 
l'extrémité d’une plume de corbeau , et qui vaut beau- 
coup mieux qu’un pinceau dont les poils en se mêlant 
emprisonnent l’animalcule ; avec cette petite barbe de 
plume on parvient aisément à isoler de gros infusoires, 
et à les transporter d’une goutte d’eau dans une autre 
goutte. On a aussi recommandé l'emploi d’un petit filet 
de gaze très-fine , mais je n'ai pu en tirer parti. 

Quand les Infusoires sont trop peu nombreux dans 
un liquide, ou quand on veut diminuer le volume 
d’une goutte qui ne contient qu'un seul animalcule , 
on peut pomper au moyen d’un linge humecté une 
portion du liquide versé sur une plaque de verre; ou, 
ce qui vaut mieux, en promenant ce liquide sur la 
plaque , et augmentant ainsi sa surface, on peut es- 
suyer successivement toutes les portions dans lesquelles 


DES INFUSOIRES. 183 


ne sont pas les Infusoires que l'on parvient à cir- 
conscrire dans une très-petite quantité d’eau. Mais 
encore il faut dire que le micrographe a souvent plus 
à espérer du hasard, que de son adresse pour re- 
trouver un Infusoire qu’il sait exister dans un liquide, 
et qu'il désire soumettre au microscope. 

Si la goutte d’eau qui contient les Infusoires à exa- 
miner était laissée à découvert , elle s’évaporerait peu 
à peu, ce qui en hiver aurait l’inconvénient de ternir 
momentanément les lentilles, ou les objectifs sur les- 
quels la vapeur se condense ; en été, cela causerait 
promptement la mort des Infusoires, soit par la des- 
siccation , soit par la concentration du liquide, si c’est 
de l’eau de mer, ou une infusion saline. Il convient 
donc de recouvrir le liquide avec une petite lame de 
verre poli très-mince, ou avec une feuille de mica. Si 
dans la goutte d’eau se trouvent en même temps quel- 
ques débris , ou des filaments de Conferve , on ob- 
tient ce double avantage que les Infusoires ne sont pas 
écrasés par la pression de la lame de verre, et qu'ils 
sont emprisonnés entre ces débris, de manière à ne 
pouvoir s'écarter du champ du microscope. Ces avan- 
tages sont si importants qu’on doit souvent les cher- 
cher directement , en ajoutant quelques brins de Con- 
_ ferves, ou mieux de Zygnême, qui se croisent en plu- 
sieurs directions , ou bien des cheveux ou des brins de 
laine, de soie, de coton, ou des fibres de chanvre, 
suivant la ténuité des Infusoires qu’on veut ainsi tenir 
captifs , et dont on peut ensuite chercher préalable- 
ment la position exacte avant de soumettre au micro- 
scope la plaque de verre. Ces filaments sont du plus 
grand secours pour guider l’observateur dans la re- 
cherche d’un objet , et pour l'aider à le retrouver dans 


184 HISTOIRE NATURELLE 


tel angle, dans tel compartiment que ia ioupe , ou un 
grossissement plus faible lui a signalé d’abord. 

Si dans certains cas on veut éviter de comprimer 
les animalcules, afin de leur laisser la liberté de leurs 
mouvements; dans d’autres cas, au contraire, on a 
besoin de les soumettre à une pression graduelle pour 
observer les modifications qu’ils éprouvent en mou- 
rant, tels que la formation des vacuoles , et l’exsuda- 
tion du sarcode ou la difiluence, il faut alors, en em- 
ployant de l’eau pure, éviter qu'aucun obstacle n’em- 
pêche la lame de verre mince de s’appuyer de plus 
en plus à mesure que le liquide s’évapore sur les bords. 

On arrive quelquefois à obtenir de singulières mo- 
difications de forme (1) chez les Infusoires tels que les 
Kérones, en comprimant à plusieurs reprises avec une 
aiguille emmanchée, ou avec la lame d’ur petit scalpel, 
une petite touffle de Conferves ou de filaments dans 
une goutte d’eau ou d’infusion , contenant beaucoup 
de ces animaux ; il paraît même que plusieurs d’entre 
eux sont directement blessés par le mouvement de 
l'instrument sur le verre. On obtient aussi ce résultat 
en pressant et en faisant glisser la lame de verre mince 
dont on aura recouvert une goutte d’eau , contenant à 
la fois beaucoup d’Infusoires , et des fibres ou filaments 
entremélés. 

S1 l’on veut voir se développer librement les Vorti- 
cellesrameuses, ou quelques autressgrandsanimalcules, 
on pourra se servir d'un verre plan concave que l’on 
recouvre d’une lame mince de verre, ou bien d’une 


(1) C'est un des résultats les plus concluants pour la connaissance de 
l'organisation des Infusoires, que cette modification étrange de la forme 
et cetle persistance de la vie chez les animalcules lacérés ; j'ai repré- 
senté plusieurs exemples de ces déformations dans la planche VI. 


DES INFUSOIRES. 185 


caisse formée par un anneau de verre mastiqué solide- 
ment sur une plaque de glace, et que l’on recouvre 
également d’une lame mince ; mais l'emploi du système 
d'éclairage que j'ai adapté à mon microscope , ne me 
permet guère de me servir de ces appareils qui ont trop 
d'épaisseur, je préfère établir entre la plaque de glace 
d'Allemagne, qui me sert de porte-objet, et la lame 
mince superposée, un écartement suflisant pour les 
plus grands Infusoires, et mème pour d’autres animaux, 
en interposant quelques fragments de verre mince, ce 
qui permet toujours au liquide d’être maintenu par la 
capillarité dans intervalle. 

L’évaporation du liquide soumis à l’observation, 
n'est que retardée par la lame de verre mince super- 
posée; elle continue à se faire sur tout le contour de 
cette lame, ou le liquide revient du centre par capilla- 
rité, il faut donc de temps en temps ajouter une gout- 
telette d’eau sur le bord , pour remplacer celle qui s’est 
évaporée. Si d’ailleurs, on veut interrompre une obser- 
vation pour la reprendre plus tard, il faut placer 
sous une cloche humide, la plaque de verre servant de 
porte-objet ou la couvrir d’un verre de montre humecté 
sur son contour , ou la renverser sur le goulot dressé à 
lémeri d’un petit bocal contenant de l’eau. Des Infu- 
soires ainsi placés sur l'ouverture d’un bocalet entière- 
ment préservés de l’évaporation, peuvent être observés 
vivants pendant fort longtemps, ils présentent des 
modifications plus ou moins remarquables , à mesure 
que le liquide s’altère par suite de l'absorption, et peut- 
être aussi par suite de l'excrétion de certains éléments 
par ces animaux. 

M. Peltier a obtenu des phénomènes curieux dans 
l'observation des Infusoires, en renfermant herméti- 


186 HISTOIRE NATURELLE 


quement ces animalcules, entre deux lames de verre 
séparées par un anneau d’étain laminé, collé à la plaque 
inférieure, et adhérent à la lame superposée, au moyen 
d’une couche de suif. L'air dissous dans le liquide ne 
pouvant se renouveler par l'accès de l’air atmosphé- 
rique, il en résultait une sorte d’asphyxie ou d'inani- 
tion, décrite par M. Peltier avec des circonstances 
que je n’ai pas vu se reproduire exactement de même. 

Pour peu que le liquide soit modifié par une addi- 
tion de substances solubles, ou par une diminution de 
celles qu’il contient déjà , les Infusoires vivant dans ce 
liquide sont plus ou moins fortement modifiés dans 
leur forme ou même ils sont tués tout à coup et se 
contractent ou se décomposent par diffluence. Ainsi, 
qu'on ajoute de l’eau douce à l’eau de mer contenant 
des Infusoires, ou à une infusion chargée de substan- 
ces organiques ou salines; qu'on ajoute de l’eau de 
mer, de l'alcool, du sucre, des acides, des sels 
quelconques à de Peau contenant des Infusoires, 
dans tous ces cas, on est témoin des modifications 
annoncées. Il suflit même d'exposer à la vapeur d’un 
flacon d'ammoniaque, une plaque de verre sur laquelle 
sont des Infusoires recouverts d’une lame mince pour 
voir de tels phénomènes. Par suite de l’évaporation de 
l’eau de mer, les Infusoires vivant dans cette eau se 
trouvent dans une solution saline de plus en plus con- 
centrée, et ils éprouvent aussi des modifications sem- 
blables quoique plus lentes, Mais on remarque que 
les Plœsconies , par exemple, conservent leur forme 
jusqu’à ce qu'on ajoute de nouveau liquide. On à dit 
qu'une dissolution d'opium pouvait, en agissant sur 
les Infusoires, rendre leurs mouvements plus lents et 
plus faciles à observer; j'ai vu cet effet résulter sim- 


DES INFUSOIRES. 487 


plement du séjour prolongé des Infusoires entre les 
lames de verre , mais je n’ai rien obtenu de satisfaisant 
avec l’opium. 

Si par une affusion d’eau ou d’un liquide convena- 
ble, on replace les Infusoires déjà altérés et fortement 
modifiés dans les conditions où ils vivaient d’abord, 
ils recommencent à vivre sous des formes bizarres et 
reprennent peu à peu la vivacité de leurs mouvements, 
Il est à remarquer si l’eau de mer ou une infusion sa- 
line en s’évaporant a laissé cristalliser des sels sux les 
bords de la lame de verre, une goutte d’eau douce en 
dissolvant ces sels devient semblable au liquide primi- 
tif et peut agir en conséquence pour conserver la vie 
aux animalcules. 

Manducation observée chez les Infusoires. — Les 
Infusoires pourvus d’une bouche avalent fréquemment 
leur nourriture sous le microscope, c'est même ainsi 
que se font les expériences de coloration artificielle. 
Du carmin ou de l’indigo, ou quelque autre couleur 
d’origine organique, étant délayés dans l’eau parais- 
sent sous le microscope , comme formés de particules 
colorées de un ou plusieurs millièmes de millimètre 
d'épaisseur. Ces particules entraînées par les tour- 
billons que produisent les cils vibratiles des Infu- 
soires s'accumulent au fond de la bouche de ces ani- 
maux, jusqu’à ce que, dans ce fond même qui se creuse 
peu à peu en cul-de-sac, il se forme une vacuole ou 
cavité distincte séparée de la bouche par le resserre- 
ment des parois glutineuses de ce cul-de-sac. La masse 
gobuleuse de particules colorées se trouve ensuite 
transportée dans l’intérieur de la masse, où bientôt 
on voit plusieurs de ces amas globuleux, irrégulière- 
ment placés et sans aucune connexion entreeux. Di- 


188 HISTOIRE - NATURELLE 


verses substances peuvent être avalées de même, et il 
n’est pas rare de voir avaler des grains verts provenant 
de la décomposition des végétaux et qui deviennent as- 
sez nombreux pour colorer en vert l’animalcule. Dansles 
infusions de pain ou de graines contenant de la fécule, les 
Infusoires présentent toujours à l’intérieur des grains 
de fécule plus ou moins nombreux et bien reconnaissa- 
bles par l’action dela lumière polarisée; on les voit aussi 
avalant ces mêmes grains ainsi que des gouttelettes 
d'huile. Des Cryptomonas, des Diselmis, des Mona- 
des, des Enchelys sont également avalées sous les yeux 
de l’observateur qui aperçoit l’animalcule dévoré s’a- 
giter pendant longtemps dans la vacuole pleine d’eau 
qui le renferme au sein de son ennemi. M. Bory dit 
avoir vu des Infusoires ainsi avalés être rendus à la li- 
berté sans altération. Les deux faits les plus curieux 
dont j'aie été témoin relativement à la manière dont 
les Infusoires se nourrissent, sont celui des Nas- 
sula ({) avalant par un bout de longs brins d’oscillaire 
qui s’infléchissaient et se courbaient en cercle pour se 
loger dans la vaste vacuole creusée à cet effet et dis- 
tendue fortement par le ressort du végétal, c’est en se- 
cond lieu le fait d’une Holophrye (2) avalant successive- 
ment toutes les parties demi-liquides d’un Lyncéeécrasé 
par la plaque mince superposée ; à mesure que l’Infu- 
soire avalait une nouvelle portion de sa proie, on voyait 
au fond de sa bouche une cavité se creuser en cul-de- 
sac, puis donner lieu à la formation d’une vacuole 
distincte remplie d'aliments et prenant place en se 
mouvant peu à peu parmi les autres vacuoles; en 


(1) Voyez ce fait représenté dans la planche VIII. 
(2) Voyez planche IX, 


DES INFUSOIRES: 189 


même temps l'animacule changeait sa forme cylindri- 
que en une forme globuleuse beaucoup plus volumi- 


neuse. Ii n’est pas rare d'ailleurs de voir des Infusoires 
chercher leur nourriture parmi les débris des Planaires 
ou des Naïs écrasées sous le microscope. 


CHAPITRE XVI. 


DE LA MANIÈRE DE MESURER ET DE REPRÉSENTER 
LES INFUSOIRES. 


Si l'on se bornait à regarder les Infusoires à l’aide 
du microscope , on aurait bientôt perdu le souvenir de 
leurs formes et des détails qu'on y aurait reconnus ou 
découverts. Il est donc nécessaire, pour pouvoir recon- 
naître et comparer ceux qu'on a déjà vus, de les re- 
présenter par des dessins à mesure qu'on les observe ; 
c'est à la fois le moyen de les mieux étudier et d’en 
conserver sûrement le souvenir. Leur extrême mobi- 
lité et l'instabilité de leurs formes s’opposent souvent 
à ce qu'on puisse les dessiner autrement que d’après 
l'impression qu'on en a conservée, et quand on les à 
revus mille fois pour en avoir une notion suflisante. 
Mais, lors même qu'ils se tiennent immobiles, dans le 
champ du microscope, on éprouverait une très-grande 
difficulté s’il fallait regarder alternativement l’objet et 
le dessin, en portant l'œil tantôt sur l’oculaire du mi- 
croscope , et tantôt sur le papier. On devra donc s’ac- 
coutumer à regarder en même temps de l'œil gauche 
dans le microscope , et de l’œil droit sur son dessin ; 
alors , sans remuer la tête, on fixe alternativement ou 
simultanément son attention sur l’objet et sur le dessin 
qu'on en fait; on peut même par instants fixer l’un 
et l’autre à la fois , et en croisant ou faisant converger 


190 HISTOIRE NATURELLE 


les axes visuels des deux yeux , faire coïncider l’image 
vue dans l'instrument , et celle que l’on dessine. De 
cette manière on constate, non-seulement la parfaite 
ressemblance des deux images, mais encore la gran 
deur réelle de l'objet, d’après la connaissance qu’on a 
d'avance du degré d'amplification du microscope. Car 
si l’on sait, par exemple, que l'instrument amplifie 
trois cents fois le diamètre des images , et si un dessin 
d’Infusoire semblable à l’image vue dans le microscope 
est long de 30 millimètres, on conclut que cet Infu- 
soire est en réalité long d’un dixième de millimètre. 

Quelque talent qu'on ait pour dessiner des objets 
ordinaires , il faut un certain travail pour acquérir l’ha- 
bitude de représenter les objets vus au microscope. 
Mais cette habitude, on peut bien lacquérir sans 
avoir préalablement fait de grandes études de dessin, 
et l’on sait que beaucoup de naturalistes se sont for- 
més, eux-mêmes et sans maîtres, à dessiner habile- 
ment les objets qu'ils avaient besoin de connaître et 
de faire connaître aux autres. 

Pour ceux qui n’ont pas acquis l’habitude de dessi- 
ner, ou dont les deux yeux n'étant pas d’égale force, 
ne se prêtent pas à l'emploi du moyen que je viens 
d'indiquer , il faut avoir recours à l’usage de la Camera 
lucida (1), petit appareil placé devant l’oculaire du 


(1) Des diverses camera lucida la plus simple est le miroir de SϾm- 
mering , petite plaque d'acier poli, large de deux à trois millimètres, 
tenue inclinée de 45 degrés par une petite tige devant le milieu de 
l'oculaire du microscope horizontal. Dans cette position l'œil étant placé 
au-dessus recoit à la fois par réflexion sur le miroir l'image transmise par 
le microscope, et , tout autour de ce même miroir, les rayons envoyés 
par une feuille de papier placée au-dessous à la distance de la vision 
distincte, ainsi que par le crayon dessinant dessus ou par la règle di- 
visée. La camera lucida d'Amici n’exige pas, comme le miroir de Sœm- 


DES INFUSOIRES. 191 


microscope, et servant à laisser arriver où à trans- 
mettre en même temps à l'œil, les rayons de l’image 
formée dans le microscope composé, ou transmise par 
le microscope simple, et les rayons venant du papier 
sur lequel est projetée cette image et du Crayon qui 
en peut suivre les contours avec une exactitude par- 
faite ; de telle sorte que, toujours et d’une manière 
invariable, on a sans peine la coïncidence des images 
obtenue par le moyen indiqué plus haut, et qu'on 
peut , en général, mesurer plus exactement la gran- 
deur de lobjet ; mais les dessins faits au moyen de la 
Camera lucida ont toujours une roideur que n’ont 
pas les dessins faits directement , et ce moyen ne peut 
guère s'appliquer à la représentation des objets vi- 
vants et mobiles ; car il faut qu’un Infusoire, pour être 
dessiné ainsi, reste assez longtemps en repos ou soit 
déjà mort. 

La mesure du grossissement des objets est ordinai- 
rement déterminée par le pouvoir du microscope; 
cependant, on peut, par certaines méthodes, être dis- 
pensé de passer par cet intermédiaire (1). Ainsi Leeu- 


mering, que l'œil se place au-dessus de l'instrument , au contraire l'ob- 
servateur continue a regarder l'image dans l'axe du microscope; mais 
en même temps un petit miroir d'acier poli percé d'un trou correspon- 
dant à l'axe de l'instrument lui envoie par réflexion l'image d'un papier 
situé au-dessous, et déja réfléchie une première fois par un prisme placé 
en ayant : celte camera lucida a de plus l'avantage de ne point, comme 
la précédente , renverser la position de image donnée par le micro- 
scope et de causer moins de fatigue. On à récemment appliqué aussi avec 
succés la Camera lucida au microscope vertical, 

(1) Le micromètre de Frauenhofer dont on se sert très-peu aujour- 
d’hui à cause de la difficulté de son exécution parfaite, donne immé- 
diatement la grosseur réelle d'un objet microscopique au moyen d'une 
vis a filets très-fins et très-égaux, dont la tête porte un cadran divisé 
tournant devant un vernier, de sorte qu'on peut la faire avancer d'une 
trés-petile fraction d'un de ses tours, et avec elle lesupport et l'objet à 


192 HISTOIRE NATURELLE 


wenhoek comparait directement un objet vu au 
microscope, avec un autre objet qu'il avait choisi 
comme terme de comparaison : c'élait un grain de 
sable fin, comme celui qu'on met sur l'écriture et 
qu'on peut évaluer à un quart de millimètre en lar- 
geur (Baker l'évaluait à un centième de pouce anglais); 
si un objet était quatre fois plus petit en longueur, 
Leeuwenhoek le disait quatre fois quatre, ou seize fois 
plus petit en surface , et quatre fois seize ou soixante- 
quatre fois plus petit en volume; si l'objet était dix 
fois plus petit en largeur, il le disait de même mille 
fois plus petit en volume, car c’est par le volume qu'il 
comparait les objets. Jurin , au lieu du grain de sable, 
employa comme terme de comparaison des petits mor- 
ceaux d’un fil métallique très-mince qu’il avait préa- 
lablement enroulé en hélice serrée autour d’une grosse 
épingle, afin de déterminer exactement son épaisseur, 
en mesurant la longueur occupée par un certain 
nombre de tours; on concoit en effet que si un tel fil 
métallique étant enroulé de la sorte, il faut cent de ses 
tours pour occuper une longueur d’un centimètre, 
l'épaisseur du fil lui-même n’est que d’un dixième de 
millimètre. Ce moyen offre l'avantage de permettre 
la comparaison directe, puisque si l’on a placé un ou 
plusieurs morceaux du fil métallique dans la goutte de 
liquide, on juge aisément de la grosseur relative des 


mesurer. Un fil de soie ou d’araignée tendu au foyer de l'oculaire 
permet de juger exactement si l'objet s'est avancé de toute son épais- 
seur en travers de ce fil, ou si chacun de ses bords est venu successi- 
vement en contact avec ce fil. Par conséquent si le pas ou filet de la 
vis a un demi-millimètre , et si l'on a tourné la tête de la vis d'un cin- 
quième de tour pour faire avancer de toute son épaisseur l'Infusoire à 
mesurer , on en conclut que cet Infusoire a de grosseur réelle Ja cin- 
quième partie d'un demi-millimètre ou un dixième. 


DES INFUSOIRES. 193 


animalcules vus à côté; il peut en même temps 
servir à déterminer le pouvoir amplifiant du micro- 
scope; car si l’image du fil d’un dixième de millimètre, 
vue dans l'instrument, paraît aussi grosse qu’un cen- 
timètre, ou si, transposée sur le papier par le croise- 
ment des axes visuels, elle couvre un espace d’un 
centimètre, mesuré d’avance ou immédiatement avec 
une règle divisée ou un compas, on en peut con- 
clure que le microscope agrandit cent fois le diamètre 
des objets; par conséquent si l’on voulait calculer 
comme Leeuwenhoek, on dirait qu'il amplifie cent 
fois cent, ou dix mille fois la surface, et cent fois dix 
mille ou un million de fois le volume; mais aujour- 
d'hui on se contente généralement de compter le 
grossissement linéaire, ou le nombre de fois dont le 
diamètre des objets est rendu plus grand. Ce moyen, 
tout vieux et tout simple qu'il est, sera employé avec 
avantage quand on n'aura pas un micromètre , 
ou quand on voudra prendre à première vue une 
idée de la grandeur des objets : il serait même à dé- 
sirer qu'on eùt toujours sous la main de petits mor- 
ceaux de fil d'argent ou de platine d’une épaisseur 
déterminée, et en rapport exact avec la longueur du 
millimètre, comme un vingtième, un cinquan- 
tième, etc. On trouve bien dans le commerce des fils 
très-minces d'argent et surtout de platine, mais leur 
épaisseur n’est pas dans un rapport aussi simple ; 
cependant en choisissant convenablement, on par- 
viendra à s’en servir directement, si le rapport est 
tel qu’on puisse faire de tête le calcul des gran- 
deurs comparées; ou bien on en fera un tableau com- 
paratif si ce rapport est plus compliqué. Que, par 
exemple, quatre-vingts tours de fil aient occupé la lon- 
INFUSOIRES. 435 


419% HISTOIRE NATURELLE 


: gueur d’un centimètre, on en conclura que ce fil est 
épais d'un huitième ou 0,125 millimètres , et par la 
pensée on évaluera Éloheeet la grandeur œ un objet 
paraissant quatre fois, cinq fie. ou dix fois moins 
large; mais si, pour cette longueur d’un centimètre, 
il faut quatre-vingt-dix tours, le fil aura un neuvième 
ou 0,111 millimètre, et on ne pourra faire cette éva- 
luation sans calcul. 

À ce moyen on a substitué récemment avec avan- 
tage des plaques de verre , nommées micromètres, sur 
lesquelles a été tracée avec une pointe de diamant 
une échelle de petites lignes éloignées d’un centième, 
d’un deux-centième , ou même d’un cinq-centième de 
millimètre, suivant l’habileté de l'artiste et la perfec- 
tion de ses instruments. Cette plaque, sur laquelle la 
simple vue n’aperçoit rien , montre sous le micro- 
scope des lignes plus ou moins espacées , suivant la 
force de l'instrument : ; et si des objets à étudier ont 
été superposés , soit à sec, comme des grains de pollen, 
ou des écailles de papillon., soit dans un liquide, 
comme les globules sanguins , ou les Infusoires ; on 
a immédiatement la mesure absolue de ces objets , soit 
qu'ils couvrent plusieurs intervalles, soit qu'ils n’en 
couvrent qu'un seul, ou même qu’une portion. Qu’ainsi 
un Infusoire occupe huit intervalles du micromètre, 
divisé en cinq-centièmes de millimètres , on en con- 
clut qu’il est long de huit cinq-centièmes, ou seize mil- 
lièmes qu’on écrit ainsi 0,016 ; qu’il n’occupe que le 
tiers d’un centième, sa grandeur absolue est seule- 
ment 0,0033 , etc. Car dès cet instant il faut se sou- 
venir que toutes les grandeurs d’Infusoires indiquées 


dans cet ouvrage seront exprimées de cette manière 
en décimales de millimètre. 


DES INFUSOIRES. 195 


On évalue le pouvoir amplifiant, en regardant à la 
fois (1) cette échelle micrométrique , seule dans le mi- 
croscope, et une règle divisée en millimètres tenue 
devant l'œil à la distance ordinaire de la vision dis- 
tincte; si un cinquième de millimètre (ou 20 centièmes, 
ou 100 cinq-centièmes) est vu dans l'instrument, aussi 
grand que soixante millimètres vus directement sur la 
règle divisée, on en conclut que le microscope am- 
plifie trois cents fois le diamètre des objets. Au lieu de 
se servir d'une règle divisée, on peut avoir des carrés de 
papier blanc, de 10, 20, 30, 40, etc., millimètres de 
côté, qui, étant placés sur un fond noir, à la distance 
de la vision distincte , sont facilement comparés avec 
telle ou telle portion de l’échelle micrométrique, vue 
dans le microscope , soit que du même œil on regarde 
alternativement et presque ensemble les deux objets, 
soit qu'on puisse regarder l’un de l'œil gauche, l'autre 
de l’œil droit , comme il a été dit précédemment. Lors- 
qu’en regardant ainsi des deux yeux à la fois , on s’est 
exercé à croiser les axes visuels , et qu'on peut trans- 
porter, par l'effet de ce croisement , l’image du micro- 
mètre vue de l'œil gauche, sur le papier servant à des- 
siner vu de l’œil droit , on mesure directement sur le 
papier une portion déterminée de l’échelle micromé- 
trique , soit avec une règle divisée, soit avec une ou- 
verture de compas reportée ensuite sur la règle. Dans 
ces divers cas, on a d’une manière exacte le degré d’am- 
plification ou de grossissement ; et toutes les images 


(1) La camera lucida , qui permet de superposer exactement l'image 
du micromètre sur une règle divisée , fournit immédiatement la mesure 
du pouvoir amplifiant ; mais faisant moi-même peu d'usage de cet ap= 


pareil, je parle dans tout ce qui suit comme si l’on ne devait pas s’en 
servir, 


13. 


196 HISTOIRE NATURELLE 


dessinées sur le papier, et pareilles à celles que montre 
le microscope, seront grossies au même degré. On 
pourra donc, en divisant leur grandeur effective par le 
nombre de fois dont elles sont grossies , connaître 
leur grandeur réelle. Que, par exemple, une figure 
d’Infusoire ait 45 millimètres de longueur, et qu’elle 
soit grossie 300 fois , la grandeur réelle de l’Infusoire 
qu’elle représente , est la 300° partie de 45, ou quinze 
centièmes de millimètre , ou 0,15. 

Sachant moi-même, par le croisement des axes vi- 
suels, transporter et juxta poser l’image vue dans le 
microscope, et le dessin que j'en fais sur le papier, je 
trouve souvent plus commode de mesurer directement 
cette image avec la règle divisée , ou avec le compas, sur 
mon papier avant de lavoir copiée ; on est même obligé 
d'agir ainsi quand un Infusoire se meut avec rapidité, 
et ne fait que traverser le champ du microscope dans 
un sens et dans l’autre. 

Mais, dans tous les cas, pour évaluer ces grossisse- 
ments, il faut avoir préalablement fixé ce qu'on en- 
tend par distance de la vision distincte ; car, sans 
changer elle-même, l’image vue dansle microscope séra 
trouvée d'autant plus petite , si on la mesure, que cette 
distance sera moindre: et la règle divisée dont on 
se sert paraît au contraire de plus en plus grande si on 
la rapproche de l’œil en la comparant à l’image vue 
dans le microscope. 

La distance de la vision distincte a été fixée, par 
quelques personnes, à 970 millimètres (10 pouces), 
par d’autres à 216 millimètres (8 pouces); pour moi, 
étant un peu myope, je la prends de 180 à 200 milli- 
mètres, suivant la finesse des détails que je veux ex- 
primer dans mon dessin. Or, si un instrument donne un 


DES INFUSOIRES. 197 


grossissement de 200 fois le diamètre évalué pour une 
distance de 200 millimètres attribuée à la vision dis- 
tincte; ou, ce qui revient au même, pour l’image que 
donne le microscope, transpertée,commeil a été dit,sur 
un papier placé à 200 millimètres de l'œil, ce même 
instrument , sans que l’image transmise ait réellement 
changé, donne un grossissement de 180, ou de 216, ou 
de 270 diamètres, si on place le papier à 180 , à 216 ou 
à 270 millimètres. Chacune de ces distances étant prise 
alors à volonté pour la distance de la vision distincte. 

Si, pour la distance de 200 millimètres , le grossisse- 
ment, au lieu d’être ce même nombre 200, était trouvé 
de 320 diamètres, par exemple ; alors , pour les autres 
distances de la vision distincte, ou, pour les diverses 
positions du papier sur lequel on dessine, les gros- 
sissements auraient varié dans le même rapport; de- 
venant 288 diamètres pour la distance de 180 milli- 
mètres ; 345 diamètres et 3/5 pour la distance de 216 
millimètres ; et enfin 432 diamètres pour la distance 
de 270 millimètres; et ainsi de suite pour toute autre 
distance qu’on voudrait choisir. Mais il faut bien se 
le rappeler, dans ces divers cas, l’image transmise n'é- 
prouve absolument aucun changement ; les rayons qui 
vont la peindre dans notre œil continuent à former 
entre eux les mêmes angles; c’est simplement la sur- 
face occupée à différentes distances par cette image sur 
un papier où on l’aura transportée par le croisement 
des axes visuels, ainsi que le calque ou la copie qu'on 
en peut faire sur ce même papier, qui ont varié de 
grandeur. 

Le dessin est ordinairement fait de la grandeur de l'i- 
mage transmise par le microscope, et cela est le plus con- 
venable, quand les détails offerts par cette image ne sont 


198 HISTOIRE NATURELLE 
pas trop multipliés ou trop délicats pour étreexprimés 
sur un dessin de cette dimension.Mais si à force d'appli- 
cation, ou en modifiant convenablement l’éclairage, on 
est parvenu à voir, avec un grossissement de 300 dia- 
mètres, des particularités de forme et de structure que 
le pinceau ne pourrait exprimer convenablement dans 
une figure grossie ce nombre de fois ; il faut faire son 
dessin dar ou trois fois plus grand que l’image. On 
inscrit soigneusement à côté le chiffre de la grandeur 
réelle et celui du grossissement, comme, d’ailleurs, on 
doit avoir soin de le faire pour toutes ses figures. Ce- 
pendant, si l’on est pressé, on peut se contenter de 
tracer à côté de la figure plus ou moins grossie, une 
ligne droite exprimant la longueur exacte de l'image 
vue dans le microscope ; longueur que je prends dès le 
premier instant avec un compas appuyé sur mon pa- 
pier, et que je marque ensuite sur la marge, en y en- 
fonçant les deux pointes de ce compas, ce qui, plus 
tard, au moyen du chiffre de grossissement, écrit en 
même temps, permet de calculer la grandeur réelle de 
lInfusoire et le degré d’amplification de la figure. 
Comme en général on doit, pour faire de bonnes 
observations au microscope, passer graduellement d’un 
grossissement plus faible à un grossissement plus fort ; 
il arrivera souvent qu’une figure commencée avec le 
premier sera terminée avec le second; ou bien, que, 
pour se rapprocher des dimensions observées d’abord 
et jugées sufhisantes, on fera son dessin plus petit que, 
l’image transmise; dans ce cas encore on indiquera 
soigneusement la grandeur réelle (1) et le degré d'am- 
plification de la figure. 


(1) La grandeur réelle d'un Infusoire étant indiquée, on trouve 


DES INFUSOÏRES. 199 


Certains objets, comme des points où comme des 
fils très-déliés , ne peuvent être mesurés directement, 
parce que l'œil ne peut saisir exactement le rapport 
de leur épaisseur avec la largeur d’une division du mi- 
cromètre; il faut recourir alors à la comparaison de 
quelque objet, vu directement à la distance de la vi- 
sion distincte, et dont on connaît l’épaisseur : si, par 
exemple, un fil de soie de cocon qu’on sait être épais 
d’un quatre-vingt-dixième de millimètre ou 0,011, 
paraît à la vue simple aussi gros et aussi distinct que le 
filament flagelliforme d’une Monade amplifiée 320 fois, 
on doit conclure que la grosseur réelle de ce filament 
d'Infusoire est la trois cent vingtième partie d’un 
quatre-vingt-dixième de millimètre ou la 2° partie, 
environ un trente-millième de millimètre. Pour des 
épaisseurs déjà plus fortes, quoique très-difliciles à éva- 
luerdirectement, je mesers d’un autre moyen ; jerépète 
un certain nombre de fois ces épaisseurs , et je mesure 
exactement lasomme pour en déduire, par une simple 
division, l'épaisseur cherchée. Sije veux, parexemple, 
mesurer un très-petit Vibrion ou Bacterium, je trace 
avec une pointe fine sur mon papier, à côté du dessin , 
une ligne que, par de nombreuses comparaisons, je 
puisse juger aussi épaisse que l’animalcule ; je trace dix 
lignes parallèles, semblables , et écartées d’un inter- 
valle , autant que possible , égal à leur épaisseur : j'ai 
ainsi une longueur égale à l'épaisseur de vingt ani- 
malcules. Je répète cinq fois cette longueur avec un 


facilement le degré de grossissement de la figure qui en a été faite, 
puisqu'il suffit de chercher combien de fois cette grandeur réelle est 
contenue dans la longueur de la figure. Ainsi une figure longue de 
30 millimètres, pour représenter un Infusoire long d'un huitième de 
millimètre (0,125) est grossie deux cent quarante fois. 


200 HISTOIRE NATURELLE 


compas pour avoir le nombre rond de cent épaisseurs ; 
et si la longueur totale est dix-huit millimètres , ce qui 
suppose dix-huit centièmes de millimètre, ou 0,18 
pour l'épaisseur d’une seule des lignes tracées, ou pour 
l’épaisseur d’un des animalcules grossis trois cents fois, 
par exemple, et dont l'épaisseur réelleest parconséquent 
la trois centième partie de 0,18, ou 0,0006 (six dix-mil- 
lièmes de millimètre). On parvient àévaluer de la même 
manière des épaisseurs quatre, cinq et six fois moin- 
dres. On peut dès lors représenter à des grossisse- 
ments exagérés de mille et deux mille diamètres , des 
Infusoires très-petits qu'on n'a vus réellement qu'à 
des grossissements de trois cents à cinq cents dia- 
mètres, mais chez lesquels un œil exercé a pu 
entrevoir ou soupçonner des détails de structure im- 
possibles à rendre dans des dessins d’une moindre 
dimension. 

Une condition bien importante pour mesurer ou les 
Infusoires, ou le pouvoir du microscope, non moins 
que pour dessiner les objets microscopiques , c’est 
que le papier paraisse aussi éclairé et aussi éloigné 
que le champ du microscope; sans cela on ne pour- 
rait comparer facilement l’image transmise par l'in- 
strument , et la représentation qu’on en veut faire, 
ou la règle servant à lamesurer ; et, d’un autre côté, 
les yeux ne seraient point exposés sans un grave 
inconvénient à des impressions trop différentes l’une 
de l’autre. On doit en outre, comme dans toutes les 
observations microscopiques, en général, se préser- 
ver, autant que possible, de l’impression d’une lu- 
mière étrangère quelconque; éviter qu’un corps bril- 
lant ne réfléchisse une vive lumière vers l’observateur, 
éloigner ou cacher un objet blanc ou de couleur vive, 


DES INFUSOIRES. 201 


une feuille de papier, par exemple, dont les rayons 
arriveraient obliquement à l’œil ; ne conserver ouverte 
qu’une seule fenêtre, ou couvrir sa lampe d’un abat- 
jour , et pour mieux faire enfin , s’abriter derrière un 
écran qui ne laisse arriver la lumière que sur le des- 
sin, et même abaisser, jusque sur ses yeux, une 
visière ou un bonnet. Spallanzani a décrit les pré- 
cautions qu'il prenait pour ses observations, et 
M. de Mirbel a si bien senti la nécessité ide se pré- 
server de toute lumière étrangère, qu'il a disposé 
son microscope dans une sorte de chambre obscure 
portative. 

Puisque, pour pouvoir se livrer longtemps sans fa- 
tigue à des observations microscopiques, on doit éviter 
toute position forcée, toute tension des muscles du 
cou, du dos , des épaules ou de la poitrine; 1l faudra, 
avant de se mettre à dessiner des Infusoires, avoir 
choisi un siége d’une hauteur convenable pour que 
l'œil, par une simple flexion du corps en avant, se 
vienne poser à l’oculaire du microscope; puis sur la 
table, qui sera plus ou moins haute, superposer 
quelques livres pour offrir un support d’une hauteur 
convenable au bras gauche dont la main viendra alter- 
nativement mouvoir le porte-objet, et se reposer sur 
le dessin. Enfin , sur une petite caisse ou sur une pile de 
livres, ou sur un support solide quelconque , on place 
son papier à une hauteur suffisante pour que l'œil 
droit en soit éloigné de deux cents millimètres, ou de 
toute autre distance qu'on a choisie, pendant que 
l'œil gauche est placé sur l’oculaire. La main droite 
seule s'appuie sur le papier à dessin, quand elle 
n'est pas occupée à rapprocher ou éloigner le porte- 
objet du microscope, et l’on est ainsi en mesure 


202 HISTOIRE NATURELLE 


de saisir les contours et de représenter les Infu- 
soires qui se présentent dans le champ de linstru- 
ment. $ 

Ges animalcules étant rarement colorés , il est plus 
simple de ne se servir que de crayon et d'encre de 
Chine, en inscrivant à côté leur couleur quand elle 
est remarquable. Dans les expériences de coloration 
artificielle seulement, on a à marquer des points de 
couleur qui n’ont pas besoin d’être nuancés. Quand il 
s'agit de tracer rapidement les contours et la forme 
des Infusoires vivants qu’on n’est pas sûr de pouvoir 
observer assez longtemps, il est préférable de dessi- 
ner au crayon en adoucissant les ombres, au moyen 
d’une petite estompe de papier roulé; mais si l'on 
veut exprimer avec plus de précision des détails de 
structure; il faut se servir de pinceau et d’encre de 
Chine. 

Les Infusoires ne se montrant à nous dans le micro- 
scope que par transparence, ce n’est point leur forme 
réelle que nous pouvons représenter , comme celle 
d’un corps opaque avec son relief exprimé par des 
clairs, des demi-teintes, des ombres et des reflets ; 
c'est le résultat des phénomènes de réfraction produits 
: par des parties plus où moins diaphanes, plus ou moins 
réfringentes ; résultat variable suivant la distance des 
lentilles , et suivant le mode d'incidence de la lumière 
quia traversécesobjets transparents. Ilfaudra donctou- 
jours, se rappelant que le dessin des Infusoires repré- 
sente non des formes en relief, mais des effets de réfrac- 
tion; il faudra, dis-je, chercher à comprendre ces elfets 
avant de les représenter d’une manière qui puisse être 
comprise de même d’après le dessin ; il faudra exami- 
ner si leur substance demi-transparente a un caractère 


DES INFUSOIRES. 203 


de mollesse et de demi-fluidité qu’on s’efforcera d’expri- 
mer ;il faudrasurtout recherchersilesglobules contenus 
dans l’intérieur de ces animalcules agissent sur la lu- 
mière comme plus réfringents ou comme moins ré- 
fringents que la substance charnue environnante. 
On s’en assurera en les comparant avecdes gouttelettes 
d'huile dans l’eau ou d’eau dans l'huile; quant aux 
effets d'ombre et de lumière qu’ils présentent , en mon- 
trant leurs bords ou leur centre plus clairs et plus 
foncés quand on fait varier la distance des lentilles et 
la position des diaphragmes. On sait que l’huile ré- 
fracte la lumière plus fortement que l’eau, et l’on aura 
pu, une fois pour toutes, noter les effets présentés dans 
ces diverses circonstances par ces gouttelettes prises 
pour termes de comparaison, afin de n’avoir plus besoin 
de refaire l'expérience. D'ailleurs on a presque toujours 
des termes de comparaison tout prêts dans les Infu- 
soires de diverse grosseur ou dans leurs débris, dans 
les petits grains de sable ou de fécule épars dans le 
liquide, dans les bulles d’air , etc. 

Dès l'instant qu’on a su reconnaître si un globule 
intérieur réfracte la lumière plus ou moins que le 
reste du corps, on doit être à même de l’exprimer 
dans son dessin par des touches d'ombre ou de clair 
dont on n'aurait pas soupçonné l'importance aupa- 
ravant, et qui cependant serviront ultérieurement 
à décider, d’après ce dessin même, si ces globules 
sont des vacuoles pleines d'eau ou des gouttelettes 
d'huile, etc. 

En général l’Infusoire, en raison de sa forme con- 
vexe et de sa densité supérieure à celle de l’eau, paraît 
plus clair au centre, et plusombré près du bord ; mais si 
l’on incline de côté le miroir ou le prisme d'éclairage, 


20% HISTOIRE NATURELLE 


ou si en reculant de côté le diaphragme on intercepte 
une partie du faisceau de la lumière illuminante , alors 
le centre de l’Infusoire restant toujours clair, un côté 
seulement est plus fortement ombré, et le côté opposé 
peut devenir plus clair même que le centre. Dans ce 
cas les globules contenus dans l’intérieur manifesteront 
aussitôt leur nature en montrant une ombre formée 
du même côté que l’Infusoire , s’ils sont plus réfringents 
que la masse du corps, et du côté opposé s'ils sont au 
contraire moins réfringents. Il faudra donc que, dans 
un dessin , on ait soin de faire tomber d’un même côté 
les ombres des objets qui agissent de la même manière 
sur la lumière, et en même temps indiquer par une 
vivacité plus grande d'ombres et de clairs ceux dont 
l’action est la plus forte. 

Quand les dessins d'Infusoires auront été faits 
d’après ces indications, il y faudra soigneusement 
inscrire la date et les circonstances de l’observation, 
avec toutes les notes qu’on aura eu l’occasion de 
faire en les recueillant , en les conservant ou en les 
étudiant. 

On trouvera peut-être convenable qu'après avoir 
tant parlé de la manière d’observer et de dessiner les 
Infusoires au moyen du microscope, je dise quelques 
mots sur le choix de l’instrument lui-même. Je répé- 
terai d’abord ce que j'ai dit précédemment sur l'excel- 
lence du microscope simple ; et j'ajouterai, que sans 
la fatigue causée à l’œil par le peu d’étendue du champ 
de cet instrument, et par la nécessité de tenir l'œil 
très-rapproché de la lentille, et conséquemment du 
porte-objet, d’où résulte un grande gène pour ma- 
nœuvrer les objets soumis à l'observation , et pour les 
dessiner , on aurait de l'avantage à employer les excel- 


DES INFUSOIRES. 205 


lents doublets (1) de 0,6 millimètres (un quart de ligne) 
de foyer fabriqués par M. Charles Chevallier , lesquels 
donnent un grossissement bien net de 333 diamètres 
pour une distance de 200 millimètres attribués à la 
vision distincte. Je dois dire que je m'en suis servi 
pour des observations très-délicates et très-précises. Les 
inconvénients signalés sont beaucoup moindres pour 
des doublets d’une longueur focale double (0,2 milli- 
mètres) ; mais on n’a alors qu’un grossissement de 166, 
qui n’est pas toujours suflisant ; il faut donc recourir 
au microscope composé , dont toute la valeur repose 
sur la perfection des lentilles achromatiques. Les ocu- 
laires et la monture ne sont en quelque sorte que des 
accessoires , ils contribuent à faire un bon microscope, 
mais ils ne le font pas. 

J'ai eu de fort bonnes lentilles achromatiques (2), soit 
de M. Ch. Chevallier , soit de M. G. Oberhaüser, et 
je me suis servi pendant longtemps du microscope 
horizontal de M. Ch. Chevallier , lequel est surtout 
commode pour l’emploi de la Camera lucida ; mais 
depuis plusieurs années je me sers habituellement 
d’un microscope vertical fort simple , mais fort solide , 


(1) Les doublets de deux lignes (4,5 mill.) de foyer et au-dessus 
coûtent dix francs, ceux de — ligne et + de ligne coûtent quinze francs. 

(2) Un bon objectif de microscope achromatique, formé de trois len- 
tilles achromatiques, d'un court foyer, ne peut coùter moins de 
30 francs; quand il est très-bon il doit valoir 50 francs, et s'il est par- 
fait il n'a pas de prix. Un très-bon objectif achromatique de l'opticien 
angiais Ross , a été envoyé d'Angleterre pour 150 francs à M. Lindo qui 
depuis en a fait venir un autre d'un prix encore plus élevé. Un objectif 
composé de cinq lentilles faibles de force différente qu'on avait fait 
venir de Munich sur ma demande d'après la réputation du successeur 
du célèbre Fraunhofer, m'a coûté 150 francs. 


206 HISTOIRE NATURELLE 
dont la monture m’a été faite par le même ingénieur 


opticien sur mes dessins; j'y ai adapté le système 
d'éclairage dont j'ai parlé ailleurs , et certaines combi- 
naisons d’oculaires , et je m’en contente pour le mo- 
ment ; cependant j'emploie quelquefois concurremment 
ou comparativement le microscope à platine tournante 
de MM. G. Oberhaüser et Trécourt, qui a également 
toute la stabilité que je désire. Au reste , la préférence 
que je donne au microscope vertical tient autant, si 
ce n'est plus, à la grande habitude que j'ai de dessiner 
de l'œil droit en regardant de l'œil gauche dans le mi- 
croscope, qu'elle peut tenir à la plus grande netteté 
qu'on veut lui supposer (1). 


(1) Un microscope composé avec ses accessoires plus ou moins nom- 
breux n'est pas un objet dont on puisse indiquer le prix d'une manière 
absolue; ce prix dépend nécessairement du nombre des objectifs ou 
jeux de lentilles, du nombre des oculaires , des camera lucida , des 
appareils pour l'éclairage des objets opaques , pour les expériences chi- 
miques , etc. , eic., et l’on concoit qu'il peut varier depuis le prix de 
80 francs, auquel M. G. Oberhaüser donne un joli petit microscope ver- 
tical dans sa boîte, jusqu’au prix de 300 fr. auquel il livre son excellent 
microscope à platine tournante, sans certains accessoires qui l’aug- 
mentent jusqu'à 400 ou 450 fr. De même que M. Ch. Chevallier , dont 
le microscope universel pouvant être employé horizontalement ou ver- 
ticalement , eoûte 800 fr., fabrique à des prix inférieurs des microscopes 
non moins bons quoique bien moins complets. 


DES INFUSOIPES. 207 


CHAPITRE XVIL 


CONSERVATION DES INFUSOIRES EN COLLECTION. 


L'heureuse idée qu’a eue M. Ehrenberg de conserver 
des Infusoires desséchés rapidement sur une plaque de 
verre et recouverts d’une lame mince de mica , a montré 
la possibilité d'ajouter désormais une collection de ces 
animalcules à l'immense collection qu'on pouvait déjà 
faire d'objets microscopiques. Mais on se tromperait 
grandement si l’on croyait que ces Infusoires, ainsi des- 
séchés sur le verre, puissent montrer autre chose qu'un 
contour passable avec l'indication des plus gros cils ou 
des styles, et les masses globuleuses de carmin ou d’in- 
digo qu’on a fait avaler àl’animalculeavant sa mort. Les 
Phacus, dont la forme est invariable , se conserveront 
mieux, ainsi que les autres Infusoires munis d'un té- 
sgument résistant ; on pourra encore conserver un sOou- 
venir satisfaisant du Volvox ; mais les Infusoires les 
plus contractiles, tels que les Vorticelles, ne donneront 
point ainsi l’idée de leur forme élégante durant la vie. 
Quant aux coques résistantes des Arcelles et des Peri- 
diniées , elles doivent se conserver d'une manière quel- 
conque , ainsi que les pédoncules rameux des Epis- 
tylis, des Anthophyses et des Dynobryum ; et je préfère . 
les conserver dans une substance gommeuse ou rési- 
neuse, qui permet de les observer aussi aisément que 
pendant la vie de l'animal. Le procédé de M. Ehren- 
berg , qui consiste à soumettre la plaque de verre por- 
tant l’eau et les Infusoires à une température graduée 
de manière à évaporer l’eau sans déterminer la rupture 
et la décomposition de l'animal, demande beaucoup 


208 HISTOIRE NATURELLE 


d'attention , et ne donne de bons résultats qu'après des 
essais nombreux ; encore ce procédé n'est-il applicable 
qu'aux Infusoires vivant dans l’eau pure, ou dans l’eau 
ne contenant pas de sels qui ne manqueraient pas de 
cristalliser par l’évaporation. En effet, l'eau de mer 
évaporée ainsi laisse la plaque de verre couverte de 
cristaux de sel marin et de sels déliquescents qui em- 
pêchent qu'on ne puisse observer l’objet. A la vérité, 
certains Infusoires marins, tels que les Plæsconia, 
conservent bien leur forme après être morts dans l’eau 
de mer très-concentrée par l’évaporation, et ils peu- 
vent être conservés dans cet état entre les plaques de 
verre; mais je pense qu'il y a encore des résultats meil- 
leurs à chercher et à obtenir sur ce sujet. 


DES INFUSOIRES. . 209 


LIVRE IT 


DESCRIPTION MÉTHODIQUE DES INFUSOIRES (1). 


4, INFUSOIRES ASYMÉTRIQUES. 


ORDRE I. 


Infusoires sans organes locomoteurs visibles : se 
mouvant par l'effet de leur contractilité générale. 


1° FAMILLE. 
VIBRIONIENS. 


Animaux filiformes extrêmement minces, sans 
organisation appréciable , sans organes locomoteurs 
visibles. 


Les Vibrions proprement dits, ou les Vibrio- 
2 
niens en général, sont de tous les Infusoires ceux 
qui se montrent les premiers dans toutes les infusions, 
et ceux que l’on doit considérer comme les plus 
simples en raison de leur extrême petitesse et de lim 
. , . 
perfection de nos moyens d'observation : Ils ne se 
manifestent à nos yeux , aidés du plus puissant et du 
11 0 2 . 
meilleur microscope, que sous l'apparence de lignes 
très-minces plus ou moins longues, droites ou si- 


(1) I est essentiel de se souvenir que toutes les mesures de grandeur 
données comme un caractère distinctif des Infusoires seront exprimées 
en parties décimales du millimètre; ainsi 0,12 exprime 12 centièmes de 
millimètres, 0,034 exprime 34 millièmes de millimètres, 0,0007 ex- 
prime 7 dix-millièmes, etc. 


INFUSOIRES. 14 


210 HISTOIRE NATURELLE 


nueuses; leurs mouvements plus ou moins vifs 
peuvent seuls les faire prendre pour des animaux, les 
plus gros Vibrions sont épais de 0,001 de millimètre, 
par conséquent ils ne se montrent à un grossissement 
de 500 diamètres que comme un crin, et l’on ne doit 
pas être surpris que des corps aussi minces et en 
même temps aussi transparents ne laissent distinguer 
aucune trace d'organisation interne. Par une atten- 
tion longtemps soutenue et en variant convenable- 
ment la distance focale et le degré d'éclairage, je suis 
arrivé quelquefois à croire que j'avais vu pendant un 
seul instant un filament flagelliforme analogue à lor- 
gane locomoteur des Monades ou plutôt un filament 
ondulant en hélice; ce qui me semblait devoir expli- 
quer le mode singulier de locomotion de ces animal- 
cules ; mais je n’ai jamais pu le fixer assez longtemps 
ou le distinguer assez nettement pour avoir la con- 
science nette de son existence. M. Ehrenberg a de son 
côté vu un filament locomoteur qu'il nomme une 
trompe chez son Bacterium triloculare; mais est-ce 
bien là un Vibrionien? 

Tout ce qu’on peut dire de positif sur leur organi- 
sation, c'est qu'ils sont contractiles, et se propagent 
par division spontanée, souvent imparfaite ; de là ré- 
sulte leur allongement de plus en plus considérable. 

Parmi les Vibrioniens, on en voit qui ont la forme 
de lignes droites très-peu flexueuses, plus ou moins 
distinctement articulées et qui se meuvent lentement : 
on peut en faire un genre particulier sous le nom de 
Bacterium, créé par M. Ehrenberg; d’autres sont 
tantôt droits, tantôt en lignes flexueuses, et se 
meuvent en ondulant avec plus ou moins de vivacité, 
ce sont les vrais Vibrions, d’autres enfin sont con- 


DES INFUSOIRES. 211 


stamment en fuite d'hélice et de tire-bouchon, et 
jamais en ligne droite, ce sont les Spirillum, leurs 
mouvements ont lieu en tournant autour de l’axe de 
l'hélice , avec une rapidité souvent trés-srande. 

M. Ehrenberg définit ses V’ibrionia « des animaux 
filiformes, distinctement ou vraisemblablement poly- 
gastriques, anentérés (sans intestins), nus, sans or- 
ganes externes, à corps de Monadines uniformes , et 
réunis en chaînes ou séries filiformes par l'effet d’une 
division spontanée incomplète. » Il ajoute dans ses 
observations générales, que vraisemblablement tous 
ces animaux doivent posséder un organe locomoteur 
analogue à celui qu'il dit avoir observé chez son Bac- 
terium sous la forme d’une trompe simple, tour- 
noyante. Il n'a pu leur faire avaler de substances 
colorées, mais de l'apparence que ces animaux présen- 
tent en se desséchant sur une plaque de verre, il 
conclut que chaque corps filiforme est une série d’ani- 
malcules à peine plus longs que larges, et demeurant 
unis par suite d’une division spontanée imparfaite. 
C’est ce que je n'ai pu vérifier. 

Les Vibrioniens se produisent ou se dévelcppent 
avec une promptitude extrême dans tous les liquides 
chargés de substances organiques altérées ou décom- 
posées. Ainsi non-seulement les infusions animales et 
végétales, mais encore les différents liquides de l’or- 
ganisme, la salive, le serum, le lait et le pus, quand 
ils commencent à s’altérer, la matière pulpeuse qui 
s’'amasse autour des dents, les sécrétions morbides, etc., 
peuvent présenter une prodigieuse quantité de Wi- 
brioniens. On conçoit d'après cela qu’on ne serait 
nullement fondé à attribuer à leur présence la cause 
de certaines maladies. 

1e 


212 HISTOIRE NATURELLE 
é 


4% Gevre. BACTERIUM 


Li 


RS. 
Corps filiforme , roide , devenant plus ou moins distinc- 
tement articulé par suite d’une division spontanée impar- 
faite. Mouvement vacillant non ondulatoire. 


1. BACTERIUM TERMO (1). — PI, 1, fig. 1. 
ë 
Animaleules filiformes , cylindriques, deux à cinq fois aussi 
longs que larges , un peu renflés au milieu. — Longueur 0,003 à 
0,002, épaisseur 0,0048 à 0,0006. — Quelquefois assemblés deux.à 
deux par l'effet de La division spontanée, animés d’un mouvement 
vacillant. 


C'est le plus petit des Infusoires, et l’on doit le confondre 
souventavec le premier degré de développement des autres Bac- 
tériums et des Vibrions, mais quand dans la foule on en voit 
quelques-uns assemblés à la suite l’un de l'autre, on peut con- 
clure que c’est bien le Bacterium termo, le premier {ermeen quel- 
que sorte de la série animale. On le voit paraïtre au bout de très- 
peu de temps dans toutes les infusions animales ou végétales, où 
il se montre d’abord seul et en nombre infini , formant des amas 
comme des essaims, un peu plus tard, il disparaît à mesure que 
d’autres espèces auxquelles il sert de nourriture viennent à se 
multiplier; mais on en voit souvent encore quelques-uns; enfin 
lorsque l’infusion devient plus concentrée par suite de l'évapora- 
tion ou devient trop fétide pour que les autres espèces y puissent 
vivre , le Bacterium termo se montre de nouveau aussi abondam- 
ment. C'est sans doute lui qu'on observe dans le pus de certaines 
tumeurs , dans divers autres liquides animaux altérés par quelque 
maladie , et mis ainsi dans les conditions d'une infusion concen- 
trée ; c'est lui que Leuwenhoek trouva dans la matière blanche 
pulpeuse qui s’amasse entre les dents. 


(1) Vibrio lineola , Ehrenberg , Infusionsthierchen , 1838. 
Monas termo , Müller, Infusoria , tab. 1, f. 1 (non Ebrenberg ). 
— Leeuwenhoek. Arcan. nat., pag. 4o et pag. 308. 


— Spallanzani, Op. phys. t. 1, p. 35. — Gleichen, Infus, p. 95. 


DES INFUSOIRES. 213 


M. Ehrenberg plaça d’abord avec doute cet Infusoire parmi ses 
Bacterium, en indiquant qu'il a quelquefois un mouvement pres= 
que ondulatoire ; 1] lui assignait alors une longueur de 0 ,0045 qui 
est double de celle que j'ai trouvée pour un seul corpuscule ; plus 
tard , il l’a réuni au V’ibrio lineola qui atteintäune longueur de 
0,007 et que je crois bien distinct ; il avait donné comme syno- 
nyme du Monas termo de Müller, une espèce, de monade globu- 
leuse qui atteint, dit-il, un diamètre de 0,009 ; mais il est évident 
que Müller avait autre chose en vue quand il disait de son Monas 
termo (page 1), que c’est de tous les animalcules offerts par le mi- 
croscope, «le plus petit et le plus simple , paraissant échapper au 
pouvoir du microscope composé qui ne permet pasde décider s’il 
est globuleux ou discoïde. » Ces derniers mots sans doute semblent 
éloigner l'idée de croire qu'il a voulu parler de notre Bactérium, 
mais comme il ajoute que son Monasse développe au bout de vingt- 
quatre heures dans toute infusion animale ou végétale devenue 
fétide , je ne peux m'empêcher de penser que dans certains cas il 
a pris pour des Infusoires les molécules actives de Robert Brown 
qui se voient si bien dans toute infusion trouble, et que plus sou- 
vent, il a eu devant les yeux notre vrai Bacterium dont le mou- 
vement n'est pas une simple titubation sans changement de lieu. 

Voici ce que je trouve à ce sujet dans quelques-unes de mes 
notes : 1° une infusion préparée, le 4 décembre 1835, avec un 
Agaric desséché, a montré déja beaucoup de Bacterium termo, 
trois jours après , le 27, et rien autre chose : le 9 janvier suivant, 
l'infusion , gardée dans un appartement à la température de 8 à 
10°, contenait en outre des brio Bacillus , et plusieurs espèces 
de Monades : le 21 janvier elle était réduite par l'évaporation, 
et ne contenait plus que notre Bacterium ; dont les articles isolés 
ou assemblés avaient une longueur de -Z mill. (0,002) et une 
épaisseur de —5; mill. (0,00067); — 2° la vapeur de mon ha- 
leine, condensée en passant à travers une cornue tubulée, 
a fourni dix grammes d'eau bien limpide, le 15 janvier 1836. 
Cette eau , conservée dans la cornue, a montré ; quatre jours 
aprés, des Bacterium termo allongés, simples, longs de o,oo1 ; 
le 26 janvier, dans le même liquide, ils étaient plus gros, ayant 
déjà 0,0016 , et quelques-unes doubles ayant 0,0030. Le 6 février 
il n'y avait plus rien : le 23 février, plus d’animalcules, mais de 
nombreuses files de granules épais de 0,0032 appartenant à une 
Mucédinée. Cette expérience, que j'ai faite avec le plus grand 


21% HISTOIRE NATURELLE 


soin , m'a paru en faveur de l'opinion de la génération sponta- 
née; elle est également d'accord avec un grand nombre d'autres 
expériences dans lesquelles j'ai vu la vie animale , dans une infu- 
sion , remplacée complétement à un certain instant par la vie vé- 
gétale ; — 3° une infusion de sucre, avec des oxalate et phos- 
phate d'ammoniaque et du sel marin, était couverte, au bout 
de dix jours, d’une pellicule blanche toute formée de Bacterinm 
termo , simples, longs de 0,003 et épais de 0,001.— 4° Du sang de 
carpe a été dissous, le 28 janvier 1838, dans une solution satu- 
rée de phosphate de soude. Le liquide rouge, bientôt fétide, 
montrait déjà des Bacterium termo le lendemain ;!la dissolution 
ayant été étendue d’eau a présenté le 31 janvier ces animalcules 
tous simples ayant de longueur 0,0017 et d'épaisseur 0,00055 : 
le 2 février , l'odeur était plus pénétrante, les Bacterium, deve- 
nus beaucoup plus gros, et la plupart doubles, étaient excessive- 
ment abondants ; le maximum de longueur des animalcules sim- 
ples ou des articles pris isolément était 0,0029, leur épaisseur 
allait à 0,00065 ; la même chose s’observait durant les vingt jours 
suivants. — 5° Le même sang de carpe a été mêlé , le 28 janvier , 
avec une solution concentrée d’albumine et de sucre, à la tem- 
pérature de 7°; le surlendemain l'odeur était fétide et le mé- 
lange contenait des Bacterium termo, longs de 0,00116 et épais 
de 0,00033 : quelques-uns étaient groupés en ames irréguliers, vi- 
bratiles ; le 3r, le liquide ayant été étendu de beaucoup d'eau 
de pluie , formait une dissolution d'un beau rouge, dans laquelle, 
dix heures après, je voyais les Bacterium devenus plus gros; 
leur longueur était 0,0015 et leur épaisseur de 0,00045 à 0,0005 : 
beaucoup étaient doubles, Le » février, l'odeur était devenue un 
peu alcoolique, ou plutôt analogue à celle des pommes. Les 
Bacterium étaient encore plus longs, 0,00225 , mais de même lar- 
geur. Le 6, ils avaient, de longueur, 0,0032, quand ils étaient 
simples, ou 0,0064, s'ils étaient doubles ; leur épaisseur allait de 
0,00067 à o 0009. Le 23 février, le liquide avait une odeur péné- 
trante dé pourri ; il contenait des moisissures et peu de Bacte- 
rium. — 6° Une FACE préparée, le 3 février 1836, avec 15 
grammes de sucre de réglisse, ro grammes d'oxalate d'ammonia- 
que et 100 grammes d'eau de pluie , a été tenne à la température 
de 12°, Le 8 février , elle montrait une pellicule commencante , 
ou plutôt une couche un peu trouble à la surface et formée d'une 
infinité de Bacterium termo, longs de 0,003 r et épais de o,0011. 


DES INFUSOIRES 215 


— 7° Une infusion de chair crue de mouton , avec beaucoup d'eau 
et un peu d'acide acétique , ne montrait aucun Infusoire au bout 
de vingt jours en hiver. (Peut-être l'acide, pris à Paris, prove- 
nait-il en partie de la distillation du boïs? ) Une addition de ca 
bonate de soude a déterminé le développement des Bacterium 
termo, longs de 0,002 à 0,003 et épais de 0,00063 ; plusieurs 
étaient doubles. — 8° Du blanc d'œuf exposé à un froid de 
20°, en janvier 1838, et mis ensuite avec un peu d’eau et du 
sucre à la température de + 8 , a présenté , au bout de quelques 
jours, des Bacterium termo que j'ai vus devenir plus gros du 30 
janvier au 2 février. — 9° Dans beaucoup d’autres infusions de 
substances animales ou végétales seules ou mélangées de divers 
réactifs, j'ai noté la présence des Bacterium-termo, mais sans 
m'être assuré s'il y en avait de doubles, ou s'ils n'étaient pas les 
jeunes des autres espèces. , 


2. BACTERIUM GHAINETTE. — Bacterium catenula, — P1. 1, fig. 2. 


Animalcules filiformes, cylindriques, longs de 0,003 à 0,004, 
épais de 0,0004 à 0,0005 , souvent assemblés par 3, 4 ou 5 à la 
suite l’un de l’autre par suite de la division spontanée, -en chai- 
nettes dont la longueur atteint 0,02, 


4 


Il est possible que cette espèce ne soit qu’un degré de dévelop- 
pement du Vibrion baguette ; je l'ai vue dans une infusion fétide 
de haricots cuits, où vivaient en même temps plusieurs sortes de 
Monades; l’animalcule indiqué dans la note précédente (3°) comme 
vivant dans une infusion de sucre, était peut-être celui-ci, car je 
ne l’ai pas vu multiplié par division. 


3, BactEnIUM POINT. — Baclerium punctum. Ehr. (1). 


Animalcules de forme ovoïde - allongée, incolores, longs de 
0,0052, épais de 0,0017 , à mouvement lent , vacillant , souvent 
assemblés par deux. 


J'ai vu cette espèce dans diverses infusions animales, et notam- 


(1) Bacterium punctum > Ehrenb. Infus. 1838. 
Monas punctum? Müller, tab. 1, f. 4, p. 3. 
Melanella punctum ? Bory. — Punct-Thierchen , Gleichen. 


216 HISTOIRE NATURELLE 


ment le 11 février 1836, dans une infusion préparée lé 3 février 
avec 18 gr. de gélatine sèche, 12 gr. de nitrate d'ammoniaque et 
1300 gr. d'eau ; et dans une autre infusion de la même date dans 
laquelle le nitrate de ee avait remplacé le nitrate d'ammo- 
_ niaque. 

Je pense que c'est bien le Monas punctum , vu par Müller dans 
une infusion de poire et dans une infusion de mouches, indiqué 
par lui comme un peu plus long que large, mais figuré dans les 
mêmes proportions que le nôtre. L’opacité et la couleur noire 
qu'il lui attribue doivent provenir de l'imperfection de son mi- 
croscope. Je n'ose assurer que ce soit le même que M. Ebren- 
berg a vu seulement en Russie, et qu'il indique comme formé 
de « corpuscules indistincts sub-globuleux, trés-petits, réu- 
nis en cylindres très-petits marqués de raies transverses effa- 
cées. » 


* Bacterium triloculare ou articulatum et B. ? enchelys. 

à " b 
M. Ehrenberg n'inscrit aujourd'hui dans son genre Bacterium 
que trois espèces dont deux sont même marquées d'un point de 
doute , ce sont le B.? point et le B. ? enchelyde. Ce dernier, qu'il 
n’a vu qu'en Russie comme le précédent, en differe par sa lon- 
gueur, 0,0094, et n'a été qu'incomplétement observé; l'autre, le 
seul qu'il indique avec certitude, est son Bacterium triloculare, 
qu'il avait distingué d’abord de son B. articulatum, comme d'un 
tiers plus petit, et comme ayant un moindre nombre d’articula- 
tions , et qu'il y réunit aujourd'hui en lui attribuant une trompe 
vibratile qui produit un tourbillonnement à la partie antérieure, 
et n'a quele tiers de la longueur du corps. Ce Bacterium a suivant 
cet auteur une longueur variable de 0,0112 à 0,0056 , suivant le 

nombre de ses articles , et une épaisseur de 0,002 à 0,0029. 


2% GENRE. VIBRION. Zibrio. 


Corps filiforme, plus ou moins distinctement articulé 
par suite d’une division spontanée imparfaite , susceptible 
d’un mouvement ondulatoire comme un serpent. 


DES INFUSOIRES. 217 


%. Visrion LINÉOLE. — Wibrio lincola, Müller (1). — PI. : , fig. 3. 


Animalcules diaphanes , cylindriques , un peu renflés au milieu, 
deux à trois fois plus longs que larges.—Longs de 0,0033, épais de 
0,0015 à 0,0003 , assemblés par deux ou trois en une ligne très- 
mince , un peu flexueuse , longue 0,007 à 0, 01, et présentant 
nent deux ou trois Ci AS 


Müller a bien certainement confondu souvent le Bacterium 
termo avec son ’thrio lineola, mais à l’exemple de M. Ehren- 
berg , je ne considère comme vrais Vibrions que les animalcules 
filiformes dont le corps est flexueux dans le mouvement, sans 
toutefois admettre comme lui que les animalcules ou articles qui 
forment ce corps filiforme soient sub-globuleux. 

J'ai vu bien distinctement le Vibrion linéole dans la pellicule 
blanche qui couvrait au bout de huit jours une infusion de 4: gr. 
de racine de réglisse avec 10 gr. de cyanoferrure de potassium 
dans 1300 gr. d’eau, en février 1836 ; et précédemment, en dé- 
cembre 1835 , dans une infusion de chair avec de l’oxalate d'am- 
moniaque, conservée depuis vingt jours. En septembre 1835, je 
lai bien vu aussi dans de l’eau de mer où j'avais mis macérer de- 
puis 48 heures un oursin mort (2). 


(1) Pibrio lineola. Müller , Infus. tab. VI, f. 1. p.43. 

Vibrio lineola, Schrank. Faun. boic. II, 2, P:#2: 

Melanella atoma , Bory, Encyel. zooph. p. 511 ; 1824, Dict. class. 
1830. € 

V’ibrio lineola , Ehrenberg , 1830-1838. 

(2) Une dissolution de gomme et de nitrate d'’ammoniaque , däns la- 
quelle j'ajoutai de la dimasiié de fer qui se dissolvit peu à peu et co- 
lora fortement le liquide , me présenta seulement, au bout de quinze ou 
dix-sept jours , le 12 janvier 1856 , des Vibrions linéoles avee diverses 
Monades ; le 10 etle 28 février ces mêmes Infusoires s’y rencontraient 
encore , les Vibrions serpentaient avec vivacité, ils avaient 0,0068 à 
0,010 de longueur. 

Une infusion de 15 gr. de sucre de réglisse avee 18 gr. de soude 
dans 1300 gr. d'eau, préparée le 1e° février 1836, montrait déjà au 
bout de huit jours 4e Vibrions linéoles longs de 0,005 , et épais de 
0,00117 , avec une seule ou rarement deux FENTE 

Une A préparée le 24 décembre avec une cétoihe dorée, sèche, 
a donné trois jours après des Vibrions linéoles Iônës de 6,0033 quand 
ils sont simples, ou de 0,0066 s'ils sont doubles, et dpaié dé 0,0012. 


218 HISTOIRE NATURELLE 


Au reste, je dois dire qu'il est souvent extrêmement difficile de 
distinguer cette espèce et le Bacterium termo ; peut-être même, 
si le genre Bacterium n'eût été déjà établi , je n'aurais pas osé en 
prendre la responsabilité. M. Bory, en donnant le Vibrion li- 
néole de Müller comme synonyme de sa Melanella atoma , assure 
qu'il ne présente pas de sinuosités ; ce qui donne à penser qu'il a 
eu en vue le Bacterium termo, ” 


*. Wibrio tremulans. Ehrenberg, 1638. 


M. Ebrenberg distingue sous ce nom une espèce qu'il avait 
d’abord nommée Welanella atoma en 1828 dans ses Symbolcæ phyr- 
sicæ , puis Bacterium tremulans en 1830, puis confondue avec le 
Vibrion linéole dont elle ne diffère que par des dimensions un 
peu plus fortes, et par des inflexions plus marquées. Cet auteur 
assigne à son Vibrio tremulans une longueur totale de 0,0078 et 
une épaisseur de 0,00156. J'ai moi-même trouvé dans une infu- 
sion de Distome hépatique, un Vibrion dont la longueur est la 
même, et dont la grosseur variait de 0,00143 à 0,00125 ; mais 
comme d'ailleurs , j'ai trouvé des Vibrions linéoles dont l’épais- 
seur, suivant la nature des infusions, varie de 0,0008 jusqu'a 
0,0013, tandis que M. Ehrenberg fixe 0,00075 pour l'épaisseur 
de son Vibrio linéole , je crois que l'établissement d'une seconde 


espèce sous le nom de #7. Tremulans n'est pas suffisamment jus- 
tifié. 


2. ViBrION RUGULE. — Vibrio rugula. Müller (1). — PI. r, fig. 4. 


Animalcules diaphanes, en fils alternativement droits ou 
flexueux , à 5-8 inflexions, se mouvant avec vivacité en ondulant 
ou en serpentant. — Long. 0,008 à 0,013 (non déployés), épaisseur 
0,0007 à 0,0008 (suivant M. Ehrenberg la longueur est de 0,0468 
et l’épaisseur de 0,00225). 


Leeuwenhoek observa le premier cette espèce de Vibrion, dans 


(1) Wibrio rugula, Müller, Infus. tab. VI, fig. 2 , p. 44. 
Vibro rugula, Schrank.Faun. boic. III, 2, p. 53. 

— Leeuwenhoek , 1684, anat. et contempl. p. 38. 
Melanella flexuosa , Bory. 

Vibrio rugula , Ehrenh. 1831. — Infusionst. 1838. 


DES INFUSOIRES, 219 


ses déjections durant une légère indisposition (1). 1] décrit bien 
leur mouvement ondulatoire analogue à celui des anguilles, et 
non moins vif que celui d’un brochet dans les eaux. Müller leur 
assigne une longueur moyenne entre les longueurs du Vibrio li- 
neola et du ’ibrio (spirillum) undula , il le distingue surtout de ce 
dernier , parce qu'il se montre alternativement ondulé et tout à 
fait droit : il s'étend en effet quelquefois en ligne droite et se meut 
alors lentement, puis, tout à coup, il resserre , infléchit son corps 
et se meut avec une extrême rapidité. Müller l’a observé dans la 
pellicule membraneuse qui recouvrait une infusion d’Ulva linza ; 
il l'a vu aussi par millions dans chaque goutte d’une infusion de 
mouches, et il remarque que quelquefois les V’ibrio rugula sont 
réunis en masses jaunâtres d'où ils s’écartent, comme si cette 
masse se décomposait en molécules pour se réunir de nouveau et 
à plusieurs reprises comme un essaim d’abeilles. 


Je n'ai pu vérifier le caractere qu’assigne M. Ehrenberg à ce 
Vibrion , d’être distinctement articulé et de se montrer, sous le 
microscope , formé de globules juxtaposés ; je n’ai jamais vu non 
plus de Vibrions ayant la dimension qu'il indique. Une infusion 
de foie de mouton , pendant le mois d'octobre, était remplie de 
Vibrions rugules , de Monades et d’Enchelydes. Une infusion de 
chair dans beaucoup d’eau , conservée depuis deux mois, mon- 
trait abondamment ces Vibrions, en février 1836. Une infusion 
de chénevis écrasé, préparée au mois de décembre, montrait 
ces Vibrions en février avec des Monades, après avoir pré- 
senté d'abord le Bacterium termo seul, puis le Vibrio bacillus. 
Je citerai encore comme ayant fourni cet animalcule, l'infusion 
de gélatine avec du sel marin, de l’oxalate et du phosphate d'am- 
moniaque, le dixième jour, en février 1836 ; l’infusion de cétoine 
en décembre, au bout de seize jours ; et enfin l’infusion de fro- 
mage de Neufchâtel, au bout de deux mois, en février 1836. 


\ 


(1)... Hæcce me quasi coegerunt excrementum meum sæpiüs tam 
laxum animadvertere.... Omnes hæ narratæ particulæ in clarà ac pel- 
lucidà jacebant materià, quàâ in materià pellucidà temporibus qui- 
busdam quædam animalcula... vidi... Genus quoddam animalculorum 
vidi, habentia figuram ad inslar gnguillarum in fluminibus nostris; hæc 
maximä erant copia, et {am parva... 


220 HISTOIRE NATURELLE 


* Vibrio prolifer: Ehrenberg Infus. 1838. Tab. V, fig. 8, ne 93. 


Sous ce nom, M. Ehrenberg indique une espece qui , suivant cet 
auteur, diffère du Vibrion rugule par son épaisseur d’un quart 
ou d'un tiers plus considérable, par son mouvement flexueux 
plus lent, et par ses articulations plus visibles. 


3. VigrioN SERPENT. — Wibrio serpens, Müller. — PI. I, fig. 5 (1). 


Corps três-allongé, filiforme , ondulé , suivant une direction le 
plus souvent rectiligtie , 40 à 45 inflexions à angle obtus. — Lon- 
_ guëuf 0,023 à 0,026, épaisseur 0,0007. : 


J'ai vu ce Vibrion dans une infusion de cochenille préparée 
depuis deux mois; le 31 février 1836, il était accompagné de 
Bacterium et de Monades; il était quelquefois un peu infléchi 
dans sa longueur. 

Le 13 janvier 1836, je l'ai vu aussi dans une infusion de chair 
et de nitrate d'ammoniaque préparée le 26 décembre précédent; 
il était également courbe dans sa longueur. 

Müller, qui l'a vu très:rarement dans l’eau de rivière, le carac- 
térise bien en disant qu'il ressemble à une ligne extrêmement 
mince; serpentanie, à inflexions égales et lâches, dix fois plus 
longue que le Spirillum undula ; quant à ce qu'il ajoute de la pré- 
sence d'un intestin qu’il croit avoir vu courir d’une extrémité a 
l'autre de cet animalcule si mince, on doit croire que c’est une 
illusiôn causée par son microscope composé. 


4: VIBRION BAGUETTE: — ’ibrio bacillus ; Müller. — PI. 1, fig: 6 (2). 


Corps transparent , filiforme , rectiligne , égal, à articulations 
fort longues, n'ayant que des mouvements d’inflexion peu sensibles, 


L 


(1) Vibrio Serpens, Müller, Infus. tab. VI, fig. 9-8: 

(2) Leeuwénuhoek. Âfeañ. riat., pag. 40 et pag. 305. 

— Joblot. Micros. tom. 1, part. 2, p. 67, Pl. 8, fige 12-14. 
Vibrio bacillus, Müller , lüfus. tab. VI, fig: 3 ; p. 45. 

Vibrio bacillus, Bory 1824. 

Enchelys bacillus , Oken. Hist. nât. 

Vibrio bacillus, Ehrenberg , Infus. 1838 , tab. XV, fig.g, n° 94. 


DES INFUSOIRES. 291 


pendant qu'il s’avance lentement dans le liquide et indifféremment 
en avant ou en arrière ; paraissant souvent brisé à chaque articu- 
lation. — Longueur d’un seal article 0,005 à 0,008 , longueur to- 
tale jusqu’à 0,033 ; épaisseur de 0,0007 à 0,0040. 


Leeuwenhoek observa ce Vibrion avec d’autres Infusoires dans 
la matière blanche pulpeuse qui s’amasse entre les dents, Müller 
le vit dans une infusion de foin conservée depuis plusieurs mois 
et qui ne l'avait pas montré auparavant; il le décrit comme égal 
dans toute sa longueur, tronqué aux deux extrémités, se mouvant 
lentement en ligne droite, soit en avant, soit en arrière, sans qu'on 
puisse distinguer une extrémité antérieure ou postérieure, et 
laissant voir difficilement un mouvement ondulatoire lent, tandis 
que celui des Spirillums est prompt comme l'éclair. 

M. Ehrenberg assigne à cet Infusoire des dimensions presque 
doubles de celles que j'ai observées. Suivant cet auteur, la lon- 
gueur du Vibrion baguette serait de 0,05 et son épaisseur de 
0,0016 ; il le décrit en outre comme formé d'articles très-courts 
que l’on voit quelquefois dans l'eau, et d'autrefois, aprés la dessic- 
cation. Je n'ai rien vu de tel ; cependant j'ai observe fréquemment 
ce Vibrion si reconnaissable à ses longs articles roides, formant des 
angles rectilignes, qui le font paraître comme une ligne brisée ou 
une portion de polygone. Je l'ai vu dans le serum recueilli à la 
surface du cerveau d’une carpe morte depuis six jours en hiver. 
Dans une infusion de vessie de cochon où vivaient des Cypris 
avec divers Infusoires ; dans une infusion de pain avec du chlo- 
rate de potasse ; dans des infusions de haricot, de pomme de 
terre et de plusieurs autres substances végétales, aussi bien que 


dans des infusions de substances animales faites avec l’eau de mer 
ou l’eau douce. 


* Vigrion pouTEux. — V’ibrio ambiguus, — PI. 1, fig. 7. 


Je dois mentionner ici une production singulière que j'ai ob- 
servée avec soin , le 13 janvier 1836, sur une infusion de chair 
mêlée d'acide oxalique et préparée dix-huit jours auparavant. 
Cette infusion , trés-fétide, contenait avec des Spcrillum undula 
et diverses Monades , le Vibrion douteux dont je veux parler : il 
était composé d'articles filiformes roides comme ceux du Vibrion 
baguette, mais beaucoup plus gros, car leur diamètre était de 
0,002 et leur longueur de 0,02. Ils étaient articulés par quatre, 


998 HISTOIRE NATURELLE 


cinq ou davantage, formant ainsi des lignes brisées; mais sou- 
vent aussi une telle série d'articles se bifurquait, par suite de l’ar- 
ticulation , à l'extrémité d'un article, de deux autres articles qui 
devenaient le commencement de deux séries plus ou moins pro- 
longées. Ces Vibrions simples ou bifides se mouvaient de la même 
manière que le Vibrion baguette, et chaque article participait 
au mouvement total d'où résultait , pour les Vibrions bifides, 
des figures bizarres ; leur longueur approchait quelquefois d'un 
dixième de millimetre (0,08 à 0,10). Leur volume plus considéra- 
ble permettait de bien juger que chaque article était formé d'un 
tube résistant, dans lequel une substance glutineuse était diver- 
sement condensée ou agglomérée. 

On peut être conduit, par ces observations, à douter de l'ani- 
malité, non-seulement de notre Vibrion douteux, mais aussi du 
Vibrion baguette(1r). 


* Wibrio subtilis, —Ehrenberg, 1834-1838 , Infus.—-Tab. 5, 
fig. 6, n° or. 


Je suis d'autant plus porté à douter également de la nature ani- 
male de cette espèce de M. Ehrenberg, que j'ai eu l’occasion d'ob- 
server , dans l'eau conservée longtemps avec divers débris végé- 
taux, unesorte d'oscillaire en filaments rosés , formés de globules 
juxtaposés, épais de 0,0034 , se mouvant spontanément et s’agi- 
tant d'un mouvement ondulatoire bien visible. Or, le Vibrion 
subtil est indiqué par l’auteur comme consistant en baguettes 
transparentes allongées très-déliées, droites , évidemment formées 
d'articles globuleux, et nageant au moyen des vibrations tres- 


(1) J'ai observé dans de l'eau où s'étaient décomposées des Spon- 
gilles, une petite oscillaire d'une couleur pâle, épaisse de 0,004, qui 
s'agitait d'abord vivement, puis qui se brisa spontanément en articles 
analogues par leur disposition à ceux du Vibrion baguette ; on sait d’ail- 
leurs qu'il se développe dans les eaux eroupies dégageant de l'hydro- 

gène sulfuré , certaines productions végétales , byssoïdes, blanchätres, 
- analogues à ce que M. Fontan a désigné sous le nom de Sulfuraire dans 
les eaux thermales des Pyrénées, ainsi que l'a remarqué M. Raspail. Ces 
productions végétales se composent de petits tubes diaphanes épais de 
0,0016 à 0,0020 ou même 0,0030 qui se meuvent sous le microscope 


d'une manière très-prononcée, et contiennent de petits granules blancs , 
opaques 


pi 


DES INFUSOIRES. 223 


faibles des articles, lesquelles vibrations ne changent pas la forme 
droite des baguettes. L'épaisseur de ces baguettes est de 0,00112 


et leur longueur de 0,062 : il a été trouvé dans les eaux près de 
Berlin. 


3° GENRE. SPIRILLUM. 


Corps filiforme contourné en hélice, non extensible 
quoique contractile. 


1.SPIRILLUM ONDULE.—Spirillum undula , Ehrenb.— Pl, I, fig. 8(r). 


Corps filiforme , contourné en hélice lâche, à un tour et demi 
ou deux tours , déprimé dans le sens de l’axe de l’hélice et plus 
mince vers le contour.— Longueur de toute l’hélice 0,008 à 0,010 
ou même 0,012, largeur de l'hélice 0,003, épaisseur du corps 
0,0014 à 0,0045. 


Müller décrit cet Infusoire comme une simple fibrille, ondu- 
lée, cylindrique, non extensible, représentant, quard elle est 
en repos, la lettre V, et, quand elle se meut, la lettre M, ou 
plutôt la ligne flexueuse que forme, dans les airs, une troupe 
d'oies sauvages. Son mouvement est si vif qu'il échappe presque à 
l'œil armé du microscope. 11 se distingue surtout du Vibrion ru- 
gule parce qu'il ne s'étend jamais en ligne droite. Müller , qui a 
trouvé dans l’eau couverte de Lemna ou lenticule et dans l'infu- 
sion de champignon ( Helvella mitra), des myriades de Spiril- 
lum , a vu une fois ces animalcules groupés en une masse glo- 
buleuse jaunâtre d'où ils s'échappaient par troupes. M. Ehrenberg 
dit avoir vu ce Spirillum distinctement articulé ainsi que 
toutes les autres espèces, etil le représente comme formé d'arti- 
cles tres-courts, presque globuleux , en admettant, toutefois, 
pour expliquer la courbure en hélice invariable , que les articu- 
lations sont obliques. J'ai cru voir , au contraire, que dans tous 
les Spirillum le corps est déprimé dans le sens de l'axe de l’hé- 
lice , et plus mince en dehors, comme le pédoncule contracte des 


(1) Wüibrio undula, Müller , Infus, tab. VI, fig. 4-6, p. 46. 


Spirillum undula, Ehrenberg, 1530-1838, Infusionsthien. tab. V, 
fig. 12, n°97. 


29% HISTOIRE NATURELLE 


Vorticelles ; et cela m'a paru donner l'explication de l’état de 
contraction habituelle du corps de ces animalcules ; mais , je le 
repète , il faut attendre de nouveaux perfectionnements du mi- 
croscope pour en savoir davantage. 

Le Spirillum ondulé se montre dans presque toutes les infusions 
animales fétides ; je le voyais le 21 février, dans une infusion 
de viande bouillie, préparée le 24 décembre , et qui m'avait déjà 
fourni précédemment divers Vibrioniens et Monadiens. Je le 
voyais distinctement comme une lame contournée , le 13 jan- 
vier, dans une infusion de chair crue avec acide oxalique du 
26 décembre. 


2. SPIRILLUM TOURNOYANT, — Spirillum volutans, Ehrenberg.— 
P1. I, fig. 9 (1). 


Corps filiforme , contourné en hélice à 3, 4 ou plusieurs tours 
serrés , paraissant noirâtre.— Longueur de l’hélice totale 0,04 à 
0,04 ; largeur de l’hélice 0,007 ; épaisseur du corps 0,004. 


Il n'y à pas un objet microscopique qui puisse exciter plus vi- 
vement l'admiration de l’observateur que le Spirillum volutans. 
On s'arrête malgré soi pour contempler ce petit être qui, sous le 
plus fort microscope, ne paraît que comme une très-fine ligne 
noire en tire-bouchon, tournant par instant sur son axe avec 
une vélocité merveilleuse , sans que l’œil aperçoive ou que l'esprit 
devine le moyen de locomotion qui produitce phénomène. Müller 
le décrit comme filiforme transparent, plus mince par lui-même 
que le Bacterium termo et le Vibrio lineola , mais formant une 
hélice de 4 à 12 tours, par conséquent assez longue, susceptible 
de s'infléchir et de se courber. Il l’a trouvé dans l'infusion de 
laitron ( Sonchus arvensis ). | 

Suivant M. Ehrenberg, il est distinctement articulé. En raison 
de son extrême ténuité et de la vivacité de ses mouvements , ilest 
trés-difficile d'étudier bien cet animalcule, quoiqu'il soit com- 
mun surtout dans les infusions animales : je l'ai trouvé notam- 
ment dans l'eau de mer où l’on a laissé macérer des zoophytes 


La 


(1) Wibrio spirillum, Müller , Inf. tab. VI, fig. 9, p. 49. 
Melanella spirillum , Bory , 1824. 


Spirillum volutans, Ehrenb. 1830-1838, Infus. tab. V , f. 13, n° 98. 


DES INFUSOIRES. 295 


durant dix ou douze heures en été; 2° dans des infusions de 
cantharides sèches ou d’autres insectes dans l’eau douce ; 3° dans 
une infusion de filaments verts confervoïdes râclés au pied d’un 
marronnier en hiver, et préparée depuis vingt jours (1). 


3. SrrRILLUM PLICATILE, — Spirillumplicatile. — PI]. I, fig. 10 (2), 


Corps filiforme, non extensible , contourné en une hélice très- 
longue , flexible et susceptible de se contourner sur elle-même, 
et de se mouvoir en ondulant. — Longueur totale de 0,12 à 0,20. 


M. Ehrenberg, attribuant à son genre Spirillum la propriété de 
former une hélice inflexible, ce qui est contraire à l'opinion de 
Müller, et je dirai même à mes observations , a dû établir en 1834 
le genre Spirochætla pour cette espèce qui forme une hélice pro- 
longée en un long cordon flexible comme une longue et mince 
élastique de bretelle; mais dans l'ignorance où nous sommes de 
la vraie organisation de ces êtres, nous ne pouvons séparer cette 
espèce du Spirillum tournoyant, dont elle ne paraît différer que 
par le nombre de ses tours de spire, nombre qui va jusqu'a 
soixante-dix, et qui empêche cet Infusoire de tourner sur son 
axe comme le précédent. Je l'ai observé dans des infusions ani- 
males conservées très-longtemps. 


* Spirillum tenue, Ehrenberg Infus. 1838, tab. V, f. XI, n° 96. 


Sous ce nom, M. Ehrenberg veut distinguer une espèce qui 
différerait du Spirillum undula, parce qu'elle présente des fibres 
plus épaisses (0,00225) moins fortement contournées, et moins 
distinctement articulées ; elle aurait souvent trois ou quatre tours 
de spire. 


(1) En ajoutant un peu d'alcool et d'ammoniaque à l'infusion qui 
contenait beaucoup de Spirillum avec d’autres Infusoires , j'ai vu ces 
Spirillum continuer à se mouvoir quand déjà les Enchelys et les Kol- 
podes étaient déformés et tués, mais ils finirent par céder aussi à l'action 
du liquide , et moururent en se contractant en granules diaphanes . 
M. Ehrenberg, conjecturant d'après la roideur de ces animaux, qu'ils 
pourraient avoir une cuirasse siliceuse, en a brûlé sur la lame de pla- 
line sans obtenir aucun résidu siliceux, par conséquent, comme il 
dit, il a dü renoncer à son opinion. 

(2) Spirochæta plicatilis, Ehrenb. 1834. — Inf. 1838, tab. V, 
fig. 10, p. 83. 


INFUSOIRES, 145 


226 HISTOIRE NATURELLE 


Vs) 


b 


* Spirodiscus. Ehrenb, 1830-1838. Infus. tab. V, fig. XIV, n° 99. 


M. Ehrenberg avait établi, en 1830, ce genre douteux pour 
un Infusoire incomplétement observé durant son voyage en Sibé- 
rie ; il le décrit comme un fil contourné en spirale et formant un 
disque brunâtre large de 0,0225. Il avait proposé aussi de placer 
dans cemême genre le Volvox grandinella de Müller. 


ORDRE IT. 
Infusoires pourvus d’expansions variables. 


II° FAMILLE. 
AMIBIENS. 


An. formés d’une substance glutineuse, sans tégu- 
ment, sans organisation appréciable ; changeant de 
forme à chaque instant par la protension ou la rétrac- 
tion d'une partie de leur corps, d'où résultent des ex- 
pansions variables. — Mouvement lent. 


Les Amibes ou Protées se rencontrent dans pres- 
que toutes les vieilles infusions non putrides , aussi 
bien que parmi les débris vaseux recouvrant les corps 
submergés dans l’eau douce ou dans la mer; ellesne sont 
pas moins remarquables que les Vibrioniens , par la 
simplicité de leur organisation apparente , et à cause 
des arguments que peut offrir leur étude en faveur 
de Ja génération spontanée. Car tandis que la pe- 
_titesse des Vibrions permet de supposer que chez 
ces êtres existent des organes encore inaperçus , nous 
croyons avoir le droit de penser qu'aucun organe dis- 
tinct ou spécial ne se trouve chez les Amibes , dont 
les dimensions sont quelquefois de plus d’un demi- 


DES INFUSOIRES. 297 
millimètre, et dont ja transparence est telle, que l'œil 
armé du microscope les pénètre en tout sens, et que 
leur présence ne se manifeste souvent dans le liquide 
que par une simple différence de réfraction. 

Quand on soumet au microscope une goutte de li- 
quide contenant des Amibes, on aperçoit d’abord de 
petites masses arrondies , demi-transparentes ou né- 
buleuses , immobiles ; bientôt du contour de ces masses 
on voit sortir une expansion ou un lobe arrondi d’une 
transparence parfaite ; cette expansion glisse insensi- 
blement comme use goutte d'huile sur la plaque de 
verre qui sert de porte-objet ; puis, prenant un point 
d'appui en se fixant sur le verre, elle attire lentement 
a elle toute la masse. Ainsi se manifeste la vitalité des 
Amibes qui, suivant leurs dimensions ou leur degré 
de développement, peuvent émettre successivement 
de la même manière un nombre plus ou moins grand 
de lobes ou d'expansions variables qui ne sont jamais 
les mêmes, mais qui rentrent et se confondent succes- 
sivement dans la masse. Ces lobes, éminemment va- 
riables dans leur forme respective, sont relativement 
très-différents dans les diverses Amibes ; tantôt ils sont 
presque aussi larges que la masse primitive, et se 
présentent comme une portion d’un cercle égal caché 
aux trois quarts par la masse ; tantôt leur saillie est plus 
considérable , ils sont plus étroits et plus longs que fa 
masse, mais encore plus arrondis à l'extrémité. Chez 
d’autres Amibes ils sont terminés en pointe, élargis à 
la base, et se présentent comme des déchirures dans 
une membrane diaphane étalée sur la plaque de verre ; 
enfin on en voit quelquefois de minces, presque fili- 
formes, simples ou hifides, où même presque rameux , 
ces expansion filiformes sont souvent dressées en tout 


15. 


298 HISTOIRE NATURELLE 


sens sur la masse globuleuse de l’'Amibe, qui parait 
alors hérissée de pointes, et peut rouler comme une 
coque de châtaigne dans le liquide. 

Les Amibes jeunes (larges de 0,003 à 0,005 ) sont 
parfaitement diaphanes, et conséquemment très-diffi- 
ciles à apercevoir dans un liquide , à moins qu’on n'ait 
la précaution de modifier convenablement l'éclairage, 
et qu’on ne fixe longtemps les mêmes objets pour re- 
connaître leurs changements de forme ou de position ; 
mais à mesure que les Amibes deviennent plus volu- 
mineuses, elles perdent leur transparence au centre 
de la masse, par suite de l’agglomération de divers 
corpuscules ou granules , qui ont pu être pris pour les 
œufs ou pour la nourriture de ces animalcules. On dé- 
méle facilement, parmi ces corpuscules internes, divers 
objets qui ont dù venir de l’extérieur, ou être absorbés 
ou engloutis par les Amibes ; tels sont des grains de 
fécule si reconnaissables par la polarisation, des Navi- 
cules et diverses parcelles végétales microscopiques. 
On conçoit comment ces objets ont pénétré dans l'inté- 
rieur, si l’on remarque d’une part que les Amibes , en 
rampant à la surface du verre auquel elles adhèrent 
assez exactement , peuvent faire pénétrer, par pression 
dans leur propre substance, des corps étrangers qui, 
par suite des extensions et contractions alternatives 
des diverses parties, s’y trouvent définitivement en- 
gagés; et d'autre part, que la masse glutineuse des 
Amibes est susceptible de se creuser spontanément çà 
et là, près de sa surface ou à sa surface même, de 
cavités sphériques ou vacuoles qui se contractent et 
disparaissent successivement en reportant ainsi, au 


milieu même de la masse, les corps étrangers qu’elles 
ont renfermeés. 


LL, 7 


DES INFUSOIRES. 2929 


Que ces objets ainsi engloutis doivent servir de nour- 
riture aux Amibes, c’est fort difficile à croire, en raison 
même de la consistance et de l’inaltérabilité de quel- 
ques-uns de ces objets; mais cependant, tout en admet- 
tant que les Amibes se nourrissent par absorption, je 
ne nie pas qu'elles ne trouvent un moyen d’absorber 
plus facilement encore les éléments nutritifs, en en- 
gloutissant divers corps étrangers, et en multipliant 
ainsi leur surface absorbante. Si toutefois on voulait 
prétendre que ces corps étrangers sont entrés par une 
bouche et sont logés dans des estomacs, il faudrait 
admettre que cette bouche s’est produite sur un point 
quelconque, et à la volonté de l’Amibe , pour se refer- 
mer et disparaître ensuite; tandis que les estomacs 
eux-mêmes, dépourvus de membrane propre, se creu- 
seraient indifféremment çà et là au gré de l'animal 
pour disparaître de même; dans ce cas , les mots seuls 
seraient différents, et l'explication des phénomènes 
resterait encore celle que j'ai donnée. 

Des autres corpuscules ou granules contenus dans 
la masse des Amibes, les uns, d’une ténuité extrême et 
irrégulière , paraissent différer seulement par leur den- 
sité de la substance glutineuse, et je suis porté à les 
considérer comme un produit de sécrétion plutôt que 
comme des œufs ; ils se meuvent et paraissent couler 
avec la masse glutineuse dans les expansions qu’envoie 
l'animal; ils aident ainsi beaucoup le micrographe, 
pour constater les petits mouvements très-lents des 
Amibes. Les derniers granules enfin, qu'en raison de 
leur uniformité on serait plus fondé à regarder comme 
des œufs , s’observent principalement dans les grandes 
Amibes, où on les voit s’écouler et refluer d’un côté à 
l'autre à mesure que se forment les expansions , dans 


3239 HISTOIRE NATURELLE 


lesquelles ces granules s’avancent plus ou moins. Ces 
granules, dans l’Amibe majeure, sont ovoïdes , longs 
de 0,00%, et me paraissent trop consistants et trop 
homogènes pour être des œufs; ils réfractent en eflet la 
lumière aussi fortement que les grains de fécule. 

Une Amibe qui vivait dans ur flacon tapissé d’une 
couche rougeâtre produite par la fermentation des 
Charas et de plusieurs autres végétaux aquatiques, 
était remplie de granules rouges provenant évidem- 
ment de cet enduit du flacon. D’autres Amibes sont 
colorées en vert par des granules de cette couleur, re- 
cueillis par elles sur les parois des flacons; je suis 
donc porté à regarder comme étrangers à l’organisme 
chez les Amibes, la plupart des granules internes. 

Les Amibes, une fois développées, peuvent sans 
doute se multiplier par division spontanée ou par l’a- 
bandon d’un lobe, qui continue à vivre pour son 
compte ; la seule expérience que j'aie tentée à ce su- 
jet sur une grosse Amibe , m'a convaincu que, par la 
déchirure ou la section de la masse, on ne provoquait 
point du tout l’écoulement de la substance glutineuse 
interne ni des granules contenus, mais que chaque 
lambeau se contractait et continuait à vivre (4) On 
peut aussi voir là une preuve de l’absence de tégu- 
ment. 

L'apparition si prompte et comme spontanée des 
Amibes dans une foule d’infusions, doit être un grave 


(1) M. Ehrenberg attribue aux Amibes un tégument résistant , con- 
tractile , très-élastique , et il explique la production des expansions va. 
riables , en supposant que ce tégument venant à se relâcher au gré de 
l'animal dans une partie de sa surface , il-en résulte dans cet endroit une 
sorte de hernie; tout le reste du técument, en vertu de la contractilité 
qu'il conserve , refoulant avec force les viscères et les organes intérieurs 
dans la portion dilatée du tégument. 


DES INFUSOIRES. 231 


sujet de méditation pour lobservateur sincère et 
exempt de préjugés. 

Les Amibes ont été vues d'abord par Rœæsel, puis 
citées par Linné et par Pallas, sous les noms de Wol- 
vox chaos, Chaos proteus et Folvox proteus. Müller 
vit plus tard celle qu'il nomma Proteus difiluens ; 
Gleichen en vit de petites dans les infusions; Schrank 
en décrivit trois ou quatre espèces. M. Bory, en créant 
le genre ÆAmibe, y comprit, avec trois vraies Amibes, 
d’autres Infusoires totalement différents , tels que des 
Amphileptus, des Lacrymaria, des Kolpodes, etc. 
Losana de Turin, entraîné sans doute par l'admiration 
que lui causait l'étude des Amibes, n’en décrivit pas 
moins de soixante-neuf espèces, qui ne sont pour la 
plupart que des modifications de forme de lAmibe 
diflluente ; M. de Blainville, qui eut l’occasion d’en 
voir aussi, les considéra comme de jeunes Planaires. 


4% Genre. AMIBE. — Amiba. ( Amœba, Ehrenb.) 


(Méêmes caractères que pour la famille. j 


Le genre Amibe, établi par M. Bory pour le Protée de 
Rocsel et le Proteus diffluens de Müller, contient sans doute 
un grand nombre d'espèces ; mais , excepté les types que nous 
venons de citer, et | 4. Gleichenit, aucune autre Amibe 
de M. Bory n'en doit réellement faire partie. 

Il est fort difficile de caractériser comme espèces les nom- 
breuses Amibes que l’on rencontre journellement dans les 
diverses infusions et dans les eaux stagnantes ; car la forme, 
qui pour les autres animaux fournit ordinairement un des ca- 
ractères les plus essentiels, est ici d’une instabilité qu'exprime 
parfaitement lenom de Protée; etcomme d’ailleurs il n’est pas 
possible d'y reconnaître des organes quelconques de nutri- 
tion ou de reproduction, on est réduit à distinguer simple- 


232 HISTOIRE NATURELLE 


ment les Amibes d’après leur grandeur et la forme générale 
de leurs expansions variables. Ge ne sont point là de vrais 
caractères spécifiques , ce sont tout au plus des indications 
ou des signalements provisoires. Dans l’'énumération que je 
vais donner, ilest donc bien essentiel de ne pas voir une 
distinction d'espèces, 


1. AMIBE MAJEURE. — Amiba princeps. — PI. , fig, 11 (1). 


Large de 0,37 à 0,60, blanc jaunâtre. Remplie de granules 
qui réfractent fortement {a lumière , et se portent ou refluent dans 
les expansions successivement formées , lesquelles sont très-dia- 
phanes à l'extrémité et souvent très-longues. 


M. Ehrenberg l’a trouvée à Berlin en 1830; je l’ai observée sou- 
vent en décembre 1339 et janvier 1840 dans l’eau d'une fontaine 
des environs de Toulouse (Blagnac), que j'avais conservée avec 
des Lemna et des Callitriches dans un vase ouvert ; elle avait un 
demi-millimètre dans l’état de contraction et se voyait à l'œil nu 
comme une petite masse blanc jaunâtre. Quand elle s'étendait, 
elle avait souvent un millimètre de longueur. Je suis parvenu à 
la couper en deux avec un petit scalpel, et j'ai bien vu une de ses 
moitiés continuer à vivre. Un lobe que j'avais déchiré s’est con- 
tracté et a paru aussi disposé à vivre. 


2. AMIBE DE ROESEL. — Amiba Roeselii (2). 


Large de 0,2, diaphane, à expansions nombreuses, les unes 
très-obtuses , les autres digitées, et quelques-unes pointues ou 
déchirées. 


C'est à tort que l’on a citésouvent cette Amibe comme analogue 
au Proteus diffluens de Müller qui est au moins trois fois plus petit. 
A la vérité, Müller lui-même en faisant ce rapprochement sunp- 
posait que son Protée était le jeune âge de l'animal de Rœsel. 

J'ai observé dan: l'eau de Seine, en 1837, une Anibe que je crois 


—— 


(1) Amoeba princeps , Ehrenb. PI, VIII, fig. 10. 
(2) Bory, Encyclop. zooph. p. 46. 


! Der Kleine Proteus; Rœsel, Ins. IIT, pag.fG51, tab. CI. 


DES INFUSOIRES. 233 


celle de Ræsel : elle avait des expansions variées fort nombreuses, 
et présentait vers le centre de grandes vacuoles qu'on aurait pu 
prendre pour de gros globules. 


3. AMISE DIFFLUENTE, — AÆ{miba diffluens (1).— P1, I, fig. I. 


Longue de 0,06 à 0,05, diaphane , contenant des granules ou 
corpuseules plus ou moins abondants et creusée spontanément de 
vacuoles, avec des expansions nombreuses , longues, arrondies 
à l'extrémité, quelquefois rameuses. 


Müller qui ne rencontra qu'une fois ou deux cette Amibe dans 
l’eau des marais, l’a décrite comme une masse muqueuse grise rem- 
plie de globules et changeant de forme dans l'intervalle d'une 
demi-minute , de cette maniére: «la matière gélatineuse, trans- 
parente, difflue de quelque point indéterminé du contour et 
toujours d'un point différent en un ou plusieurs lobes ou rameaux 
delongueur et de direction diverses; les globules s'écoulent bientôt 
dans cette nouvelle partie du corps qui se dilate et sépanche de 
nouveau en un point quelconque du contour, tandis que les glo- 
bules suivent continuellement le courant qui les entraine dans 
chaque nouvelle forme du corps. » 


Je l’ai vue assez souvent dans l’eau de la Seine recueillie avec 
des Conferves et des Potamogetons, sur l’enduit vaseux desquels 
elle vivait sans doute, en août et en octobre. 


3. *AMIBE MARINE. — Amiba marina. 


On peut nommer ainsi une Amibe longue deo,10, à 0,11, rem- 
plie de granules au centre, et qui diffère seulement de l’Amibedif- 
fluente par ses dimensions et par son habitation. Je l'observais au 
mois de juillet 1840 dans de l'eau de mer prise à Cette quatre 
mois auparavant , et dans laquelle vivaient aussi des Cythérines 
avec divers animaux et végétaux microscopiques. 


(1) Proteus diffluens , Müller. PL. II, fig. 12, p. 9. 
Amiba Mülleri, Bory , Encycl. z0oph. p. 46. 
Amoecba diffluens , Ehrenberg, Infus. 1838. PI. VIII, fig. 12. 


23/4 HISTOIRE NATURELLE 


4. AMIBE DE GLEICHEN, — AÆmiba Cleichenii(1).—P], IV, fig. 6. 


Longue de 0,03 à 0,07 passant de la forme ronde, globuleuse , 
à l’ovale très-allongé, en se bilobant , se trilobant à l’une de ses 
extrémités; susceptible de se dresser quelquefois en partie , et 
présentant fréquemment des vacuoles et des parties nébuleuses, 
presque opaques au centre. 


Gleichen l'avait trouvée au bout de quinze jours dans une infu- 
sion de pois ; M. Bory l’a revue dans diverses infusions vieilles. Je 
l'ai rencontrée tres-souvent, et d'abord le 6 décembre 1835, sur 
les débris vaseux râclés à la surface des feuilles mortes de typha 
dans l’eau des marais; »° le 21 janvier 1836 dans une infusion 
de foin préparée 28 jours auparavant; elle était longue de 0,07 et 
large de 0,02 ; 3° le 2 février 1837, dans une vieille infusion de 
mousses ; elle était longue de 0,046, et se soulevait parfois à une 
de ses extrémités d’une manière remarquable; avec elle s'en 
trouvaient beaucoup de jeunes, longues à peine de 0,006; 4° le 
13 février 1836, dans une infusion préparée depuis vingt jours 
avec les filaments verts confervoïdes râclés sur l’écorce d'un mar- 
ronnier ; les Amibes s’y montraient comme des globules transpa- 
rents de 0,017 roulant dans le liquide; ils ne commencaient à 
s'étendre qu'après quelque temps de repos. 


4° AMIBE FESTONNÉE. — Amiba multiloba. 


J'ai désigné sous ce nom dans mes notes une Amibe qui n'est 
peut-être qu'une modification de l'Amiba Gleicheni, mais qui 
mérite d'être signalée, tant à cause de sa forme que pour les cir- 
constances de son apparition. Elle est longue de 0,020 à 0,027; elle 
paraît plus molle encore que les précédentes, et se meut avec vi- 
vacité en émettant autour d'elle en divers sens dix à douze lobes 
arrondis en manière de feston, et prenant ainsi les figures les 
plus irrégulières. Elle était, le 17 février 1836, dans une infusion 
de farine préparée le 24 décembre, et dans laquelle s'étaient mon- 
trés successivement des Vibrions, des Monades et des Kolpodes. 


(1) Bory , Encycl. zooph. p. 46. 
Protée désigné par la lettre S dans l'ouvrage de Gleichen, PI. 8, 


fig. 18, p. 234. 


CRT EE 


DES INFUSOIRES,. 


19 
C9 
Car 


5, AMIBE LIMACE. — Amiba limax. 


Longue de 0,10 , large de 0,03.—Diaphane, arrondie aux deux 
bouts , très-peu lobée, glissant sur le verre dans une direction 
presque rectiligne ; contenant des granules très-distincts et une 
vacuole très-prononcée. 


Je crois devoir signaler provisoirement sous ce nom, une Amihe 
observée le 18 février 1836 dans de l’eau de Seine gardée depuis 
huit mois avec quelques végétaux; c’est peut-être un degré plus 
avancé de développement de la précédente ou de la suivante ; ce- 
pendant sa transparence plus grande et sa quasi-fluidité me pa- 
raissent la distinguer suffisamment. 


- 


6. AMiBE GOUTTELETTE. — Amiba gullula. 


Longue de 0,03 à 0,03. — Diaphane , orbiculaire ou ovale, non 
lobée , glissant sur le verre dans une direction rectiligne , et con- 
tenant des granules très-distincts. 


Je signale cette espèce comme l’une de celles qu'on rencontre 
le plus souvent, et qui cependant doit échapper le plus aisément 
à l'œil de l'observateur en raison de sa transparence, de la sim- 
plicité de sa forme et de la lenteur de ses mouvements. Je l'ai ren- 
contrée fréquemment dans l’eau de rivière ou de marais, conser- 
vée longtemps dans des bocaux avec des végétaux. C'est cette 
Amibe que je trouvais, en novembre 1857, colorée en rouge par 
les granules qu'elle avait recueillis en rampant sur les parois du 
vase. 


7. AMIBE DÉCHIRÉE, — Amiba lacerata. 


Longue de 0,007 à 0,055. — Inégale , rugueuse , plissée et gra- 
nuleuse , peu diaphane, à expansions élargies et comme membra- 
neuses à la base , et terminées par plusieurs déchirures amincies 
à l'extrémité et adhérentes au verre comme du mueus. Une ou 
plusieurs vacuoles bien distinctes. 


Je l'ai trouvée avec ces caractères bien prononcés et longue de 
0,033, à Paris, dans l'eau de l'étang dun Plessis-Piquet, sur les 
feuñles mortes. — Une Amibe semblable, longue de 0,017, et 


236 HISTOIRE NATURELLE 


changeant de forme très-lentement , se trouvait abondamment le 
16 février 1836, dans une infusion de noix vomique préparée le 
24 décembre , et dans laquelle s'étaient montrés successivement. 
des Bacterium et des Monades. Je l'ai revue en janvier 1837 dans 
de vieilles infusions de gomme avec divers réactifs chimiques, 
tels que du salpêtre, de l'acide oxalique et de l'acide tartrique ; 
elle était plus petite (de 0,007 à 0,014) etn'avait qu'une vacuole ; 
dans l’infusion de gomme et de phosphate de soude les Amibes 
encore plus petites, 0,006, n'avaient que des expansions arrondies. 


8. AMIBE VERRUQUEUSE. — Amiba verrucosa (1). 


Longue de 0,014 à 0,055. — Globuleuse ou ovoïde, demi-trans- 
parente ; à expansions courtes, cylindriques , obtuses , éparses, 
souvent comme des verrues. Mouvements très-lents. 


Je réunis à l'espèce décrite par M. Ehrenberg , laquelle, dit-il, 
est longue de 0,045 , d'abord une Amibe longue deo,04 à 0,055, 
trouvée abondamment le 14 juin 1837 dans de l’eau de pluie 
dont était rempli un tonneau enduit de tartre de vin rouge, et 
qui s'était putréfiée. Cette Amibe montrait sur son contour dix à 
douze expansions deux fois aussi longues que larges. 2° Une petite 
Amibe globuleuse large de 0,014, hérissée en tous sens de dix à 
douze prolongements et roulant comme une châtaigne, dans une 
eau stagnante remplie d'Euglènes vertes. 


9. AMIBE RADIÉE.—Æ/miba radiosa (2). — P1, IV, fig. 2 et 3. 


Masse globuleuse ou déprimée, diaphane, large de 0,008 à 
0,020 d'où partent en rayonnant en tous sens 6 à 40 expansions 
aiguës , presque filiformes , égalant deux fois environ le diamètre 
du corps, roides quand l’animalcule est en repos, mais s’inflé- 
chissant de diverses manières si l’on agite le liquide. 


Les Amibes à expansions filiformes rayonnantes se rencontrent 
très-fréquemment : j'en ai vu dans l’eau de la Seine , sur des dé- 
tritus végétaux, le 15 octobre 1837, une assez grande dont le corps 


Qt 


(1) Amocba verrucosa , Ehr. 1855, Infus. Pl. VIIT, fig. 11. 
(2) Amoeba radiosa , Ehr. 1838, Infus. PI. VIIT, fig. 13. 


DES INFUSOIRES. 237 


ovoïde, de 0,02, contenait des granules de diverses grosseurs et 
émettait sept à huit filamentsitrés-longs et trés-déliés, qui, par suite 
de l'agitation du liquide, étaient flexueux comme les filaments 
des Monades , mais n'avaient pas de mouvements ondulatoires.— 
2° Dans une infusion de persil, préparée depuis deux mois, se 
trouvaient des Amibes de cette sorte , à corps globuleux, large 
de 0,014 à 0,020, creusé de vacuoles et contenant des granules, 
avec quatre ou cinq expansions filiformes. — 3° Dans une infu- 
sion de pain très-diluée et non putride, où vivaient en même 
temps des Euglènes vertes, des Vorticelles et des Oxytriques, j'ai 
observé, depuis le mois de décembre 1836 jusqu'au 16 février 
1837, des Amibes à corps globuleux, de o,or, plus ou moins no- 
duleux, avec cinq àsix expansions filiformes très-longues, épaisses 
seulement de 0,0009 à la pointe. Ces Amibes vivaient surtout 
dans les pellicules floconneuses de la surface ; mais quand elles en 
étaient détachées, elles flottaient dans le liquide et se laissaient 
entraîner par les tourbillons des Vorticelles. — 4° Le 10 février 
1840, à Toulouse , ayant conservé quelque temps dans un verre 
la boue d’une ornière , remplie d’eau colorée en vert par des 
Phacus pleuroneste, je trouvai abondamment dans le liquide sur- 
nageant, des Amibes fort remarquables, à corps globuleux, de 
0,008 , diaphane, avec 7 à 10 expansions rayonnantes, longues 
de 0,02, assez épaisses à leur base, mais très-minces (0,0005 ) à 
l'extrémité , et paraissant assez roides pour supporter l'animalcule 
flottant dans le liquide. Quelques-unes de ces Amibes, laissées 
longtemps en repos, s’appliquaient , en s’aplatissant , sur la lame 
de verre, et se mouvaient en glissant ; elles étaient alors du dou- 
ble environ plus larges. — 5° Dans diverses eaux de marais ou 
d'infusion non putride, j'ai vu de telles Amibes qui, en s’appli- 
quant sur la lame de verre, prenaient la forme d'une étoile, 
d'un losange ou d'une trapèze symétrique, ou d’un triangle isos- 
cele, à côtés concaves et à angles prolongés en un long filament ; 
de là les formes de flèches, de fleur , etc. , que Losana a décrites 
comme autant d'espèces. 

Ces filaments si minces qu'on voit se produire par l'expansion 
d'une substance glutineuse, en apparence homogène, devenir 
flexueux par l'agitation, et se toucher entre eux sans se souder 
ou se confondre, serviront bien à concevoir le mode de produc- 
üon et la structure des filaments flagelliformes ou des cils vibra- 
tiles des Infusoires. Je ne crois pas d’ailleurs que dans aucun cas 


336 HISTOIRE NATURELLE 


on puisse, suivant l'idée de M. Ehrenberg, considerer de telles 
expansions chez les Amibes , comme produites à la manière des 
hernies, par le relâchement local d'un tégument très-contractile ; 
car il semble qu'on devrait voir, par l'effet même de la contrac- 
tilité du tégument, ces expansions se réduire et rentrer dans la 
masse plus promptement au lieu de rester flexueuses et flottantes 
pendant l'agitation. 


10. AMIPE À Bras. —— Aimiba brachiata. — PI, IV, fig. 4. 


Masse globuleuse de 0,045, demi-transparente , lacuneuse et 
tubereuleuse,, avec quatre à six expansions assez minces , longues 
de 0,024 à 0,056, cylindriques , droites ou sinueuses, quelquefois 
bifides ou rameuses. 


Cette Amibe, que j'ai trouvée d'abord abondamment dans la 
pellicule floconneuse recouvrant une infusion de chair prépa- 
rée depuis vingt-sept jours, en janvier 1836, m'a paru différer 
de l'Amibe radiée par ses expansions moins nombreuses et moins 
amincies à l'extrémité , et quelquefois bifides ou rameuses comme 
celles des Rhizopodes. Ces Amibes flottaient dans le liquide qu'on 
venait d’agiter; mais quand elles étaient depuis un certain temps 
fixées sur la plaque de verre, elles s’y appliquaient en s'étendant 
plus ou moins à la manière des autres Amibes. J'ai trouvé des 
Amibes presque identiques dans une soucoupe où je conservais , 
depuis un mois, desOscillaires avec de la terre et de l’eau. 


11: ÂMIBE ÉPAISSE. — Amiba crassa. 


Longue de 0,05 à 0,05, plus ou moins arrondie, épaisse , 
rendue trouble par une grande quantité de granules ; expansions 
circulaires, nombreuses , très-peu saillantes. 


Elle était très-abondante dans l’eau de la Méditerranée, con- 
servée durant quinze jours , avec des animaux vivants, au mois 
de mars. — Quand l’eau de mer contenant des Corallines et des 
Uives, commencait à s’altérer dans un flacon, au bout de deux 
Jours , en février 1840, elie montiait sous le microscope un nom- 
bre considérable de très-petites Amibes globuleuses, larges de 
0,002 à 0,003 , tres-difficiles à voir, et se mouvaut lentement. 


DES INFUSOIRES. 239 


12. AMIBE RAMEUSE. — Amiba ramosa. — P]. 1V, fig. 5. 


Masse globuleuse ou ovoide , longue de 0,028, rendue trouble 
par une grande quantité de granules , et émettant de nombreuses 
expansions d'une largeur à peu près égale, de 0,0016à 0,002 arron- 
dies à l'extrémité, égalant la longueur de la masse, et le plus 
souvent rameuses. 


Dans l'eau du canal des Étangs, à Cette, conservée quinze jours 
avec des animaux vivants. 


Je citerai encore une Amibe que j'ai représentée, Planche IH], 
figure 2, et qui mérite bien je nom d'Æmiba inflata; puis une 
autre espèce ou variété assez remarquable que j'ai obser- 
vée en grand nombre dans l'eau de l'étang de Meudon, con- 
servée avec des Spongilles. Cette Amibe, longue de 0,08, avait 
la forme de l’Amibe de Gleicher , mais elle présentait de nom- 
breuses vacuoies dont le centre était occupé par un globule hui- 
leux, quatre fois moins large; elle montrait en outre à la partie 
postérieure des prolongements fiiiformes et trainants produits par 
l'étirement de la substance charnue glutineuse trop adhérente au 
verre en certains points; quelques-unes de ces Amibes avaient 
aussi sur une partie de leur contour d’autres filaments immobiles 
formant comme une frange. 


Il s'en faut bien que ce soient la toutes les formes d'Amibes que 
j ai observées et dessinées ; mais, jele répête, il est impossible 
d'éfablir des espèces zoologiques avec des animalcules sans forme 
arrêtée, sans organisation appréciable, dont on ignore le mode 
d'origine ou de reproduction, etsur lesquels enfin on peut supposer 
que la nature du liquide produit de très-grandes modificatione, 
Car , de ce qui précède, on peut conclure que la plupart des 
Amibes décrites se sont développées dans des solutions salines plus 
ou moins saturées, et souvent aussi dans des liquides dont la 
fluidité était diminuée par des substances organiques dissoutes. 
En décrivant avec tant de détail toutes ces Amibes et surtout 
les circonstances de leur apparition, j ai donc eu seulement pour 
but de mettre les observateurs à même de les trouver et de les 
eludier. 


210 HISTOIRE NATURELLE 


{le FAMILLE. 


RHIZOPODES. 


Animaux consistant en une masse de substance 
charnue, glutineuse , sans organisation appréciable , 
et cependant sécrétant une coque ou un têt souvent 
régulier, où ils peuvent se retirer complétement ; mais 
dépourvus de tégument sur une partie plus ou moins 
considérable de la masse , laquelle s’allonge et s'étend 
au dehors sous la forme d’expansions indéterminées, 
incessamment variables et complétement rétractiles , 
pour se confondre de nouveau avec le reste de la 


substance. 


Les Rhizopodes sont en quelque sorte des Ami- 
biens revêtus d’une enveloppe membraneuse résis- 
tante, ou d’une coquille régulière; ainsi, non moins 
surprenants que ces derniers animaux par la simplicité 
de leur organisation, ils excitent doublement l’admi- 
ration par la récularité, et souvent même par la 
structure délicate de leur têt. Cette structure a même 
paru à quelques naturalistes une preuve d’une orga- 
nisation très-complexe chez certains Rhizopodes, et 
l'on n’a pas hésité à en faire des Mollusques Cépha- 
lopodes . Quand plus tard il a fallu renoncer à cette 
opinion, il s'est encore trouvé des hommes d’un grand 
mérite qui ont persisté à vouloir arguer de la com- 
plexité réelle du têt, contre l'exactitude des observa- 
tions qui démontraient chez ces mêmes Rhizopodes, 
une organisation des plus simples. Et cependant l’ob- 
servation directe doit suffire pour lever tous les 
doûtes, et quiconque aura bien vu les expansions 
variables de ces animaux, ne pourra s'empécher de les 


DES INFUSOIRES. 2h1 


juger semblables à celles des Amibes, et de conclure 
qu'ici encore, il n’y a ni téguments, ni fibres, ni 
membranes, ni tissu d’une structure appréciable. 

C’est tout simplement une substance glutineuse ho- | 
mogène quon voit s'étendre, s’allonger en lobes et 
en filaments qui s’avancent, se retirent, se soudent 
les uns aux autres, en présentant les mouvements 
les plus variés. Quant au têt ou à l'enveloppe sécrétée 
par cette substance vivante, il présente les formes 
les plus variées et les plus compliquées, et sa compo- 
sition même varie depuis celle d’une simple mem- 
brane flexible, jusqu’à celle d’un têt calcaire épaissi, 
compacte ou poreux, simple ou soutenu par une 
membrane. Ces différences pourront servir à distin- 
guer les genres et les tribus, mais une considération 
prise de la forme des expansions variables, devra, je 
crois, servir préalablement à diviser les Rhizopodes en 
deux sections, quoique sa valeur ne soit pas absolue. 
Une première section, répondant à la famille des Æ4r- 
cellina de M. Ehrenberg, ne comprendra que les 
espèces pourvues d'expansions courtes, épaisses, ar- 
rondies à l’extrémité; ce sont les Difflugies, quand 
elles ont une coque membraneuse, sans texture visible, 
flexible , ordinairement globuleuse, d’où sortent les 
expansions en se dressant; ou bien ce sont des #r- 
celles, si leur têt discoïde est aplati du côté qui s’ap- 
Sud sur le plan de reptation, et qui, d’une ouver- 
ture ronde centrale, laisse sortir les expansions entre 
le têt et ce même plan; leur têt cassant se montre 
souvent réticulé, ou aréolé; on y voit des indices 
de la disposition spirale, bien plus que de symétrie. 
Une seconde section, plus nombreuse, comprend 
toutes les variétés de forme qui présentent des expan- 

INFUSOIRES. 16 


242 HISTOIRE NATURELLE 

sions filiformes très-amincies à l'extrémité; je les di- 
vise en trois tribus, dont la première n’est distinsuée 
des Difflugies que par la ténuité de ses expansions; 
néanmoins, dans un des genres de cette tribu, les 
Trinèmes , Vouverture est latérale, et certainesespèces 
formant le genre Euglyphe, ont un têt marqué de tu- 
bercules ou d’aréoles suivant une disposition spirale; 
ces deux genres se distinguent d’ailleurs par le petit 
nombre des expansions qui sont simples et souvent 
susceptibles de se dresser ; le troisième genre, Gromie, 
a une coque sphérique membraneuse , et ses expan- 
sions , plus épaisses à la base , sont très-longues et très- 
rameuses. Tout le reste des Rhizopodes a été compris 
par les auteurs sous la dénomination de Polythalames 
ou Céphalopodes microscopiques, ou de Foramini- 
fères; ce sont des animaux marins revêtus d’une 
petite coquille calcaire, ordinairement très-délicate et 
très-élégante, offrant en petit une certaine ressem- 
blance extérieure avec les Nautiles et les Ammonites, 
et toujours partagée en plusieurs loges. Mais dans un 
seul genre, Miliole, constituant notre seconde tribu, 
l'animal fait sortir par une large ouverture unique, 
des expansions semblables à celles des Gromies ; tandis 
que dans les genres nombreux et variés de la troisième 
tribu, les expansions, moins rameuses et presque aussi 
minces à la base qu’à l’extrémité, sortent par les 
pores nombreux dont est percé le têt. Parmi cette 
foule de genres établis sur des coquilles récentes ou 
fossiles, je cite seulement quelques types que j'ai 
pu observer vivants : ce sont, d’une part, les orti- 
ciales et les Cristellaires, qui rampent sur les diflé- 
rents corps marins à l'aide de leurs expansions, el qui 
différent, parce que dans celles-ci les expansions sor- 


DES INFUSOIRES, 213 


és Ù 


tent du bord de la dernière loge seulement, et que 
dans celles-là elles sortent de tous les pores près du con- 
tour. D'autre part, ce sont les Aosalines et Planor- 
bulines qui sont fixées par leur têt même aux plantes 
marines. 

Les Rhizopodes marins sont connus depuis long- 
temps, d’après leurs coquilles qui sont très-abondantes 
dans le sable de certaines plages , à Rimini, par exem- 
ple, sur la mer Adriatique. Ils se trouvent plus 
abondamment encore à l’état fossiie dans certaines 
roches calcaires des terrains crétacés ou tertiaires, 
qu’on a souvent nommés calcaires à Miliolites, parce 
que le plus grand nombre de ces coquilles fossiles ap- 
partient au genre Miliole. 

Les coquilles de Rhizopodes , en général, ont été 
décrites par Soldani; celles dont la forme extérieure 
rappelle la forme des Nautiles, ont été l’objet d’un 
travail de Fichtel et Mohl, en Allemagne; Denys de 
Montfort, Lamarck, M. Defrance, M. Deshayes, en 
ont décrit beaucoup d’autres ; mais c’est M. A. d'Orbi- 
gny qui s’est le plus occupé de leur étude et de leur 
classification : il les a divisées en plusieurs familles, 
d'après la disposition relative des loges , et en un grand 
nombre de genres basés sur la présence et sur la posi- 
tion d'une ouverture qu'il leur attribue, mais que je 
n'ai pu apercevoir aussi distinctement que lui. 

Les Rhizopodes vivants n'ont été connus d’abord 
que par la découverte que fit M. Leclerc, à Laval, de 
la Diflugie vivant dans les eaux douces, et par la dé- 
couverte de plusieurs espèces d’Arcelles vues par 
M. Ehrenberg , ainsi que des Diflugies faisant éga- 
lement parlie de notre première section; mais Îles 
Rhizopodes , proprement dits, n'ont été bien vus qu'en 


244 HISTOIRE NATURELLE 


1835, époque où je les observai sur les côtes de la 
Méditerranée et sur celles de la Manche, et où j'en ap- 
portai de vivants à Paris. L'année précédente, j'avais 
à la vérité recueilli des Rhizopodes-vivants ; mais au 
lieu de les observer dans leurs mouvements, j'avais 
voulu les disséquer et procéder immédiatement à l'é- 
tude de leurs organes supposés ; et comme en brisant 
leur têt avec précaution je ne pouvais reconnaître à 
l'intérieur qu’une substance glutineuse homogène , 
sans intestin, sans fibre, sans cils vibratiles, sans au- 
cun de ces organes ou de ces tissus qu’on trouve dans 
les polypes les plus simples, j'eus l’idée de dissoudre le 
têt par l'acide nitrique affaibli, mêlé d'alcool. Alors la 
substance glutineuse, dégagée de son enveloppe et de- 
venue plus solide, se montrait sous la forme des loges 
qu’elle remplit toutes à la fois; c'était une série de 
pièces en forme de feuilles, ou lobées sur leur contour, 
lesquelles , de plus en plus grandes, se suivaient en se 
tenant par un ou plusieurs points. Par l'action des réac- 
tifs employés, on trouvait quelquefois une apparencede 
fibres, de cordons, de membranes, mais rien que l’on 
püt rapporter à tel ou tel type connu de l'organisme , 
comme je n'avais étudié ainsi que les Rhizopodes, dont 
la coquille calcaire offre plusieursloges ,je voulus, pour 
indiquer par un nom le singulier mode de pelotonne- 
ment de leurs parties, les appeler Symplecitomères ; 
mais quand plus tard j’eus observé leur manière de vivre 
et de ramper ; quand j’eus reconnu que la Gromie fait 
sortir d’une coque globuleuse uniloculaire, des expan- 
sions rameuses , filiformes, si semblables à celles des 
Milioles, je pensai qu'il fallait renoncer à la première 
dénomination qui impliquait une fausse définition, et 
je tâchai d'exprimer, par le mot Rhizopodes, le carac- 


DES INFUSOIRES. l 2h45 


tère commun des expansions étalées en forme de fibres 
radicellaires, et servant de pieds ou de moyens de lo- 
comotion à ces animaux. 

L’analogie des Rhizopodes marins et des Diflugies , 
indiquée d’abord par M. Gervais, a été confirmée par 
l'observation des Trinènes et des Gromies fluviatiles ; 
on est même conduit aujourd'hui à reconnaitre que la 
distinction de ces animaux en deux groupes, d’après 
l'épaisseur ou la ténuité des filaments , n’a qu’une va- 
leur très-secondaire. 

Les Rhizopodes étant privés de la faculté de nager, 
et devant simplement ramper quand ils ne sont pas 
fixés à la surface des corps, ne peuvent se trouver que 
sur les plantes aquatiques, entre les feuilles qui leur 
offrent un abri, ou bien dans la couche de débris cou- 
vrant Ja base de ces plantes , ou encore entre les aspé- 
rités de la coquille des moilusques marins. On ne les 
voit pas dans les infusions, mais ils vivent longtemps 
dans les bocaux où l’on a mis les végétaux qui leur 
servaient d'habitation, et dans ce cas ils viennent bien- 
tôt ramper à ja paroi intérieure du vase , et se prêtent 
mieux ainsi à l'observation. Des Arcelles et des Tri- 
nèmes se sont multipliés beaucoup dans les flacons où 
je conservais de l'eau et des végétaux de la Seine ou 
des étangs de Meudon et du Plessis-Piquet; au bout 
de deux ans je voyais encore , dans un même flacon, 
des Arcelles vivantes fixées aux parois. 

Les espèces marines sont ordinairement visibles à 
l'œil nu ; leur longueur ordinaire est d’environ un mil- 
limètre, mais elle peut atteindre à deux et trois mil- 
limètres. Pendant la vie de l’animal , la coquille, si 
elle est calcaire, paraît quelquefois rosée ou jaunûtre, 
mais les coquilles vides sont toujours blanches. Quant 


246 HISTOIRE NATURELLE 


aux Grôomies et aux Arcelles, leur couleur est jaune - 
branâtre. Les plus gros Rhizopodes d’eau douce ont 
un demi-millimètre. 


1° Gevre. ARCELLE. — Arcella. 


Animal sécrétant un têt discoïde ou hémisphérique, d'où 
il fait sortir des expansions aplaties obtuses, par une ou- 
verture ronde, au milieu de la face plie: appuyée sur 
le plan de reptation. 


Les Arcelles paraissent différer entre elles par la structure 
intime de leur têt, qui quelquefois paraît membraneux, uni- 
forme , et qui chez d’autres est finement strié, réticulé, ou 
bien formé de granules réunis suivant des lignes spirales 
croisées. Certaines Arcelles ont des prolongements en forme 
d'épines au bord de leur têt. La pression détermine sou- 
vent la rupture de leur tèt, comme s’il était très-fragile. 
Par les fentes qui se forment alors près du bord, on voit 
sortir la substance même de l’intérieur , qui s’étend en lobes 
et en expansions, et change de forme comme une Amibe ; 
j'ai vu un lobe plus considérable ( pl. IE, fig. 3. c.), presque 
isolé, se mouvoir pour son propre compte comme s'il fût 
devenu un animal distinct. M. Peltier a vu deux Arcelles 
très-rapprochées se toucher par leurs expansions sans se 
souder, tandis que les expansions d’une même Arceile se 
soudent et se confondent ensemble ; il a vu en outre une 
Arcelle, après avoir fait refluer plusieurs fois une partie de 
sa substance vivante dans une de ses expansions, aban- 
donner sur le porte-objet l'extrémité plus gonflée de cette 
expansion qui devint une jeune Arcelle. 

Les Arcelles jeunes ont leur têt d’une transparence ex- 
trême; on n’en voit bien les granulations ou les stries que 
dans les individus plus grands ; il serait donc possible que 
les détails de structure signalés plus baut tinssent seu- 
lement à l’âge; aussi n’est ce que provisoirement que j'in- 
dique les espèces suivantes : 


DES INFUSOIRFS. 2187 


ee 


1. ARCELLE VULGAIRE. — Arcella vulgaris (1). PET, fig. 5, 4, 5. 


An. à têt jaune-brunâtre , demi-transparent , plan-convexe on 
en segment de sphère, régulièrement marqué de granules de 
0,00466. — Largeur de 0,050 à 0,160. 


Je l'ai trouvée plusieurs fois dans l’eau de l'étang de Meudon 
conservée à Paris depuis plusieurs mois. C'est ainsi que j'obser- 
vais, au 20 janvier 1839, celle que je représente ici (pl. IE, fig. 3. a) 
avec son têt fendu, et la substance vivante sortant en expansions 
lobées. Un autre Arcelle, que j'observais le 23 mars 1858 dans 
l’eau de la même localité, prise deux jours auparavant, parais- 
sait avoir le têt sans granulations ; mais on voyait par transpa- 
rence des vacuoles se produire et se contracter à l'intérieur, et 
dans le milieu de la substance glutineuse, un petit Infusoire (Thé- 
camonadien) était emprisonné et se frayait une galerie en s'agi- 
tant. 


2. ARCELLE ÉPINEUSE. — Arcella aculeata (2). 


An. à têt brunâtre, discoïde, convexe en dessus , avec un ou 
plusieurs prolongements irréguliers en forme d’épines au bord.— 
Largeur sans les épines 0,125. 


J'ai vu en 1836 cette espèce se multiplier en quantité considé- 
rable dans des flacons où je conservais de l'eau du Plessis-Piquet, 
elle formait des points bruns visibles à l'œil nu, à la paroi interne 
du vase. 

* Cvrrumie. — Cyrphidium (5). 

Sous ce nom, M. Ehrenberg a créé un genre pour une espèce 
d'Arcelle qui se distingue des autres parce qu'elle n'a qu'une 
seule expansion variable élargie irréguliérement, et parce que 
son têt présente plusieurs tubercules dont quatre plus saillants. 
La senle espèce décrite est le Cyphidium aureolum dont le têt jaune 
est large de 0,046 à 0,062, et qui a été trouvée à Berlin. 


(1) Arcella vulgaris, Ehr. Infus. PI. IX, fig. 5. 
(2) Arcella aculeata, Ehr. Inf. PL IX, fig. G. 
(3) Crphidium aureolum , Eh. Inf. PI IX, fig . 9. 


248 HISTOIRE NATURELLE 


2° Genre. DIFFLUGIE. — Difflugia. 


An. sécretant une coque globuleuse ou ovoïde membra- 
neuse, lisse ou encroûtée, d’où sortent, par une ouver- 
ture terminale, des expansions cylindriques, obtuses, 
dressées. 


Cest en 1815 que les Difflugies furent étudiées pour la 
première fois par M. Leclerc, qui en observa de plusieurs 
sortes dans Îles eaux des environs de Laval. La plupart des 
naturalistes qui en ont parlé depuis se sont mépris sur leur 
nature, c’est ainsi qu'elles ont été prises pour de jeunes Al-- 
cyonelles ; mais peu d'observateurs les ont vues. M. Oken pro- 
posa de changer leur nom en celui de Aelicerta. M. Ehren- 
berg en a observé aux environs de Berlin plusieurs espèces, 
dont deux se rapportent à celles que M. Leclerc avait décrites; 
une troisième est nouvelle, et une quatrième, 1). enchelys, 
doit être reportée dans notre genre Trinema. J'en ai trouvé 
plusieurs fois une seule espèce globuleuse et lisse, soit dans 
Ja Seine, soit dans l’eau des bassins du Jardin du Roi, à 
Paris. 


1. DiFFLUGIE crouLeuse. — Difflugia globulosa. PI. », fig. 6. 


An. à coque brune , globuleuse ou ovoïde , lisse. — Longueur 
0,40 à 0,95. 


Quand cette espece est jeune, elle ne montre que trois à six 
expansions simples, mais quand elle a acquis tout son dévelop- 
pement, ses expansions sont au nombre de dix à douze, ou plus 
nombreuses, souvent rameuses et bifides et aussi longues que la 
coque. Je l'ai trouvée à Paris en 1837 et 1538. (Voy. ann. sc. nat. 
1338.) 


DES INFUSOIRES. 249 


>, DiFFLUGIE PROTÉIFORME. — Difflugia proteiformis (1). 


An. à coque noirâtre ou verdâtre, globuleuse ou ovoïde, re- 
couverte de petits grains de sable. — Longueur 0,045 à 0,442. 


C'est cette espece qui a été observée par M. Leclere, et depuis 
par M. Ehrenberg. 


3. DiFFEUGIE À poINTE. — Difflugia acuminata (3). 


An. à coque cylindrique, recouverte de grains de sable avec 
une pointe en arrière. — Longueur 0,37. 


Cette espèce a été vue par les mêmes observateurs à Laval et à 
Berlin. 


3° Genre. TRINÈME. — Trinema. 


An. sécrétant une coque membraneuse diaphane, ovoïde 
allongée ; plus étroite en avant, où elle présente sur le côté 
une large ouverture oblique; expansions filiformes aussi 
longues que la coque , très-minces, au nombre de deux ou 
trois, se dressant dans toute leur longueur pour se porter 
d'un côté à l’autre et faire avancer l’animal en se contrac- 
tant. 


1. TRinèMe pEPpIN. — Trinema acinus (3). — PI. IV, fig. 1. 


Caractères du genre. — Longueur de la coque de 0,024 à 
0,048. 


J'ai observé pour la première fois cet Infusoire en grande quan- 
tité, à Paris, le 13 janvier 1836, dans de l'eau apportée le 6 dé- 
cembre de l'étang du Plessis-Piquet avec divers débris de vésé- 


(1) Difflugia, Leclerc, Mém. du Mus. d'Hist. nat. 1915, t..IT, 
Pa 47800 XVIE, £ 2-3, 

Difflugia proteiformis, Ehr. Infus. p. 131, PI. IX, fig. 1. 

(2) Difflugia, Leclerc , Mém. du Mus. d'Hist. nat, 1. c. fig. 5. 

Difflugia acuminata, Ehr. Infus. 1. c. fig. 3. 

(3) Difflugia enchelys, Ehr. Infus. 1. e. fig. 4. 


250 HISTOIRE NATURELLE 


taux, et je l'ai décrit dans les Annales des Sciences Naturelles 
(avril 1836, tom. 5, pl. 4). 11 vivait dans la couche vaseuse de 
débris qui recouvre les feuilles de/ypha. La forme de son têt, qui 
est lisse avec quelques dépressions longitudinales, rappelle un 
peu celle d’un pepin de pomme. 1] fait sortir de la large ouver- 
ture oblique de sa coque, deux ou trois filaments simples épais 
de ;- millimètre 0,0005 environ, et longs de plus de 0,05. Ces 
filaments s'allongent lentement en rampant sur le porte-objet ; 
mais l'animal les dresse, pour les porter assez vivement d'un côté 
à l'autre; il en fixe alors un par l'extrémité, puis en le contrac- 
tant peu à peu, il se transporte ainsi dans une certaine direction, 
jusqu'à ce que le filament contracté ait fini par se confondre dans 
la masse intérieure. Les autres filaments se trouvant alors forte- 
ment tirés de côté, l'un d'eux quitte le plan de reptation et se 
dresse à son tour pour s'aller fixer dans un autre endroit , etfaire 
avancer de nouveau le Trinème en se contractant. De l'ouverture 
on voit quelquefois saillir un lobe charnu a'où partent les fila- 
ments, et dans l'intérieur on apercoit quelques vacuoles. La 
transparence et la ténuité des filaments ont dü les dérober à la 
vue de beaucoup de micrographes , et la lenteur du mouvement 
général de l'animal a dû empécher qu'on ne le reconnüt plus tôt 
quoiqu'il soit très - commun. Je l'ai toujours rencontré depuis 
quand j'examinais au microscope l'eau prise en raclant ja surface 
des plantes marécageuses , à la fin de l'automne. 

M. Ehrenberg l’a observé à Berlin , et l'a nommé Difflugia en- 
chelys en 1858 ; mais il ne lui accorde que des expansions courtes 
égalant le tiers de la longueur de la coque, c'est à-dire 0,016; il 
remarque bien d’ailleurs aussi que son ouverture latérale le dis- 
tingue des autres Difilugies; les vacuoles de l’intérieur lui ont 
paru démontrer la structure pelygastrique de l'appareil digestif ; 
il à rencontré quelques individus contenant des Bacillariées qu'il 
suppose avoir été avalées, ainsi que j'en ai vu dans les espèces 
du genre suivant, et dans les Amibes, sans vouloir admettre 
qu'elles soiententrées par une bouche. 2 

Les coques des Trinèmes étant membraneuses et résistantes, 
on en rencontre bien plus souvent de vides que d'occupées par 
l'animal ; elles sont dans ce cas plus transparentes encore, mais 
elles mettent l'observateur sur la voie pour trouver les Trinèmes 
vivants. 


DES INFUSOIRES. 251 


4° Genre. EUGLYPHE. — Zuglypha. 


An. sécrétant un têt diaphane, membraneux , résistant, 
de forme ovoïde allongée , arrondi à une extrémité, et ter- 
miné à l’autre extrémité par une très-large ouverture tron- 
quée, à bord dentelé, orné de saillies ou d'impressions 
régulières en séries obliques. Expansions filiformes nom- 
breuses, simples. 


1. EUGLYPHE TUgERCULÉE. — £uglypha tuberculata, — VI, », fig. 7-8. 


Téèt orné de tubercules arrondis. — Longueur 0,088 , largeur 
0,043. 


J'ai vu plusieurs fois à Paris depuis 1836 des coques vides de 
celte espèce sans connaïtie leur nature ; mais pendant l'hiver de 
1839 à 1840, à Toulouse, j'ai vu plusieurs fois l'animal vivant dans 
des vases où je conservais avec des plantes aquatiques de l'eau prise 
dans des marais, et dont quelques-uns avaient élé apportés de 
Paris. Le têt, parfaitement diaphane, présente dix à vingt rangées 
obliques de tubercules peu saillants, qui sont disposés assez régu- 
liérement pour qu'on puisse les rapporter à des lignes en hélice 
où en spirale, croisées dans deux directions. Les expansions très- 
difficiles à voir sont d'une délicatesse extrême à l'extrémilé, et ce- 
pendant elles permettent à l'animal de se mouvoir dans tontes 
les directions, et de dresser son têt perpendiculairement au plan 
de reptation ; alors il paraît globnleux, plus foncé, et devient 
bien plus difficile à reconnaître, parce qu'il ne peut être au foyer 
dn microscope en même temps que les expansions. J'ai compte 
jusqu’à huit de ces expansions qui sont élargies en membrane à 
leur base , ou qui paraissent partir d'un lobe palmé de ja sub- 
stance intérieure , leur longueur est un pen moindre que celledu 
têt, ils se meuvent plus ordinairement en rampant , mais je le 
ai vus aussi se dresser comme les filaments du Trinême. 

Un têèt vide que j'observais à Paris en 1837, avait en arriere 
plusieurs pointes irrégulièrement placées comme dans l'espèce 
suivante. Un autre avait les tubercules en rangées longitudinales. 
Un Eugiyphe vivant, long de 0,057 à tubereules plus nombreux 
et que j'ai représenié (pl, 2, fig. 7, a-l) dans les deux positions 


252 HISTOIRE NATURELLE 


qu'ila prises a quatre minutes d'intervalle, contenait une Nawvi- 
cule longue de 0,02, engagée dans la substance glutineuse vivante. 
Je suis porté a croire que cette Navicule, qui changeait de position 
suivant les mouvements d'afflux ou de reflux de la substance même 
de l'Euglyphe, y était entrée comme celles qu'on voit dans les 
Amibes, c'est-a-dire qu'elle avait été emprisonnée sous la base des 
expansions, puis retirée à l'intérieur quand les expansions s'étaient 
contractées. Il n'y aurait donc point ici de véritable bouche; 
néanmoins, il n’est pas impossible qu'une telle intromission de 
corps étrangers doive favoriser la nutrition. 


2. EUGLYPHE ALYEOLEE. — Euglypha alveolata.— PI. 11, fig. get 10. 


Têt orné d'impressions polygonales, régulières. — Longueur 
0,09, largeur 0,048. 


Je n'ai vu que les têts vides de cette espèce, que son analogie 
avec la précédente fait suffisamment reconnaître ; peut-être même 
sera-t-on tenté de n'y voir qu'une variété, d'autant plus qu'elles 
étaient ensemble dans les mêmes vases. Voici toutefois ce que ces 
têts m'ont offert de particulier, l'un (fig. 9), avait des impressions 
en losange séparées par des côtes saillantes courant obliquement, 
suivant la direction de deux hélices très-allongées en sens inverse; 
elle avait aussi cinq pointes grêles irrégulièrement placées en 
arrière; un autre (fig. 10) avait des impressions hexagonales, 
qui en outre de la disposition sériale observée dans le précédent, 
formaient aussi des rangées transverses. 


5° GENRE. GROMIE. — Gromia. 


An. sécrétant une coque jaune brunâtre, membraneuse, 
molle , globuleuse, ayant une petite ouverture ronde, d’où 
sortent des expansions filiformes très-longues , rameuses 
et très-déliées à l’extrémité. 


La coque des Gromies, lisse et colorée, paraît à l’œil nu 
comme un œuf de Zoophyte, ou une petite graine de plante ; 
celle de l'espèce marine surtout se voit fréquemment entre 
les touffes de Corallines et de Ceramium, ou dans le produit 
du lavage de ces herbes; on ne soupconnerait pas que ce 


DES INFUSOIRES. 253 


soit là un animal, si on ne savait qu'après quelque temps de 
calme, la Gromie, placée dans un flacon avec de l’eau de mer, 
va commencer à ramper au moyen de ses expansions , et que 
bientôt elle viendra s'élever le long des parois, où l’on peut 
aisément distinguer, avec une loupe, ses expansions rayon- 
nantes. C'est ainsi que j'ai découvert les Gromies à Toulon 
en 1835, et que depuis je les ai revues dans la Mancheet dans ia 
Méditerranée. J’ai vu aussi, en 1837, unetrès-petite Gromie 
fluviatile dans l’eau de la Seine, le 11 octobre ; enfin cette 
année ( 4 février 1840), dans un bocal où je conservais depuis 
plus d’un an de l’eau prise avec diverses plantes aquatiques 
aux environs de Paris, j'ai trouvé plusieurs Gromies fluvia- 
tiles visibles à l'œil nu. 


1. GROMIE OVIFORME. — Gromia oviformis (Ann. sc. nat. 1859 


t. IV, pl. 9 ). 


Coque globuleuse, lisse , avec une ouverture entourée d'un 
goulot court, expansions rameuses, peu anastomosées. — Lar- 
geur de la coque , 4 à 2 millimètres; longueur des expansions, 
2 à 4 millimètres. 


Je l’ai trouvée à Toulon, à Marseille, a Cette, et sur la côte du 
Calvados , entre les touffes de plantes marines, et je l'ai conser- 
vée vivante dans des flacons d’eau de mer durant plusieurs mois. 

Ses expansions sont épaisses de 0,066 à la base ; leur monvement 
particulier, par suite de l’afflux de la substance glutineuse, paraît 
assez prononcé sous le microscope ; mais le mouvement général 
de la Gromie est tellement lent, que, dans une minute, la coque 
n'a avancé que de 0,06 dans le champ du microscope, et que, 
dans une heure, elle ne s'est pas élevée de deux millimètres le 
long des parois du vase. 11 lui faut plusieurs jours pour arriver 
au bord du liquide ; et quand elle a atteint la surface du liquide, 
elle continue à ramper en se renversant sous cette surface à la 
maniere des Planorbes et des Lymnées. 

Les Gromies étant, de tous les Rhizopodes, ceux dont les ex- 
pansions filiformes, quoique très-déliées, se prêtent le mieux à 
l'observation en raison de leur volume, je rapporterai ici ce que 
j'écrivais en 1835 ( Annales des sciences nat., t. IV) sur le mou- 


254% HISTOIRE NATURELLE 


vement de ces expansions. Le filament qui commence à paraître 
est trés-fin, simple et égal, il s'allonge et s'étend en différentes 
directions pour chercher un point d'appui ; tantôt il oscille, tan- 
tôt il s'agite d'un mouvement ondulatoire assez prompt, ou bien 
il se roule en spiraie sur lui-même ; et dans ce cas, Les différents 
tours qu'il a formés, venant à se souder, il en résulte une masse 
susceptible de s’allonger de nouveau. À mesure que le filament 
s'allonge, il grossit par l'afflux de nouvelle substance, ce que l'on 
distingue bien par le mouvement des granules irréguliers qui 
s'avancent en même temps et rendent le filament inégal et 
noueux (Voyez PI. I, fig. 16). 11 émet aussi ça et la, sous un angle 
plus ou moins aigu, de nouveaux filaments qui se ramifent à 
leur tour. Les embranchements présentent souvent des palmures 
que l'on observe mieux encore dans les anastomoses, provenant 
des soudures, et, à l'extrémité des rameaux, où la substance 
glutineuse s'étend quelquefois en membranes irrégulièrement 
étirées et lamelleuses. 

Les filaments se retirent par un mouvement inverse : on voit 
alors les granules revenir en arriere et forcer à rétrograder d’au- 
tres granules animés d'un mouvement d'afflux. Quand deux ou 
plusieurs filaments se sont soudés latéralement, il arrive même 
que les granules se meuvent en sens contraire dans chacun d'eux, 
quoique la fusion de ces filaments paraisse complète. 

J] arrive souvent que le filament, en se retirant plus brusque- 
ment au sommet qu'a sa base, se trouve terminé par une sorte 
de tête ou de bouton résultant de la fusion de toute la partie ex- 
trême. De ce bouton sortent quelquefois des filaments différents 
des filaments précédents, et de même aussi quand un filament 
tout entier s'est fondu dans la masse totale, ceux qui sont émis 
plus tard n'ont avec lui d'autre rapport que l'identité du mode 
de production. Mais ce sont les anastomoses qui montrent bien 
mieux encore comment les filaments peuvent se souder et se con- 
fondre ; en effet, deux filaments qui se rencontrent se réunissent 
intimement pour n’en former qu'un seul au-dessus du point de 
jonction. La palmure qu'on observe au-dessous , et le mouvement 
des granules ou nodules qu'on suit dans le filament simple, puis 
indifféremment dans l'une ou l’autre des branches anastomosées, 
ne permettent pas de supposer la une simple juxtaposition. 

Si les deux filaments ainsi réunis partent d'un même poiné, il 
en résulte une inaille ou lacune que l'on voit diminuer, puis 


DES INFUSOIRES, 255 


disparaître entièrement par suite du mouvement progressif des 
palmures qui se sont formées aux deux extrémités. De là résultent 
quelquefois des expansions membraneuses, percées de mailles 
ovales. 

Quand une Gromie ou tout autre Rhizopode à expansion fili- 
forme s'avance dans une certaine direction , les filaments dirigés 
dans le sens du mouvement s’allongent assez rapidement en avant 
et se retirent en arriére; et ceux qui s'étendent de chaque côté 
de cette direction, se trouvent plus ou moins infléchis en arriere, 
jusqu'à ce qu'ils abandonnent le plan de reptation pour se con- 
tracter entierement tandis que de nouveaux filaments les rempla- 
cent. On voit souvent ces filaments, heurtés par quelque animal- 
cule, s’infléchir et s’allonger beaucoup avant de se rompre, et se 
contracter ensuite ; souvent aussi, quand on heurte le flacon aux 
parois duquel rampent des Rhizopodes, beaucoup de ces petits 
animaux restent suspendus par un simple filament. 


2. GROMIE FLUVIATILE. — Gromia fluviatilis. PI, II, fig. 1 a-b. 


Coque globuleuse ou ovoïde sans goulot ; expansions palmées et 
anastomosées. — Diamètre de la coque 0,09 à 0,25. 


Je trouvai, pour la premiére fois, le 11 octobre 1835, dans la 
Seine , sur des Cératophylles , une Gromiefluviatile, presque glo- 
buleuse, longue de 0,09, et émettant des filaments lisses, ra- 
meux, palmés aux embranchements. J'ai eu à Toulouse, en fé- 
vrier et en mars 1840, plusieurs Gromies beaucoup plus grosses 
dans un flacon où javais apporte, l’année précédente, de l’eau de 
la Seine avec des plantes aquatiques et des débris recueillis de- 
puis longtemps dans ce fleuve. Ces Gromies, larges de 0,25, d’une 
couleur gris jaunâtre, rampaient à la paroi interne du flacon, 
comme les Gromies marines; leurs expansions, longues de 0,3 à 
0,8, étaient noduleuses, et, en se soudant entre elles, formaient 
de nombreuses anastomoses, dont les nœuds étaient plus renflés, 
et souvent creusés de vacuoles ; le mouvement de la substance 
glutineuse s’y fait en plusieurs directions comme chez la Gromie 
oviforme ; à travers la coque on voyait de nombreuses vacuoles se 


former dans l'intérieur , à mesure que l'animal était plus près de 
cesser de vivre. 


256 HISTOIRE NATURELLE 


6° GENRE. MILIOLE. — Miliola. 


An. sécrétant un têt calcaire ovoïde ou déprimé , à une 
seule ouverture, formé de loges qui se replient lune sur 
l'autre , ou qui s'appliquent longitudinalement sur les pré- 
cédentes , de telle sorte que l’ouverture terminale est alter- 
nativement à chaque extrémité. Expansions filiformes sor- 
tant en rayonnant par l'ouverture terminale unique , la- 
quelle est toujours rendue bifide au côté interne par un 
appendice saillant. 


Le tèt des Milioles est compacte, sans pores, lisse ou di- 
versement orné de côtes et de stries, il se compose de loges 
allongées qui sont de plus en plus grandes, et se replient 
l’une sur l’autre dans le sens de la longueur, de manière que 
la dernière dépasse toujours un peu la précédente, et forme 
le côté le plus long de la coquille. En se pelotonant ainsi, 
les loges recouvrent plus ou moins les précédentes, et n’en 
laissent voir qu’une , deux ou quatre. M. d'Orbigny a fondé 
sur ces distinctions les genres Biloculine, Triloculine, Quin- 
queloculine, etc., dans lesquels il divise les Milioles suivant 
le nombre des loges qui se montrent à l'extérieur. Si l’on 
dissout le tèt par un acide faible avec beaucoup de précaution, 
on aperçoit au-dessous une membrane excessivement ténue; 
et comme le têt ne présente aucune trace de texture fibreuse 
ou lamelleuse , on pourrait le considérer comme produit par 
encroutement extérieur. Si, pour dissoudre le têt d’une Mi- 
liole vivante, on a employé un mélange d’acide nitrique fai- 
ble et d'alcool, la substance charnue de l’intérieur se trouve 
consolidée et se montre sous l’apparence de lobes aplatis, 
repliés suivant leur longueur, et occupant chacune des loges : 
de sorte qu’en développant la série deces lobes, on a un cordon 
articulé formé d'autant d'articles qu’il y a de loges. Si on brise 
le têt de l’animal vivant, on ne voit à l'intérieur qu’une sub- 
stance glutineuse plus ou moins diaphane, rétractile, et 


DES INFUSOIRES. 257 


dont quelques lambeaux se contractant isolément, peuvent 
ensuite émettre de nouveaux filaments, comme s'ils étaient 
devenus des centres partiels d'organisation. 


Les expansions des Milioles sont au moins six fois plus 
minces que celles de la Gromia oviformis; leur épaisseur 
n'est que de 0,01, mais elles se meuvent absolument de même. 
Le mouvement général de la Miliole est au contraire plus 
rapide que celui de la Gromie ; car, en été, elle parcourt six 
à neuf millimètres par heure. Ainsi ,le 12 juin 1835, ayant 
mis dans un flacon, avec de l’eau de mer, le résidu sablon- 
neux provenant du lavage d'une grande quantité d’herbes 
marines (Corallines , Fucus , Céramiums) recueillies sur les 
bas-fonds de la rade de Toulon , je vis, au bout de trois 
heures, des Milioles et d’autres Rhizopodes fixés le long des 
parois, à une hauteur variable de 10, 15 et 20 millimètres. 
Au bout de douze heures la paroi interne du flacon en était 
tapissée jusqu’à une hauteur de 60 millimètres. 

Le nombre desespècesde Milioles vivanteset fossiles est très- 
considérable, et doit sans doute donner lieu à l'établissement 
de plusieurs genres; mais je ne crois pas que ce soit en sui- 
vant la marche de M. d'Orbigny. L'espèce que j'ai représentée 
(P1. 1, fig. 1%) est la plus abondante, et peut bien être nom- 
mée Miliola vulgaris, Elle a la forme d’un grain de millet ; 
sa longueur est d’un millimètre environ, et ses filaments 
sont quatre ou cinq fois plus longs. Ce serait une Triloculine 
ou uue Quinquéloculine de M. d'Orbigny, suivant son 
degré de développement. Une autre espèce beaucoup plus 
grande (2 à 3 millimètres), qui est assez commune dans 
la Méditerranée, a une forme discoïdale déprimée, ses 
loges étant rangées dans un même plan, alternativement 
sur les deux bords opposés, et présentant en dehors une 
crête saillante souvent ondulée, Cest la Hiliola depressa 
qui serait une Spiroloculine pour M. d’Orbigny, mais qui 
ne me parait pas différer de la précédente autrement que 
par sou têt. 

INFUSOIRES. 17 


258 HISTOIRE NATURELLE 


* VERTÉBRALINE, — ’ertebralina. D'Orb, 


An. sécrétant un têt calcaire non poreux, à une seule ouyer- 
ture, très-déprimé et formé de loges allongées , irrégulièrement 
placées en travers à la suite les unes des autres, et. dont la der- 
niére seule présente une oaverture étroite par laquelle sortent 
les expansions filiformes. 


J'ai observé, en 1835 à Toulon, les animaux de ce genre qui se 
rapprochent beaucoup des Milioles. 


7° Genre. CRISTELLAIRE.— Cristellaria. 


An. sécrétant un têt calcaire poreux , aplati, et com- 
posé de loges contiguës plus larges d’un côté, et formant 
ainsi une spirale très-ouverte, dont les tours ne se re- 
couvrent pas. Les expansions filiformes sortent par les 
pores de la dernière ou de Favant-dernière loge. 


Les Cristellaires, fort communes dans la Méditerranée, 
fournissent un grand nombre d'espèces qui ont également 
été divisées en plusieurs genres par M. d’Orbigny. Leur vi- 
tesse est de 5 millimètres par heure environ. 


8° Genre. VORTICIALE. — Jorticialis. 


An. sécrétant un têt calcaire poreux, lenticulaire, très- 
renflé au centre, composé de loges nombreuses formant une 
spirale dont les tours se recouvrent complétement. Expan- 
sions filiformes sortant par les pores sur tout le contour. 


La Voriiciale commune (P}. f. fig. 45) se trouve abon- 
damment dans l'Océan et dans la Méditerranée, son diamè- 
ire est de 0,5 à 1 millimètre; ses expansions filiformes sont 
environ deux fois plus longues; sa vitesse a été trouvée de 
4,8 millimètres par heure, Si l’on dissout le têt par un mé- 
lange d'acide nitrique très-affaibli et d'alcool, la substance 
charnue, solidifiée dans chacune des loges qu’elle occupe 


DES INFUSOIRES. 9259 


toutes à la fois, forme une série de pièces en V ou en che- 
vron, dont les deux branches, dirigées en avant, sont re- 
pliées latéralement de chaque côté du tour précédent, et 
qui d’ailleurs portent sur leur bord postérieur une rangée de 
lobes pédicellés. Ces pièces, durant la vie de l’animal, sont 
des masses de substance glutineuse otcupant la cavité de 
toutes les loges, et communiquantentre elles. par les pores 
dont le ièt est percé en tout sens. 

Jai encore vu vivants des Rotalies et d’autres genres de 
Rhizopodeslibres HAE + n'ai pas étudié leurs expansionsfili- 
formes non plus que celles des Rosalines, Planor bulines, etc.., 
qui vivent fixés à la surface des, plantes marines, J'ai bien 
constaté aue toutes les loges sont occupées à la fois par la 
substance glutineuse ; mais je n'ai point vu les expansions, 
non plus que dans le Polytrema rubras, que je conjecture 
appartenir a cette même famille d’après Ja nature dela partie 
vivante. 1 

Un nombre considérable de fossiles proviennent proba- 
blement de vrais Rhizopodes , et de ce nombre serait même 
la Sidérolite de la craie de Maestricht; mais je ne considére 
pas comme devant appartenir à cette famille les Nummu- 
lites, ni les Oryzaires, les Nodosaires,, ‘etc. 


VE FAMILLE. 
AGTINOPHRYENS. 


Animaux sans organisation appréci jable ; immobiles 
ou fixés, pourvus d'expansions variables , très-lente- 
ment contractiles , toujours simples, et dont l'extré- 
(ne en,se contr Set devient souvent globuleuse. 


Tes Actinophryens, dont l'organisation paraît aussi 
simple .que celle des Amibiens et des Rhizopodes , se 
distinguent de ces animaux par la lenteur extrême 
avec laquelle ils étendent ou retirent leurs éxpansions. 

17 


260 HISTOIRE NATURELLE 


Cette lenteur est telle, que parfois on serait tenté 
de douter de la nature animale de ces êtres, si, par 
l'agitation du liquide et par le choc des autres corps, 
on ne reconnaissait que la consistance de leur corps est 
molle, glutineuse comme celle des Amibes, et que 
leurs expansions, d’abord très-déliées, se contractent 
en se renflant à l’extrémité pour se prolonger de nou- 
veau ou se trouver remplacées par d’autres expansions 
sorties de la masse du corps, quand l’animal est laissé 
en repos. À l'intérieur on n'aperçoit que des gra- 
nules de diverse grosseur et des vacuoles souvent fort 
grandes, qui ont pu quelquefois être prises pour une 
bouche. Ils peuvent aussi émettre un ou plusieurs pro- 
longements épais, que Müller a désignés sous le nom de 
papille , et que M: Ehrenberg a pris pour une trompe. 
Leurs cils paraissent avoir la propriété, comme les 
tentacules des Actinies, de s’agglutiner au corps des 
Infusoires qui viennent à les toucher en nageant, de 
leur donner Ja mort par leur contact , puis, en se con- 
tractant de les rapprocher peu à peu de l'Actinophryen, 
qui est alors dans le cas de s’en nourrir par absorption, 
soit-par sa surface, soit au moyen de ses expansions plus 
épaisses : c’est là du moins, bien plutôt qu'une véritable 
manducation , ce qu’on peut conclure des observations 
des divers micrographes. Les Æctinophrys se multi- 
plient par division spontanée. 

Les Actinophryens que l’on trouve, soit dans l’eau 
douce , soit dans l’eau de mer, au milieu des algues et 
des Conferves, soit dans ces mêmes eaux longtemps 
conservées et même putréfiées ;, mais non dans les in- 
fusions artificielles, peuvent être distingués suivant 
qu'ils sont tout à fait nus et sans tégument, ou suivant 
qu'ils ont une enveloppe partielle ou un pédoncule 


DES INFUSOIRES. 261 


membraneux. Dans ce dernier cas ils forment le genre 
Acineta, remarquable aussi parce que ses pédoncules 
sont simples, et que ses expansions sont plus souvent 
terminées en globules par l'effet de la contraction , et le 
genre Dendrosoma , indiqué seulement par M. Ehren- 
berg comme présentant un pédoncule rameux et des 
corps semblables à des Æctinophrys à l'extrémité de 
chaque rameau. Les Actinophryens nus forment le 
genre Actinophrys, remarquable par la ténuité de ses 
expansions, et qu'on a proposé de subdiviser en plu- 
sieurs autres genres. 

Des Actinophrys ont été vus anciennement par plu- 
sieurs micrographes, qui, frappés de la disposition 
rayonnante de leurs éxparsions ou cils, les désignèrent 
par une dénomination correspondante. Ainsi Eichhorn 
nomme Étoile (der Stern), l'Actinophrys sol ; et 
Müller, qui en fit un Trichode, le nomma 7richoda sol. 
Des Æcinéta ont également été vus par Baker et par 
Müller, et ce dernier classa parmi les l’orticelles, V 4- 
cineta tuberosa., qu'il avait pourtant vue ne point se 
contracter. 

Les Actinophryens , dont Müller avait fait des Tri- 
chodes, M. Bory de Saint-Vincent les placa dans son 
genre Peritricha avec des Urcéolariens, des Leuco- 
phryens et de vrais Trichodiens ; ce genre, d’ailleurs, 
fait partie de sa famille des Polytriques, qui, dit-il, 
ont des cils très-fins , non distinctement vibratiles, ré- 
pandus sur toute la surface du corps, quoique parmi 
eux 1l place les Leucophres. 

M. Ebrenberg distingua les Æctinophryens nus en 
trois genres, Æctinophrys, Trichodiscus et Podo- 
p'rya. les caractérisa par l'absence de cils vibratiles, 
et cependant les classa parmi les Ænchéliens, avec 


262 HISTOIRE NATURELLE 


d’autres Infusoires , qui tous ont des cils vibratiles. Il 
leur attribue un canal digestif distinct, avec une bouche 
et un anus opposés, et cependant il n’a pu leur faire ava- 
ler à tous des substances colorées, et ne se fonde pour 
cela que sur le fait de agglutination de leurs expan- 
sions au corps des Infusoires , qu'ils semblent absorber 
en les rapprochant de leur surface. En même temps il 
avait placé le genre.Æcincta comme appendice. à la 
suite des Bacillariées, en remarquant que les tenta- 
cules rayonnants rétractiles de ces animaux, nessont 
point vibratiles. Mais pendant l’impression de son his- 
toire des Infusoires, où 1l les elasse de cetté manière, 
il eut occasion d’observer un nouveau genre voisin des 
Acinètes, qu’il nomma Dendrosoma, et qui l'a con- 
duit à penser que les Podophrya, les Actinophrys et 
les Acinètes, pourraient être réunis avec le nouveau 
genre dans une famille qu'il propose d’instituer sous 
le nom d’Acinetines, et qui, sauf la définition, ré- 
poudrait bien à notre famille des Actinophryens. 


1® Gevre. ACTINOPHRYS. — Actinophrys. Ebr. 


An. à corps globuleux ou discoïde entouré d’expansions 
rayonnantes filiformes très-déliées , lentement contractiles. 


1, ACTINOPHRYS SOLEIL.— Aclinophrys sol{1)+ PI. AL, fig. 3. 


Corps globuleux, expansions très-nombreuses , rayonnant en 
tout sens, une ou deux fois aussi longues que le corps. — Dia- 
mètre du corps de 0,018 à 0,062. + 


(1) Joblot. Micros. part. 2, p. 64, Pl 5;,f. 15. b- 

Der Stern, Eichhorn. — Beytr. Zugab, 17983, p: 15, f. 1-7° 

Trichoda sol. Müller , An, Inf, p: 164, tab. XXII, f. 13-15. 

Peritricha sol , Bory, Encycl. 1824. 

Actinophrys sol, Ehrenb. Mém. Berlin, 1830, tab. 11, £. IV. — 
Infüs. 1838, tab: XXXI, f. VI, p. 303. 


DES INFUSOIRES, 263 


Cette espèce , dont le corps forme une masse sphérique, iso- 
lée, contenant des granules et des vacuoles, est très-commune 
dans l'eau douce conservée avec des plantes aquatiques, lors 
même que ces plantes se sont déja décomposées. 

Müller qui la décrit comme globuleuse, hérissée en tout sens 
de rayons innombrables tres-déliés, plus longs que le corps, 
ajoute qu'il n'a jamais pu observer le moindre mouvement de ces 
rayons , quoique , à plusieurs reprises, il l’ait observée avec at. 
tention pendant deux heures de suite. « Le corps, dit-il, se di- 
Jlatait et se contractait tant soit peu , trés-lentement et comme sil 
eut eu une ouverture. Je l'ai vu cà et la (passim ) émettre et ré- 
tracter une papille hyÿaline. » Enfin il ajoute qu'en 1777, son ami 
Wagler , en sa présence, fit sortir du corps de cet Infusoire un 
Crustacé du genre Lyncée, d'où il conclut que cet animal, mal- 
gré son extrême lenteur, devore les animaux qui vivent avec 
lui. Mais on conçoit que ce fait est tout à fait analogue à ce que 
nous voyons chez les Amibes renfermant si souvent des corps 
étrangers. 

Eichhorn avait été bien plus explicite que Müller sur le fait de 
la manducation chez les Actinophrys , eu affirmant avoir vu des 
Actinophrys, visibles à l'œil nu, dévorer des Cyclopes. M. Ehren- 
berg , partant de la, dans son premier mémoire ( 1830), décrit 
comme une trompe charnue, protractile et rétractile, ce que 
Müller nommait une papille; il compte jusqu'a vingt estomacs 
dans cette Actinophrys et dit l'avoir vue souvent adhérente à la 
Kerona pustulata, qu'elle empêchait de nager jusqu'à ce qu’elle 
l'eût tuée, paraissant, dit-il, la sucer avec sa trompe ; ce qui, 
comme on voit, ne s'accorde guére avec le fait des Crusta- 
cés avalés, comme prétendait l'avoir observé Eichhorn. 
Plus tard (1838), M. Ehrenberg, parlant du même Infusoire, 
dit : «Il est presque immobile, ce qui le rend difficile à aperce- 
voir , et son mouvement est trés-lent comme celui d'un Oursin. 
En admettant de l'air dans son corps , il peut rapidement être 
porté à la surface , et, en le laissant échapper , il revient prompte- 
ment au fond , comme l'avait vu Eichhorn.» Cet auteur a vu les 
rayons, ou cils, se courber, s’allonger et se contracter , et , dans 
ce cas, présenter un renflement à l'extrémité. Cesrayons, dit-il, 
servent à l'animal pour palper un objet, pour marcher et pour 
arrêter sa proie ; ils donnent la mort aux autres animalcules, par 
Jeur contact, avec une promptitude surprenante. 11 assure en- 


264 HISTOIRE NATURELLE 


core l'avoir vu avaler dun carmin et de l'indigo qui pénétraient à 
l'intérieur sans tonrbillonnement , ce qui lui a permis de compter 
jusqu'a seize estomacs. 


* AGTINOPHRYS MARINE.— Æetinophrys marina. P1. 1, fig. 18. 


J'ai observé dans l’eau de mer dela Méditerranée, conservée 
à Toulouse depuis vingt jours, le 2 avril 1840, une Actinophrys, 
trées-voisine de la précédente, dont elle semble différer seulement 
par son habitation et par la contractilité plus marquée de ses 
rayons. Elle était très-abondante parmi les algues microscopi- 
ques. Le corps, en masse globuleuse grenue, était large deo ,008 
à 0,012. 1] faudrait des observations plus détaillées pour pouvoir 
prononcer si c'est une simple variété de l’Actinophrys sol. 


2. ACTINOPHRYS DIGITÉE. — Actinophrys digitata. P1. I, fig. 19, et 
BL AU die, #: 


Corps déprimé , à ravons flexibles, épaissis à la base et formant 
par la contraction , des prolongements épais, obtus, en forme 
de doigts. — Largeur du corps 0,033. 


J'ai trouvé dans de l’eau douce, conservée depuis longtemps avec 
diverses plantes de marais, en 1839, cette espèce bien distincte et 
qui appartiendrait au genre Trichodiscus de M. Ehrenbereg , si 
ce genre était admis. Son corps, en disque irrégulier tnber- 
culeux , présente, à l’intérieur, des granules de diverses gros- 
seurs, et des vacuoles bien reconnaissables { fig. 4-a). De son con- 
tour seulement , paraissent partir ses expansions plus épaisses à 
la base, moins longues que celles de l'espèce précédente , et sus- 
ceptibles, en se contractant, de former des prolongements épais, 
obtus; ce serait une véritable Amibe, si elle se servait de ses 
expansions pour ramper. Le jeune individu , représenté dans la 
planche 1e (fig. 19) était fixé par une extrémité et offrait une 
certaine ressemblance avec les Acinètes. 


* ACTINOPHRYS piscus.— Trichodiseus sol, Ehren. Infus, 1838, 
tab. XXXI, f. a. 


Le genre Trichodiseus, caractérisé par laforme de son corps dis- 
coïde déprimé, émettant de son bord seulement une rangée de 


DES INFUSOIPRES. 265 


cils, a été institué par M. Ehrenberg pour cette espéce. Il la dé- 
crivait, en 1830, comme un disque arrondi, incolore, au bord 
duquel sont de longues soies, très-déliées, dont on suit le trajet 
dans l’intérieur du corps , jusqu’auprès du centre. Ce dernier ca- 
ractère assurément suffirait à l'établissement d'un genre dis- 
tinct; mais quoique l’auteur l’exprime encore dans son dessin, 
en 1838, il n'en parle plus en caractérisant ainsi son genre Tri- 
chodiscus (page 304.).« An. à cils non vibratiles, à bouche inerme, 
tronquée parallèlement à la surface inférieure , à corps déprimé 
non pédicellé, avec une nouvelle série de tentacules marginaux 
en rayons. » En décrivant la seule espèce connue ayant le corps 
déprimé , sub-orbiculaire, hyalin ou jaunâtre, avec des rayons 
variés , il compare cet Infusoire , dont les mouvements ont une 
extrême lenteur, à une Arcelle sans têt, et dit lui avoir vu, a 
Berlin, une bouche centrale, et peut-être une glande (testicule ) 
latérale, et en Russie beaucoup d’estomacs et des ovules. Mais il 
n'a pu réussir à lui faire avaler de substances colorées, et il déclare 
que la position de l'anus est incertaine. 1] l’a trouvé en juin et 
juillet parmi les Conferves. Il fixe à 0,062 ou 0,124 le diamètre du 
corps, sans les rayons qui ont une longueur égale, mais qui échap- 
pent facilement à la vue. 


3. ACTINOPHRYS DIFFORME, — Æctinophrys difformis (1). — Pl: 1, 
fig. 20. 


Corps déprimé, diaphane , irrégulièrement lobé , appliqué sur 
le porte - objet, émettant de divers points des expansions fili- 
formes, — Largeur du corps de 0,045 à 0,13. 


J'ai observé, au mois d'avril 1838, entre les débris végétaux 
d’une eau de marais conservée longtemps, cette espèce que je 
pris d’abord pour une Amibe, mais que son extrême lenteur et 
la roideur de ses expansions filiformes m'ont fait rapporter à 
l'espèce décrite sous ce nom par M. Ehrenberg, qui l’a trouvée 
seulement à la surface de diverses infusions, le ro novembre 
1828, et lui assigne pour maximum de largeur 0,09. 


(1) Actinophrys difformis, Ehr. Infus. 1838, PI. XXXI, £ 8, 
p. 304. 


26G HISTOIRE NATURELLE 


4. AcriNoPnRys PÉDONCULÉE. — Actinophrys pedicellata (x). 


Corps globuleux, granuleux et trouble intérieurement, en- 
touré d’expansions filiformes ou de cils rayonnants, aussi longs 
que lui, et muni d’un prolongement diaphane en forme de pédon- 
eule. — Diamètre du corps 0,062. 


Cet Infusoire que je n'ai pas vu est décrit par Müller comme le 
plus lent de tous les animaux, cependant cet auteur a vu un 
autre Infusoire ( Leucophra signata), qui nageait trop près de 
celui-ci, se trouver instantanément agglutiné par ses cils et rap- 
proché de son corps sur lequel il s’allongea beaucoup en cessant 
de vivre. 

M. Ehrenberg le trouva abondamment , au mois d’ayril 1832, 
dans la pellicule couvrant la surface d’une eau de marais con- 
servée à la maison ; tout en le regardant comme une Actinophrys 
pédicellée, il reconnaît son analogie avec le genre Acinéte, et 
dit lui avoir reconnu clairement une bouche, des estomacs et 
des ovules fins et obscurs, mais n'avoir pu observer ni l'intro- 
duction des substances colorées, ni la position de l'anus. Il est 
conduit ainsi à remarquer, conformément à ses idées systé- 
matiques, que si le manque d'ouverture anale était constaté, cet 
animal pourrait appartenir au genre Acinète. 

De plus que Müller, il a vu la contraction en boule ou en 
massue, de l'extrémité des tentacules, et, comme cet auteur , ila 
vu le singulier phénomène de l’agglutination et de la mort des 
divers Infusoires qui en nageant viennent à toucher par hasard 
les expansions filiformes de cette Actinophrys. « Aussitôt, dit-1l, 
que la 7richodina grandinella, qui se trouve ordinairement 
trés-abondante en même temps, vient en tourbillonnant avec vi- 
tesse heurter ses tentacules, ‘elle est arrêtéee, cesse tout à 
coup de tourbillonner et retire ses cils en arrière. Elle est ensuite 
de plus en plus rapprochée du corps de son ennemi, et y reste 
adhérente jusqu'à ce qu’elle soit visiblement rendue vide, et que 


(1) Trichoda fixa, Müller , Inf. PI. XXXI, f. 11-12, p. 217. 

Peritricha cometa ; Bory, Encyel. 1824. 

Podophrya fixa, Ehrenb. Mém. 1833. — Infus. 1838; PL XNXI, 
f. 10, p. 306. 


f. 
É 
us 


DES INFUSOIRES, 267 
sa peau soit abandonnée,» Je ne puis que faire observer accessoire- 
ment ici que toutes les fois que j'ai vu mourir la Trichodina gran- 
dinella, je n'ai apercu aucun indice de peau ou de tégument 
résistant. 


“Actinophrys viridis.—Ehr. Inf. PI. xxxt, fig. 7, p. 34. 


Corps globuleux, verdâtre, entouré de rayons serrés, plus 
courts que le diamètre du corps. — Diamètre du corps de 0,043 
à 0,093. 


M. Ehrenberg décrit sons ce nom une espèce incomplétement 
observée par lui entre les Conferves , et dont il attribue la colora- 
tion à des ovules verts. 


“Actinophrys? granata. Trichoda granata (1). Müller, Inf. PI. xxmr, 
fig. 6-7, page 162. 


Corps globuleux , opaque au centre , entouré de cils plus courts 
que le diamètre. 

Müller nomma ainsi un Infusoire fort douteux, qu'il observa 
dans l’eau couverte de Zemna et que son opacité, en même 
temps que’son immobilité, pourraient faire prendre pour autre 
chose qu'une Actinophrys. 


2e Genre. ACINÈTE. — Acineta. Ehr. 


An. à corps globuleux ou comprimé , immobile, émettant 
des expansions variables, trés-lentement contractiles, et par 
suite souvent renflées à l'extrémité , porté par un pédicule 
simole, dont l'enveloppe membraneuse se prolonge plus ou 
moins sur la masse du corps. 


1. ACINÈTE BOSSELÉE, — Acineta tuberosa (2). —P]. I, fig. 12-13. 


Corps presque triangulaire , comprimé , élargi au sommet avec 


(x) Peritricha granata, Bory, Encycl. 1824. 

(2) Baker, Employ. for the micros. 1552, p. 444, PI. XIII, f, to-12. 
Brachionus tuberosus , Pallas, El. Zedbh. 1566, p. 105. 

Vorticella tuberosa, Müller, Ins. pl. XLIV , f. 8- -9,p 308. 
ÆAcineta tuberosa, Ehrenb. Mém. 1833, p. 141.—Infus. 18358, pl. XX, 


fig, 9. 


268 HISTOIRE NATURELLE 


trois tubercules, dont les deux latéraux, plus constants et plus 
saillants, sont seuls munis d’expansions variables en forme de 
cils; pédoncule deux fois plus long que le corps. — Longueur du 
corps de 0,062 à 0,094. 


Müller, qui n'observa qu'une seule fois, et d'une manière très- 
incomplète , cet Infusoire dans une eau de marais, le rangea parmi 
ses Vorticelles, qui sont caractérisées par leur contractilité; 
tandis que celui-ci est presque totalement immobile, comme l'ex- 
prime le mot grec äxivero, qui signifie immobile, sans mou- 
vement. M. Ehrenberg, qui l’a vu dans l'eau de la mer Bal- 
tique, sur le Ceramium diaphanum , l'a un peu mieux étudié, 
quoique très-imparfaitement encore ; il le classa d’abord (1833), 
dans la famille de ses Peridinæa ; et plus tard (1838), il l’a placé 
comme appendice à la suite des Bacillariées ; puis enfin , comme 
je lai déjà dit, il a proposé de le prendre pour type d’une nou- 
velle famille qui répond à nos Actinophryens. 

Il le décrit comme ayant les deux tubercules latéraux garnis 
d'un faisceau de cils plus courts que le diamètre du corps, renflés 
en globules à l'extrémité, mais qu'il n’a point vus se contracter ; 
et comme étant fixé à un pédoncule d'une transparence parfaite, 
presque invisible, six fois moins large que le corps et deux fois 
aussi long. Ce corps enveloppé par une cuirasse membraneuse , 
consiste en une masse d’un brun jaunâtre , qui forme deux larges 
bandes obscures non exactement limitées. Enfin, cet auteur croit 
avoir vu dans quelques individus, les deux faisceaux de cils retirés 
à l'intérieur, comme l'indique la fig. 13, copiée de son ouvrage, 
ainsi que la fig. 12. 


2. Acineta Lyngbyei. Ehr. Inf. 1838. — PJ. 20, fig. 8. 


Corps globuleux, jaunâtre , hérissé de toutes parts de cils plus 
courts que le corps, et supporté par un pédoxcule long , épais, 
transparent , trois à cimq fois plus long que le corps. — Diamètre 
du corps 0,062. — Longueur totale de l’animal 0,250 à 0,576. 


M. Ehrenberg a trouvé sur une Sertulaire, dans la mer Bal- 
tique, cêtte espèce qu'il dit ressembler entièrement à une Zctino- 
phrys sol pédonculée ; j'ai moi-même observé en 1835, à Tonlon, 
sur un Buccinum mulabile, une espèce que je crois la méme, quoi- 
que sesexpansions variables fussent plus épaisses et moins nom- 
breuses. 


DES INFUSOIRES. 269 


* Acineta mystacina. Ehr. Inf, 1838. 


Le même auteur donne ce nom à un Infusoire qu’il avait d'abord 
(1831) nommé Cothurnia ? mystacina , et qu'il a trouvé en juillet 
et septembre sur les racines de la Lemna minor. Son corps jau- 
nâtre, presque globuleux , est garni de cils renflés à l'extrémité, 
deux fois plus longs que son diamètre ; et il est logé au milieu d'une 
capsule ou vessie cristalline et porté par un pédoncule tres-court ; 
la longeur totale est de 0,047. 


* GENRE DENDROSOMA. Ehr. 1838. Infusionst. p. 316 


Dans une simple note ajoutée à la suite de sa famille des 
ÆEnchelia, et après avoir dit que le genre Podophrya, 
n'ayant qu’un orifice à l'intestin, et restant dépourvu 
d’anus, se rapproche des Acinètes, M. Ehrenberg annonce 
avoir observé tout récemment une forme tres-remarquable 
qu'il veut nommer Dendrosoma radians , et qui paraît 
également dépourvue d'ouverture anale : c’est une tige plus 
épaisse, fixée à sa base et portant sur ses rameaux des têtes 
nombreuses dont chacune ressemble à une Actinophrys. 
Cette espèce se rapproche donc à la fois des denx genres ci- 
dessus indiqués, et fournit à l’auteur l’occasion de dire qu’il 
serait nécessaire de former avec les Acinètes, séparées des Ba- 
cillariées , etle Dendrosoma , une famille particulière entre 
les Bacillariées et les Vorticelliens, à laquelle appartien- 

. draient peut-être aussi les Podophrya et Trichodiscus. 


27 0 HISTOIRE NATURELLE 


ORDRE HI. 


Infusoires pourvus d’un ou plusieurs filaments 
flagelliformes servant d'organes locomoteurs. — 
Sans bouche. 


V® FAMILLE. 


MONADIENS: 


Animaux sans aucun tégument , formés d'une sub- 
stance giutineuse , en apparence homogène, susceptible 
de s’agglutiner et de s’étirer plus où moins ; de forme 
ordinairement variable; ayant un ou plusieurs fiia- 
ments flagelliformes pour organes locomoteurs, et 
quelquefois des appendices latéraux ou en forme de 
queue. | 


è 


Les Monadiens sont aussi parmi les plus simples de 
tousles Infusoires, ils se produisent preque tous dans 
des infusions, et n’ont d’autres organes visibles que 
leurs filaments flagelliformes qui n’ont été apercus que 
dans ces derniers temps, et qu’on ne peut voir nette- 
ment qu’au moyen des meiileurs microscopes, et am 
les plus grandes précautions. Ces filaments, en elfet, 
ne se montrent quelquefois, au grossissement de 300 à 

k00 diamètres, que comme des brins de soie ou de 
_ laine très-fine vus à l'œil nu; on peut donc calculer 

qu'alors ils n’ont pas plus d’un trente millième de milli- 
mètre d'épaisseur réelle ; leur mouvement et l'agitation 

qu'ils causent dans le liquide environnant les font d’a- 

bord deviner; mais on ne parvient à les distinguer 


DES INFUSOIRES. 271 


qu'à l'instant où leur mouvement se ralentit, et quand, 
par une disposition convenable du diaphragme ou du 
prisme réflecteur, on à fait naître des ombres. Leur lon- 
sueur est toujours au moins double, et quelquefois 
quadruple de celle de l'Infusoire lui-même. 

Fous ces animaux paraissent formés d’une substance 
slutineuse homogène , susceptible de s’étirer quand 
elle s’est agglutinée à quelque autre corps; d’où résulte 
un changement de forme ou la production d’un appen- 
dice irrégulier que parfois on pourrait prendre pour 
un autre filament; quelques Monadiens changent 
même de forme en nageant librement dans le liquide, 
et se rapprochent ainsi du caractère des-Amibes. Des 
vacuoles ou cavités sphériques se creusent spontané- 
ment dans le corps des Monadiens près de la surface ; 
quelquefois elles s'ouvrent au dehors ;'et } venant àse 
contracter, elles enferment les corps étrangers qui y 
sont entrés. C’est ainsi que sont venus à l’intérieur les 
divers objets que ces animaux paraissent avoir man- 
gés, et non par-une bouche qui n'existe point. 

Les genres nombreux qu’on peut établir dans la fa- 
mille des Monadiens, seront donc distingués seulement 
par le nombre et par la position des filaments locomo- 

teurs, par la forme Îa plus habituelle de leur corps et 

de leursappendices ; enfin on pourra établir deux genres 
pour ceux qui vivent habituellement agrégés ; savoir, 
les Uvella, formant des groupes en forme de müre 
qui se meuvent librement dans le liquide; etles 4{n- 
thophysa , dont les groupes sont naturellement fixés à 
l'extrémité des rameaux d’un support corné qu'ils 
ont sécrété. Les animalcules de ces deux genres , quand 
ils sont désagrégés , ressemblent d’ailleurs entièrement 
à des Monades isolées pourvues d’un seul filament. 


277 HISTOIRE NATURELLE 


Parmi les Monadiens qui vivent toujours isolés, on 
sépare, sous le nom de 7richomonas, ceux qui ont 
une rangée ou une touffe de cils vibratiles en eutre 
de leur filament flagelliforme; et l'on fait un genre 
Heteromita bien distinct pour ceux qui, avec un fila- 
ment flagelliforme ; au moyen duquel ils se meuvent 
en avant, ont aussi un filament plus épais, trainant, 
qui s'agglutine ça et là sur les corps voisins; et, par sa 
contraction subite, leur donnele moyen de changer de 
lieu tout à coup. 

Un autre genre, quise distingue aisément des autres 
Monadiens, est celui des #examita , bien remarquable 
par le nombre de ses filaments flagelliformes , quatre 
en avant, et deux en arrière qui paraissent résulter de 
l’étirement de la substance même du corps. On peut 
distinguer encore les Chilomonas, dont ie filament fla- 
gelliforme part obliquement en arrière d’un prolonge - 
ment antérieur en forme de lèvre; et les 7 repomonas, 
dont le corps, arrondi en arrière, aplati et tordu en 
avant, est muni de deux filaments flageiliformes , par- 
tant de l’extrémité de deux lobes anguleux , dirigés en 
sens inverse, d'où résulte un mouvement gyratoire 
particulier. 

Les autres Monadiens pourraient , à la rigueur, être 
considérés comme des modifications de forme d'un 
même genre , produites par l'influence du milieu dans 
lequel vivent et se développent ces Infusoires ; en effet 
on voit dans des infusions ces Monadiens présenter telle 
ou telle modification remarquable, suivant la nature 
d’un sel ou d'un réactif qu'on y ajoute. 

En attendant toutefois que l’on soit bien fixé sur 
ce point , on peut diviser ainsi ces Infusoires : ceux 
dont le corps est rond ou oblong sans appendices, et 


DES INFUSOIRES. 273 


avec un seul filament également fin et agité dans toute 
sa longueur, forment le genre Monas proprement dit, 
leur mouvement est irrégulier, tremblottant, mais 
non saccadé. Ceux qui, avec un corps discoïde sans 
appendices, ont un filament plus épais et roide à sa 
base, agité seulement à l'extrémité, sont les Cyclidium, 
dont le mouvement est lent et uniforme. Il en est chez 
qui un prolongement latéral devient parfois un second 
filament ondulatoire, distingué du premier parce qu’il 
prend évidemment son origine de la substance charnue 
étirée , ils forment le genre Æmphimonas, reconnais- 
sable à un mouvement saccadé tout particulier ; Ceux 
enfin qui ont un prolongement en manière de queue , 
sont les Cercomonas ; ce prolongement s’agslutinant 
au porte-objet, fournit un point d'appui autour du- 
quel l'Infusoire s’avite en se balançant jusqu’à ce qu'il 
soit redevenu libre. Mais, je le répète, ces distinctions 
génériques sont tout à fait artificielles, et destinées 
seulement à faciliter la désignation des Infusoires 
qu'on aura rencontrés dans telle ou telle infusion, et 
qui, mieux connus, pourraient même, dans cer- 
lains cas, être rapportés comme variétés à une seule 
espèce. 

Les Monadiens, se montrant des premiers dans 
presque toutes les infusions, ont été remarqués 
par tous les anciens micrographes qui, ne soup- 
çconnant pas la présence de leurs filaments flagel- 
liformes, les décrivirent comme des animalcules en 
forme de point ou de globule. Cependant Gleichen en 
vit souvent d'agglutinés par leurs appendices ou par 
leurs filaments, et il les nomma jeux de nature ; d’au- 
tres auteurs virent aussi des Monades agrésées ou 
Uvelles. Müiler placa dans son genre Aonas une de 

INFUSOIRES. 18 


27h T HISTOIRE NATURELLE 


ces Uvelles avec des vraies Monades , des Bacterium et 
des corps de nature douteuse qu A1 caractérisait seule- 
ment en cs disant penctifenmes où en forme de point ; 
d’autres Uvelles furent placées par lui dans son genre 
Volvox, ce sont les Y’olvox socialis et Volvox ava. 
Son genre Cyclidium; caractérisé par une forme circu= 
laire, contient aussi des Monadiens, ét vraïisemblable- 
ment de ceux que nous nommohs de même. Enfir son 
genre Cercaria contient des Æmphimoônas ou Cerco- 
monas dans les espèces qu’il a nommées Cercaria sibba 
et Cercaria gyrinus. 

M. Bory a réparti les Monadiens dans ses genres 
Monade , Ophtalmoplanis ; et Cyclide, de la famille 
des Monadaires ; dans son genre Uvelle, de la famille 
des Pandorinées , et dans son genre Cercaire. 

M. Ehrenberg voulut, dès 1830, appliquer aux 
Monadiens, qu'il nomme oradina,; ses principes de 
classification basés sur fa disposition de l'appareil di- 
gestif; prenant donc pour des estomacs les vacuoles 
qui se forment successivement à l’intérieur de leur 
corps, et qu'il avait vues colorées par lindigo et le 
carmin , 11 leur supposa douze à vingt estomacs pédi- 
cellés, appendus autour d’un pharynx , s’ouvrant au 
dehors par une large bouche bordée de cils. Là posi- 
tion de cette bouche supposée, lui fournissait ensuite 
des caractères distinctifs pour Pruses de ses genres ; 
mais préalablement il avait séparé comme pourvus 
de queue les deux genres Bodo et Urocentrum , dont 
le premier répond enpartieànos Ceércomones , et dont 
le second a été reporté depuis par l’auteur lui-même 
auprès des Vorticelies. La présence d’un point rouge 
qu'iläppelle un &iïl, lui servaït à séparer Le genre Mi- 
croglena , que nous croyons avoir été établi avec des 


DES INFUSOIRES. aTs 


espèces de Thécamonadiens. Restaient alors des A70- 
nadina de forme invariable, à bouche terminale et di- 
rigée en avant, c'étaient les Monas s'ils étaient tou- 
jours solitaires; les Uvella, s'ils étaient solitaires 
d’abord, puis groupés et enfin libres; des Polytoma, 
si, solitaires dans le jeune âge, ils se divisent en deux 
directions et se résolvent en un amas d'individus. 
Les Monadina à bouche droite, tronquée, dirigée en 
divers sens dans le mouvement, formaient le genre 
Doxococcus ; pour d’autres enfin, à bouche oblique 
sans bord et bilobée, était institué un genre Chilo- 
monas. 

Cet auteur, en 1833, avait déjà reconnu un filament 
flagelliforme , qu il nomme une trompe chez une de ses 
précédentes espèces de Monas ( 47. pulyisculus), dont 
il faisait dès lors un nouveau genre de Cryptomona- 
dina, sous le nom de Chlamidomonas , à cause de la 
présence d’une cuirasse; mais il persistait encore à 
attribuer à sa Monas grandis, ainsi qu’à ses autres 
espèces, une couronne de cils vibratiles. Ge ne fut que 
dans son mémoire de 1836 qu’il reconnut chez tous ces 
animaux la présence de ce qu'il nomma une trompe ; 
et dans son histoire des Infusoires , «en 14838 , il établit, 
d'après ce caractère et quelques autres, une nouvelle 
division de ses onadina, qu'l définit encore «des ami- 
maux polygastriques sans tube intestinal , sans cuirasse 
ni‘appendices, à corps uniforme. » Séparant d’abord le 
genre Bodo, caractérisé par la présence d’une queue, 
il distingue parmi les Monadina sans queue un seul 
genre Chilomonas dont la boucheestpourvuede lèvres. 
Parmi les autres quisont sans lèvres , il' fait un groupe 
de ceux qui se meuvent en nageant, etil place à part, 
dans un genre Doxococcus, ceux qui se meuvent en 

18. 


276 HISTOIRE NATURELLE 


roulant. Parmi les Monadiens nageants, il distingue 
ceux qui sont sans yeux et en forme trois genres, savoir 
les Monas , qui sont simples, les Uvella et les Poly- 
toma , qui sont agrégés ; mais ces derniers le sont par 
division spontanée , et ceux-là par réunion. Puis enfin 
de ceux qui ont les points colorés qu’il nomme des 
yeux , il fait aussi trois genres; les deux premiers, Mi- 
croglena et Phacelomonas, comprennent des animaux 
vivant isolés, mais distingués, parce que les premiers 
n'ont qu'une ou deux trompes, tandis que les seconds 
en ont plusieurs. Les [nfusoires du troisième genre 
Glenomorum , vivent agrégés. 

Jen’ai pu, dans le cours de mes observations, recon- 
naître tous les genres de cet auteur, soit que plusieurs 
des caractères aient été interprétés d'une manière trop 
différente par chacun de nous ; soit que le hasard ne 
m'ait pas fait rencontrer les mêmes objets. Je ne puis 
toutefois admettre chez aucun Monadien , l'existence 
d’une bouche, et je persiste à croire qu'elle a été sim- 
. plement déduite par M. Ehrenberg de l’introduction 
des substances colorées. Je crois que les Microglena , 
Phacelomonas, Glenomorum et Doxococcum doivent 
appartenir à une autre famille, et je ne comprends 
pas la distinction des genres Uvella et Polytoma , dis- 
tinction fondée en partie sur le mode de division spon- 
tanée des Polytoma suivant deux directions ou en croix 
que je n’ai pas eu l’occasion d'observer , et sur le grou- 
pement périodique des Uvella, que je ne veux pas 
admettre. 1] resterait donc seulement quatre genres de 
cet auteur , les Monas, Uvella, Chilomonas et Bodo 
qui pourraient être comparés avec les miens ; ce der- 
nier comprenant en partie mes //examita , Amphimo- 
nas et Cercomonas. 


* 
‘ 


DES INFUSOIRES. 971 


Quant au mode de propagation des Monadiens que 
M. Ehrenberg dit avoir lieu par division spontanée 
transverse dans huitde ses genres, et suivant deux direc- 
tions en croix dans son Polytoma, je dois avouer que je 
ne l'ai jamais vu bien nettement : il me semblerait plus 
probable que la propagation a lieu comme pour les Ami- 
bes par l'abandon d’un lobe ou de l'extrémité d’une ex- 
pansion. Je n'ai pas besoin de répéter que je n’admets 
chez ces animaux, ni bouche ni estomac ni aucun autre 
mode de nutrition que l'absorption effectuée par toute 
la surface externe ou par les vacuoles. Enfin, pour ce 
qui est des yeux et de la coloration en vert ou en rouge 
attribués par M. Ehrenberg à plusieurs de ses Mona- 
dina, je n'ai rien vu de tel, si ce n’est chez les Théca- 
nonadiens et les Eugléniens dont les points rouges ne 
m'ont pas paru mériter le nom d’yeux. 

Je voyais le filament flagelliforme des Monadiens à 
la fin de 1835, sans savoir que M. Ehrenberg avait 
déjà aperçu précédemment ce filament dans quelques 
autres types d'Infusoires , mais je le voyais bien diflé- 
remment que lui, et les notions précises que j'avais 
eues dès le principe sur la vraie longueur et sur l'ex- 
trême ténuité de ce filament , ne me permettaient pas 
d'y voir comme lui une trompe, mais simplement un 
organe de locomotion; je l'ai représenté et décrit dans 
les Annales des sciences naturelles (tom. 5, avril 1836, 
pl. 9), tel que j'ai continué à le voir depuis. 


HISTOIRE NATURELLE 


278 


“YSAHAOHINY ‘IT * * 
*VITHA() ‘OL * ” 
*“SYNONOMOIUT, ‘6 * : 
*YLINOUTLIH ‘Q { 
*FLINYXIN ‘L 
*SYNOKOSAUL, ‘9 {. 


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LA 


-10$eç juowuey 9j eub juiod owgu np quejaed juauwue]y PU02as uf] 


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* * * * “ain daque 


g1191X0 [ 9P SQUANOJUOI S9]SUE SO] JUEUTUIIY xne$9 SJU9WE]IF XN2P 


esse ess: + einonosod sorpuodde no queue} PUO2es un 


+ + + “inôtioque Juowesuo|oad Un P 9191IE U9 “quawonbrqo jueyaed 
lourroyt[[28 et 


*KAIQTIDAT) *G ‘9 ‘ | 
D‘ ‘onmmuonxs] 8 apu$e ‘oseq us e opteugo sed snjd\, aanougque or 


*SYNOIN ‘1 


* CCC CC ‘mans uot es 97u0} suvp anse 


-947x9, op JuvJied 


‘soorpuedde no 
SJUSWELI SANS] 


Juoawuely ques un 


‘SATOSI SNHIGYNOIN 


DES INFUSOIRES. 279 


1" Genre. MONADE. — Monas, 


An. nus, de forme arrondie ou oblongue; de forme va- 
riable, sans expansions, et avec un seul filament flagel- 
liforme. — Mouvement un peu vacillant. 


Ainsi que je l'ai dit précédemment, il est impossible de 
rapporter avec certitude les Monades, telles que nous les 
connaissons aujourd'hui , aux espèces décrites par Müller 
ou par M. Bory ; la même observation s'applique à la plupart 
des 26 espèces décrites ou plutôt indiquées par M. Ehren- 
berg dans son dernier ouvrage, et dont plusieurs avaient été 
précédemment rapportées par lui à divers autres genres (1). 
Cela tient à ce que beaucoup de ses Monades n’ont été vues 
par lui qu’une seule fois dans ses voyages , et surtout à ce 
qu'il regarde leur forme comme tout à fait invariable, et 
devant offrir un caractère distinctif absolu , tandis que je 
regarde au contraire cette forme comme plus ou moins va- 


(1) Des vingt-six espèces de Monades de M. Ehrenberg, cinq seulement 
sont représentées dans l'ouvrage de cet auteur (Die Infusionsthierchen), 
avec une trompe, longue à peine comme le corps, les vingt-une autres 
sont représentées simplement à un grossissement de 290 fois , ou 300 ou 
450 fois comme de petits ovales irréguliers sans aucun détail; et si quel- 
ques figures sont faites a un grossissement de 525 et S0oo fois, elles n'ex- 
priment rien de plus; or, je le demande, pourrait-on songer aujour- 
d'hui à établir sérieusement une comparaison quelconque avec ces petits 
ovales dessinés à la hâte et avec un microscope imparfait, en 1828, pen- 
dant le voyage de l'auteur en Égypte et en Libye, et donnés aujourd'hui 
pour représenter les Monas simplex (fig. 23, PI. 1), M. inanis (fig. 24), 
M. scintillans (fig. 25) ou même avec les figures non moins simples 
représentant les prétendues espèces observées pendant une course ra- 
pide à travers l'Asie septentrionale, telles que les A. Kolpoda (fig. 10), 
M. umbra (fig. 12), M. ovalis (fig. 15), M. cylindrica (fig. 18), M. 
erubescens (fig. 8), M. hyalina (fig. 13)? Plusieurs des Monades dé- 
crites et figurées par l’auteur à Berlin même , et avec ses moyens actuels 
d'observation, ne seront assurément pas plus reconnaissables ; telles sont 
le Monas crepusculum (PI. 1, fig. 1) qui, dit-il, est hyalin, globuleux, 
agile et carnivore, long de 0,0022, et qu'il représente par de petits 
ovales d’un millimètre environs; le Monas ochracea (fig. ”), long de 


280 HISTOIRE NATURELLE 


riable. Il divise ses 26 espèces en Sphéromonades ou 
Monades globuleuses, et en Rhabdomonades ou Monades 
allongées , puis il subdivise encore les premières en Monades 
ponctiformes incolores ou verdâtres, ou jaunâtres, ou rou- 
seûtres , et en Monades oviformes qui sont ou ne sont pas 
échancrées ; et parmi ses Rhabdomonades , il distingue celles 
qui sont cylindriques, incolores ou rouges, celles qui sont 
coniques, verdâtres ou incolores , et enfin celles qui sont 
en forme de toupie et fusiformes ; mais je n’ai pu appliquer 
aucune de ces distinctions aux Monades que j’ai observées. 


1. MonanE LENTILLE.— Monas lens. P]. III, fig. 5, et PI. IV, fig. 7. 


Corps arrondi ou discoïde , tuberculeux. — Largeur de 0,005 
à 0,044. 


Cette espèce, l’une de celles qu'on rencontre le plus fréquem- 
ment dans les infusions animales on végétales , a été vue par tous 
les anciens micrographes qui l'ont indiquée sous la forme d'un 


0,0045 , globuleux, de couleur d'ocre , et qu'il se borne à représenter 
grossi 290 fois sous la forme de petits ovales irréguliers, et même le AZ. 
vinosa , que sa couleur de vin rouge ne fera pas mieux reconnaitre, je 
crois. Une seule espèce observée par lui dans une infusion d'ortie dioi- 
que paraît avoir fixé davantage son attention; il la représenteraux 
grossissements de 290, 820 et 2000 diamètres, mais cela même , bien 
loin de prouver que ce soit une Monade, doit faire penser que c'est 
toute autre chose ; en effet, comme les Bactérium, cette espèce se pré- 
sente sous la forme de particules ovoïdes , oblongues, assemblées par 
deux ou par quatre en ligne droite, et d'ailleurs, à ce grossissement 
énorme de 2000 , elle ne montre aucune apparence de trompe ou de 
filament flagelliforme. 

Quant aux espèces représentées avec un filament, la première, Monas 
termo (fig. 2), quoique grossie 820 fois, n'est encore exprimée que par 
un petit ovale long de deux millimètres avec deux points colorés à l'in- 
térieur et une petite ligne noire en manière de queue; elle n'est done 
nullement comparable ; une autre , Monas grandis, représentée dans 
une figure avec une trompe épaisse courte et pointue, est représentée 
dans plusieurs autres a-ec une couronne de cils et une bouche appa- 
rente; une troisième, Monas guttula (fig. 3) , est représentée au con- 
traire par une figure gigantesque tou à fait idéale. 


DES INFUSOIRES. 281 


point ou d'un globule qui se meut lentement et en vacillant. Un 
bon microscope fait voir que ce globule est formé d'une sub- 
stance homogène, transparente, renflée en nodules ou en tu- 
bercules à sa surface, et émettant obliquement un filament flagel- 
liforme, trois, quatre ou même cinq fois aussi long que le corps, 
agité dans toute son étendue ou seulement un peu plus roide à 
sa base, et infléchi en arc de cercle. 

Je l'ai vue surtout bien développée dans le liquide où plongeait 
depuis huit jours pour une expérience d'endosmose un tube de 
verre fermé par de la vessie de cochon et rempli d’eau sucrée ; 
son diamètre était de 0,013 , 0,015 et même 0,017, c'étaient les 
plus volumineuses qui offraient un filament plus roide à la base 
et un mouvement plus régulier. 

Je l'ai étudiée et mesurée avec soin dans une vieille infusion 
où avaient vécu depuis trois mois plusieurs autres Infusoires ; elle 
était large de 0,0125 , et son filament grossi 460 fois paraissait 
à sa base aussi gros qu'un cheveu de 0,058 vu à l'œil nu, ce qui 
fait pour la grosseur réelle 6,0001 26. 

J'ai vu des Monas lens, que je crois pouvoir regarder comme 
tous d’une même espèce , 1° dans une eau de lavage de diverses 
Algues marines avec de l’eau douce; elles avaient de 0,008 à 0,010; 
2° dans une vieille infusion de mousse; elles étaient ovoïdes, 
granuleuses, longues de o,o11 , et larges de 0,0097; leur filament 
était sensiblement plus épais à sa base; 3° dans une infusion de 
gélatine avec l’eau de mer, préparée depuis dix jours, le 12 fé- 
vrier 1836 ; elles étaient discoïdes , larges de 0,007 avec un fila- 
ment bien visible, roide et arqué à sa base ; 4° dans une infusion 
de gélatine avec oxyde de manganèse laissée à l’air depuis trois, 
mois , le 20 novembre 1836, elles avaient 0,015 ; avec elles wi- 
vaient des Euglènes et des Xerona pustulata ; 4° dans une in- 
fusion de chair crue, au bout de deux mois; elles étaient larges de 
0,00 ; 5° dans une infusion de chair avec du sel ammoniac ; ces 
Monades , au bout de dix-huit jours, n'avaient que 0,006 , au bout 
de deux mois il y en avait de 0,009, l'odeur était très - fétide ; 
6° dans une infusion de chair et de nitrate d'ammoniaque; ces 
Monades, largesde 0,006, s'y trouvaient abondamment le dix-hui- 
tième jour avec le F’ibrio lineola et le Vibrio serpens ; quarante 
jours après, ces mêmes Monades, encore très-nombreuses, n’a- 
vaient pas sensiblement grandi, l'odeur était faible et comme 
ammoniacale ; 5° dans nne infusion de gélatine avec addition 


282 HISTOIRE NATURELLE 


d'iode préparée depuis douze jours; le 24 août 1836, les Mo- 
nades, longues de 0,010 à 0,012, s’y étaient développées avec des 
Enchelys et des Bactérium ; 8° diverses infusions de sucre de 
réglisse avec addition de réactifs chimiques, m'ont offert des 
Monas lens en abondance, mais ces Monades montraient une 
tendance manifeste à s'allonger et à s’étirer comme les Cerco- 
manas; 9° une infusion de racine de réglisse avec du phos- 
phate de soude était recouverte le dixième jour (11 février 1836), 
d'une pellicule blanche , formée de Bactérium et de Monas lens, 
discoïdes , larges de 0,007. Les mêmes Monades se sont présen- 
tées dans d'autres infusions de la même racine, dans lesquelles le 
sulfate de soude ou le nitrate de potasse remplacait le premier sel; 
10° lesinfusions de poivre, de persil, de pain, de collede farine, ete, 
m'ont presque toujours fourni également des Monades lens, de 
0,006 à 0,008. | 


1 “ MONADE concaAvE. — ÂMonas concava. 


Corps circulaire, concave d'un côté, aminci au centre, et 
renflé aux bords. — Largeur 0,0425. 


Cette Monade , que j'observais au mois de février, à Toulouse, 
dans de l'eau de marais conservée depuis trois mois, pourrait 
bien être simplement une variété de la Monas lens; elle était 
notablement conçcave d’un côté et convexe de l’autre ; son fila- 
ment, très-délié, s’agitait dans toute sa longueur. 


2. MonADE czoguze. — Monas globulus. — PI. IV, fig. 8. 


Corps globuleux, de forme presque constante. — Filament 
naissant d’un amincissement antérieur. — Longueur de 0,009 à 
0,044. — Marin. 


J'ai trouvé dans l'eau de mer, à Cette, le 12 mars 1840, cet 
Infusoire qui paraît bien différent du Monas lens par sa forme 
plus globuleuse et par l'absence des nodosités de sa surface. 


3. MoNADE ALLONGÉE. — Monas elongata, P1. TI], fig. 13. 


Corps allongé , noduleux , flexible et de forme variable. — Long 
de 0,02. — Filament long de 0,04, épais de 0,0002 à sa base. 


Cette espèce , fournie par les eaux de marais conservées depuis 


DES INFUSOIRES, 283 


deux mois dans des bocaux et putréfiées, serait une Péranême si 
l'an pouvait y reconnaître un tégument contractile , mais au con- 
traire elle ne montre qu'une substance homogène, creusée de 
vacuoles et renflée à sa surface en nodules qui forment quelque- 
fois des rangées presque régulières. 


4. MONADE ATTÉNUÉE. — Monas attenuata, — PI, III, fig. 12. 


Corps ovoïde , rétréci aux deux extrémités, noduleux, inégal 
et creusé de vacuoles. Filament naissant du rétrécissement an- 
térieur. — Long. 0,016. 


Cette Monade, qui serait à réunir aux Cercomonas si le pro- 
longement postérieur était susceptible de s'allonger, paraït au 
contraire être de forme peu variable et constamment rétrécie aux 
extrémités; les vacuoles qu'elle contient sont très-grandes et bien 
distinctes. Son filament est plus épais à la base et bien visible, 
elle se trouve dans l'eau de marais conservée et pourrie. 


5. MonanE OBLONGUE. — Monas oblonga. 


Corps ovoïde, oblong, inégal, tuberculeux et creusé de va- 
cuoles. — Long. de 0,0074 à 0,0164. 


J'ai trouvé des Monades oblongues que je crois identiques, 
10 le 2r février 1836 dans une infusion de coque-du-Levant pré- 
parée le 25 décembre; elles étaient longues de 0,0118 à 0,0164, 
et montraientun filament bien visible ; cette infusion était fétide, 
mais sans saveur; 2° en février 1838, dans divers flacons où je 
conservais depuis plusieurs mois de l’eau et des herbes de l'étang 
de Meudon ; les unes, plus petites et moins noduleuses, étaient 
larges de 0,003 et longues de 0,0074, leur filament était assez 
épais à la base; les autres étaient plus grandes (0,015), creusées 
de grandes vacuoles et noduleuses. 


6. Monane NouEusE. — Monas nodosa, — Pi. IV, fig. 9. 


Corps oblong , irrégulier , noueux, rétréci en arrière, tronqué 
en avant. Filament naissant au milieu de la troncature. — Long. 
0,0145. — Marin. 


J'observais cette Monade dans l’eau de mer gardée depuis cinq 
jours à Cette, le ro mars. 


284. HISTOIRE NATURELLE 


7. MoNaDE 80ssuE.—Monas gibbosa. 


Corps oblong , anguleux, irrégulièrement renflé et bossu ; le 
filament naissant ordinairement de l’amincissement antérieur du 
corps. — Longueur 0,01. 


Dans une infusion de gélatine et de nitrate d'ammoniaque du 
26 décembre, je voyais, dix-huit jours après, et pendant les deux 
mois suivants, des Monades d'une forme très-irrégulière entre- 
mêlées de Monas lens dont on aurait pu les croire de simples 
variétés ; les unes étaient rétrécies en arrière, d’autres l’étaient 
aux deux extrémités , et d’autres en avant, tandis qu'il y en avait 
d'oblongues et de presque carrées avec les angles arrondis ; mais 
toutes présentaient des gibbosités plus ou moins prononcées, et 
leur filament naissait évidemment d’un rétrécissement du corps. 
L'infusion n'était nullement fétide. — J'ai revu des Monades 
semblables , le 24 août 1836 , dans une infusion de gélatine pré- 
parée depuis dix jours, et dans laquelle j'avais mis des Cypris, 
dont quelques-unes vivaient encore malgré la fétidité du liquide. 


8. MONADE vVaRIAPLE, — Monas varians. 


Corps oblong, plus étroit en avant , très-mou et changeant de 
forme incessamment. — Longueur 0,032 à 0,04. 


J'observais, le 18 novembre 1538, dans de l’eau prise huit jours 
auparavant dans une ornière au nord de Paris, cet Infusoire qui 
par ses changements de forme continuels se rapproche beaucoup 
des Péranêmes , mais qui n'ofire aucune trace de tégument, et 
paraît au contraire formé d'une substance glutineuse très-molle. 


g. MONADE INTESTINALE. — Monas intestinalis. 


Corps très-allongé, de forme incessamment variable ou arrondi 
à une extrémité et s’amincissant peu à peu pour se terminer en 
un long filament à l’autre extrémité. Mouvement d’ondulation sur 
tout le contour. — Long. 0,047. 


Dans les excréments d’un Triton palmipes que je nourrissais de 
Lombrics depuis le #1 mars, j'ai trouvé abondamment , le 8 avril 


DES INFUSOIRES. 285 


si 


1838, des Monades allongées et trés-remarquables par ies chan- 
gements continuels de forme que présentait leur corps qui s'agi- 
tait tout entier d'un mouvement ondulatoire sur ses bords, le 
filament qui terminait l'amnincissement d'une des extrémités était 
bien visible, mais je ne puis le nommer filament antérieur, 
parce que le mouvement était très-irrégulier, etque j'ai cru avoir 
apercu un filament beaucoup plus délié à l’autre extrémité. Si 
celte observation était vérifiée, cet Infusoire serait un Cerco- 
monas ; dans tous les cas, je crois que c’est une des espèces de 
Bodo, indiquées par M. Ehrenberg comme se trouvant dans 
l'intestin des grenouilles. 


* MonaoE rLUIDE. — Honas fluida.— P], 1V, fig. 10. 


Corps mou, demi- fluide, de forme variable, irrégulièrement 
ovoïde , quelquefois rétréci eni arrière, creusé de larges vacuoles. 
SE — Long. 6,04: 


Cette Monade, qui peut-être n’est qu'une variété de la Monace 
variable, m'a paru bien remarquable en raison de ses larges va- 
cuoles dans lesquelles avec de l'eau se trouvent engagés des cor- 
puscules étrangers, tres-nombreux, qu'on voit agités vivement du 
mouvement Brownien. Cette agitation des corpuscules ainsi em- 
prisonnés, pourrait au premier instant être regardée comme un 
phénomène vital propre à la Monade; mais en y réfléchissant et 
en comparant ces corpuscules à ceux qui flottent dans le liquide 
ou qui reposent au fond, on reconnaît que ce sont bien les 
mêmes ; et qu'ils ont élé renfermés dans le corps de l’Infusoire 
pendant que l’animal rampait au fond, à la manière des Amibes, 
ou nageait au milieu en changeant de forme. 


10. MONADE RESSERRÉE.—/Monas constricta. 


Corps allongé , quatre ou cinq fois plus long que large , resserré, 
et souvent comme étranglé au milieu. — Longueur, 0,02, 


Le 14 août 1836, j'avais préparé une infusion de gélatine avec 
du chlorate de potasse, et j'y avais mis des Cypris et des Oscil- 
laires qui continuérent à y vivre pendant quelque temps. Le 


# 


24 août, j'y trouvai un grand nombre de ces Monades allongées , 


286 HISTOIRE NATURELLE 

dont plusieurs offraient au milieu un étranglement bien prononcé; 
elles se rapprochent beaucoup de certains Cercomonas, maïs leur 
corps est épais et arrondi en arrière, au lieu d'être étiré et pro- 
longé en queue ; c’est d'ailleurs une nouvelle preuve de la varia- 
büité des Monadiens et de l'impossibilité d'établir pour ces ani- 
maux, d'autres divisions que des genres provisoires. 


*® MonanE vERTE. — Monas viridis. 


Je trouve dans mes notes le dessin d'une Monade verte globu- 
leuse munie d’un seul filament, mais j'aurais besoin de revoir cet 
Infusoire pour m'assurer que ce ne doit pas être un Thécamo- 
nadien. 


CYCLIDE. — Cyclidium. 


Corps discoïde, déprimé ou lamelliforme , peu variable, 
avec un filament plus épais ét roide à la base, agité seu- 
lement à l'extrémité. 


Ce genre est encore artificiel et en quelque sorte provi- 
soire; en effet les vraies Monades, quand ‘elles ont acquis 
tout leur développement, peuvent avoir un filament plus 
épais à la basé; d'un autre côté, le caractère d’avoir le 
corps de forme constante, pourrait provenir dans certains 
cas de la présence d’ün tégument, et alors ce serait à la 
famille des Thécamonadiens qu’ils devraient être re- 
portés. 


1. Grove nopuLEUx.—Cyclidium nodulosur. 


Corps plat, discoïide, avec des séries de nodules et des va- 
cuoles. — Mouvement extrêmement lent. — Longueur 0,048. 


Observé le 28 décembre dans de l’eau de Seine gardée depuis 
l'été avec des Wyriophyllum. 
2. CYGLine coupé. — Cyclidium abscissum. — PI. IV, fig. 11. 


Corps membraneux, lamelliforme , ovale , tronqué en arrière, 
filament roide , mouvement lent , régulier. — Long. 0,0275. 


Observéle 28 décembre dans l'eau de Seine gardée depuis l'été. 


DES INFUSOIRES. 387 


3. Crouine épais. — Cyclidium crassum, — VA. AI, f. 8. 


Corps ovale , épais et arrondi sur les bords; filament épaissi à 
sa base et un peu sinueux. Mouvement plus vif en zigzAg. — Lon- 
gueur 0,014. 


Dans l’eau d’une ornière au nord de Paris, le 11 novembre 
1838. Le filament est long de 0/04 et épais de 0,0005 à sa base. 


4 CYCLIDE CONTOURNÉE. — Cyclidium distortum. — PI. IV, fig. 12° 


Corps ovale, plat, noduleux , et irrégulièrement contourné ave 
avec un rebord renflé. — Longueur, 0,014 à 0,023. 


Cet Infusoire, qui n’est peut-être qu’un degré de développement 
des Mônas lens, se trouvait dans l’eau de Seine gardée depuis trois 
mois, et dans jaquelle étaient morts divers Zoophytes'et Systolides. 
Lorsqu'il est jeune, il a la forme d'un disque à bord renflé nodu- 
leux ; mais quand il est plus grand , il se contourne sur lui-même, 
et son mouvement devient alors irrégulier. Quelques individus 
offraient un certain rapport de forme avec les Trepomonas, ce 
qui tend à faire penser, comme je l'ai déjà dit, que la plupart de 
ces Monadiens pourraient être des modifications d'un ou de plu- 
sieurs types. 


3° GENRE. CERCOMONAS.— Cercomonas. 


An. arrondi ou discoïde , tuberculeux, avec un prolon- 
gement postérieur variable, en forme de queue, plus ou 
moins long , plus ou moins filiforme. 


Les Gercomonas ne différent absolument des Monades que 
par.un prolongement postérieur, formé par la substance 
même du corps qui s’agglutine au porte-objet, et s'étire 
plus où moins, de manière à n'être tantôt qu’un tubercule 
aminci, tantôt une queue allongée transparente, tantôt en- 
fin un filament presque aussi fin que le filament antérieur, 
et susceptible d’un mouvement ondulatoire ; mais bien sou - 
vent j'ai cru voir les Monades passer par degrés à Pétat de 
Cercomonas. 


2885 HISTOIRE NATURELLE 


1. CERCOMONAS ÉTIREE. — Cercomonas detracta. 


Corps discoïde ou oblong, granuleux, à queue épaisse. — 
Long. 0,0086 à 0,013 sans la queue et jusqu'à 0,020 avec la queue. 


Je l'ai observée, du 16 au 20 janvier 1836, dans une infusion 
préparée le 0 décembre avec le contenu des vésicules séminales 
du Cobaïe et beaucoup d'eau. Le filament flagelliforme avait plus 
de 0,02 et le prolongement caudiforme égalait quelquefois le 
diamètre du corps. Dans la même infusion avaient paru d'abord 
des Vibrio lincola puis des Monas lens, et plus tard des 4miba 
Gleichenit s'étaient développées avec les Cercomonas. 

Une infusion de foin préparée le 24 décembre 1835, me mon- 
trait déjà, le » et le 5 janvier, des Cercomonas dela même espèce, 
quoique beaucoup plus grandes; leur corps était couvertde no- 
dosités et souvent creusé de vacuoles ; leur filament avait de 0,02 
à 0,03 de longueur ; au grossissement de 300 diamètres ; il parais- 
sait aussi épais qu'un cheveu de 0,07 vu à l'œil nu, ce qui porte 
sa grosseur réelie à 0,00023. 

Une infusion de gomme avec du carbonate de soude, m'a 
offert, le auarante-cinquième jour , un Cercomonas de cette 
espèce long de o,o10 à 0,014, dont la quene épaisse, peu con- 
tractile, oscillait par suite du balancement du corps. 


2. CERCOMONAS A QUEUE ÉPAIssE, — Cercomonas crassicauda. — 
PA Her. 


Corps allongé, noduleux, flexible et de forme variable, plus 
ou moins aminel postérieurement en manière de queue. — Lon- 
gueur de 0,006 à 0,010. 


J'observais au mois de janvier cet Infusoire dans le liquide où 
était plongé depuis six jours un tube de verre fermé avec de da 
vessie de cochon et rempli d’eau sucrée pour des expériences 
d’endosmose ; en même temps il y avait beaucoup de HMonas lens 
qui paraissaient susceptibles de s’allonger pour prendre la forme 
des Cercomonas. 

Dans une infusion de gomme avec de l’oxalate d'ammoniaque 
et de Ja limaille de fer, il s'était développé, au bout de trente ou 
quarante-cinq jours, des Monades de 0,007 qui s’allongeaient jus- 


DES INFUSOIRES. 289 


qu'à 0,010 et 0,014, en se fixant par leur partie postérieure et 
s'étirant de manière à présenter une longue queue contractile, qui 
après s'être détachée se raccourcissait peu à peu et finissait par dis- 
paraître; le corps était noduleux, moins transparent. 

Une infusion de sucre de réglisse avec du sulfite de soude, 
s'était couverte d'une pellicule blanche, et répandait une odeur 
fétide ; le quatrième jour (6 février) , elle contenait déjà des Mo- 
nades arrondies de 0,006, qui le 8 étaient plus grosses, et pour la 
plupart s'allongeaient jusqu'à 0,010 en prenant la forme des Cer- 
comonas à queue épaisse. 

L’infusion de chenevis broye m'a présenté cette mème espèce 
au bout de dix jours en hiver; sa longueur variait de 0,009 à 
0,011. 


3. CERCOMONAS VERTE. — Cercomonas viridis. 


Corps ovoïde, oblong , tuberculeux, verdâtre, prolongé pos- 
térieurement en une queue plus ou moins amincie, ou en un lobe 
arrondi, Ou en uneexpansion spatulée, diaphane. Longueur 0,048. 


Elle était très-abondante dans de l’eau de Seine conservée de- 
puis huit jours avec des herbes et divers animaux; sa couleur 
verte la distingue de toutes les autres espèces. 


4. CERCOMONAS LARME. — Cercomonas lacryma. — PI, 1V, fig. 17. 


Corps globuleux inégal, prolongé en une longue queue flexueuse. 
— Longueur du corps, 0,005 à 0,009. — Longueur de la queue, 
0,010. — Longueur du filament, 0,035. 


Il se trouvait abondamment, le 24 décembre 1838, dans une 
infusion de gélatine avec nitrate d'ammoniaque, préparée le 
26 décembre 1835, et qui avait été réduite par l'évaporation à 
la douzième partie du volume primitif ; c'était alors un liquide 
brunâtre, limpide , sans saveur et sans odeur. 


5. CErcomonwaAs ACUMINÉE.— Cercomonas acuminata.—P]. Il], fig. 10, 
et PI. IV, fig. 20. 


Corps globuleux ou ovoïde, aminci postérieurement en une 
queue courte terminée en fil très-fin. — Long. de 0,01 à 0,014. 
Cet Infusoire était le 25 janvier dans de l’eau douce qui, un 
INFUSOIRES. 19 


290 HISTOIRE NATURELLE 


mois auparavant, avait servi au lavage et à la macération d’une 
grande quantité d'Algues marines sèches, et qui s'était putréfiée. 
—J'ai vu, le 14 mars 1838 , un Infusoire semblable, quoique plus 
petit, o,0066, dans une vieille infusion de gélatine et de sel am- 
moniac. — Dans une infusion de chair crue préparée depuis deux 
mois, j'ai vu ce même Infusoire long de 0,0085 à 0,010, le 16 jan- 
vier, avec des Monas lens qui paraissaient être le même ani- 
mal plus ou moins développé ; le 22 février, ces Monades avaient 
de largeur o,o1. 


6. CEncomonas GLOBULE. — Cercomonas globulus. — PI, IV, fig. 16. 


Corps globuleux avec deux filaments opposés deux ou trois fois 
aussi longs ; l’antérieur plus vivement agité. — Longueur de 0,041 
à 0,042. 


J'ai observé plusieurs fois cet Infusoire que je crois bien distinct, 
dans des eaux de marais longtemps conservées; son corps globu- 
leux , creusé de vacuoles, est couvert de tubercules peu saillants, 
ses filaments prennent naissance d'un amincissement du corps, 
l'antérieur est plus délié, le postérieur est plus roide. 


6. CERCOMONAS À LONGUE QUEUE, — Cercomonas longicauda. 


Corps fusiforme flexible, terminé en arrière par un long filament 
très-dlélié, flexueux, en forme de queue. — Longueur du corps 
de 0,008 à 0,009. — Queue longue de 0,015. — Filament flagelli- 
forme très-délié, long de 0,05 à 0,02. 


Elle vivait, au mois de mars 1838, dans une vieille infusion de 
racine de réglisse et de cyanoferrure de potassium, préparée deux 
ans auparavant et réduite par l'évaporation au tiers de son vo- 
Jume primitif. 

Je l'ai vue aussi, le 24 août 1836, dans une infusion préparée le 
25 décembre 1835, avec de la gomme. de l'acide oxalique et du 
peroxyde de manganèse, et réduite, par l'évaporation, à la sixième 
partie de son volume. 

L'infusion de pomme de terre crue m'a présenté au bout de 
huit jours en hiver, et pendant les deux mois suivants , des Cer- 
comonas semblables aux précédentes, mais ayant la queue moins 
flexueuse et le mouvement plus lent et plus uniforme. 


DES INFUSOIRES. 291 


*, Cencomonas rustroRME.— Cercomonas fusiformis.—FPl]. IV, fig. 21. 


Corps renflé au milieu , rétréci en avant et prolongé en arrière 
en une longue queue amincie. — Longueur, 0,014 sans la queue. 


Dans une infusion de mousse, 


7. CERCOMONAS cyLixpRiQuE. — Cercomonas cylindrica. — PI. IV, 


fig. 19. 


Corps cylindrique allongé, rétréci postérieurement et terminé 
par une longue queue droite très-mince. — Longueur du corps 
0,010.— Largeur, 0,0025 à 0,0053.—Longueur de la queue, 0,10. 


Dans une vieille infusion de mousse, ie 2 février 1836. 


8. CErcomMoNAs TROoNQUÉE. — Cercomonas truncata. — PI]. IT, fig. 7. 


Corps aminci en arrière, tronqué en avant avec un filament 
partant de l’un des angles de la troncature , et l’autre angle plus 
ou moins prolongé en lobe. Long. de 0,0085 à 0,0140. 


Cet Infusoire, dont la queue paraît se fixer comme un pédi- 
cule , ce qui donne lieu à un mouvement vif de balancement 
jusqu'à ce que cette adhérence ait cessé, se trouvait abondam- 
ment, le 11 février, dansune infusion préparée depuis dix jours 
avec 1 gr. de gélatine, 1 gr. de phosphate de soude et 75 gr. 
d'eau, et répandant une odeur félide. Avec lui se trouvaient 
beaucoup de Monades arrondies, larges de 0,006 qui paraissaient 
susceptibles de s’étirer pour devenir autant de Cercomonas. Si 
j'avais pu apercevoir un second filament à l’angle latéral, j'aurais 
regardé cette espèce comme identique avec l’4mphimonas cau- 
data. 

Dans une infusion de gomme avec du nitrate de potasse, pré- 
parée le 12 janvier 1836, je voyaisle 28 février un grand nombre 
de Cercomonas tronquées, longues de 0,015, de forme variable, les 
unes insensiblement amincies en arricre, les autres avec une queuc 
brusquement rétrécie, quelques-unes plus étroites en avant ou 
arrondies , etc. 

Une autre infusion de gomme avec du nitrate d'urée et de la 


19. 


292 HISTOIRE NATURELLE 


limaille de fer, avait pris au bout de quarante-quatre jours une 
couleur rouge et une odeur ammoniacale, mais sa saveur était 
nulle ; elle contenait des Monades de 0,0054 susceptibles de s'al- 
longer jusqu'à 0,01, et quinze jours plus tard il y avait des Cer- 
comonas tronquées longues de 0,014. 


9. CERCOMONAS LOBÉE, — Cercomonas lobata. — PI. 111, f. 6. 


Corps de forme variable , tuberculeux, portant un filament fla- 
celliforme à l'extrémité d'un lobe antérieur et émettant un ou 
deux autres lobes ou bras. — Longueur de 0,008 à 0,047. 


J'ai vu cet Infusoire au bout de dix jours, le 12 février, dans 
une infusion préparée avec 3 gr. de gélatine , 0,83 de sel marin, 
0,83 d'oxalate d'ammoniaque , 0,83 de phosphate d'ammoniaque 
ét de soude et ;5 gr. d’eau. 11 présentait les formes les plus 
variées , et sans son filament locomoteur , on l’eüt pris pour une 
Amibe ; le plus grand nombre cependant avaient le prolonge- 
ment caudiforme des Cercomonas , mais ils se distinguaient tous 
parce que le filament partait de l'extrémité d'un lobe antérieur. 

Un autre Infusoire qui pourrait être rapporté à cette espèce 
s’est développé au bout de huit jours dans de l’eau où avaient été 
lavées et macérées des Algues marines sèches, sa longueur était 
de 0,01 , il émettait latéralement en nageant des prolongements 
variables comme ceux des Amibes. 


4° Genre AMPHIMONAS. — Amphimonas. 


An. de forme irrégulière variable, ayant au moins deux 
filaments, dont un antérieur et l’autre latéral, naissant 
d’un amincissement du corps, ou tous deux latéraux, avec 
ou sans prolongement caudiforme. 


On ne doit voir dans ce genre, comme dans le précédent, 
qu'une distinction artificielle pour aider à désigner certaines 
formes de Monadiens qui, bien loin d’être rigoureusement 
Jimitces, paraissent paster les unes aux autres. 


DES INFUSOIRES. 293 


1. AMPHIMONAS VARIE. — Æmphimonas dispar. — PI. li, fig. 9. 


Corps oblong , de forme très-variable , rétréci indifféremment à 
une de ses extrémités, ou prolongé latéralement en deux filaments, 
ou présentant ses deux filaments rapprochés à l'extrémité anté- 
rieurc, mouvement vif de tremblottement—Long. 0,0066 à 0,0092. 


Une infusion de racine de réglisse avec du sulfate de soude pré- 
parée depuis deux ans et réduite au tiers de son volume par l'éva- 
poration spontanée, m'offrait le 19 mars 1838, un grand nom- 
bre de ces Infusoires des formes les plus variées et qui changeaient 
de forme à chaque instant, en s'agitant vivement dans le liquide. 
Les deux filaments étaient semblables, leur longueur était de 
0,018 à 0,025. 


2. AMPHIMONAS A QUEUE.— Amphimonas caudata. (1}—P1. VII, fig. s. 


Corps de forme très-variable ordinairement déprimé , tubercu- 
leux, convexe d’un côté, anguleux du côté opposé, avec un fila- 
ment partant du sommet de chaque angle.—Long. 0,042 à 0,020. 


Cette espèce, qui me paraît pouvoir être rapportée à la Cercaria 
gibba de Müller, ou au Bodo saltans de M. Ehrenberg, s'était dé- 
veloppée en quantité considérable, le 12 janvier 1836, dans une 
infusion préparée le 26 décembre avec 1 gr. de gélatine et 0,66 
d'oxalate d'ammoniaque dans 128 gr. d'eau, et répandant une 
odeur faible de fraises pourries ; sa forme était très-variable; quel- 
quefois c'était un triangle irrégulier ayant un de ses côtés en arc 
convexe et les deux autres en arc concave, ou bien c'était la figure 
d'une virgule ou d'une spathule, etc. Mais dans tous les cas, je 
voyais bien nettement deux filaments flagelliformes, l'un à l'angle 
antérieur , l’autre terminant l'angle latéral dont il semblait être 
le prolongement. Le prolongement caudiforme , tantôt obtus, tan- 
tôt aminci et plus étiré, m'a paru susceptible de devenir aussi un 
troisième filament, souvent il s'agglutine à Ja plaque de verre du 
porte-objet , et c'est précisément alors qu'il s'étire davantage ; le 


(1) Voyez Annales des Sciences naturelles , avril 1836, PI. 9, fig. G. 
Cercaria gibba ? Müller, PI. XVII, fig, 2. 
Bodo saltans? Ehr, Inf, PI 11, fig. 11. 


29%. HISTOIRE NATURELLE 


mouvement simultané des deux filaments donne à l'animal un 
mouvement saccadé tout particulier. 


* AMPHIMONAS A ras. — Æmphimonas brachiata, — PI. IV, fig. 10. * 


Jé signale sous ce nom un Monadien que je n'ai rencontré 
qu'une seule fois en 1839 , dans une eau de marais conservée de- 
puis longtemps; il paraît être le résultat de quelque mutilation 
ou de quelque altération de forme , mais, par cela même, il doit 
mieux faire comprendre la vraie nature des diverses expansions. 
Cet Infusoire était formé d'une masse ovoïde ou pyriforme de 
substance glutineuse remplie de granules, et émettant de son 
extrémité antérieure plus étroite, un filament flexueux simple et 
un lobe variable renflé et palmé, d’où partaient deux autres fila- 
ments agités d'un mouvement ondulatoire : il se mouvait par 
saccades et en tournoyant. Le lobe latéral qui changeait de forme 
à chaque instant était évidemment analogue aux expansions des 
Amibes, et les filaments eux-mêmes étaient des prolongements 
de ce lobe, 


5° GENRE. TREPOMONAS. — Trepomonas. 


An. à corps comprimé plus épais et arrondi en arrière, 
contourné en ayant en deux lobes amincis, infléchis laté- 
ralement, et terminés chacun par un filament flagelli- 
forme , d'où résulte un mouvement de rotation très-vif et 
saccadé. 


Les Trepomonas, quoique très-communs dans toutes les 
eaux de marais conservées avec des herbes et déjà putréfices, 
sont de tous les Monadiens, les plus difliciles à bien con- 
naître , à cause de l’irrégularité de leur forme et de la rapi- 
dité de leurs mouvements. Aussi j'ai plutôt aperçu que je n’ai 
réellement vu leurs filaments flagelliformes , et j'ai vaine- 
ment essayé bien des fois de les dessiner exactement, 


1. TREPOMONAS AGILE. — Trepomonas agilis. — PI, III, fig. 14. 


Corps granuleux , inégal. — Long. de 0,022. 
Dans les eaux de marais putréfiées. 


DES INFUSOIRES. 3295 


6 Genre. CHILOMONAS. — Chilomonas. 


An. à corps ovoïde oblong, obliquement échancré en 
avant, et portant obliquement en avant un filament très- 
délié qui naît du fond de l’échancrure. — Mouvement en 
tournant d'avant en arrière sur son centre. 


C'est avec doute que je rapporte au genre Chilomonas 
de M. Ehrenberg lInfusoire que je nomme ainsi. Le mode 
d'insertion de son filament, en arrière d’une partie saillante 
comme une lèvre, le rapproche des Euglènes et de certains 
Thécamonadiens ; mais je n’yai pu reconnaître aucune trace 
de tégument, ni contractile, ni résistant. 


1. CHILOMONAS GRANULEUSE, — Chilomonas granulosa. — PI. III, 
fig. 1°, 


Corps oblong, plus large en avant, de forme presque inva- 
riable , quoique de consistance glutineuse , rempli de granules qui 
paraissent faire saillie à la surface. — Filament flagelliforme très- 
délié, partant d’une échancrure oblique. — Longueur de 0,028 
à 0,050. — Longueur du filament 0,05. 


Cet Infusoire incolore, mais rendu trouble par les granule 
nombreux qu'il contient, se meut en tournant d'avant en arriére, 
ce qui provient du mode d'insertion du filament. Je l'ai trouvé 
dans une infusion de mousses. 


2, CHILOMONAS OBLIQUE. — Chilomonas obliqua. 


Corps ovoïde ou pyriforme, noduleux , de forme variable , avec 
un filament naissant latéralement. — Long. 0,0095. 


11 était dans une infusion de sucre et de nitrate d’urée, préparée 
depuis le 26 décembre 1835 , et qui se trouvait réduite, par l’éva- 
poration spontanée, au huitième de son volume, le 19 mars 1858. 
Avec lui se trouvaient des granules de ferment et des sporules de” 
moisissures. 


296 HISTOIRE NATURELLE 


7e Genre. HEXAMITE. — examita. 


An. à corps oblong arrondi en avant, rétréci et bifide 


ou échancré en arrière. Deux ou quatre filaments flagelli- 
formes, partant isolément du bord antérieur ; les deux lobes 
postérieurs prolongés en filaments flexueux. 


Ce genre, caractérisé par la multiplité des filaments mo- 
teurs, me paraît bien distinct des précédents; les espèces 
qu’il contient se développent dans les eaux de marais putré- 
fiées ou dans l’intestin des Batraciens, mais non dans les 
infusions artificielles. 


1. HEXAMITE NODULEUSE. — Hexamita nodulosa. — PI], II, fig. 16. 


Corps oblong avec trois ou quatre rangées longitudinales de no- 
dules, dont les deux latérales prolongées dans un lobe étiré et 
terminé en filament. Mouvement vacillant. — Long. 0,012 à 0,016. 


Cet Infusoire, que j'ai décrit et figuré dans les Annales des 
sciences naturelles ( tome 9, 1838) se trouvait, le 30 mars 1838, 
dans de l’eau recueillie à l'étang de Meudon , depuis huit jours, et 
déjà gâtée quoique beaucoup d'animaux y vécussent encore. I] 
montre quelquefois des vacuoles à l'intérieur, et la rangée moyenne 


de nodules est susceptible de se prolonger en nn lobe postérieur 
intermédiaire. | 


" HEXAMITE ENFLÉE, — Hexamita inflata. 


Corps ovale-oblong , rendu presque quadrangulaire par des pro- 
longements d'où partent les filaments. — Long. de 0,047 à 0,020. 


J'observais, le 12 avril et le 10 mai de la même année, dans 
d'autre eau putréfiée venant aussi de l'étang de Meudon, de 
Hexamites qui doivent peut-être ronstituer une espèce distincte ; 
le corps , creusé de vacuoles nombreuses , est uniformément ren- 
Îlé sans nodosilés ; au lieu d'être bifide en arrière , il est seulement 
échancré et les deux angles postérieurs sont prolongés en fila- 


DES INFUSOIRES. 997 


— 


ments flexueux bien visibles. Je n'ai pu voir en avant les quatre 
filaments flagelliformes de l'espèce précédente , les deux latéraux 
seuls étaient toujours visibles. 


2. HEXAMITE INTESTINALE. — Hexamita intestinalis. 
Corps fusiforme prolongé en queue bifide. — Long. 0,012. 


Cet Infusoire se rencontre très-fréquemment dans l'intestin 
et dans la cavité péritonéale des Batraciens et des Tritons. Les 
deux filaments de sa queue sont assez distincts; il se meut 
suivant une direction rectiligne, en vacillant de côté et d'autre. 


8° Genre. HÉTEROMITE. — Heteromita. 


An. à corps globuleux ou ovoïde, ou oblong, avec deux 
filaments partant du même point en avant ; l’un, plus délié 
et agité d’un mouvement ondulatoire, détermine la pro- 
gression en avant; l’autre, plus épais, flotte librement en 
arrière, ou s’agglutine cà et là au porte-objet, pour pro- 
duire en se contractant un mouvement brusque en ar- 
rière. 


Les trois familles des Monadiens, des Thécamonadiens et 
des Eugléniens, renferment des Infusoires qui offrent ce 
caractère bien remarquable d’avoir à la fois un filament fla- 
gelliforme, dont l'agitation continuelle détermine le mou- 
vement en avant, et un autre filament, partant du même 
point, plus épais, non agité d’un mouvement ondulatoire , 
mais flottant ou trainant, et s’agglutinant au gré de l'animal 
sur quelque corps solide, pour y trouver un point d'appui 
et ramener tout à coup en se contractant l’animal en arrière, 
On sera donc exposé à confondre des Infusoires de ces trois 
familles, si l’on ne parvient à reconnaître d’abord la pré- 
sence d’un tégument résistant ou contractile. 

Les mêmes indices qui permettent de penser que tel Mo- 
nadien est dépourvu de tégument, l'apparence glutineuse de 
la masse entière du corps , la faculté de s’agglutiner et de 


298 HISTOIRE NATURELLE 

s'étirer, la présence à l’intérieur de certains corpuscules qui 
n’ont pu y pénétrer que par suite de la formation des va- 
cuoles à la surface; tous ces indices feront rapporter au 
genre Hétéromite, un Infusoire à filament traînant rétrac- 
teur, qui, dans le cas contraire, eût été un Hétéronème ou 
un Anisonème. 

Le rôle différent de ces deux filaments locomoteurs, en 
apparence organisés de même, ou, pour mieux dire, n’of- 
frant l’un et l’autre aucun indice de structure interne, doit 
jeter un nouveau jour sur la question de l’organisation des 
Infusoires en général, et fournit un nouvel exemple de l’ex- 
tensibilité et de la contractilité de la substance glutineuse 
homogène dont ces animaux sont formés. 


1. HérÉROMITE Ovoire. — Heteromita ovata (1), PI, IV, fig. 22 


Corps oviforme, plus étroit en avant , contenant des vacuoles, 
des granules et des navicules. — Long. de 0,027 à 0,085, 


J'ai trouvé cette espèce, le 12 octobre 1837, dans l'eau de Seine, 
au milieu de plantes aquatiques ; une vacuole creusée pres de la 
base des filaments aurait pu être prise pour une bouche, mais 
dans divers individus cette vacuole occupait une autre place. Le 
filament flagelliforme, deux ou trois fois aussi long que le corps, 
s'agitait dans toute sa longueur, son épaisseur était à peine de 
0,0006 ; le filament traïnant, quatre fois aussi long que le corps, 
était épais de o,0012 , quelquefois, il flottait librement, mais plus 
souvent aussi, il se collait çà et là sur la plaque de verre du porte- 
objet, et formait une ligne brisée dont chaque angle répondait à 
un des points d’adhérence. Quand ce dernier filament était flot- 
a 4, OURS 7. DRM ee LL 

(1) Bodo grandis , Ehr, Infus. PI, II, fig. 12, p, 34. 

C'est yraisemblablement notre espèce que M. Ehrenbergnomme ainsi, 
et qu'il décrit comme ayant «le corps oblong , arrondi aux deux ex- 
trémités, long de 0,031 , hyalin , avec une queue sétacéé , roide , at- 
tachée au ventre , et de grands estomacs. » 11 cite les Drs Werneck et 


Focke , comme ayant également observé cet Infusoire auquel il veut 
attribuer des ovaires et un testicule ovale. 


Ses autres Bodos ne sont point des Hétéromites, mais des Cercomonas 
ou Æmphimonas mal observés. 


DES INFUSOIRES, 299 


tant, il réglait à la manière d’un gouvernail le monvement pro- 
duit par le filament flagelliforme, et l'animal nageait lentement 
et uniformément en avant. Quand le filament s’agglutinait, il re- 
tenait à la manière d’un câble l’'Infusoire qui s'agitait plus vive- 
ment, ou bien se contractant tout a coup, il le retirait brusque- 
ment en arrière. 

Le 18 mars 1838, je retrouvai dans une fontaine, au sud de 
Paris, cette Hétéromite plus petite (0,027) et contenant encore 
des navicules et des granules nombreux, 


2. HÉTÉROMITE GRANULE, — Heteromita granulum. PI. IV, fig. 23, 


Corps globuleux à surface granuleuse. — Long de 0,011. — 
Marin. 


. Je l’observais, au mois de mars, dans de l’eau de mer conservée 
depuis quatre jours avec des Corallines et déjà un peu altérée; le 
filament trainant était aussi mince que le filament flagelliforme. 


3.? HÉTÉROMITE ÉTROITE. — Âeteromita angusta. P1, VI, fig. 24. 


Corps étroit, lancéolé, légèrement flexueux, aminei aux deux 
extrémités, avec un filament flagelliforme et un second filament 
partant du même point, dressé en avant à sa base et flottant dans 
le reste de sa longueur. — Long de 0,026. 


Je range avec doute dans le genre Hétéromite cet Infusoire que 
j'observais le 14 avril 1838 dans de l’eau recueillie à l'étang de 
Meudon, et déjà putréfiée: son corps, en forme de feuille lancéo- 
lée avec unerainure ou un pli longitudinal, était aminci aux deux 
extrémités et terminé en avant par deux filaments, dont l’un, plus 
délié , s’agitait dans toute sa longueur, et dont l’autre, roide et 
dirigé obliquement en avant pour le premier tiers de sa longueur, 
était flexueux et flottait dans le reste comme un fouet où une 
ligne de pêcheur. 


9° Genre. TRICHOMONAS. — Trichomonas. 


Corps ovoïde ou globuleux, susceptible de s’étirer en 
s’agglutinant au porte - objet, et présentant quelquefois 


300 HISTOIRE NATURELLE 


ainsi un prolongement caudal. — Un filament flagelliforme 
antérieur est accompagné d’un groupe de cils vibratiles. 


1. Tricaomonas vacinar.— Trichomonas vaginalis.—Pl.IV, fig. 13. 


Corps glutineux, noduleux, inégal, creusé de vacuoles ; s'agglu- 
tinant souvent à d’autres corps. Mouvement vacillant.—Long. 0,01. 


Cet Infusoire, qui vit dans le Mucus vaginal altéré, a été ab- 
servé d'abord par M. Donné qui me l'a communiqué. Il forme 
des groupes irréguliers avec d’autres animalcules de son espèce 
et avec des parcelles de mucus, et d'ailleurs par lui-même, en 
raison de la consistance glutineuse de son corps, il adhère au 
porte-objet et, continuant à s'agiter, il étire en maniere de queue, 
une portion de sa substance. Le filament flagclliforme qu'il porte 
en avant est flexueux, plus épais à la base et long de 0,028 à 
0,033 ; sept ou huit cils vibratiles accompagnent ce filament, 
rangés d'un côté à partir de sa base. Le corps est souvent creusé 
de vacuoles. 


2. TRICHOMONAS DES LIMACES.—T'richomonas limacis.—P]. IV, fig. 14. 


Corps ovoïde lisse, prolongé en pointe aux deux extrémités et 
terminé en avant par un filament fiagelliforme, de la base duquel 
part une rangée de cils vibratiles dirigés en arrière. Mouvement 
assez vif en avant et en tournoyant sur son axe. — Long. 0,045. 


Je l'ai trouvé dans l'intestin de la Zimax agrestis. 1] présente 
ordinairement des vacuoles régulières nombreuses. 


10e GENRE. UVELLE. — Uvella. 


An. globuleux ou ovoïdes, pourvus d’un seul filament fla- 
gelliforme, et vivant agrégés en masses sphériques qui se 
meuvent librement en tournant dans le liquide. 


Les Uvelles sont des Monades habituellement agrégées et 
bien reconnaissabies dans cet état, mais qu’on ne peut nul- 
lement distinguer de ces Infusoires simples , quand sponta- 
nément ou par accident elles se sont elles-mêmes désagré- 
gées et quand elles se meuvent isolément dans le liquide. 
M: Ehrenberg admet que les Uvelles vivent alternativement 


DES INFUSOIRES. 901 


agréées et isolées, et qu’elles changent plusieurs fois leur 
manière d’être, Je n’ai rien vu qui me permette de penser 
qu'il en puisse être ainsi. Les Uvelles désagrégées ne m'ont 
point paru couserver une tendance à s’agréger de nouveau ; 
et je regarde comme tout à fait fortuites les réunions de 
certains Monadiens à corps glutineux, qu’on voit quelque- 
fois dans les infusions remplies de ces animalcules. 


1. UvELLE vEnDaTRE. — Uvella virescens. B ory(1). 


Corps ovoides, verdâtres , longs de 0,015, réunis en groupes 
serrés de 0,09 à 0,041. 


Je l'ai observée en août 1838 dans de l’eau de l'étang du Plessis- 
Piquet, où étaient mortes des Spongilles. Müller l'avait trouvée ra- 
rement parmi les Lemna polyrhiza au mois d'août. M. Ehrenberg 
avait cru d'abord voir ces Uvelles munies d'une couronne de cils 
vibratiles, et il les représente encore ainsi dans son histoire des 
Infusoires (pl. 1, fig. 26) ; mais dans le texte, il exprime l'opinion 
qu'il pourrait y avoir seulement deux trompes flagelliformes, 
comme chez d’autres espèces analogues ; quant à moi, je n'y ai 
pu voir qu'un filament unique. Ce même auteur, qui n’a pu faire 
absorber d’indigo à ces Infusoires, suppose que leur couleur verte 
est produite par leurs œufs, et qu'une tache claire, dont parle 
Müller, est ou la bouche, que lui-même, dit-il, a vue aussi, ou le 
testicule qu'il n'a pu reconnaître. 


2. UvELLE Rosace, — Uvella rosacea. Bory (2). 


Corps globuleux incolores , longs de 0,008, réunis en groupes 
lâches de 0,025. 


(1) Folvax uva, Müller, PI. IT, fig. 17, 21. 

Uvella virescens, Bory, Encycl. 1824. 

Uvella flavoviridis, Ehr. 1831, mém. acad. Berlin. 

Uvella virescens, Ehr. Infus. PI. I, fig. 26. 

(2) Chaos. Gleichen, Inf. PI. XVII. 

Volvox socialis, Müiler, PI. TL, fig. 8, 9. 

Uvclla rosacca, Bory, 1824. Encyelop. 

Volvox slaucoma, Hemp. et Ehr. 1828, Symb. Physica, PI IL. 
Monas glaucoma, Ehr. 1820. 

Urcllu slaucoma, H. et Ehr. 1831. 


302 HISTOIRE NATURELLE 


Müller, qui observa cette espèce dans de l'eau conservée depuis 
un mois avec des Chara , la distingue par l’écartement mutuel des 
corpuscules agrégés ; M. Ehrenberg, qui sous le nom d’Upella ato- 
mus, veut réunir les Monas atomus et Monas lens de Müller et 
dubitativement le Y’olvox socialis du même auteur , lui donne 
pour caractère d'être d'un naturel vorace, d’avoir de grands es- 
tomacs qui se remplissent aisément d'indigo dans les expériences 
de coloration artificielle ; 1l attribue en outre une double trompe 
flagelliforme à chaque animalcule. 


* Polytoma uvella, Ehr. (1). 


Le genre Polytoma de M. Ehrenberg diffère des Uvelles 
suivant cet auteur, parce que les animaux au lieu d’être 
alternativement libres et fixés, forment primitivement une 
agrégation par suite de leur mode de division spontanée 
en long et en travers : ils sont, dit-il, pourvus d’une trompe 
flagelliforme double et d’une bouche terminale tronquée. 
La seule espèce qu’il rapporte à ce genre a été décrite par 
Müller sous le nom de Jonas uva; elle présente des agré- 
gations larges de 0,07 formées d'animaux longs de 0,012 à 
0,023, et se trouve seulement dans l’eau putréfiée. 


41° Genre. ANTHOPHYSE, — Anthophysa. 


An. ovoides ou pyriformes, munis d’un seul filament 
flagelliforme, et agrégés à l'extrémité des rameaux d’un 
support ou polypier, ramifié, sécrété par eux.— Groupes 
devenus libres, semblables aux Uvella. 


Il est fort difficile de distinguer une Uvelle et une Antho- 
physe devenue libre, mais on ne peut conserver de doutes 
ai l’on voit en même temps dans le liquide quelques-uns des 


(1) Monas uva, Müller , PL 1, fig. 12, 13. 
Spallanzani, p. 209, PL If, fig. 15, B, C, D. 
Uvella chamæmorus, Bory , 1824, Encycel. 
Monas polytoma , Ehr. 1830, Mém. acad. Berlin. 


Polytoma uvella , Ehr, 1858. Infus. PL, x, fig. 32. 


DES INFUSOIRES. 303 


supports rameux des Anthophyses. Ces supports, en forme 
de petits arbustes irréguliers, brunâtres à la base, sont 
d’une couleur plus claire, et même diaphanes à l'extrémité 
des rameaux qui paraissent noduleux ou raboteux ; ils sont 
sécrétés par les animalcules, et on les voit fixés aux parois du 
vase où l’on a mis depuis peu de temps l’eau contenant ces 
Infusoires. Chaque groupe d’animalcules est d’abord fixé à 
l'extrémité diaphane du rameau qui l’a sécrété; mais l'agi- 
tation du liquide ou quelque choc brusque l'en détache 
aisément, et alors il se meut en tournoyant dans le liquide. 
Ce mouvement est le résultat de l’action simultanée des fila- 
ments flagelliformes dont chaque animal en particulier est 
pourvu ; fe sque d’ailleurs quelque groupe. a été désagrégé 
par accident ou spontanément, on voit des individus olée 
se mouvoir comme des Monades à filament simple. 

Le support formé de rameaux , qui d’abord mous et glu- 
tineux, deviennent peu à peu plus consistants, brunûâtres 
et d'apparence cornée, et semblent ne plus participer à la 
vie des animalcules , doit donner une idée du mode de for- 
mation de la charpente fibreuse de certaines éponges. On 
conçoit d’ailleurs que les rameaux se bifurquent là où les 
groupes d'Infusoires se divisent eux-mêmes par suite de la 
multiplication de ces animaux. 

On ne connaît encore qu’une seule espèce d’Anthophyse. 
Müller la rangea parmi les Volvox ; M. Bory en fit le genre 
Anthophyse, qu’il classa dans son sous-règne Psychodiaire ; 
M. Ehrenberg , qui sans doute ne l’a pas étudiée avec soin, 
la place dans son genre Æpisty lis au milieu des Vorticelliens 
les plus parfaits. 


1. ANTuoruyse DE Muicer. — Anthophysa Mülleri. Bory (1). — 
PL. IL, fig. 17 et 18. 


Support irrégulièrement ramifié ; animalcules pyriformes plus 
épais en avant. — Longueur des tiges , 0,1 à 0,2; épaisseur des ra- 


QG) Volvox vegetans , Müller , Infus. PI, TI, f. 22-925, 
Epistylis ? vegetaus, Ehrenb. Infus. PI XXVIL, Fe 5, 


= — 


304 HISTOIRE NATURELLE , à 


meaux, 0,006 ; largeur des groupes, 0,024 à 0,032; Loue d'un 
individu isolé , 0,010. 4 


Je l'ai trouvée souvent dans l'eau de Seine; le 10 août 1834, 
j'avais mis dans un petit bocal des cailloux recouverts de Conferves 
et pris au fond de la Seine, le lendemain je vis déjà des Antho- 
physes fixées aux parois. Le 11 octobre 1837, de l'eau avait été 
prise dans ce même fleuve avec des Conferves; cinq jours après, 
elle était déja altérée et sentait mauvais, cependantles Anthophÿses 
s’y trouvaient abondamment. Müller l'avait observée dans l’eau 
de rivière au mois de novembre. Les Animalcules isolés ont une 
forme très-variable , ovoïde ou pyriforme ou renflée. 


DES INFUSOIRES, 305 


APPENDICE AUX FAMIZLLES 


DES AMIBIENS ET DES MONADIENS. 


ORGANISATION DES ÉPONGES. 


Quand on déchire des éponges d’eau douce ou spon- 
gilles vivantes, et qu'on soumet au microscope les 
parcelles flottantes et celles qui adhèrent à la plaque 
de verre, on reconnaît que ces parcelles (PI. III, 
fig. 19-b) sont pour la plupart munies de filaments 
vibratiles d’une ténuité extrême , analogues à ceux des 
Monadiens, et qu’elles ont en outre la faculté d’émet- 
tre des expansions variables en lobes arrondis, comme 
certaines Amibes ; ce sont surtout les parcelles dépour- 
vues de filaments vibratiles et reposant sur la pla- 
que de verre (PI. ITT, fig. 19, a. a.), qui rampent à 
la manière des Amibes au moyen de ces expansions 
diaphanes arrondies ; les autres nagent dans le liquide, 
ou bien, si elles reposent sur la plaque de verre, l’a- 
gitation continuelle qu’elles éprouvent empêche que 
leurs expansions ne soient aussi visibles. Toutes ces 
parcelles de spongille renferment des granules colorés 
et ordinairement verts, qui se comportent comme 
la chromule des végétaux, et que dans aucun cas, 
je crois, on ne peut nommer les œufs de ces spon- 
gilles. En effet, on voit paraître à une certaine épo- 
que de l’année , dans les spongilles, de nombreux glo- 
bules jaunâtres, larges de deux tiers de millimètre 
environ, et qui sont les corps reproducteurs de ces 
êtres. D'autres corps reproducteurs émis par ces 
mêmes spongilles, suivant les observations de M. Lau- 
rent, sont couverts de cils vibratiles , comme les corps 

INFUSOIRES. 20 


306 HISTOIRE NATURELLE 


reproducteurs des éponges marines, et se meuvent 
dans le liquide jusqu’à ce qu'ils se soient fixés pour 
se développer en éponges. Dans plusieurs éponges 
marines, et notamment dans une masse charnue en- 
croûtant la base du Fucus digitatus sur les côtes de 
la Manche, j'ai vu des parcelles, isolées par le déchi- 
rement de la masse , se mouvoir aussi à la manière des 
Amibes ; et d’ailleurs M. Laurent a vu des lobes ou 
fragments spontanément émis par les spongilles offrir 
ces mêmes caractères. 

On ne peut sans doute penser que les éponges soient 
des amas d'Infusoires intermédiaires entre les Amibes 
et les Monades ; tout, au contraire, tend à prouver qu’il 
y à dans ces êtres une vie commune. Ainsi M. Laurent 
a observé et m'a fait voir, à l’extérieur des jeunes 
spongilles, des expansions diaphanes membraneuses 
en forme de mamelons ou de tubes, dans lesquels se 
produit un courant de liquide; et cette observation 
bien exacte ne peut se concilier avec les précédentes, 
qu'en admettant que cette même partie vivante com- 
mune peut être divisée en parcelles qui conservent la 
vie temporairement au moins, en offrant les mêmes 
phénomènes que certains Infusoires. Ainsi , de part et 
d'autre, dans les éponges comme dans les Amibiens et 
les Monadiens, s’observerait la même simplicité d’or- 
ganisation; ce serait toujours une substance glutineuse, 
homogène, susceptible d'émettre des expansions va- 
riables ou des filaments vibratiles. 

Quant à la production des filaments cornés ou des 
spicules des éponges, elle serait analogue à la produc- 
tion du support rameux des Anthophyses et du têt des 
Rhizopodes et des T'hécamonadiens qu’on voit dansles 
divers genres corné ou calcaire, ou même siliceux 


22 


DES INFUSOIRES. 307 


VIe FAMILLE. 


VOLVOCIENS. 


Animaux sans organisation interne appréciable, 
sans bouche, pourvus d'un ou de plusieurs filaments 
flagelliformes , et réunis par une enveloppe commune, 
ou pourvus d'enveloppes propres qui se soudent en ure 
masse commune. 


Les Volvociens paraissent généralement aussi sim- 
plement organisés que des Monadiens qui seraient 
fixés dans une masse commune comme un polypier ; ou 
plutôt ce sont des Thécamonadiens, dont les enve- 
loppes, plus épaisses et plus molles, se soudent en 
une masse commune à mesure que ces animalcules se 
multiplient par division spontanée. On connaissait de- 
puis longtemps le Volvox, type de cette famille ; il 
avait excité l'admiration de Leeuwenhoek, de Rôsel, 
de Degeer, de Spallanzani , de Müller, etc. ; mais c'est 
à M. Ehrenberg qu’on doit, dans ces dernières années, 
une connaissance plus complète de sa structure. Ce 
n’est point un seul animal comme on l'avait cru ; c’est 
une agrégation d’animalcules occupant la surface 
d'une masse glutineuse, diaphane, d’abord pleine, 
puis offrant en son centre une cavité que vient oc- 
cuper l’eau à mesure que la surface s’'augmente par 
suite de la multiplication des animalcules , et dans la- 
quelle se développent , sous forme de boules plus pe- 
tites et plus compactes, de nouvelles agrégations 
d'animalcules semblables. Chacun de ces animalcules, 
de consistance molle, coloré en vert ou en jaune bru- 
nâtre, est pourvu d’un ou de deux filaments flagelli- 

20. 


308 HISTOIRE NATURELLE 


formes qu'il agite continuellement au dehors de la 
masse ; d'où résulte , à la surface externe, un mouve- 
ment vibratile irrégulier, très-difficile à reconnaître, 
qui détermine le mouvement général assez lent de ro- 
tation et de translation de la masse. Une petite tache 
irrégulière rouge, dans chacun des animalcules, a été 
prise pour un œil par M. Ebrenberg , et lui a fourni 
un caractère distinctif pour plusieurs de ses genres de 
Volvociens. 

Les caractères que nous venons de tracer sont ceux 
des Volvox proprement dits; un autre genre, Pando- 
rina, en diffère parce que tous les animalcules forment 
un ou plusieurs groupes au centre d’une masse globu- 
leuse diaphane, au lieu d’être répartis à la surface. 
Un troisième genre, Uroglena, présente des animal- 
cules retenus au centre d’une masse globuleuse dia- 
phane servant d’enveloppe commune, par un prolon- 
sement caudiforme qui leur permet d’agiter à la 
surface leurs filaments flagelliformes. Dans un qua- 
trième genre, Gonium, les animalcules , en se multi- 
pliant par division spontanée, restent agrégés en une 
plaque quadrangulaire, souvent régulière. Un cin- 
quième genre enfin, Syncrypta , se distinguerait, sui- 
vant M. Ehrenberg , par l'existence d’une double enve- 
loppe; savoir, une enveloppe propre à chaque animal- 
cule, et une enveloppe glutineuse commune ; mais 
peut-être doit-on le reporter parmi iles Thécamona- 
diens , comme notre 7'étrabæna. 

Müller institua le genre Gonium, et y plaça, avec 
l'espèce qui nous sert de type, quelques Infusoires fort 
douteux. Il adjoignit au f’olvox globator de Linné 
une Pandorine sous le nom de Wolvox morum, et plu- 
sieurs autres espèces douteuses ou tout à faitétrangères 
à la famille des Volvociens. 


DES INFUSOIRES. 309 


M. Bory forma un genre Pandorina pour le Folvox 
globator et la Pandorina morum , et le prit pour type 
de sa famille des Pandorinées, qui comprend à la fois 
le genre Pectoraline, institué pour le vrai type du 
genre Gonium ; et le genre Uvella , que nous plaçons 
avec les Monadiens. Cet auteur créait en outre une 
famille des Volvociens avec les mauvaises espèces de 
Volvox de Müller, formant ses genres Gygès et Volvox, 
auxquels ilajoutaitle genre Enchelys, qui n’a avec eux 
aucun rapport. 
M. Ehrenberg , en 1830, placait les genres Gonium , 
V’olvox et deux autres genres nouveaux, très-voisins du 
Volvox, dans sa famille des Peridinæa, laquelle, paral- 
lèlement aux Cyclidina, devait contenir des Infusoires 
cuirassés de la deuxième section des Polygastriques 
anentérés , ou des Épitricha , ayant pour caractère le 
corps cilié, la bouche tantôt ciliée, tantôt nue, etc. 
C’est qu'alors cet auteur regardait encore un Volvox , 
un Gonium, etc., comme un animal unique pourvu 
de cils à sa surface , etc. ; mais dans son troisième mé- 
moire (1833), il modifia sa classification d’après des ob- 
servations plus exactes. Séparant les Volvocina des 
Peridinæa, il en fait une famille placée à la suite de ses 
Cryptomonadina parallèlement aux Monadina, c'est- 
à-dire dans la série des Infusoires cuirassés , en leur at- 
tribuant un corps spontanément divisible dans une cui- 
rasse qui estcommune à plusieurs et susceptible de des- 
truction. Il y plaçait alors dix genres, divisés suivant 
la présence ou l’absence de la tache rouge qu’il nomme 
œil ; savoir, les Gygès, Pandorina, Gonium , Sphæ- 
rosira, Syncrypta et Synura, qui n'ont point d'œil ou 
de tache rouge; et les Chlamidomonas, Eudorina , 
Polvox et Uroglena, qui en sont pourvus. Il déclarait 


310 HISTOIRE NATURELLE 


alors que ce ne sont point des Polygastriques épitri- 
ques , comme il l'avait cru d’abord , mais des Gymni- 
ques nus, agrégés, pourvus chacun d'une trompe 
filiforme qu'ils agitent d’un mouvement ondulatoire ; 
et qu'en conséquence on ne doit point supposer une 
bouche unique au globule entier formé par une telle 
agrégation d'animalcules : c’est alors chacun de ces 
animalcules en particulier qui a une bouche, un ap- 
pareil digestif, des œufs, etc. 

En 1838 (Infusionsthierchen, pag. 49), l’auteur 
conserve les mêmes genres dans sa famille des Volvo- 
cina, en les caractérisant d’une manière différente, 
d'après la découverte des yeux ou points rouges dans 
les Sphærosira, et la présence d’un double filament 
dansles, Ÿ’olvox et Chlamidomonas. Ainsi, dans une 
première division, sont les Volvocina sans œil; les 
uns , sans queue, forment, s'ils ont une cuirasse sim- 
ple, les trois genres Gygès, Pandorina et Gonium ; 
les deux premiers étant de forme globuleuse, le premier 
seul, sans trompe ou filament flagelliforme , et le troi- 
sième étant comprimé en forme de tablette. Le genre 
Syncrypta comprend ceux qui ont une cuirasse dou- 
ble : ceux qui ont une queue constituent le genre 
Synura. 

Les Volvocina pourvus d’un œil se partagent en cinq 
genres d’après leur mode de division spontanée; si cette 
division est uniforme, simple, sans donner lieu à la for- 
mation de gemmes ou de groupes internes, ce sont ou 
des Uroglena, pourvus d’une queue; ou des Eudorina, 
si, manquant de queue, ils ont une trompe simple, 
ou des Chlamidomonas, s'ils sont sans queue et avec 
deux trompes. Si, au contraire, la division spontanée 
n'a pas lieu uniformément , et s’il en résulte des gem- 


DES INFUSOIRES. 311 


mes ou des globules internes, ce sont, ou des Sphæ- 
rosira qui n’ont qu’une seule trompe, ou des ’olvox 
qui en ont deux. | 

Dans la définition actuelle, M. Ehrenberg dit que 
ses J’olvocina sont des « Polygastriques anentérés, 
gymniques , à corps uniforme, semblables à des Mo- 
uades, mais pourvus d’une enveloppe ou d’une cui- 
rasse sous laquelle ils éprouvent une division sponta- 
née complète, d’où résulte une sorte de polypier ; 
cette cuirasse se rompant enfin, les animalcules deve- 
nus libres recommencent ce même cercle de dévelop- 
pement. » Ensuite, dans les remarques subséquentes, 
il mentionne l'existence du filament simple ou double 
qu'il nomme une trompe; il considère comme produite 
par des œufs très-nombreux de grandeur égale, la co- 
loration ordinairement verte de ces animaux ; il dit 
avoir vu les organes mâles sous la forme de deux glandes 
ovales bien distinctes dans les genres Gonium , Chla- 
midomonas, Volvox et Uroglena, et avoir vu en ou- 
tre des vésicules séminales contractiles dans les trois 
premiers de ces genres; quant aux estomacs, il ne les 
a vus, dit-il, que d'une manière douteuse. 

En admettant même cette définition, nous croirions 
devoir séparer de la famille des Volvociens les genres 
Gygès et Chlamidomonas , pour les joindre aux 'Fhé- 
camonadiens ; et nous le ferions mieux encore d’après 
notre propre définition, qui veut que les vrais Volvo- 
ciens soient réunis par une enveloppe commune, ou 
pourvus d’enveloppes particulières soudées entre elles. 
Ne pouvant d’ailleurs attribuer aux taches rouges la 
signification et l’importance que leur donne M. Ehren- 
berg, nous sommes conduits à réunir ses Eudorina aux 
Pandorina, ses Synura aux Uroglena; à considérer 


312 HISTOIRE NATURELLE 


comme douteux son genre Syncrypta, et à rapprocher 
dubitativement les Sphærosira des Pandorina. Ainsi 
nous ne conservons que quatre genres comme authen- 
tiques, même en nous fondant sur les observations de 
cet auteur. 

Les Volvociens, ordinairement de couleur verte, 
n'ont été trouvés jusqu'à présent que dans les eaux 
douces limpides, entre les Conferves et les autres 
plantes aquatiques. 


1 GENRE. VOLVOX. — Zolvox. 


Animalcules verts ou jaune - brunâtre , régulièrement 
disséminés dans l'épaisseur et près de la surface d’un glo- 
bule gélatineux transparent, devenant creux et rempli 
d’eau par suite de son entier développement , et dans lequel 
alors se produisent d’autres globules plus petits au nombre 
de cinq à huit , organisés de même, et destinés à éprouver 
les mêmes changements quand par la rupture du globule 
contenant ïls sont devenus libres. Animaleules munis 
chacun d’un ou de deux filaments flagelliformes, qui, par 
leur agitation hors de la surface, déterminent le mouve- 
ment de rotation de la masse. 


1, Vorvox rournoyanr. — Wolvox globator. Müll, (1). — PI. IH, 
fig. 25 et PI. IV, fig. 50. 


Globules verts ou jaune - brunâtre, larges d'un tiers de milli- 


(:) Leeuwenhoek, Contin. arcan. natura , p. 149, fig. 2, 1608. 
Kugelthier, Baker, Employ. for the micr. p. VE PI. XII , fig. 27. 
Kukelikier. Rœsel ; t. 111, PI. CI, fig. 1-3 ; p. 6, 

Volvox globator , Linné, Syst. nat. ed: X, 17 5.” 

Volvox globator, Pallas, Each zooph. p. Are 

Volvox globator , Müller , Inf. PI. II, fig. 12, 13, pe 18. 


Polvox , Spallanzani , Opusc. phys. trad, franc. t. [, p. 193 , Pit, 
f. 11. 


Pandorina Leeuwenhoekii, Bory , 1824. 
Volvox globator, Ehrenb. 1830- 1534, 838, Infus. PI. IV, fig. 1. 


DES INFUSOIRES. 313 


mètre à un millimètre, formés d’animalcules longs de 0,009 et larges 
de 0,0066 , épars dans l'épaisseur d’une membrane sphérique, gé- 
latineuse , diaphane , dont chacun est muni d’un filament flagelli- 
forme , égalant trois fois sa longueur , et d’un point intérieur 
rouge. — Cinq à huit globules plus petits contenus à Pintérieur. 


C’est ainsi que j'ai toujours vule ’o/vox globator, qui se trouve 
abondamment en été dans l'étang de Meudon ( juin 1838), et 
que j'ai revu en juin 1839 dans les eaux stagnantes aux environs 
de Toulouse; mais je n’ai pas vu la double trompe flagelliforme 
indiquée par M. Ehrenberg, ni les cordons qui, suivant cet auteur, 
uniraient comme un réseau tous les animalcules à la surface des 
globules. Quand on a mis dans un flacon de l'eau contenant des 
Volvox, on voit leurs globules monter et descendre en tournoyant 
lentement dans le liquide, comme pourraient faire des corps lé- 
gers dans de l’eau agitée ; il suffit d'en approcher une loupe forte 
ou une lentille d'un court foyer pour distinguer la forme géné- 
rale du globule, et les petits grains verts épars à la surface, et 
les cinq ou six globules colorés plus petits contenus à l'intérieur. 

Leeuwenhoek le premier observa le Volvox dans l'eau des ma- 
rais, le 30 août: « Je vis , dit-il, dans cette eau une grande quantité 
de particules rondes flottantes de la grosseur d’un grain de sable. 
En les approchant du microscope, je remarquai non-seulement 
qu'elles sont bien rondes, mais aussi que leur membrane exté- 
rieure est, ça et la, couverte de particules saillantes, nombreuses, 
qui me semblaient à trois facettes et terminées en pointes. Quatre- 
vingts de ces particules également espacées occupaient la circon- 
férence d'un grand cercle du globule, de sorte que le nombre 
total des particules, réparties sur la surface, n'est pas moindre 
que deux mille. 

» Cela m'offrait un spectacle charmant, parce que ces globules 
n'étaient jamais en repos, et que leur mouvement avait lieu en 
tournoyant (per circumvolutionem)... Mais plus ces particules 
étaient petites , plus elles montraient la couleur verte, tandis que, 
au contraire, dans la partie extérieure des plus grandes, on ne 
pouvait reconnaître aucune coloration. 

» Chacun de ces globules avait à l’intérieur cinq, six, ou sept, 
et même jusqu'à douze globules plus petits, ronds, de même struc- 
ture que le corps dans lequel ils étaient renfermés. Ayant tenu 
assez longtemps ma vue fixée sur un des plus gros globules placé 


314 HISTOIRE NATURELLE 


dans une petite quantité d’eau, je vis se produire, dans sa partie 
extérieure, une ouverture par laquelle sortait une des particules 
rondes incluses qui montrait une belle couleur verte, et qui 
exécutait dans l’eau les mêmes mouvements que faisait précédem- 
ment le globule d'ou elle était sortie. 

» Ensuite le premier globule demeurait immobile et laissait 
sortir à peu d'intervalle, par la même ouverture, une seconde, 
puis une troisième particule, et il arrivait que toutes ces parti- 
cules incluses sortaient successivement ainsi en acquérant un mou- 
vement propre. 

» Après un intervalle de quelques jours, le premier globule 
s'était en quelque sorte dissous dans l’eau; je ne pouvais en re- 
trouver aucune trace. 

» Dans l'observation de ces globules, j'étais surtout surpris de 
ce que, pendant tous leurs différents mouvements, je ne voyais ja- 
mais les particules incluses changer de place , quoiqu'’elles ne fus- 
sent point contiguës, mais qu'elles restassent écartées d’une cer- 
taine distance. » 

Leeuwenhoek dit ensuite comment, ayant renferme dans un 
tube de verre, gros comme une plume à écrire et en partie 
rempli d'eau, deux gros globules de Volvox contenant chacun 
cinq globules plus petits, et un troisième Volvox contenant sept 
globules très-petits, il vit quatre jours après que la membrane 
externe des deux premiers, devenue très-mince et transparente, 
s'était déchirée , et que les dix petits globules inclus se mouvaient 
en tournoyant dans l’eau tantôt d'un côté, tantôt de l’autre. Au 
bout de cinq jours, il vit que les globules plus petits, renfermés 
dans le troisième Volvox, avaient augmenté de volume, et qu'on 
ÿ pouvait distinguer d'autres particules devant naître à l’intérieur. 
Après cinq autres jours, le troisième Volvox s'était déchiré d’un 
côté, et les particules contenues étaient devenues libres ; néan- 
moins le Volvox, quoique ouvert d'un côté, continuait à se mou- 
voir en tournant dans le liquide comme auparavant. Quelques 
autres jours après, on ne pouvait reconnaître que quelques frag- 
ments des grands Volvox, lesquels bientôt ne furent plus du 
tout visibles. I] continua à observer chaque jour les petits Volvox 
sortis des granüs , et remarqua non-seulement qu'ils grossissaient 
peu à peu, mais aussi que les particules incluses devenaient plus 
grandes, Quand ces nouveaux Volvox se rompaient à leur tour 
pour mettre au jour les particules incluses , ils étaient quatre fois 


DES INFUSOIRES. 315 


plus petits que ceux dont ils étaient issus, ce qui fait penser à 
Leeuwenhoek qu'ils n'avaient point atteint tout leur développe- 
ment, ou qu'ils n'avaient pas reçu assez de nourriture. Sans se 
prononcer sur la nature et sur la destination de ces globules, 
Leeuwenhoek est conduit à reconnaître qu'ils ne naissent pas 
spontanément , mais qu'ils se propagent comme toutes les plantes 
dont nous savons que chaque graine, si petite qu’elle soit, con- 
tient déja la jeune plante qui en doit provenir. Cette opinion de 
Leeuwenhoek, basée sur l'idée que le globule du Volvox est un 
être individuel , a été adoptée et développée par tous les auteurs 
qui, apres lui, ont observé le Volvox; et, jusqu'à ces derniers 
temps, on a regardé ce phénomène de sa propagation comme 
une des preuves les plus manifestes du principe de l'emboîtement 
des germes. 

Baker vit le Volvox comme Leeuwenhoek , mais de plus, il aper- 
çut les cils partant des granules de la surface , et reconnut que ce 
sont là les vrais moyens de locomotion de cet être. Rôsel n'ayant 
pu, aprés Baker, distinguer les cils moteurs, en nia l'existence 
et proposa, pour expliquer le mouvement du Volvox, un mode 
d'explication fort bizarre, en supposant que chaque granule de 
la surface aurait un orifice susceptible de s'ouvrir et de se fermer 
au gré de l'animal. 

Müller ne vit point non plus les cils moteurs du Volvox, il le 
décrit comme formé d'une membrane diaphane couverte et 
comme hérissée de molécules répandues abondamment à la sur- 
face, et renfermant à l'intérieur plusieurs globules immobiles 
transparents au centre. Les molécules de la surface peuvent, dit- 
il, se détacher, et la membrane alors reste nue. Cet auteur dé- 
crit ainsi la parturition : « La membrane se fend, et les petits, ou 
les globules inclus, sortent par la déchirure, et la mère elle- 
même ou la membrane se dissout. Ainsi cette mére, par suite d’un 
admirable emboîtement de sa race, se montre souvent grosse de 
ses fils, de ses petits-fils, et de ses arrière-petits-fils, » 


* Volvox aureus et Volvox stellatus, etc. 


M. Ehrenberg décrit comme une espèce distinete le Volvox jan- 
nâtre que Müller regardait comme simple variété du Vo/vox glo- 
balor; Jai vu moi-même beaucoup de nuances diverses parmi 
des Volvox que je crois devoir laisser dans la même espèce. Quant 


316 HISTOIRE NATURELLE 


au Volvox stellatus, qui aurait été signalé d’abord par Schrank , 
il différerait parce que les globules internes seraient tuberculeux 
et paraïîtraient comme dentelés en étoile sur leur contour. Les 
dimensions de ces espèces sont les mêmes que pour la précédente. 


* Sphærosira Volvox. Eh. Infus. 1838, pl. III, fig. 8. 


Le même auteur fait un genre particulier de cet Infusoire qui, 
suivant lui, n'aurait qu'une trompe flagelliforme simple, au lieu 
de l'avoir double comme les Volvox ; mais, ainsi que je l'ai dit 
plus haut, je n'ai pu voir qu'un filament simple à ceux que j'ai 
observés dans plusieurs lieux. Les animalcules du Sphærosira sont 


décrits comme ayant de longueur 0,022, et formant des globules 
de 0,56. 


2e GENRE. PANDORINE. — Pandorina. Bory. 


Animaux verts très-petits, groupés en plusieurs globules 
épars dans l’intérieur d’une masse gélatineuse, diaphane, 
ovoïde ou globuleuse, 


Les Pandorines ne montrent pas, comme les Volvox, les 
animalcules fixés à la surface, mais ce sont des animalcules 
plus ou moins rapprochés ou groupés au milieu d’un globule 
transparent; par conséquent aussi le mode de propagation 
ne peut ètre le même, et l’on ne voit pas, comme chez les 
Volvox, des globules intérieurs être mis au jour par suite 
de la rupture de {a membrane externe, pour se développer à 
leur tour en une membrane parsemée de grains verts. 


Müller avait distingué, comme espèce de son genre Vol- 
vox, la seule Pandorine qu'il connût. M. Bory réunit cette 
même espèce et le vrai Volvox dans le genre Pandorine qu'il 
créa, M. Ehrenbersg, enfin, a circonscrit plus exactement le 
genre Pandorine; mais il en a voulu séparer aussi, sous le 
nom d’ÆZudorina, une espèce qui n’en diffère que par la pré- 
seuce des points rouges pris par lui pour des yeux. 


DES INFUSOIRES. 317 


1. PANDORINE MuRE. — Pandorina morum (1). Bory. 


Animaux verts longs de 0,009, pourvus d’un filament flagel- 
liforme deux fois aussi long , et diversement groupés dans un glo- 
bule diaphane hors duquel sortent les filaments , large de 0,20 à 
0,25. — Mouvement lent de rotation. 


Müller, quiobserva cette espèce en automne, parmi les Lemna, 
la décrit comme formée d’un amas de globules verts entourés 
d'une membrane sphérique diaphane ; et il parle aussi d’un rebord 
noir qui n'est autre chose qu'une illusion d'optique produite par 
la réfringence de l'enveloppe. 


2, PANDORINE ÉLÉGANTE. — Pandorina elegans (2). 


Animaux globuleux, verts, longs de 0,015, pourvus d'un 
point rouge oculiforme et d’un long filament flagelliforme , et réu- 


nis au nombre de 10 à 40 dans un globule diaphane de 0,04 
à 0,195. 


M. Ehrenberg a observé, auprès de Berlin et en Russie, cette 
espèce, qu'il prend pour type de son genre Eudorina ; il conjec- 
ture qu'elle a été vue par les divers observateurs qui ont décrit le 
Volvox comme présentant trente à quarante globules intérieurs. 


* Le même auteur nomme Pandorina hyalina une espèce dou- 
teuse qu'il aurait observée dans l'eau du Nil, parmi les Conferves, 
et qui formerait des globules incolores de 0,037. 


3° Genre. GONIUM. — Gonium. Müll. 


Animaux verts ovoides, réunis par suite de la division 
spontanée, au moyen d’une enveloppe commune en forme 


de plaque quadrangulaire qui se meut lentement dans 
l’eau. | 


(1) Volvox morum , Müller , Infus. PL. II, fig. 14-16. 
Pandorina mora , Bory, 1824. 

Pandorina morum , Ehr. Infus. PI. IT, fig. 33. 

(2) £udorina elegans, Ehr. Infus. PI. IT, fig. 6. 


318 HISTOIRE NATURELLE 


Les Gonium ont été aperçus d’abord par Müller, qui ne 
soupconna pas du tout leur organisation, et prit leur en- 
veloppe commune pour un seul animal. Schrank, en nom- 
mant d’ahord f’olvox complanatus l'espèce type de ce genre, 
semble avoir pressenti leur vrai rapport avec le Volvox. 
M. Bory voulut former le genre Pectoraline avec le Gonium 
pectorale ; mais il n’avait rien vu de plus que ses prédéces- 
seurs. M. Ehrenberg, en 1830, le décrivait comme formé 
d’une enveloppe comprimée, carrée, ciliée aux angles, et 
contenant seize gemmes à l’intérieur ; mais, en 1834, ilen 
donnait une description plus exacte d’après ses nouvelles ob- 
servations. Les globules verts n'étaient plus des gemmes, 
mais des animaux distincts, dont la réunion en carré for- 
mait une famille, et chacun d'eux lui paraissait pourvu 
d’une trompe filiforme. - | 


1. Goxiux rEcroRAL. — Gonium pectorale (x). Müll. 


Animaux ovoïdes ou globuleux , verts, larges de 0,006 à 0,020, 
réunis par 46 en plaques carrées ou quadrangulaires de 0,025 
à 0,085. 


Müller décrit ce Gonium comme formé de seize corpuscules 
ovales, presque égaux, verdâtres, demi-transparents, insérés 
dans une membrane quadrangulaire qui réfléchit la lumière sur 
chacune de ses faces. Il se propage par la séparation de chacun 
des globules qui bientôt se montre, à son tour, composé de seize 
globules plus petits. Turpin l’a décrit comme un végétal dans les 
Mémoires du muséum (1828, t. XVI, pl. 13), et dans le Diction- 
naire des sciences naturelles, sous le nom de Pectoraline, en le 
signalant comme une preuve de sa théorie de la globuline. 


* Gonium punctatum. Ehbx. Inf. 1838, pl. TI, f. 2. 


M. Ehrenberg a décrit sous ce nom une espèce qui paraît difié- 
rer de la précédente par des taches noires sur chacun des animal- 
cules verts; il l’a observé à Berlin. 


(x) Gonium pectorale, Müñér , Infus. Pl. XVI, fig. 9, 11. 
Pectoralina hebraica , Bory, 1824 , Encycl.—1828, Dict. class. {. 13. 
Gonium pectorale , Ehr. Infus. 1838, PL. IL, fig. x. 


DES INFUSOIRES. 319 


Le Gonium pulvinatum de Müller ne peut être rapporté avec 
certitude à ce genre; il a été observé dans une eau de fumier 
et décrit par cet auteur comme une plaque quadrangulaire ren- 
flée en forme de coussin et formée de trois ou quatre bourrelets 
parallèles, présentant ensuite des divisions transverses et animée 
d’un mouvement vibratoire lent. 

On doit , je crois, regarder comme un végétal le Gonium tran- 
quillum décrit par M. Meyen dans les Nov. acta nat. curios,t. XIV, 
PI. 43, fig. 36, comme formé de seize corpuscules verts , disposés 
par deux ou par quatre dans une plaque quadrangulaire quelque- 
fois plus longue que large, et sans mouvement propre. 


%° Genre. UROGLENE. — Uroglena. Ehr. 


M. Ehrenberg a formé les deux genres Uroglena et Sy- 
nura pour les Infusoires agrégés dans une enveloppe géla- 
tineuse commune, ainsi que les autres Volvociens ; mais dis- 
tingués par la présence d’un prolongement caudiforme qui 
les retient adhérents au centre de la masse commune. Ses 
Uroglena forment une seule espèce, U. Folvox (Ehr. Infus. 
PL. II, fig. 11), présentant des animalcules oblongs jau- 
nâtres, retenus par une queue trois à six fois plus longue 
que le corps qui s’avance hors de la masse commune; ils 
diffèrent surtout des Synura par la présence d’un point co- 
loré , que l’auteur nomme un œil. Ces derniers, également 
jaunêtres, saillants hors de la masse commune, forment ia 
seule espèce Synura uvella (Ehr, Infus. PI. IT, fig. 9). 


* Syncrypta. Ehr. 


Le même auteur institueun genre Syncrypla pour des Infusoi- 
res verts agrégés, qu'il décrit comme pourvus d'une enveloppe 
propre, et réunis dans une enveloppe commune. Ces Infusoires 
loûgs de 0,009, réunis en globules de 0,047, forment une seule es- 
péce, Synerypta volvox (Ehr. Infus. PI. HI, fig. 7); il l'a observée 
à Berlin. J'ai bien aussi de mon côté rencontré des Infusoires, 
agrégés, et munis d’un tégument propre; mais n'ayant pas re- 
connu distinctement chez eux une enveloppe commune, j'ai cru 
devoir les reporter parmi les Thécamonadiens. (Voyez Crrptomo- 
nas- Tetrabæna. ) 


320 HISTOIRE NATURELLE 


VII FAMILLE. 


DINOBRYENS. 


Infusoires à filament flagelliforme, contractiles au 
fond d'une carapace ouverte ; se multipliant par gem- 
mation, de telle sorte que les nouvelles carapaces restent 
adhérentes par leur base au sommet des précédentes , 
d’où résulte un polypier rameux. 


Les Dinobryens, dont je n’ai observé que deux es- 
pèces, m'ont paru être des animalcules analogues aux 
Monadiens ; mais la rapide altération de l’eau qui les 
contenait avec d’autres productions de l'étang de 
Meudon, ne m'a pas permis de les étudier compléte- 
ment, et de reconnaître chez eux l’existence du fila- 
ment flagelliforme, ni de m'assurer si, dans leur ca- 
rapace , ils auraient un second tésument contractile 
analogue à celui des Eugléniens, ce que pourtant je ne 
puis croire; car ils ne me montraient qu'une masse 
verte changeant lentement de forme au fond de chaque 
petite carapace en forme de cupule. Ces animalcules 
forment, par la gemmation, de nouvelles carapaces qui 
se greffent successivement les unes sur les autres, d’où 
résulte un petit polypier comme un Sertulaire mi- 
croscopique, ordinairement fixé sur les Cyclopes et les 
autres petits animaux aquatiques , mais souvent aussi 
flottant librement dans le liquide , après s'être détaché 
de son support. Quand les Dinobryens se sont décom- 
posés en mourant , leur polypier se conserve parfaite- 
ment transparent. 

M. Ehrenberg, qui le premier a fait connaitre les 
Dinobryens en 1833 et 1834, en les définissant des 


DES INFUSOIRES,. 321 
animaux polygastriques cuirassés, anentérés (sans in- 
teslin) , sans aucun poil ou appendice externe, et dont 
le corps est de forme changeante, les classait alors à 
côté des Volvociens ; mais il les place aujourd’hui (/n- 
fusionsthierchen , 1838) à la suite de ses Astasiæa, en 
les regardant comme des Astasiées à carapace. Il dit, 
avec plus de réserve, « qu’ils sont évidemment ou 
vraisemblablement polygastriques, anentérés, eym- 
niques , cuirassés, de forme spontanément variable. » 
Et tout en déclarant que dans cette famille l’organisa- 
tion n'est pas suflisgmment connue, il assure avoir 
vu chez les Dinobryon comme organe locomoteur une 
trompe simple filiforme; puis il dit que les granula- 
tions verdâtres ou jaunâtres de tous les individus 
paraissent constituer l'ovaire, et qu'une vésicule claire, 
au milieu du corps de son Æpipyxis, pourrait être la 
vésicule séminale contractile. Enfin il accorde un œil 
rouge au Dinobryon. Cet auteur place dans cette fa- 
mille, avec ses Dinobryon , un second genre Epi- 
pyxis, qui se distingue par l'absence du prétendu 


œil. 


1 Genre. DINOBRYON. Ehr. 
(Mémes caractères que pour la famille. ) 


1. Dinosryon sErruLaire. — Dinobryon sertularia. Ehr. (1). — 
PI. I, fig. or. 


Animaux dans des urcéoles ou cupules sessiles, formant un 
polypier, souvent libre. — Longueur d’une cupule, 0,04. — Lon- 
gueur du polypier, 0,32. 

J'ai trouvé abondamment cette espèce flottant dans l’eau de 
l'étang de Meudon , entre les spongilles, le 20 mars 1838. Le 


(1) Dinobryon sertularia, Ehr. Infus. 1838 , PI. VII, fig. 8. 
| INFUSOIRES. 21 


s22 HISTOIRE NATURELLE 


corps des animalcules est vert, et le polypier est d'une diapha- 
néité parfaite. M. Ehrenberg l’a observée en mars et avril 183, 
près de Berlin. Il fixe la longueur des cupules à 0,047. 


2. DINOBRYON PÉTIOLE. — Dinobryon petiolatum. — (PI. I, fig. 22.) 


Animaux verts dans des urcéoles ou cupules longuement pé- 
donculées, qui partent de l’intérieur des cupules plus anciennes. 
— Longueur d'une cupule et d’un animalcule , 0,048.— Longueur 
du pédoncule , 0,08 à 0,40. — Longueur du polypier, 0,25. 


J'ai trouvé, en même temps que la précédente, cette espèce 


fixée sur des Cyclopes ; quelques-uns des pédoncules les plus longs 
montraient un bourgeon latéral. 


" Dinosnyon socraz. — Dinobryon sociale. Ehr. (1). 


M. Ebrenberg a décrit sous ce nom une autre espèce qu'il avait 
d'abord prise pour une Vaginicola, et qui diffère surtout de la 
premiére par ses dimensions moindres d'un tiers. 


* Errpyxis. Ehr. 


Le même auteur institue sous ce nom un genre particulier pour 
un Dinobryon incomplétement observé, et nommé par lui-même 
d'abord (1831) Cocconema utriculus ; il est en forme d'utricules 
coniques remplies de granules jaunâtres, et fixées par un pédi- 
cule sur les conferves. 11 soupconne que la Frustulia crinita de 


Martens et l'Aristella minuta de Kützing sont la même chose que 
son Épipyxis. 


: (1) Waginicola socialis , Ehr. 1830-1831 , Mém. acad. Berlin. 
Dinobryon sociale , Ehr. 1838 , Infus. PI. VILL, fig. 9. 


DES INFUSOIRES. 529 


VIIL FAMILLE: 


THÉCAMONADIENS. 


Animaux ordinairement colorés, revêtus d'un tégu- 
ment non contractile, membraneux ou dur et cassant, 
et n'ayant pas d’autres organes locomoteurs qu'un ou 
plusieurs filaments flagelliformes. 


Les Infusoires de cette famille n'ayant de commun, 
en quelque sorte, qu’un caractère négatif, la non-con- 
tractilité d’un tégument , pourront sans doute être di- 
visés plus tard en plusieurs familles, d’après leur 
forme , d’après la nature de leur tésument, et d’après 
le nombre et la disposition de leurs filaments moteurs. 
On en voit en effet de globuleux et de foliacés; quel- 
ques-uns ont une coque dure, comme pierreuse ; 
d’autres ne sont revètus que d’une membrane mince, 
flexible ; il en est enfin qui n’ont qu’un seul filament, 
tandis que d’autres en ont deux semblables, ou bien 
deux de grosseur différente, ou encore en ont plu- 
sieurs. En attendant que de nouvelles observations 
aient augmenté le nombre et la connaissance des es- 
pèces , ces différences que nous venons de signaler ser- 
viront seulement à caractériser des genres bien plus 
réellement distincts dans cette famille que parmi les 
Monadiens. C’est qu'aussi les T hécamonadiens sont 
plus avancés en organisation que les Monadiens ; on 
ne Les voit point comme ceux-ci se produire dans les 
infusions artificielles, et changer de formes et de ca- 
ractères suivant la nature du milieu où ils vivent. Ils 
sont aux Monadiens ce que les Rhizopodes sont aux 
Amibiens ; ils n'ont pas plus d'organes distincts, mais 

a 


324 HISTOIRE NATURELLE 

leur individualité est déjà plus précise; ils se multi- 
plient dans des eaux stagnantes, qu'on peut bien assi- 
miler à des infusions faites en grand; mais il n’est 
plus permis de penser qu'aucun d'eux puisse être le 
produit d’une génération spontanée , ou du développe- 
ment de ces corps préorganisés qu'admettait Spallan- 
zani; de ces germes disséminés dans l'atmosphère, 
auxquels on attribuerait l'origine des Monadiens , des 
Amibiens, des Vibrioniens , et de quelques autres In- 
fusoires. 

Ainsi les Thécamonadiens , de forme globuleuse et 
munis d’un seul filament, seront des Trachelomonas, 
si leur enveloppe est dure et cassante; ce seront des 
Cryptomonas, si elle est membraneuse et molle. Ceux 
qui, n'ayant aussi qu'un seul filament , sont de forme 
aplatie, formeront les genres Phacus et Crumenule 
qui diffèrent, parce que celui-ci n'a pas le prolonge- 
ment caudiforme qu’on observe plus ou moins pro- 
noncé chez celui-là. Les Thécamonadiens à deux fila- 
ments seront les Diselmis, si les deux filaments sont 
également vibratiles ; mais si lun de ces filaments est 
traînant et rétracteur, l’autre étant vibratile et flagelli- 
forme, on en fera les deux genres Anisonème et Plæo- 
tie; ce dernier se distingue par sa forme en nacelle , 
l'autre est ovoïde ou en forme de pepin: Enfin, sil 
y à plusieurs filaments vibratiles, ce sera le genre 
Oxyrrhis, dont le nom indique comment son corps se 
prolonge antérieurement en forme de nez. 

Plusieurs de ces animaux ont été vus par les anciens 
micrographes , qui ne soupconnèrent nullement [a pré- 
sence des filaments moteurs. Müller en a décrit quel- 
ques-uns dans ses genres Monas, Volvoxet Cercaria. 
M. Bory les a laissés aussi confondus avec des Infu- 


DES INFUSOIRES. 325 


soires nus dans plusieurs genres. Mais M. Ehrenberg, 
le premier, sentit la nécessité de créer une famille pour 
les Infusoires revêtus d’un tégument résistant, et d’ail- 
leurs semblables aux Monades ; il la nomma famille des 
Cryptomonadina, du nom d’un de ses principaux 
genres Cryptomonas. Cette famille, la première des 
cuirassés , anentérés, gymniques, était caractérisée 
chez cet auteur, en 830, par « une enveloppe membra- 
neuse, subglobuleuse ou ovale, propre à chaque indi- 
vidu , qui était non divisible ou divisible avec l’enve- 
loppe. » Une première section, comprenant les ani- 
malcules simples , était partagée en trois genres , 
savoir : les Cryptomonas, sans yeux, mais avec une 
bouche ciliée: les Gygès, sans yeux et sans bouche 
ciliée; et les Cryptoglena, avec un œil rouge. Un 
quatrième genre, Pandorina , reporté depuis dans la 
famille des Volvociens, était censé contenir les Cryp- 
tomonadines composées, ou se reproduisant par des 
divisions internes. Le genre Gygès , Sans être mieux 
connu qu'à cette époque , a été également reporté de- 
puis par cet auteur dans la famille des Volvociens, de 
sorte qu’il ne reste plus que deux des genres primitifs, 
lesquels sont même réunis dans notre genre Crypto- 
monas. Mais, en 1832, dans son troisième mémoire, 
M. Ehrenberg, en même temps qu'il instituait sa fa- 
mille des ’olvocina , créait les nouveaux genres Pro- 
rocentrum , Lagenella et Trachelomonas, chez les- 
quels il avait reconnu l'existence d’un filament flagel- 
liforme qu'il prend pour une trompe. Enfin, en 1836, 
il créait le genre Ophidomonas ; de sorte que sa fa- 
mille des Cryptomonadina est, dans son Histoire des 
Infusoires (1838), divisée en six genres de cette ma- 
nière. Les espèces sans yeux, à carapace obtuse , 


326 HISTOIRE NATURELLE 


sont des Cryptomonas, si la forme est courte et si la 
division spontanée est nulle ou longitudinale ; ce sont 
des Ophidomonas, si la forme est longue etla division 
transversale. Celles qui, sans yeux, ont la carapace 
antérieurement prolongée en pointe, sont les Proro- 
centrum. Quant aux espèces pourvues d’un œil ou d’un 
point rouge, elles sont divisées en trois genres , suivant 
la forme de la carapace : les Lagenella ayant une ca- 
rapace globuleuse avec un prolongement en forme de 
goulot ; les 7rachelomonas ayant la carapace globu- 
leuse, sans goulot ; et les Cryptoglena ayant une cara- 
pace ouverte d’un côté, ou en forme de bouclier. 

De ces dix genres, nous en acceptons deux seule- 
ment, en réunissant les Cryptoglena et les Lagenella 
aux Cryptomonas comme des sous-genres. Le Proro- 
centrum pourrait être la même chose que notre Oxyr- 
rhis; et, d’ailleurs, nous réunissons aux 7 rachelomonas 
les genres Chætotyphla et Chætoglena, placés, par 
M. Ehrenberg, parmi les Péridiniens. Quant au genre 
Phacus, il a été réuni aux Euglènes par cet auteur, 
maloré la différence que présente son tégument non 
contractile. Notre Diselmis enfin se rapporte en partie 
aux Chlamidomonas du même auteur. 

Les Thécamonadiens sont tous très-petits, mais ils 
deviennent visibles à l’œil nu, en raison de leur grand 
nombre et de leur coloration; ils sont ordinairement 
verts, et colorent la surface des eaux stagnantes, des 
ornières, etc. Il en est aussi de rouges qui produisent 
la coloration des salines. Ils sont reconnaissables , le 
plus souvent, à leur raideur et à l’uniformité de leur 
mouvement. M.Ehrenberg attribue à la plupart de 
ces Infusoires un double filament flagelliforme; il 
n’a pu leur faire avaler de substances colorées ; néan- 


DES INFUSOIRES, 927 


moins il prend pour des estomacs les vésicules internes, 
sauf celle qu’il appelle vésicule séminale contractile , 
et qu'il indique dans une seule espèce de Cryptomo- 
nas. Il a nommé testicules ou glandes séminales, des 
corpuscules arrondis, incolores, qui se voient dans 
plusieurs de ces animaux ; enfin, comme pour d’autres 
familles , il dit que leur couleur verte consiste en 
globules serrés qui lui paraissent être les œufs, et il 
désigne comme un œil le point rouge que plusieurs 
présentent à l'intérieur en avant. 


Tégument dur et 


+ TRACHELO : 
ET CN AIN 1. TRACHELOMONAS 


Corps ovoide , 
ou globuleux. Tégument om 


heu ve nsc edf rt CRyrToMOoNAs. 


Corps déprimé {?Y°° 1? pores) 3. Paacus. 


à filame nt flagelliforme 
unique 


a ou en forme) °° Manière de queue. 
E de feuille. 
a \Sans prolongement. . 4. CRumEnurA. 
< 
2 
< Deux filaments semblables. . . . . . 5. DiseLmis. 
<> LU 
ER 
54 : . 
1 © Corps prismatique 
3 £ |Unfilament flagel- ou en nacelle. | D ei 
s & Î liforme et un fila- 


ment trainant ré-f Corps ovoïde ou) Fr, 
\ tracteur. en forme depepin. { 7 o 


L4 . 
à plusieurs filaments. he gi ne CL) 8. Oxvrnuis. 


prolongé en pointe. 


1” Genre. TRACHELOMONAS.— Trachelomonas. Ehr. 


An. Sécrétant un têt globuleux ou ovoïde , dur et cas- 


sant, par une pelite ouverture, duquel sort un long fila- 
ment flagelliforme. \ 


328 HISTOIRE NATURELLE 


1. TRACHELOMONAS vOLYOCINE. — Trachelomonas volvocina. Ehr. 
PNB ETS 


Corps sphérique , jaune-brunâtre ou rougeâtre , avec un point 
oculiforme, rouge. Bord de l'orifice épaissi intérieurement. — 
Long de 0,0167. 


Cette espèce se trouve en hiver (25 janvier 1837) dans le grand 
bassin du Jardin des Plantes à Paris, et au premier printemps 
dans la mare d'Auteuil ; son têt est dur et cassant. M. Ebrenberg 
dit avoir constaté qu'il est siliceux et résiste à la combustion ; je 
n'ai point répété cette expérience, mais il m'a paru que l'acide 
nitrique le dissout lentement sans effervescence et en le rendant 
transparent. Le filament, long de 0,04, tres-délié, s’agite toujours 
auprès et autour du têt, et produit souvent l'apparence d'un 
nœud qui de sa base s'avance vers l'extrémité. 


* Trachelomonas nigricans et Tr. cylindrica. Khr. 
£ D 4 


M. Ebrenberg distingue sons le nom de Tr. nigricans une 
espèce qu'il avait d’abord confondue avec la precédente , et qu'il 
décrit comme ayant le têt ovoïde, presque globuleux ; une troi- 
sième espèce, Tr. cylindrica , est décrite par lui comme ayant le 
corps, oblong presque cylindrique ; mais elle avait également été 
nommée d'abord Wicroglena volvocina comme les denx autres, 
dont elle ne paraît en effet différer que par sa forme moins glo- 
buleuse. 


** Chætotyphla armata , Ehr. Infus. 1838, p. 350, PI. XXIE, f. 10. 


M. Ehrenberg a placé dans sa famille des Peridinea un genre 
Chætotyphla qui paraît ne différer des Trachelomonas que par 
les soies et les épines dont son têt est entouré. Il créa ce genre 
en 1532 et le définit ainsi : « Polygastriques, anentérés, épitri- 
ques, revêtus d’une cuirasse roide tont entourée de soies. OEil 
nul. » 11 supposait que le mouvement vibratile à la partie anté- 
rieure était plus probablement dû à des cils qu'à une trompe. 
Dans la description qu’il en donne plus tard en 18338, il paraît 
douter davantage de la présence des cils, en ajoutant que le mour- 


DES INFUSOIRES. 329 


vement de rotation autour de l'axe longitudinal peut bien être 
dû à une trompe; il dit que le têt siliceux est couvert de petites 
pointes ou soies dont les postérieures sont les plus fortes, et 
attribue comme toujours la coloration à des œufs. Il n’a pu faire 
pénétrer à l'intérieur le carmin ou l'indigo. Le Chætotyphla 
armata, qu'il avait d'abord nommé Pantotrichum armatum, est 
brun, ovoïde, hérissé de soies courtes dont les postérieures plus 
fortes et noires, au nombre de huit environ, forment une cou- 
ronne assez régulière en arriére; l’auteur ajoute que les soies 
tines de la surface sont quelquefois indistinctes. Il a fait une se- 
conde espèce, Ch. aspera, pour des individus trouvés près de 
Berlin avec ceux de la première espèce, dont ils ne different que 
par une forme un peu plus allongée, et par les épines postérieures 
éparses sans ordre. Leur longueur est de 0,043. Il a aussi rap- 
porté à ce genre, mais avec doute, un corps fossile, oblong, 
hérissé de soies , observé dans le silex pyromaque de Delitsch. 


*% Chætoglena volvocina, Ehr. Inf. 1838, p.352, PI. XXII, f. 12. 


Le même auteur a désigné ainsi depuis 1832 un Infusoire qui 
se rapproche encore plus que les précédents du Trachelomonas ; 
il est ovoïde , long de 0,023, vert brunâtre , tout hérissé de soies 
courtes avec un point rouge oculiforme et un filament flagelli- 
forme plus long que le corps. 11 fut trouvé auprès de Berlin entre 
les Conferves, et c'est un des premiers Infusoires chez lesquels 
a été reconnu le filament que M. Ehrenberg nomma alors une 
trompe. Son têt dur, siliceux , se rompt par la pression en frag- 
ments anguleux, et montre autour de la trompe un prolonge- 
ment court en forme de goulot. Le genre Chætoglena, placé par 
l’auteur dans la famille des Peridinea, ne diffère du Chætotyphla 
que par le point rouge pris pour un œil. 


2° Gevre. CRYPTOMONAS. — Cryptomonas. Ehr. 


An. de forme globuleuse ou peu déprimée, sécrétant un 
têt membraneux, flexible, et pourvus d'un filament flagel- 
liforme très-délié. 


Dans ce genre Cryptomonas, je comprends tous les Thé- 
camonadiens à un seul filament dont le têt n’est pas dur et 


330 HISTOIRE NATURELLE 


cassant , et dont Le corps n’est pas déprimé comme celui des 
Phacus et Crumenule : aussi ne douté-je pas que parmi ces 
Enfusoires, quand ils seront mieux connus, on ne doive 
trouver à établir plusieurs genres bien distincts par leur 
forme plus ou moins globuleuse, par le degré de consis- 
tance de leur enveloppe, et surtout par leur manière de 
vivre. J’indique déjà au moins comme sous-genres les Za- 
genella, dont l'enveloppe est prolongée en manière de gou- 
lot, et les Tetrabæna, qui vivent agrégés par quatre, sans 
cependant être réunis comme les Volvociens dans une en- 
veloppe commune. Quant au caractère fourni par la pré- 
sence chez certains individus d’un point rouge pris pour 
un œil par M. Ehrenberg, je ne peux y trouver un carac- 
tère générique pour distinguer ces animaux ; non plus que, 
chez les Cryptomonas et Cryptoglena de cet auteur, je 
ne peux reconnaître un têt en forme de bouclier et ouvert 
d’un côté ; bien au contraire, j'ai vu dans tous ceux que j'ai 
observés ce têt enveloppant entièrement la partie vivante 
de l’animal et paraissant seulement dans certains cas dé- 
primé d’un côté pour s'appuyer plus exactement sur cette 
partie vivante, Le tégument dans tous les cas est notable- 
ment plus large que le contenu, et en paraît écarté sur tout 
son contour par un espace diaphane en forme d’anneau 
qui donne bien nettement la notion de l’existence d’une 
enveloppe. 

M. Ehrenberg, en 1830, créa une famille des Crypto- 
monadinæ caractérisée par une enveloppe globuleuse ou 
ovoïde , et ayant pour type son genre Cryptomonas, auquel 
il attribuait une bouche ciliée; il distinguait en outre ce 
genre par l'absence du point rouge qu'il nommaït un œil 
chez ses Cryptoglena. Plus tard , en se fondant sur des 
observations plus récentes , il caractérisa ainsi en 1838 le 
genre Cryptomonas : « Anim, dépourvu d'œil, à cuirasse 
courte, obtuse en avant , divisible spontanément dans le 
sens longitudinal ou jamais divisible. » La cuirasse, ajoute- 
t-il, est dans la plupart des espèces un bouclier ouvert en 


DES INFUSOIRES. 331 


dessous eten avant, et recourbé au bord ; dans une seule 
espèce, C. ovata , elle paraît êtreuneutricule fermée. Comme 
organe locomoteur , trois de ses espèces , €. curvata, C. 
ovata et C. erosa, lui ont montré un filament flagelli- 
forme, simple, et le €. glauca lui en a laissé voir deux. Il 
désigne d’ailleurs comme des estomacs les vacuoles ou vé- 
sicules internes, et comme des œufs les granules colorés; de 
plus , il attribue deux testicules ovales ou ronds à trois de 
ses espèces, et une vésicule séminale contractile au €. 
ovata. Son genre Cryptoglena ne diffère absolument que 
par le point rouge oculiforme ; il lui attribue également une 
cuirasse ouverte en avant et en dessous, et formant un 
petit bouclier roulé sur les bords. Dans une seule espèce, C. 
conica, il a observé un double filament moteur qu’il nomme 
une trompe, et d’ailleurs il reconnaît dans ces Infusoires, 
comme dans les précédents, des estomacs et des organes 
sexuels. 

Nos Cryptomonas, et nous ne parlons sous ce nom que de 
ceux qui n’ont qu'un filament moteur, sont toujours colorés, 
et le plus souvent ils sont verts; on les trouve dans les 
eaux de mer ou de marais, quelquefois dans des eaux stag- 
nantes infectes, mais non dans les vraies infusions. 


1, CRYPTOMONAS GLOBULE. — Cryptomonas globulus, — P1, VIT, fig. 2. 


Corps globuleux vert, souvent plissé, presque aussi large que 
l'enveloppe diaphane. Longueur de 0,010 à 0,043. 


- Dans un flacon où je conservais depuis deux jours de l’eau puisée 
à la mare d'Auteuil avec des Conferves, le 16 mars, je voyaisun 
grand nombre de ces globules verts munis d’un filament très-dé- 
lié, s’agiter en tout sens dans le liquide, et venir se fixer à la 
paroi éclairée du flacon ; alors ils cessaient d’être aussi ronds, et 
montraient quelques grands plis et des rugosités. 


2. CRYPTOMONAS INÉGALE, — Cryplomonas inæqualis, — P], VII, 
fig. 3. 


Corps ovoïde vert , moins épais que large , avec une dépression 


332 HISTOIRE NATURELLE 


longitudinale , et une ou deux échancrures inégales dans la partie 
colorée , qui est toujours beaucoup plus étroite que l’enveloppe.— 
Longueur de 0,010 à 0,041. — Marin. 


Cet Infusoire colorait en vert l'eau de mer stagnante sur la plage 
à côté du port de Cette. 


Li Cryptomonas. — Ehr. 


M. Ehrenberg décrit dans son dernier ouvrage, en 1838, sept 
espèces de Cryptomonas, dont deux, Cr. glauca ( Ehr. Inf. PI. II, 
fig. 20) et Cr. fusca (Ehr. Inf. PI. IT, fig. 21), sont indiquées par lui- 
même comme douteuses. Celle-ci, en effet, nommée d’abord par 
lui Bacterium fuscum, a le corps brun, oblong, prismatique à 
angles émoussés , arrondi aux deux extrémités, long de 0,018. 
Elle n'a été vue qu'enSibérie, et l’on ne peut dire ce qu’elle est réel- 
lement. L'autre munie d’un double filament, avait déja été citée 
par l'auteur comme pouvantêtre le type d’un nouveau genre qu'il 
aurait nommé Diplotricha, Une troisième espèce, Cr. curvata (Ehr. 
Infus. PL. IT, fig. 16), longue de 0,094, est tellement comprimeée, 
qu'elle doit appartenir à notre genre Crumenula. Les quatre au- 
tres sont probablement de vraies Cryptomonas , mais ne les ayant 
pas rencontrées moi-même, je n'en puis parler avec certitude. 
L'une, Cr. ovata (Ehr. Infus. PI. II, fig. 17), longue de 0,047 à 
0,094, a le corps vert, ovale, déprimé, deux fois plus long que 
large. Elle est rapportée avec doute par l’auteur à l'Enchelys vi- 
ridis de Müller, dont M. Bory avait fait une Craterine; une 
deuxième , Cr. erosa (Ehr. Infus. PI. IL, fig.18), longue de 0,028 , 
également verte, ovale et äéprimée, présente en avant une 
place diaphane, comme une large érosion de la partie verte; une 
troisième , Cr. cylindrica ( Ehr. PI. I, fig. 19), longue de 0,087, 
oblongue , presque cylindrique, trois fois plus longue que large, 
obliquement tronquée et échancrée en avant, n’a pas laissé voir 
son organe moteur ; sa coloration est produite par des granules 
verts dont le diamètre est la vingtième partie de la longueur du 
corps; une quatrième enfin , Cr. lenticularis (Ehr. PI. I, fig. 22), 
longue de 0,016, verte, de formelenticulaire et à cuirasse épaisse, 
n'a point non plus laissé voir son filament moteur. 


DES INFUSOIRES. 339 


#x Cryptoglena, Ehr. 


Des trois especes de Cryptoglena de M. Ehrenberg, l’une, Cr. 
conica (Ehr. PI. II, fig. 25), lui ayant montré un double fila- 
ment flagelliforme, ne doit pas être comptée parmi nos Cryrpto- 
monas ; les deux autres , trop imparfaitement observées avant 
1832, ne peuvent être rapportées avec probabilité à aucun de 
nos genres caractérisés par leurs filaments moteurs, puisqu'à 
cette époque l’auteur n'y a rien vu de tel. L'une, Cr. cærulescens 
(Ehr. PI. 11, fig. 27), longue de 0,0045, a le corps ovale déprimé, 
échancré en avant, vert bleuâtre avec une bande plus claire 
longitudinale, et un point rouge au milieu; l’autre, Cr. pigra 
(Ebr. PI. II, fig. 26), longue de 0,009, est moins déprimée et d’une 
couleur plus verte. L'une et l’autre ont été observées près de 
Berlin entre des Conferves. 


3. CRYPTOMONAS (LAGENELLE) ENFLÉE. — Cr. (Lagenella) inflata. — 
FIVE Ro 2 


Corps ovoïde , renflé en arrière , rétréci en forme de goulot à 
la partie antérieure; tégument diaphane plus épais en avant et 
autour du goulot, rempli d’une substance verte avec un point 
rouge au milieu.— Mouvement en zigzag.— Long. 0,0225. 


J'observais , le 24 fevrier 1838 , cet Infusoire dans un flacon où 
je conservais depuis l'automne de l'eau de marais avec des Lemna. 
M. Ehrenberg décrit sous le nom de Lagenella euchlora un In- 
fusoire de même grandeur qui differe du nôtre par sa forme plus 
allongée, et surtout parce que la substance verte s'avance davan- 
tage près du goulot, tandis que dans ie nôtre l’épaississement du 
tégument est tel à la partie antérieure qu'il paraît ne laisser 
qu'un passage étroit pour le filament flagelliforme. 


4. CRyProMoNAs (TETRABÆNE) SOCIALE. — Cr, (Tetrabæna) socialis.— 
PI. V, fig. 1. 


An. à corps ovoïde , régulier , vert avec un point rouge au mi- 
lieu , enveloppé d’un tégument épais, diaphane et offrant souvent 
à l'intérieur un commencement de division spontanée. — Vivant 


334 HISTOIRE NATURELLE 

agrégés en groupes réguliers de quatre individus simplement 
agglutinés, et ayant leurs filaments flagelliformes dirigés du 
même côté. — Long. de 0,0156 à 0,020. 


Le 26 janvier, dans l'eau d’un tonneau d'arrosage au jardin du 
Roï , à Paris, j'observais ces Infusoires formant des groupes nom- 
breux de quatre individus faiblement agglutinés et se mouvant 
lentement par l'effet de l'agitation simultanée du filament fla- 
gelliforme de chacun d'eux. Je les aurais pris pour des Gonium 
s'il m'eüt été possible d’y apercevoir quelque trace d’enveloppe 
commune; je ne peux douter néanmoins qu'ils n'aient la plus 
grande analogie et avec les vrais Gonium, et avec ce que M. Eh- 
renberg a nommé Syncrypla dans sa famille des Y’olvocina. On 
concoit d’ailleurs que la division spontanée, dont on voit le com- 
mencement dans quelques individus, étant suivie de la disso- 
lution du tégument, a dû produire de telles agrégations dans 
ces divers genres d'Infusoires. Ce mode de propagation a sans 
doute lieu dans la plupart de ceux dont le tégument est mou et 
glutineux ; mais dans des animaux comme les Trachélomonas, 
dont le tégument est dur et cassant, on ne sait pas comment 
s'opére la multiplication. 


3° Genre. PHACUS. — Phacus. Nitzsch. 


An. à corps aplati et comme foliacé, ordinairement vert 
et orné d’un point rouge en avant , avec un filament flagel- 
liforme, et revêtu d’un tégument membraneux résistant , 
prolongé postérieurement en manière de queue. 


Le genre Phacus a été proposé par M. Nitzsch pour la Gerca- 
ria pleuronectes de Müller ; il comprend quelques autres es- 
pèces que M. Ehrenberg a réunies à son genre Æuglène à cause 
de l’analogie de coloration ; la différence entre ces deux genres 
estcependant très-considérable, car dans celui-ci se voit un té- 
gument contractile qui permet à l’animal de changer de forme 
à chaque instant; chez les Phacus, au contraire, le tégument 
paraît totalement privé de contractilité et la forme est abso- 
Jument invariable. Les Phacus montrent d’ailleurs une ten- 


dance bien marquée à la disposition spirale par la manière 


DES INFUSOIRES. Jo) 


dont leur corps foliacé est quelquefois légèrement tordu ou 
contourné autour de l’axe longitudinal ; leur surface est sou- 
vent sillonnée dans le sens de la longueur, et leur bord an- 
térieur offre une sorte d’entaille, dont un des bords s’avance 
obliquement plus que Pautre , et de laquelle part le filament 
flagelliforme qui est très-long et très-délié. Ge filament , qui 
par son agitation continuelle produit le mouvement lent et 
régulier de l’animal , a été, je crois, aperçu pour la première 
fois tel qu’il est réellement par moi à la fin de 1835, et re- 
présenté dans les annales des sciences naturelles (1836, 
tome V, pl. 9); cependant M. Ehrenberg, qui précédem- 
ment avait vu imparfaitement dans divers Infusoires un fi- 
lament flagelliforme , et qui, sous le nom de trompe, l’a tou- 
joursreprésenté trop court et trop épais, a peut-être la prio- 
rité pour cette observation, 

Le tégument des Phacus persiste après la mort de l’ani- 
mal, et même après la destruction de la substance verte in- 
térieure, et apres l’action de divers agents chimiques ; il dé- 
vient alors d’une transparence parfaite. Le filament moteur 
disparaît au contraire comme le reste de la partie vivante ; 
mais parmi les globules ou disques qu’on anercçoit au milieu 
du corps, il en est un ou plusieurs qui persistent aussi après 
Ja mort. Comme on n’a jamais observé aucun indice de con- 
tractilité dans ces disques ou globules où vésicules apparents 
de l’intérieur, comme on n’y à jamais vu pénétrer ni sub- 
stances colorées, ni aucun corps étranger, et comme d’ail- 
leurs on n’apercoit aucune relation ou communication entre 
eux, il est impossible de se faire une idée juste de leur na- 
ture et de leurs fonctions ; cependant M. Ehrenberg, qui a 
nommé œil le point rouge antérieur, et œufs les préten- 
dus granules dont serait formée la substance verte, veut 
reconnaître aussi des estomacs dans les globules incolores, 
et des testicules dans les disques persistants. Il suppose aussi 
qu'il y aurait une bouche dans l’'échancrure antérieure. 
Nous pensons qu’il serait plus convenable de dire que les 
Phacus, par le manque absolu de contractilité dans leur en- 


336 . HISTOIRE NATURELLE 


veloppe et dans leur substance interne, sembleraïent être 
des végétaux si on ne connaissait pas leur filament flagelli- 
forme , qui est l’attribut des Infusoires de notre troisième 
ordre. 

L'espèce la plus anciennement connue est une Cercaire de 
Müller dont M. Bory a fait une Y'irguline, et que M. Nitzsch 
a pris pour type de son genre Phacus ; elle se trouve, ainsi 
que les autres espèces, dans les eaux stagnantes ou même 
dans les eaux vertes des ornières et des fossés ; ou bien dans 
ces mêmes eaux conservées très-longtemps dans des flacons ; 
mais on n’en voit pas dans les infusions artificielles. 


1. Pæacus PLEURONECTE. — Phacus pleuronectes. Nitzsch (1).—PI. V, 
fig. 5. 


Corps très-déprimé, ovale, presque circulaire, vert, avec des 
sillons longitudinaux peu marqués, et un prolongement caudi- 
forme trois ou quatre fois plus court. — Longueur de 0,040 à 
0,045 ; mouvement vacillant. 


Cet Infusoire, tres-commun dans les eaux stagnantes, a été ob- 
servé dans presque toute l'Europe; cependant, il serait possible 
que plusieurs espèces trés-voisines eussent été confondues sous le 
même nom, car j'en ai vu de plus allongées et de plus circulaires 
dont les sillons longitudinaux étaient plus ou moins nombreux, 
plus ou moins prononcés. Son filament flagelliforme est un des plus 
difficiles à distinguer; il est plus long que le corps, et s'agite vive- 
ment soit à côté, soit devant le corps même. Son épaisseur au 
grossissement de 300 ne paraît pas plus forte que celle d'un brin 
de laine fine, vu à l'œil nu; on ne peut donc lui supposer plus 
de 0,00006 d'épaisseur réelle, J'ai observé fréquemment cet Infu- 
soire ; en 1835, je le trouvais dans une eau douce stagnante des 
côtes du Calvados, son point rouge oculiforme était très-marqué ; 
en décembre 1836, je l'avais vu dans des eaux marécageuses in- 
fectes des environs de Paris ; il n'avait pas de point rouge bien 


(1) Cercaria pleuronectes, Müller, Infus. PI. XIX , fig. 19-21. 
Virgulina pleuronectes, Bory, Encycl. 1824, dict, class. 1830. 
LEuglena pleuronectes, Ehr. Infus. 1838, PI. VE, fig. 12. 


DES INFUSOIRES. 392 


marqué ; sa forme était plus oblongue; en novembre 1837, je 
l'étudiai de nouveau dans l’eau de l'étang de Meudon; il était plus 
circulaire, montrait un ou deux disques incolores bien nets à 
l'intérieur, et douze sillons longitudinaux bien prononcés, son 
point rouge était aussi net. Enfin , le Phacus que jusque-là je n’a- 
vais rencontré qu'isolément , je l'ai vu à Toulouse, le 10 janvier 
1840, colorer en vert foncé l’eau des fossés du boulevard ; il était 
long de 0,04 à 0,043, large de 0,0225 à 0,03 avec dix à douze 
sillons granuleux, presque effacés , avec un point rouge très-ir- 
régulier que je ne pus prendre pour un œil, et avec plusieurs 
disques incolores à zones concentriques (PI. V, fig. 5. c. ), souvent 
perforés au centre, et de forme tout à fait invariable. Voulant 
m'assurer de la nature de ces disques, je les traitai sur la plaque 
de verre, successivement par l'acide nitrique, par une solution 
bouillante de carbonate de soude, par l'ammoniaque, par l’al- 
cool et par l’éther, sans les attaquer ni les dissoudre ; l’éther lais- 
sait aprés le traitement quelques gouttelettes vertes, huileuses, 
provenant de la substance verte intérieure. 11 m'est donc bien 
impossible de voir dans ces disques si invariables les organes que 
M. Ehrenberg a voulu y reconnaitre. Dans un de ces Phacus, on 
voyait au centre un grand disque bien transparent, à moitié en- 
touré par une plaque marquée de zones et recourbée en arc de 
cercle qui paraissait être de même nature. 


2. PHAGUS À LONGUE QUEUE, — Phacus longicauda. — PI, V, fig. 6. 


Corps déprimé en forme de feuille, ovale, arrondi, tordu sur son 
axe, marqué de douze à quinze larges sillons longitudinaux avec 
une fente ou une entaille au milieu du bord antérieur, d'où part 
un long filament flagelliforme , et prolongé postérieurement en 
une queue diaphane , droite, presque aussi longue que le corps. 
— Longueur, 0,092 avec la queue. 


De l’eau rapportée de l'étang du Plessis-Piquet, le 23 novembre 
1535, et conservée dans un flacon avec des débris de plantes ma- 
récageuses, me fournissait abondamment ce Phacus que j'ai re- 
présenté dans les Annales des sciences naturelles (1836, €. 9, PI. 1X), 
pendant les mois de décembre et de janvier. Le filament, aussi long 


(1) Euglena longicauda, Ehr. 1831-1838, Inf. PL VII, fig. 13. 
INFUSOIRES. 22 


338 HISTOIRE NATURELLE 


que le corps, était notablement plus épais et plus visible que dans 
l'espèce précédente; son épaisseur à sa base n’était pas moindre 
que 0,00o1, les intervalles des sillons de la surface étaient régu- 
liérement tuberculés; il n’y avait pas de point rouge antérieur, 
quoiqu'on l'y voie quelquefois. M. Ehrenberg regarde, au con- 
traire, ce point rouge comme un organe essentiel et caractéris- 
tique; il attribue au Phacus longicauda des œufs verts de 0,003 
à 0,0028, des estomacs, un testicule et deux vésicules séminales 
contractiles, et enfin , il dit avoir vu , dans cette espèce , un gan- 
glion nerveux, clair, nettement circonscrit au-dessous du point 
oculaire rouge. Quant au filament flagelliforme, que cet auteur 
persiste à nommer une trompe partant d’une lèvre supérieure, il 
ne l’a représenté, pour la premiere fois, que dans un mémoire 
imprimé à la fin de 1836 , et envoyé le 13 mars 1837, à l'Institut 
de France. A la vérité, dans son troisieme mémoire (1833), il dit 
quelque part (pag. 104-105) avoir reconnu que le mouvement de 
certaines Euglènes est produit par une trompe et non par les cils 
qu'ilavait figurés et décrits précédemment ; mais dans ce mémoire 
même , il n’a point représenté d'Euglènes avec cet organe. 


3. Puacus TRPTÈRE, — Phacus tripteris. — PI, V, fig. 7. 


Corps oblong à trois feuillets longitudinaux réunis dans l’axe, 
un peu tordu sur cet axe, avec un point rouge en avant, et un 
prolongement caudiforme diaphane en arrière. — Longueur de 
0,065 à 0,080. 


J'ai trouvé cet Infusoire, d’abord au mois de novembre, dans 
l'eau des ornières, au sud de Paris, et plus tard, le 15 juin 1838, 
dans de l’eau où s'étaient pourries des spongilles de l'étang de 
Meudon. 


* Phacus triquetra. — (Euglena triquetra. Ehr. 1832, IIIe mém. 
pl. VIT, 1838. Infusionsth. PI. VII, fig. 14, pag. 112.) 


Cette espèce, qui diffère de la précédente par sa forme plus cir- 
culaire, et par sa longueur beaucoup moindre (de 0,023 à 0,046) 
a été trouvée par M. Ehrenberg, entre des Lemna minor, en avril 
et en juin 1832, auprès de Berlin. Elle est moins tordue sur son 
axe ; elle est caractérisée ainsi par cet auteur : « corps ovale, fo- 
liacé, caréne, triquètre, vert, avec une queue diaphane courte, » 
Elle ne montre pas de stries ou de sillons longitudinaux. 


DES INFUSOIRES. 399 


4° Genre. CRUMENULE. — Crumenula. 


An. à corps ovale, déprimé, revêtus d’un tégument ré- 
sistant, obliquement strié et comme réticulé, laissant sortir 
obliquement d’une entaille du bord antérieur un long fila- 
ment flagelliforme. — Mouvement lent. 


1. CRUMÉNULE TREssèe. — Crumenula texta. — PI, V, fig. 8. 


Têt résistant, réticulé rempli de substance verte avec des va- 
cuoles ou des globules hyalins , et un gros globule rouge en avant. 
— Longueur, 0,05. 


Cet Infusoire , que j'ai observé plusieurs fois, en décembre et 
janvier, dans l’eau de l'étang du Plessis -Piquet, conservée depuis 
quelques mois avec des végétaux vivants et des débris (voyez An- 
nales des sciences natur. 1836, t. 5, PI. IX), a la forme d’un sac 
tressé , aplati et rempli de matière verte entremélée de granules 
et de globules hyalins; versle quart ou le tiers antérieur, se voit 
un globule rouge large de 0,009 , que je ne puis regarder comme 
un œil ; et, tout à fait en avant, se voit un pli ou une entaille for- 
mée par une saillie en maniere delèvre; du fond de cette entaille 
sortun filament trois fois plus long que le corps, et épais de 0,000 16, 
lequel contourné sur lui-même un grand nombre de fois, s’agite vi- 

-vement sans faire beaucoup avancer l’animal. Avec les Cruménules 
vivantes, il s’en trouve de mortes, dont le test limpide ne contient 
plus que des granules brunâtres, réguliers , longs de 0,0016 , qui 
sont peut-être des corps reproducteurs. 


* GENRE PROROCENTRUM. Ehr. 


M. Ehrenberg nomme Prorocentrum micans (Infus. 
PL IL, fig. 23), un des Infusoires phosphorescents de la mer 
Baltique, observé précédemment par M. Michælis qui ne 
put y reconnaître le filament moteur. Cet Infusoire, de cou- 
leur jaunâtre, long de 0,06, est ovale, comprimé, plus 
étroit en arrière, revêtu d’une cuirasse glabre prolongée en 
pointe au milieu du bord antérieur ; il présente à l’intérieur 

99 


ét sit 


540 HISTOIRE NATURELLE 


plusieurs vésicules ou globules plus clairs, que l’auteur 
nomme des estomacs, et se meut en sautillant au moyen d’un 
filament flagelliforme qui sort du têt, en arrière de la pointe 
antérieure, M. Ebrenberg place son genre Prorocentrum 
dans sa famille des Cryptomonadina, et le caractérise ainsi : 
«An. dépourvus d'œil, à cuirasse glabre , terminée par une 
pointe frontale, » Sa forme déprimée et son tégument me 
font croire que cet Infusoire, sil n'appartient pas au genre 
Cruménule , doit en être fort voisin. 


5e GENRE. DISELMIS. — Diselmis. 


An. à corps ovoïde ou globuleux, revêtus d’un tégument 
presque gélatineux non contractile, et pourvus de deux 
filaments locomoteurs égaux. 


Ce genre, qui répond à peu près au Chlamidomonas de 
M. Ehrenberg, tel que cet auteur le définit aujourd’hui, 
mais non tel qu’il le voyait précédemment, comprend des 
Infusoires presque globuleux, verts, dont les organes loco- 
moteurs n’ont pu être vus des anciens micrographes, et qui 
ont dû conséquemment être classés avec les Monades, par 
Goeze, par Müller, par M. Boryet même par M. Ehrenberg en 
1831. Je reconnus en 1837, leur double filament moteur, et 
ce caractère me paraissant devoir les distinguer de tous les 
autres Infusoires indiqués comme ayant une trompe simple, 
je proposai dans les Annales des sciences naturelles 
(tom.8, 1837), d'en former le nouveau genre Diselmis. À 
cette époque en effet, M. Ehrenberg était censé définir en- 
core son genre Chlamidomonas, comme dans son troisième 
mémoire en 1832, c’est-à-dire en lui attribuant une trompe 
filiforme simple ; mais dans son histoire des Infusoires, en 
1838 , il lui a reconnu une trompe double et il a continué à 
l'inscrire dans sa famille des J’olvocina; parce qu’à l'intérieur 
de la carapace on voit des indices de division spontanée en 
deux ou en quatre. 

Cette même raison devrait faire reporter à la famille des 


DES INFUSOIRES. 341 


Polvocina, notre Tetrabæna, mais comme je l'ai dit précé- 
demment, je ne place dans ma famille des Volvociens que 
les Infusoires montrant une agrégation d'individus com- 
plets dans une enveloppe commune. 

Les Diselmis m'ont toujours paru composés d'un tégu- 
ment diaphane non résistant, susceptible de se dissoudre 
après la mort; déjà même, quand l'animal n’est plus dans 
les conditions normales , on voit sortir à travers le tégument 
plusieurs globules de sarcode , d’une transparence parfaite, 
ce qui semble bien annoncer que le tégument est perméable 
et que la partie vivante est essentiellement formée de ce sar- 
code diaphane. Toutefois le tégument est rempli d’une sub- 
stance verte, dont M. Ehrenberg attribue la coloration à des 
œufs : cette opinion me semble d'autant moins probable que 
ces animalcules, remplis de cette substance verte, sont sensi- 
bleseux-mêmes à la lumière, et, comme des végétaux, se fixent 
à la partie la plus éclairée du vase en dégageant du gaz (oxy- 
gene?) s'ils sont exposés aux rayons du soleil, Au milieu de la 
substance verte, se voient des granulations inégales et un dis- 
que renflé aux bords, nommé sans motif un testicule, et sou- 
vent aussi un point rouge pris à tort pour un œil ; car, je le 
répète , c'est par la substance verte tout entière, que les 
Diselmis paraissent être sensibles à la lumière, et non par le 
point rouge seul. Les filaments moteurs sortent par une même 
ouverture du tégument , et souvent même, ils partent d’un 
lobe diaphane , saillant par cette ouverture. Les Diselmis se 
trouvent dans les eaux stagnantes, au milieu des débris de 
végétaux plus ou moins décomposés, ou dans des flacons où 
on conserve depuis longtemps des eaux de marais, mais non 
dans les infusions artificielles faites en petit. La coloration 
en rouge des salines de la Méditerranée est due à un Infu- 
soire qui paraît appartenir à ce même genre, 


312 HISTOIRE NATURELLE 
1. Disezmis vERTE. — Diselmis viridis (1), — PI. INT, fig. °0-°1." 


Corps ovoïde, renflé, vert avec un point rouge, et deux fila- 
ments d'une longueur double environ. — Longueur de 0,040 à 
0,019. 


J'observais, au mois de juin 1837, cet Infusoire dans de l'eau 
de pluie qui depuis quinze jours baignait du terreau laissé à l’om- 
bre dans une terrine, et qui en était totalement colorée en vert. 
Cette eau verte exposée dans un flacon au soleil, dégageait beau- 
coup de gaz , et les Diselmis montraient une disposition bien ma- 
nifeste à se fixer aux parois les plus vivement éclairées, ou à for- 
mer une pellicule continue à la surface. Je les ai revues fréquem- 
ment depuis, mais jamais en si grande quantité. À l’intérieur, on 
distingue quelquefois un disque déprimé au centre et regardé 
comme un testicule par M. Ehrenberg. Les deux filaments mo- 
teurs me parurent deux fois et demi aussi longs que le corps dans 
les individus observés au mois de juin. Ils sortaient d’une ouver- 
verture oblique placée un peu en arrière du bord antérieur; 
dans les individus observés au mois d'avril 1838, les filaments 
n'avaient pas deux fois la longueur du corps; ils étaient quelque- 
fois portés par un lobe charnu sortant par une ouverture presque 
terminale. Ces filaments, d’une extrême ténuité, ne deviennent vi- 
sibles que quand ils cessent de s’agiter aussi vivement; quand 
tous les deux sont agités également, l'animal se meut uniformé- 
ment en avant, mais quelquefois l’un d'eux s’agite seul , et l'autre 
fixé ou agglutiné à la plaque de verre retient l'animal qui se ba- 
Jance autour de ce point d'appui ; d'autres fois , les deux filaments 
se fixent en même temps en formant entre eux un angle presque 
droit, et l'animal reste immobile pendant quelques instants ; sou- 
vent aussi ils se détachent à leur base, et on les voit flotter dans 


(1) Monas ovulum, Goeze, Wittemb. magazs3 , p. 3, 1783. 

Monas pulvisculus, Müller , Infus. PI. 1, fig. 5-6. 

Monas lens, Nees d’Esenbeck.—Hornschuch, Nov. act. nat. cur. t. X, 
p. 517. 

Monas pulvisculus, Ehrenb, 1831, mém. Berlin. 

Chlamidomonas pulvisculus, Ehr. 1832-1838. Infus. pl. III, fig. 10. 

Diselmis viridis, Duj. Ann. sc. nat. 1837, t. 8. 


DES INFUSOIRES, 319 


le liquide. Les Diselmis tenues depuis quelque temps entre les la- 
mes de verre laissent exsuder sur leur contour des globules dia- 
phanes de sarcode qui ont dû passer à travers le tégument, quoi- 
qu'on n'y apercoive ni mailles ni lacunes; si ces Infusoires sont 
comprimés, ils font sortir par l'ouverture antérieure une masse 
sarcodique qui s'étale en large disque, et ne contient que quelques 
parcelles vertes ou même reste entièrement diaphane. Parmi les 
Diselmis fixées et devenues ainsi plus globuleuses, je voyais plu- 
sieurs giobules verts un peu plus gros, divisés intérieurement en 
deux ou en quatre, et qui peut-être étaient ces mêmes Infusoires 
én voie de se diviser spontanément. 

1] est probable que Müller a voulu parler de cette même espèce 
sous le nom de Monas pulvisculus, 1] l'a observée dans les eaux 
stagnantes, au mois de mars, et la décrit comme des granules 
sphériques, translucides, à bord vert, dont les plus grands mon- 
trent à l'intérieur des indices de division spontanée : ces granules, 
dit-il, se trouvent dans chaque goutte d’eau par myriades, et for- 
ment une pellicule verte à la surface de l’eau, et sur les paroiïs du 
vase abandonnées par l'eau. 


2, DISELMIS MARINE, — Diselmis marina. 


Corps presque globuleux , obtus et arrondi en avant, granuleux 
à l'intérieur. — Long de 0,027. 


Cette espèce, plus grande que la précédente, plus globuleuse et 
peut-être toujours dépourvue de point rouge, se trouvait abon- 
damment, le 3 mars 1840, dans de l'eau de mer stagnante et co- 
lorée en vert, sur la plage à côté du port de Cette. 


3. Disezmis ÉTROITE. — Diselmis angusta, — P]. V, fig. 22. 


Corps pyriforme, oblong, paraissant plissé et tuberculeux à l'in- 
térieur, ayant quelquefois un point rouge peu visible. — Long. 
de 0,0106 à 0,01445 ; largeur, 0,0072. 


Cet Infusoire qui, vu de côté était allongé et rétréci en avant, 
et qui vu perpendiculairement paraissait un simple globule vert, 
se trouvait, le » février, dans un bocal contenant depuis cinq 
mois de l’eau prise à l'étang de Meudon, et conservée avec divers 
végétaux. 


D HISTOIRE NATURELLE 


Je Pons citer d’après mes notes plnsieurs autres espèces de 
Diselmis ét notamment une espèce de forme ovoïde , à tégument 
granuleux, inégal et comme floconneux en dehors, ayant un 


point rouge bien prononcé. Sa longueur était de 0,02 et 0,024, 
et sa largeur de 0,013. 


* Diselmis Dunalii. — (Monas Dunalit, Joly, Histoire d’un petit 
Crustacé, etc. Montpellier, 1840.) 


M. Joly, en recherchant la cause de la coloration des salines 
de la Méditerranée, a reconnu que cette coloration en rouge, 
souvent très-vif, est due à des Infusoires qu'il nomme Monas 
Dunalii, et qu'il décrit ainsi : | 

« Corps ovale ou oblong, souvent étranglé dans son milieu, 
quelquefois cylindrique ; incolore chez les très-jeunes individus, 
verdâtre chez ceux qui sont plus avancés, d'un rouge ponceau 
chez les adultes. Bouche en forme de prolongement conique, 
rétractile, d'un blanc hyalin. Deux trompes flagelliformes plus 
longues que le corps, situées sur les côtés de cette bouche. Point 
d'yeux. Estomacs indistincts. Anus et queue nuls. Corps rempli 
d’un nombre variable de globules verts ou rouges donnant à 


l'animal la couleur qui le distingue, et servant probablement à 
perpétuer son espèce. » 


6° Genre. ANISONÈME. — Anisonema. 


An. à corps incolore, oblong, plus ou moins déprimé, 
revêtu d’un tégument résistant par une ouverture, duquel 
sortent deux filaments ; l’un flagelliforme dirigé en avant, 


l’autre plus épais traînant et rétracteur. — Mouvement 
lent. 


Comme je l'ai dit en parlant de l'Hétéromite (page 297), 
nous trouvons dans trois de nos familles, des Infusoires pour- 
vus comme l’Anisonème de deux filaments moteurs différents; 
l'un plus délié, sans cesse agité d’un mouvement ondula- 
toire et servant uniquement à faire avancer l’animal ; l’autre 
plus épais, non agité de même, mais flottant dans le liquide 


DES INFUSOIRES. 349 


et servant alors comme un gouvernail pour rendre plus ré- 
gulier le mouvement, ou s’agglutinant pour retenir l'animal 
ou pour le tirer brusquement en arrière par sa contraction 
subite. L’Anisonème se distingue des autres par son tégu- 
ment résistant non contractile et qu’on voit quelquefois 
dans le liquide rester vide et parfaitement diaphane. Il se 
pourrait que le Bodo grandis de M. Ehrenberg, se rap- 
portât à quelque espèce de ce genre en même temps qu'à 
l’'Hétéromite. 


1. ANISONÈME PEPIN., — Ænisonema acinus.— P]. V, fig. 27. 


Corps oblong, déprimé, arrondi en arrière , plus étroit en avant 
ou en forme de pepin, avec une ouverture presque terminale. 
Mouvement rectiligne en avant. — Long de 0,20 à 0,031. 


J'ai trouvé cette espèce abondamment avec les Trinèmes dans 
les flacons où je conservais en hiver, de l’eau prise avec divers 
débris dans l'étang du Plessis-Piquet. Son têt membraneux trans- 
parent paraît assez résistant et ne se décompose pas après la mort 
de l'animal, il présente souvent en dessus une côte arrondie, sail- 
Jante. 


2. ANISONÈME SILLONNE. — Anisonema sulcata. — P], V, fig. 28. 


Corps ovale, déprimé, avec quatre ou einq sillons longitudi- 
naux , et une entaille oblique en avant, d’où sortent les deux fila- 
ments. — Mouvement vacillant circulaire. — Longueur 0,022. 


Cet Infusoirequi , probablement plus tard , devra constituer un 
genre distinct du précédent, a bien pu être confondu avec les 
Cyclides par les anciens micrographes, son filament flagelliforme 
est trois fois aussi long que le corps; le filament trainant n'est 
qu'une fois et demie ou deux fois aussi long. 

11 vivait dans l’eau de l'étang de Meudon, conservée depuis un 
mois. 


7° GENRE. PLOEOTIA. — Plœotia. 


An. à corps diaphane , ayant plusieurs côtes ou carènes 
longitudinales , saillantes au milieu , et un bord circulaire 


346 HISTOIRE NATURELLE 


d’une ppt parfaite, d’où résulte quelque analogie 
avec la forme d’un navire ( rhoiov ). Deux filaments loco- 
moteurs différents partant d’une extrémité, 


Sous ce nom, je désigne une forme d’Infusoire tout à 
fait distincte, et que j'eusse prise pour une Bacillariée, si 
je n’eusse bien vu ses deux filaments moteurs; il me paraît 
extrèmement probable que Müller a décrit quelque chose 
d’analogue à notre Plæotie ; sous le nom de Trichoda prisma 
({nfus. p. 187, pl. xxvr, fig. 20-21). IL l’observa comme 
nous dans de l’eau de mer conservée depuis plusieurs jours, 
son mouvement était vacillant comme celui d’une barque 
flottante. Il le caractérise ainsi: « animal des plus petits, à 
peine visible, en raison de sa transparence de cristal, ovale, 
convexe comme une nacelle en dessous , comprimé en forme 
de carène en dessus, plus étroit en avant, sans aucune trace 
de poils ou de cils. » Les organes locomoteurs que Müller 
ne peut avoir apercus, jé les ai vus dans notre Plæotie sous 
la forme de deux filaments différents , comme ceux des Ani- 
sonèmes , l’un flagelliforme, agité continuellement d’un 
mouvement ondulatoire, l'autre plus épais, flottant, sus- 
ceptible de s’aglutiner aux corps solides pour retirer brusque- 
ment l’animal en arrière quand il se contracte. 


ï. PLŒOTIE viTRée. — Plœotia vitrea, — PI]. V, fig. 3. 


Corps hyalin, avec trois ou quatre lignes longitudinales sail- 
lantes au milieu, et quelques granules intérieurs. — Longueur 
0,02, — Mouvement lent. 


Dans l'eau de mer prise à Cette , le 13 mars, et conservée de- 
puis deux mois. 


8° Genre. OXYRRHIS. — Oxyrrhis. 


An. à corps ovoïde, oblong, obliquement échancré en 
avant et prolongé en pointe; plusieurs filaments flagelli- 
formes partant latéralement du fond de l’échanerure. 


Les Infusoires ont été jusqu’à présent si peu observés 


DES INFUSOIRES. SIA à 


dans la Méditerranée et dans les autres mers des pays chauds, 
qu’il n’est pas douteux que de nouveaux genres , tels que ce- 
lui-ci et le précédent ne doivent être établis plus tard avec 
les espèces qu’on y aura découvertes. Get Oxyrrhis dont le 
nom dérivé du grec (pp) indique le prolongement an- 
térieur du tégument , est bien reconnaissable par sa forme 
oblongue, irrégulière, tronquée obliquement, et par ses fi- 
laments flagelliformes. 


1. OXYRRHIS MARINE, — Oxyrrhis marina. — PI, V, fig. 4. 


Corps incolore, sub-cylindrique, rugueux, arrondi en arrière. 
— Longueur 0,05. 


Vivant dans l’eau de la Méditerranée, conservée depuis deux 
mois avec des Ulves. 


* OPruipomonas JENENSIS. — Ehr. Infus. 1838, p. 43. 


Sous ce nom, M. Ehrenberg a décrit un Infusoire brunûtre, 
long de 0,04, filiforme, à corps trés-mince , courbé en spirale, 
également obtus aux deux extrémités, ayant une trompe filiforme 
pour organe locomoteur , et beaucoup de cellules stomachales à 
l'intérieur. 11 le découvrit, le 18 septembre, près d'Iéna, et le 
prit pour type d’un nouveau genre Ophidomonas, caractérisé 
ainsi : « Animaux dépourvus d'œil, à carapace obtuse, nue, en 
forme de fil, et se multipliant par division transverse complete. » 


IX° FAMILLE. 
EUGLÉNIENS. 


Animaux de forme très-variable, pourvus d’un 
tégument contractile, et d’un ou plusieurs filaments 
flagelliformes servant d'organes locomoteurs. 


Nos Eugléniens répondent en grande partie à la fa- 
mille des Æstasiæa de M. Ehrenberg , et j'aurais con- 
servé le nom d’Astasiens, si lon ne m'eût pas fait 


348 HISTOIRE NATURELLE 


remarquer la ressemblance de ce nom avec celui d’Asta- 
ciens, déjà employé pour des Crustacés. Les Euglé- 
niens, bien caractérisés par l'instabilité de leur forme 
et par leur filament flagelliforme moteur, ne pourraient 
être confondus qu'avec certains Monadiens, si l’on ne 
savait constater suffisamment chez eux la présence 
d’un tégument ; mais pour cela plusieurs indices de- 
vront guider l'observateur ; ainsi, quand le corps est 
susceptible de s’aglutiner et de s’étirer ensuite, c’est 
une preuve de l'absence d’un tégument; quant, au con- 
traire , le corps toujourslibre ne présente dans ses chan- 
gements de formes que des renflements et des lobes ar- 
rondis, comme le pourrait faire un sac élastique non 
entièrement rempli d’une certaine quantité de matière 
qui change de place à l’intérieur sans changer de vo- 
lume ; on peut conclure que l’Infusoire est enveloppé 
lui-même aussi d’un tégument contractile. Un autre 
indice est pris de la disposition de la surface qui , dans 
les Monadiens nus, est inégalement renflée en nodules, 
tandis que dans les Eugléniens elle est lisse ou réguliè- 
rement plissée ou striée. Ces animaux ne pourraient 
d’ailleurs être confondus avec des Thécamonadiens, que 
s'ils étaient tout à fait privés de mouvement: c'est bien 
ce qui arrive pour des Euglènes qui, à une certaine 
époque de leur vie, se fixent en prenant une forme 
globuleuse ; mais elles sont ordinairement en si grand 
nombre dans le liquide, qu’on en doit voir en même 
temps quelques autres en mouvement, et qu'on peut 
dès lors prononcer avec certitude sur la nature de celles 
qui sont fixées. 

Certains Eugléniens sont remarquables par leur co- 
loration.en vert ou en rouge, et par la présence d'un 
ou de plasieurs points colorés que M. Ehrenberg a 


DES INFUSOIRES. 349 


nommés des yeux, d'où le nom Euglena (is, beau; 
ém , œil); mais cela ne suffirait pas, à notre avis, 
pour établir des distinctions génériques ; c'est dans la 
nature ou la structure apparente du tégument, dans 
le nombre, et dans le mode d'insertion des filaments 
moteurs, qu'on doit mieux trouver ces caractères. Ainsi 
nous pouvons séparer d’abord un genre Polyselmis, ca- 
ractérisé par la multiplicité de ses filaments, puis de 
ceux qui ont deux filaments, faire les deux genres 
Zygoselmis et Hétéronème , suivant que les deux fila- 
ments sont inégaux dans celui-ci comme dans les Ani- 
sonèmes et les Hétéromites, ou égaux dans celui-là 
comme dans les Diselmis. Restent les Eugléniens à un 
seul filament , pour lesquels les distinctions seront bien 
plus artificielles et incertaines. Ceux dont le corps 
ordinairement coloré se prolonge en queue et qui ont 
un point rouge oculiforme , sont les £uglènes, ayant 
pour type la Cercaria viridis de Müller; mais pour 
ne pas rompre des rapports naturels, on est obligé 
d'ajouter à ces Euglènes à queue des espèces qui 
sont habituellement arrondies en arrière. Les es- 
pèces sans coloration et sans prolongement caudi- 
forme sont des Æstasia, si le filament, agité dans 
toute son étendue, est inséré brusquement comme 
chez les Euglènes, au fond d’une entaille du bord an- 
térieur ou sur ce bord même; ce sont des Péranèmes, 
si ce filament est plus épais et plus roide à sa base, où 
il semble n'être que le résultat de l’amincissement gra- 
duel du corps en avant. Mais ces deux derniers genres, 
surtout, ne doivent être considérés que comme établis 
provisoirement pour aider à la désignation de certaines 
formes ; ils montrent des passages si insensibles de l’un 
à l’autre, et même aux Monadiens , que l’on sera exposé 


350 HISTOIRE NATURELLE 


à placer dans des genres différents les divers degrés de 
développement d’un même animal. Gela tient, je le 
répète, à l’état d’imperfection de nos connaissances 
réelles sur les Infusoires en général, et n’oblige à ré- 
péter encore que la classification proposée ici a seule- 
ment pour but de faciliter une étude que des classifica- 
tions , basées sur de pures hypothèses , avaient rendue 
presque inaccessible. 

Trois espèces du genre Euglène ont été connues de 
Müller, qui les classa dans ses trois genres, Wibrio, 
Cercaria et Enchelys; il est vraisemblable que dans 
ce dernier genre, cet auteur a placé également des Pé- 
ranèmes ou des Astasia; mais on ne peut, comme je 
l'ai déjà dit, reconnaître avec certitude ces espèces 

| trop imparfaitement décrites. M. Bory, frappé des ca- 
ractères de la Cercaria viridis de Müller, la prit pour 
type de son genre Raphanelle, caractérisé par un corps 
cylindracé, contractile, au point d’être quelquefois 

polymorphe, aminci postérieurement en manière de 
queue; mais il plaça dans le même genre le Pro- 
teus tenax, et les Enchelys caudata et gemmata, 
de Müller. D'un autre côté, il plaça dans son genre 
Lacrymatoire, le Fibrio acus du même auteur, qui 
est une véritable Euglène; et laissa dans son genre 
Enchélide, lEnchelys deses, de Müller, qui est aussi 
une Euglène, mais qu’il regarde comme étant évi- 
demment un Zoocarpe. 

M. Ehrenberg créa, en 1830, la famille des Æsta- 
siæa, comprenant « les polygastriques nus et gymni- 
ques ou sans appendices, à bouche ciliée ou nue, à corps 
allongé devenant polymorphe par la contraction , sou- 
vent cylindrique ou fusiforme, et se divisant sponta- 
nément dans le sens lonsitudinal ou obliquement. » Il 


DES INFUSOIRES. 351 


en faisait trois genres, savoir, les Æstasia sans yeux, 
les Euglena et les Amblyonhis , pourvus d’un seul œil ; 
mais ceux-ci sans queue, et ceux-là avec une queue, 
Plus tard, en 1831, il créa un quatrième genre, Di. 
stigma pour les espèces à deux points colorés, ou, 
comme il le dit, à deux yeux. Puis , en 1832, il ajouta 
encore le genre Colacitum pour des espèces sans yeux, 
comme les Astasia, mais fixées par l'extrémité de la 
queue et pourvues de cils rotatoires (?). Précédemment 
il avait attribué à tous ses Astasiés, comme à ses Mo- 
padiens , une bouche entourée de cils; mais alors il 
commencait à douter de ce caractère, et quelque temps 
après il reconnut en elfet que ces animaux ont pour 
organe locomoteur un fiiament qu'il nomme une 
trompe. En 1838 , enfin, il ajouta un sixième genre, 
Chlorogonium, formé d’une ancienne espèce d’'Astasia, 
qui n'est pas, dit-il, privée d'œil comme ses congé- 
nères, et qui, de plus, possède deux trompes filiformes. 
Maintenant ses 4stasiæa sont pour lui des « polygas- 
triques anentérés (ou sans tube intestinal), gymni- 
ques (ou sans appendices ni cuirasse), changeant spon- 
tanément la forme de leur corps, qui est ou qui n’est 
pas terminé par une queue, et ayant un seul orifice à 
Vappareil digestif. » Il distingue d'abord le genre 
Æslasia, sans yeux; puis, parmi ceux qui ont un 
œil, les Colacium , qui sont fixés par un pédoncule ; 
tous les autres étant libres, sont les CAlorogonium, 
s'ils ont deux trompes; des Amblyophis, s'ils sont sans 
queue; des Euglena, s'ils en sont pourvus au con- 
traire ; un seul genre enfin, Distigma, est caractérisé 
par la présence de deux yeux. De ces six genres, nous 
en admettons deux, Æstasia et Euglena, en réunis- 
sant à ce dernier les Æmblyophis, et en le réduisant 


352 HISTOIRE NATURELLE 


aux espèces contractiles. Le genre Colacium, que nous 
avons rencontré sans l’étudier suffisamment, ne peut 
être qu'indiqué ; les deux autres nous sont inconnus. 
Mais nous complétons la famille par l’adjonction de 
diverses formes que M. Ehrenberg n’y admet pas, ou 
qu'il n’a pas connues. 

Cet auteur interprète à sa manière les divers détails 
qu’on aperçoit par transparence dans l’intérieur du 
corps des Eugléniens ; comme il a été dit plus haut, les 
points colorés sont pour lui des yeux, et il a voulu 
reconnaître un ganglion nerveux auprès de l'œil de 
son ÆAmblyophis. I] attribue à des œufs la coloration 
en vert ou en rouge de plusieurs de ces animaux, et 
croit voir des estomacs et des organes génitaux mâles 
dans les parties de forme diverse qu’on voit au milieu 
de la substance colorée , et qui réfractent plus forte- 
ment la lumière, mais qui n’ont aucune connexion 
entre eux. 

La plupart des Eugléniens vivent dans les eaux sta- 
gnantes, quelques-uns même y sont tellement abon- 
dants, qu’ils les colorent en vert ou en rouge; d’autres 
se développent dans de vieilles infusions exposées à 
la lumière. On est exposé à les prendre pour des êtres 
différents quand on les voit nager, ou quand on les voit 
fixés sous forme de globules colorés; on les voit sou- 
vent en outre se mouvoir en rampant à la manière des 
Amibes, quand ils ont perdu leur filament moteur 
qui se détache à une certaine époque , et reste flattant 
dans le liquide. Leur mode de propagation n’est pas 
exactement connu; M. Ehrenberg dit avoir observé 
chez eux la division spontanée dans le sens longitudi- 
nal pour quelques-uns; il attribue un mode de divi- 
sion spontanée multiple dans une direction oblique au 


DES INFUSOIRES. 353 


Chlorogonium. Je n'ai rien vu de tel, et je ne puis 
même bien concevoir la possibilité de ces faits; mais 
j'ai vu dans les Euglènes, fixée sous forme de globules, 
la substance colorée divisée en deux masses distinctes , 
ce qui m'a paru être un indice de multiplication pro- 
chaine. 


Filament plus épais a sa base, partant d'un PSE ie 
longement aminci. . : . . +. . . ... . 4 7 
Sans point oculiforme. . AsrasiA. 
Filament mince à sa 
base, partant du fond 
d'une entaille. Avec un ou plusieurs 
points oculiformes. . . . 


EUGLÉNIENS pourvus 
d’un seul filament. 


} EuGLENA. 


Deux filaments égaux. . . . ., ZycoseLmis. 


EUGLÉNIENS à deux 


RL antoine Un filament flagelliforme plus 


mince et un filament irait} HETERONEMA. 
rétracienurs 2242200 LE ste fe 


EUGLEÉNIENS à plusieurs filaments. . . . . . . . . » . PoryseLzmis, 
17 Genre. PERANEME. — Peranema. 


An. à corps de forme variable, tantôt presque globuleux, 
tantôt renflé en arrière et aminci en avant, où il se pro- 
longe en un long filament aminci à l'extrémité. — Mouve- 
ment lent, uniforme , en avant. 


Les Péranèmes, dont le nom est formé des mots grecs 
répz Sac, vaux fil, avaient d’abord été nommés par moi Py- 
ronèmes (Ann. sc. nat. 1836, t. 5, pl. 9), pour indiquer 
leur forme souvent en poire; mais cette dénomination pou- 
vant être comprise autrement d’après l'emploi d’une autre 
racine (rÿp), et d’ailleurs étant employée par les Botanistes, 
j'ai dû la changer. 

Les Péranèmes sont incolores, formés d’une substance 
diaphane demi-fluide , entremêlée de granules et de vacuoles 

INFUSOIRES. 23 


354 HISTOIRE NATURELLE 


ét entourée d’un tégument contractile, dont l’existence , 
quelquefois douteuse , ne se manifeste que par le mode de 
contraction générale, ou par des plissements et des réticu- 
lations peu marquées. Elles n’ont aucun autre organe exté- 
rieur que le filament fiagelliforme qui, très- long et agité 
seulement à l’extrémité, produit un mouvement lent , uni- 
forme en avant, pendant que le corps change de forme en 
se contractant plus ou moins. Ce filament se détache quel- 
quefois à sa base ; l’animal alors, au moyen de sés contrac- 
tions variées, rampe sur la plaque de verre, et présente une 
certaine ressemblance avec une Amibe, mais on reconnaît 
cependant que les lobes ou expansions variables qu’il émet 
de côté et d'autre, ne sont pas entièrement dépourvus de 
tégument comme chez les Amibes., Chacun de ces lobes se 
retire après s'être avancé, au lieu de devenir un point de dé- 
part pour de nouvelles expansions. 

Il est probable que les Péranèmes ont été vués par les pré- 
cédents observateurs , qui les auront prises pour des Enché- 
lides. Je soupçonne que M. Ehrenberg a décrit une espèce de 
ce genre, sous le nom de 7'rachelius trichophorus, en citant 
le J'ibrio strictus de Müller comme synonyme douteux. 

Ces Iufusoires se trouvent dans les eaux de marais plus ou 
moins altérées , et principalement à la surface des végétaux 
morts et couverts de vase. 


1, PÉRANEME ÉTIRÉE, — Peranema protracta. (Pyronema. Ann. 
, sc. nat. 1890, t. 5. p. 9.) 


Corps oblong ; mou , renflé en arrière, très-aminci en avant. — 
Longueur de 0,051 à 0,070. — Largeur de 0,014. 


J'observais cet Infusoire, au mois de janvier 1836, parmi des 
débris de plantes marécageuses prises à l'étang du Plessis-Piquet 
deux mois auparavant. Son filament , long de 0,0% à 0,10, est 
épais de 0,00016 à l'extrémité où il s’agite vivement, et il de- 
vierit de plus en plus épais vers sa base où il n'a pas moins de 
0,001, et où il se continue avec la partie amincie du corps. J'ai vu 
quelquefois cet animal privé de son filament par quelque acci- 


DES INFUSOIRES. 355 


dent , et continuant à se mouvoir comme une Amibe, mais sans 
émettre de prolongements comme elle, etsurtout sans changer de 
lieu , il présente alors une certaine ressemblance avec le Proteus 
tenax de Müller. 

Son corps est le plus souvent pyriforme, alongé, mais il prend 
quelquefois la forme d’un sac arrondi, et montre une ou plusieurs 
vacuoles à l’intérieur ; je le décrivais, en 1836, comme ayant sa 
surface garnie de tubercules ou de granules assez gros disposés 
en séries irrégulières , et j'ajoutais qu'on n'y peut reconnaitre un 
tégument réel, quoiqu'il paraisse avoir à l’intérieur plus de con- 
sistance que les Monades. Depuis cette époque, l'étude que j'ai eu 
l'occasion de faire plusieurs fois de cette espèce et de la suivante 
me permet d'interpréter différemment les apparences extérieures 
et les circonstances du mouvement de cet Infusoire , et d'y consi- 
dérer, sinon comme certaine , au moins comme probable, l'exis- 
tence d’un tégument. Des Péranèmes que j'observais au mois de 
mars 1838, dans de l’eau de marais longtemps conservée, mon- 
traient plus distinctement un tégument. Leur longueur était de 
0,034 40,09. “ 

Je crois que c'estune Péranéme que M. Ehrenberg a décrite sous 
lenom de Trachelius trichophorus (Inf. PI, XXXIII, fig. 11) , en Jui 
attribuant un corps cylindrique variable, long de 0,022 à 0,062, 
presque en massue , avec une trompe flagelliforme très mince. Il 
ajoute que cette trompe est terminée par un bouton, mais il dit 
n'avoir point revu ce bouton terminal dans la même espece 
observée en Russie. Il n’a pu lui faire absorber de couleur. Ce- 
pendant, il dit que cet Infusoire est très-gourmand (gefrassig), 
et qu'il avale des objets volumineux par une ouverture située à la 
base de sa trompe. # 

; 


2. PÉRANÈME GLOBULEUSE, — Peranema globulosa. — PI. II, 


Corps presque globuleux, plus ou moins étiré en avant, avec des 
plis obliques à la surface. — Longueur de 0,046 à 0,020. — Lar- 
seur 0,013. 


Cette espèce, bien distincte par sa contractilité en boule, et par 
le plissement de sa surface qui dénote clairement l'existence d'un 
tégument, se trouvait, le 19 novembre 1838, dans l’eau de la 
Seine conservée depuis dix jours avec des Callitriches. 

23° 


356 HISTOIRE NATURELLE 


* PÉRANÈME VERDATRE. — Peranema virescens. 


J'observais, le 11 octobre 1837, dans l’eau de la Seine, une Pé- 
ranème qui, en raison de ses rapides changements de forme, pa- 
raissait demi-fluide, comme une Amibe. Elle était longue de 
0,03 à 0,05, d'une couleur verdâtre; de nouvelles observations 
montreront peut-être que c’est une espèce distincte. 


de GENRE. ASTASIE, — ZAstasia. Ehr. 


An. ordinairement incolores, à corps oblong de forme 
variable , avec un filament flagelliforme , articulé brusque- 


ment au bord antérieur, ou partant d’une entaille plus ou 
moins profonde. 


Les espèces de ce genre intermédiaire entre les Péranèmes 
et les Euglènes, sont groupées artificiellement ici d’après 
des caractères insuffisants, et en attendant qu’une étude plus 
approfondie permette de diviser autrement tous les Euglé- 
niens à filament unique. Nous n’y comprenons pas sans 
doute toutes les espèces dont M. Ehrenberg a composé son 
genre Astasia , car il le distingue seulement du genre de ses 
Euglènes, par l’absence du point rouge oculiforme, et y 
place également des Infusoires verts ou rouges à corps plus 
ou moins prolongé en queue, dont un seul, Astasia pusilla, 
Jui a laissé voir le filament flagelliforme. Pour nous, en ce 
moment , les vraies Astasies sont incolores, revêtues d’un 
tégument bien réel et souvent marqué de stries en spirale, 
et leur corps, de forme variable , est plus ou moins obtus ou 
arrondi en arriére; elles se trouvent dans les eaux de mer 
ou de marais , conservées avec des végétaux vivants. 


1. ASTASIE TORDUE. — Æstasia contorta. — P]. V, fig. 15. 


Corps incolore, demi-transparent, contenant des grains fau- 
ves, cylindroïde , renflé au milieu, obtus aux deux extrémités, 


DES INFUSOIRES. 391 


et marqué de stries obliques bien distinctes, ou paraissant tordu. 
— Longueur 0,057. — Marin. 


Elle vivait dans de l'eau de mer, prise le 13 mars 1840 dans 
l'étang de Thau et conservée à Toulouse depuis quinze jours. Elle 
offrait en avant une saillie diaphane en forme de lévre au-des- 
sous de laquelle était inséré le filament flagelliforme long de 0,07 
à 0,09 et épais de 0,001 environ à sa base ; a l’intérieur se voyaient 
le long de l'axe beaucoup de grains fauves comme dans la Cru- 
ménule , et qu'on pourrait également regarder comme des corps 
reproducteurs. Le corps était bien flexible et contractile, mais 
beaucoup moins que celui de l’Astasie limpide ou des Euglènes. 


2. ASTASIE ENFLÉE. — Astasia inflata, — PI. V, fig. 11. 


Corps demi - transparent, contractile, ovoïde , obliquement 
plissé ou strié avec régularité. — Long de 0,046. 


Cette espèce, qui se trouvait dans l’eau de mer ainsi que la 
précédente, paraît bien distincte par sa forme moins alongée et 
moins variable, par sa transparence plus grande, et parce que son 
tégument paraît moins résistant. 


3. ASTASIE LIMPIDE. — Astasia limpida, — PI, V, fig. 12. 


Corps diaphane, lisse, très-variable, fusiforme , plus ou moins 
obtus aux deux extrémités, comme fendu en avant et souvent 
obliquement replié ou tordu sur son axe. — Long de 0,04 à 0,05. 


J'ai observé, au mois de décembre 1838, cet Infusoire dans le 
dépôt formé au fond d’un verre où je faisais végéter depuis long- 
temps des Zemna en rajoutant de l'eau de temps en temps; sa 
forme était aussi variable que celle de l’Euglène verte, et quel- 
ques petits granules plus opaques étaient avec de rares vacuoles 
tout ce qu'on distinguait à l'intérieur ; son filament flagelliforme 
long de 0,06 était bien visible. 


* Astasia flavicans et Ast. pusilla, Ehr. (Inf. PI. VIT, fig. 2 et 3.) 


Des quatre espèces rapportées aujourd'hui par M. Ehrenberg à 
son genre Astasia , les deux qui sont colorées en rouge et en vert 
(4. hœmatodes, 4. viridis), me paraissent, malgré l'absence du 


358 HISTOIRE NATURELLE 

point oculiforme rouge, devoir être reportées ayec les Euglènes; 
les deux autres, À. flavicans et 4. pusilla, sont sinon identiques 
du moins bien voisines de notre Astasie limpide. Leur forme 
varie exactement de la même manière, et elles ne different guère 
que par leur grandeur , la première étant longue de 0,0625 et la 
seconde de 0,0312; il est bien vraisemblable qu'elles ont l’une et 
l'autre un filament flagelliforme quoique l'auteur ne l'ait vu que 
dans la plus petite; l'autre , observée en 1831 au printemps, 
présentait une couleur jaune d'ocre bien manifeste, et même elle 
colorait de la même nuance la surface d'une eau stagnante. Elle 
montrait aussi en avant une entaille comme notre Astasie lim- 
pide. M. Ehrenberg attribue sa coloration à des œufs; il n'a pu 
lui faire avaler des substances colorées non plus qu'à l'A. pusilla 
qu'il croit distincte en raison de la présence du filament et de la 
grandeur plus considérable des vacuoles ou vésicules internes 
qu'il nomme des estomacs. 


3e Gexre. EUGLÈNE. — ÆEuglena. Ehr. 


An. ordinairement colorés en vert ou en rouge, de 
forme très-variable, le plus souvent oblongs et fusiformes 
ou renflés au milieu pendant la vie, contractés en boule 
dans le repos ou après la mort; avec un filament flagelli- 
forme partant d’une entaille en avant, et un ou plusieurs 
points rouges ou irréguliers vers l'extrémité antérieure. 


Le genre Euglène, ayant pour type la Cercaria viridis de 
Müller, a été institué par M. Ehrenberg, et composé, d’une 
part , avec des espèces analogues à celle-là , également con- 
tractiles ; et d'autre part , avec des espèces de forme compri- 
mée ou foliacée, entièrement dépourvues de contractilité , et 
devant appartenir au genre Phacus. Aussi cet auteur distin- 
gue-t-il simplement ses Euglènes des autres Astasiés par la 
présence d’un œil rouge et d’un prolongement caudiforme. Il 
leur attribuait , dans ses premiers mémoires , une couronne 
de cils vibratiles autour de la bouche; mais plus récemment, 
il a reconnu leur filament moteur qu’il nomme une trompe 
simple filiforme. Comme organes digestifs , il décrit chez ces 


DES INFUSOIRES, 359 


Infusoires de nombreuses vésicules ou vacuoles, mais il n’a pu 
leur faire avaler des substances colorées ; la coloration propre 
de tous ces êtres lui paraît provenir d’une accumulation de 
granules qu'il prerd pour des œufs, et dans plusieurs espèces, 
il a voulu nommer testicules des concrétions internes de di- 
verses formes ; ce sont des corpuscules transparents, bacil- 
laires dans l'ÆZuglena acus ; ces corpuscules ressemblent à 
des cristaux polyédriques dans l'ÆZ. deses, et ce sont deux 
gros corps annulaires dans lZ. spirogyra. Il indique la di- 
vision spontanée del’ ÆZuglena acus , comme ayant lieu dans 
le sens longitudinal ; il déclare que be points rouges sont de 
vrais yeux, et termine en disant que les vaisseaux, en rai- 
son de leur finesse , sont restés inconnus. 

Les Euglènes, parmi lesquelles je ne comprends , comme 
je l'ai déjà dit , que les espèces contractiles, m'ont paru tout 
autrement organisées qu'a M. Ehrenberg. En effet, le point 
rouge dont cependant j'indique la présence comme caracté- 
ristique, bien loin d’être un œil véritable, se montre souvent 
comme une agrégation irrégulière de deux , trois ou même 
quatre grains rouges quelquefois très-écartés les uns des 
autres ; la substance verte intérieure paraît tapisser irrégu- 
lièrement le tégument contractile diaphane, et quand on 
écrase l’animal entre deux lames de verre, cette substance 
verte se répand comme une pulpe molle glutineuse qui se 
contracte en globules inégaux , ainsi que la substance gluti- 
neuse des autres Infusoires, mais elle n’est point du tont for- 
mée de granules réguliers. Au milieu de cette pulpe verte, 
il reste dans l’enveloppe, après l’écrasement, un disque blanc 
qui réfracte un peu plus fortement la lumière , et qu’on ne 
peut rationnellement prendre pour un ganglion nerveux ni 
pour un testicule : c’est quelque chose d’analogue aux disques 
diaphanes , résistants, des Phacus sur la nature desquels on 
ne peut rien dire. 

La substance verte, qui est assez uniformément répan- 
due à l’intérieur dans les Euglènes bien vives, se contracte 
en forme de gros plis irréguliers, laissant entre eux des la- 


360 HISTOIRE NATURELLE 


cunes et des vacuoles, quand ces animaux ne se trouvent 
plus dans les conditions nécessaires à leur existence : les in- 
tervalles sont occupés par une substance glutineuse dia- 
phane , incolore, qu’on voit bien sortir en même temps, 
lorsqu'on écrase une Euglène, et qui occupe seule la queue 
et la partie antérieure du corps. J'ai bien vu d’ailleurs dans 
l'Euglena acus, les corpuscules bacillaires signalés par 
M. Ehrenberg, mais je ne sais ce qu’ils peuvent être. Les 
Euglènes soumises à l’action de la potasse, meurent sans 
présenter la moindre trace de tégument, la couleur verte 
n’est pas altérée , et la tache rouge persiste comme un petit 
noyau bien distinct, ou laisse plusieurs noyaux semblables. 
L’acide nitrique, au contraire, change la couleur verte en 
couleur olive; il n’altère pas les granules rouges, et laisse 
une apparence de tégument transparent. Les Euglènes na- 
geant librement dans l’eau au moyen de leur filament flagel- 
liforme, sont ordinairement alongées en fuseau; mais si 
elles éprouvent quelque gène, elles se courbent et se renflent 
de diverses manières ; on les voit successivement prendre la 
forme de navet, de radis ou de poire ou de toupie ou de 
globule, mais elles prennent invariablement cette dernière 
forme, quand elles se fixent aux parois les plus éclairées du 
vase, ou aux bords du liquide; et comme alors elles sont pri- 
vées de mouvement et dégagent du gaz (oxygène ?) sous l’in- 
fluence de la lumière solaire , elles peuvent bien être prises 
pour des végétaux, comme elles l’ont été en effet par beau- 
coup de botanistes. Quand elles sont ainsi fixées, on en 
voit souvent qui présentent à l’intérieur d’une enveloppe 
diaphane la substance verte formant deux masses distinctes, 
ce qui semble annoncer une division spontanée commen- 
cante. Les Euglènes sont quelquefois en si grand nombre 
dans les eaux , qu’elles les colorent en vert ou en rouge, et 
qu’elles forment à la surface et sur les bords une pellicule 
luisante, vivement colorée; cette pellicule, recueillie sur du 
papier, conserve pendant quelque temps sa nuance brillante, 
mais peu à peu elle la perd et se fane comme la chromule 
des végétaux. 


DES INFUSOIRES. 361 


On observe que quand l’eau commence à manquer, le fi- 
lament des Euglènes se détache, et on le voit isolé dans le 
liquide, tandis que l’animal privé de cet organe continue 
à se mouvoir en changeant de forme presque comme les 
Amibes. 

Les Euglènes se trouvent principalement dans les eaux 
stagnantes, dans les ornières et dans les fossés près des ha- 
bitations ; on en voit souvent dans des eaux de marais con- 
servées depuis longtemps avec des débris de végétaux; on 
les voit aussi quelquefois dans de très-vieilles infusions ex- 
posées à la lumière, et même dans l’eau de pluie gardée dans 
un flacon vivement éclairé. 


1. EUGLÈNE vERTE. — Euglena viridis (1). PI. V. fig. 9 et 10. 


Corps fusiforme , aminci postérieurement en manière de queue ; 
vert. — Longueur de 0,05 à 0,09. — Largeur 0,025, quand il 
est contracté en boule. 


Cette espèce, la plus commune de ce genre, et peut-être la 
plus répandue de tousles Infusoires, est celle quicolore le plus ordi- 
nairement les eaux stagnantes. On ne peut donc manquer de la 
rencontrer toutes les fois qu'on voudra l'étudier. Je l’ai même 
trouvée vivante dans l’eau gelée des ornières en hiver. C’est à elle 
que se rapportent surtout les généralités exposées ci-dessus. Son 
filament moteur est plus long que le corps, et d’une ténuité ex- 
trême. Müller, qui la nomma Cercaria viridis, lui attribua fausse- 
ment une queue bifide, par suite d'uneillusion d'optique. 1] l'ob- 
serva , au mois d'avril, dans l’eau d'un fossé de faubourg, recou- 
verte d'une pellicule verte , et signala fort bien tous ses change- 
ments de formes. 

Sa longueur est plus souvent au dessous qu'au dessus de la 


(1) Ænchelys tertia, Hill. Hist. of anim. 1741. 

Enchelys viridis, Schrank. 17980 , mém. de Munich. 

Cercaria viridis, Müller, Infus. PI. XIX , fig. 6-13. 

Furcocerca viridis, Lamarck, An. sans vert, t. 1. 

Ænchelys viridis, Nitzsch. Beytr. — Encycl, 1927. 

Raphanella urbica, Bory , Encycl. 1824. 

£Euglena viridis, Ehr. mém. 1830. Infus. 1838, Pl. VII, fig. 0. 


362 HISTOIRE NATURELLE 


longueur moyenne 0,07. Une Euglène, longue de 0,045, s'é- 
tait développée abondamment dans une vieille infusion de ré- 
glisse, et tapissait d'une couche verte l'intérieur du flacon; sa 
couleur était un vert très-foncé , et le point rouge était peu visi- 
ble; l'extrémité caudale était aussi plus obtuse que dans l'Eu- 
glène verte ordinaire. Aussi avais-je pensé à la regarder comme 
une espèce distincte, d'autant plus que beaucoup d'individus 
contractés en boule montraient à l'intérieur la matière verte 
divisée en deux lobes, ce qui était un indice certain de multi- 
plication ; mais depuis lors, je me suis convaincu que cette Eu- 
glène varie considérablement de grandeur, suivant les circon- 
stances de son développement. 


2, EUGLENE GENICULEE. — Euglena geniculata. — PI, V. fig. 15-16. 


Corps alongé, cylindrique, flexible, mais peu contractile, à 
mouvements lents, ayec une queue amincie, articulée en angle ou 
géniculée ; vert, — Longueur de 0,125 à 0,150. 


J'ai observé plusieurs fois (16 octobre 1837), dans l’eau deSeine, 
ou dans l’eau des étangs des environs de Paris, cette grande es- 
‘pèce d'Euglène remarquable par sa forme alongée, par son dia- 
mètre presque égal dans toute sa longueur, sans renflement 
comme dans la précédente, et par sa queue articulée, et sus- 
ceptible de se fixer en s'agglutinant à la plaque de verre. 


3. EUGLENE OBsCURE. — Æuglena obscura. 


Corps épais, oblong, renflé et obtus en arrière , de forme très- 
variable , vert-noirâtre, plus clair et rougeûtre en avant, avec un 
point oculiforme rouge-noirâtre ; filament une fois et demi aussi 
long que le corps. — Longueur 0,03. 


Dans l'eau d’un fossé, à Sucy, près de Paris, avec des Conju- 


gées et des Hydres, le 18 juin 1837. Le filament était bien 
visible. 


DES INFUSOIRES,. 363 


4. EucLÈèNe LENTE.—ÆEuglena deses (1).— PI. V, fig. 19. 


Corps très-alongé , cylindrique, obtus ou terminé en pointe peu 
marquée , flexible et contractile de diverses manières, mais avec 
lenteur ; vert. — Longueur de 0,07 à 0,442. — Largeur, 0,044. 


Je l'observai, le 15 juin 1837, dans l’eau où s'étaient pourries 
des Spongilles apportées de l'étang de Meudon; le filament en 
est bien visible ; la partie antérieure du corps est incolore, le 
point oculiforme n'y existe pas toujours; et dans le reste du 
corps, on voit des corpuscules rectangulaires alongés qu'on croi- 
rait être des cristaux de sulfate de chaux. 


M. Ehrenberg a distingué pour la première fois cette espece 
dans son troisième mémoire (1832), et il en a complété la des- 
cription dans son Histoire des Infusoires (1838), en disant que 
son corps, ressemblant à un fil non élastique, n'est jamais fusi 
forme , mais seulement cylindrique ; jamais nageant , mais ram- 
pant; et en lui attribuant une bouche fendue dont la lèvre supé- 
rieure porte une trompe filiforme égale au tiers ou au quart de 
la longueur du corps, et qu'il dit avoir observée depuis 1834. Il 
regarde la couleur verte comme produite par de très-fins gra- 
nules qui paraissent envelopper en partie les estomacs, et entre 
lesquels se trouvent beaucoup de corpuscules diaphanes analogues 
à des cristaux pol yédriques considérés par lui comme des testicules. 


5. EuGLÈNE sAnGuINE. — Euglena sanguinea, Ehr. (2). 


Corps oblong , cylindrique ou fusiforme, arrondi en avant, 
terminé par une queue courte, conique, un peu aiguë. — Fila- 
ment flagelliforme plus long que le corps. — Couleur d’abord 
verte , puis d’un rouge sanguin. — Long de 0,112. 


(1) Enchelys deses , Müller, Infus. PI. IV, fig. 45. 

Enchelys deses, Bory , Encycl. 1824. 

Euglena acus, var. Ehr. 1°" mém. 1830, PI. 1, fig. 5. 

ÆEuglena deses, Ehr. 3e mém. 1832-33. Infus. 1838, PI. VII, fig. 8. 
(2) Leeuwenhoek, Cont. arc. nat. p. 382, 1501. 

Enchelys sanguinea, Nees et Goldfuss. Archiv. für Naturl. VIL, p.116. 
Euglena sanguinea , Ehr. 1831. Inf. 1838 , PI. VIL, fig. VI, p. 105. 


364 HISTOIRE NATURELLE 


Cette espèce avait été apercue par les anciens micrographes, 
mais c’est M. Ehrenberg qui, le premier , l’a décrite en lui attri- 
buant d'abord (1831) une bouche entourée de cils vibratiles, et 
plus tard (1838) une trompe filiforme qui est, dit-il, le prolon- 
gement de la lèvre supérieure, qui lui semble en outre rétractile, 
et au-dessous de laquelle doit se trouver une bouche bilabiée. 
Une seule fois, il a vu deux trompes ou filaments, et regarde 
cette particularité comme un indice de division spontanée com- 
mencante. Le mouvement des Euglènes sanguines est lent, ce- 
pendant elles nagent souvent en tournant sur elles-mêmes; c'est 
à elles que M. Ehrenberg attribue la coloration des eaux en 
rouge ou le prétendu changement des eaux en sang observé 
dans l'antiquité. 


L'Astasia hæmatodes (Infus. 1838, PL. VII, fig. 1), imparfaite- 
ment observée par le même auteur pendant son voyage en Sibérie, 
pourrait être un degré de développement de cette espèce dont 
elle différe principalement par sa taille 0,068 , et par l'absence 


du point rouge auquel nous ne voulons pas accorder une trop 
grande importance, 


6. EUGLÈNE AIGUILLE, — Euglena acus , Ehr. (1). —P1. V, fig. 18. 


Corps très-effilé, en forme de fuseau mince , ordinairement 
droit, quelquefois renflé ; vert au milieu , diaphane aux deux 
extrémités. — Queue très-aiguë. — Longueur de 0,047 à 0,125. 


Je n'ai vu cette Euglène que dans les eaux douces des côtes du 
Calvados en septembre ; Müller la trouva deux ou trois fois seu- 
lement dans les fossés du château de Copenhague; M. Ehrenberg 
l'a observée à Berlin et en Sibérie , et l’a représentée en 1830 
comme se divisant spontanément suivant sa longueur, ce que je 
ne puis aucunement comprendre ; il a reconnu depuis en 1855 
son filament moteur , et regarde les nombreux corpuscules ba- 
cillaires de l'intérieur comme des testicules. 


(1) Fibrio acus , Müller , Inf. PI. VIII, fig. 9-10. 

Closterium acus , Nitzsch. Beytr. 

Lacrymatoria acus , Bory , Encyclop. 1824. 

Euglena acus, Ehr. 1831 , Infus. 1538 , pl. VIT, fig. XV, p. 312. 


DES INFUSOIRES: 365 


7. EucLèNe srinocyre. — Euglena spirogyra, Ehr. (1). — PI. V, 
fig. 17. 


Corps oblong , fusiforme , cylindroïde ou déprimé , arrondi en 
avant, terminé par une queue courte , pointue. — Vert, obli- 
quement strié en hélice. — Mouvement lent. — Longueur 0,106 
à 0,125. 


Je l’ai trouvée dans l’eau de Seine recueillie avec des Con- 
ferves le 11 octobre 1837. M. Ehrenberg , qui l'a fait connaître 
en 1830, l’a recueillie seulement dans les eaux courantes ou 
remplies de végétation , parmi les Conferves et les Bacillariées ; 
il lui attribue une longueur de 0,112 à 0,225 , une couleur vert- 
brunâtre foncée , et la décrit comme sillonnée obliquement par 
des stries très-granuleuses dont quatorze sont visibles à la fois 
d'un côté ; il a vu souvent, dit-il , ces lignes , d'abord longitu- 
dinales et paralleles, devenir obliques par suite de la torsion du 
corps. Le filament flagelliforme que je n’ai pas vu moi-même est 
indiqué par cet auteur comme ayant environ le tiers de Ja lon- 
gueur du corps. Deux pièces ovales ou annulaires observées dans 
l'intérieur ont été nommées aussi des testicules par M. Ehren- 
berg. 


* Euglena hyalina. (Ehr. Inf. PI. VIT, fig. 7.) 


M. Ehrenberg a décrit sous ce nom, une Euglène de même 
forme que l'E. verte, mais incolore; elle se trouvait le 14 mars 
1839 , prés de Berlin, avec le Meridion vernale. 


” Euglena rostrata. (Ehr. Inf. PI. VIT, fig. 16.) 


Le même auteur désigne ainsi une espèce qui paraît réellement 
distincte par un prolongement antérieur et aminci, dépassant 
beaucoup le point d'insertion du filament flagelliforme. Cette 
Euglène, longue de 0,046 à 0,056, verte au milieu, incolore aux 
extrémités, rétrécie en arrière, et terminée par une queue courte, 


(1) £uglena Spirogyra, Ehr, 1830, 1° mém. pl. IV, f. IV. — Inf. 
1855, pl. VIL, fig. X. 


366 HISTOIRE NATURELLE 


a été observée à Berlin entre les Bacillariées. Elle ne paraît pas 
se contracter en mourant, ce qui la rapprocherait beaucoup des 
Thécamonadiens. 


*** Euglena pyrum. (Ehr. Inf. PI. VII, fig. 11.) 


Cette espèce a été décrite pour la première fois en 1831,comme 
ayant le corps ovoïde gonflé, pyriforme, obliquement sillonné, 
vert, avec une queue presque aussi longue. Elle se meut lente- 
ment en tournant sur son axe, ce qui fait supposer l'existence 
d’une trompe inapercue. Sa longueur est de 0,023 à 0,031: 


**** Amblyophis viridis. (Ehr. Inf. pl. VII, fig. ».) 


Cet Infusoire, long de 0,125 à.0,225, de forme alongée cylin- 
drique ou comprimée , arrondi en arrière, vert avec l'extrémité 
antérieure incolore, orné d’un point oculiforme rouge, a été 
pris dès 183: pour type d’un nouveau genre par M. Ehrenberg. 
Ce genre, caractérisé d'abord par une forme comprimée, non pro- 
longée en queue, et par la présence d'un œil , était représenté 
alors avec une couronne de cils autour d’une bouche bilabiée ; 
mais en 1838, il a été caractérisé comme une Euglène sans queue, 
plutôt cylindrique ou renflée, que comprimée ; avec une trompe 
filiforme ayant la cinquième partie de la longueur du corps et 
portée par la lévre supérieure de la bouche bilabiée. M. Ehren- 
berg regarde la substance verte intérieure comme formée d'œufs; 
il désigne comme organes cénitaux, divers corpuscules bacillaires, 
et nomme ganglion nerveux, une masse globuleuse, située sous la 
tache rouge oculiforme. Cette espèce qui, je crois, peut être réu- 
nie aux Euglènes, se distingue par la lenteur de ses mouvements; 
on la trouve rampante au fond du liquide, comme les £,spirogyre 
etÆ, lente, avec lesquelles elle a beaucoup de rapport. 


°°? Chlorogonium euchlorum. ( Ehr. Inf. PI. VII, fig. 17.) 


C'est ainsi que M. Ehrenberg nomme un Infusoire appelé 
d'abord par lui (1830-1831) As{asia euchlora ; il en fait le type 
d’un nouveau genre que caractérisent la présence d’un œil unique 
et de deux trompes filiformes, et la forme du corps non fixé par 
un pédoncule, mais Jibre et terminé par une queue. Le Chloro- 


DES INFUSOIRES. 367 
gonium est surtout remarquable, suivant l'auteur, en raison desa 
division spontanée multiple, suivant plusieurs lignes obliques. 11 
se réunit souvent avec d’autres individus en groupes roulants, au 
moyen de sa queue. Son corps, qui paraît ordinairement peu con- 
tractile , prend quelquefois par la contraction, la forme d'une 
grappe de raisin fusiforme. Il vit en commun avec l Eugléne verte 
et le Chlamidomoras (Diselmis) dans l’eau verte des ornières; sa 
longueur est de 0,023 à 0,093. 


* Genre Coracium. — Ehr. Infus. 1838, p: 114. 


Ce genre très-imparfaitement connu a été institué par 
M. Ehrenberg dans son III° mémoire (1832) , et caractérisé 
ainsi : « An. polygastriques anentérés, gymniques, non cui- 
rassés , de forme variable , se fixant au moyen de leur queue 
(avec ventouse terminale?) (trompe nulle?) cils de la bouche 
rotateurs ? yeux nuls ? ». Mais cette caractéristique si dubi- 
tative a été modifiée en 1838, et le Colacium est aujourd’hui 
pour lauteur « un animal pourvu d’un œil unique, fixé par 
un pédoncule simple ou rameux (par suite de la division 
spontanée) ; dont les organes du mouvement ne sont pas 
encore assez connus, mais se manifestent par un tourbillon 
produit à la partie antérieure dans l’eau colorée , lequel on 
peut attribuer à une trompe filiforme simple. » Des vési- 
cules ou vacuoles internes sont pour lui des organes digestifs 
bien connus ; les organes génitaux femelles sont les granules 
verts qui produisent la coloration ; quant aux organes mâles, 
ils sont, dit-il, inconnus, de même que les vaisseaux san- 
guins. 

Une première espèce indiquée comme douteuse, Colacium? 
vesiculosum , et nommée d’abord Stentor? pygmæus, a le 
corps ovale fusiforme, variable, d’un vert gai, avec des vé- 
sicüles internes distinctes et un pédoncule très-court , rare- 
ment ramifié. L'auteur y a vainement cherché le point rouge 
caractéristique , et il dit que les vésicules internes pourraient 
êtré des estomacs. Ce Colacium vit fixé sur le corps des Cy- 
clopes , mais si on l’en détache , il se meut en rampant et en 


3068 HISTOIRE NATURELLE 


se tordant avec lenteur comme l’Zuglena deses. Sa longueur 
est de 0,31. 

Une deuxième espèce, Colacium stentorinum , également 
nommée d’abord S£entor? pygmœæus, se trouve aussi fixée 
sur les Cyclopes, mais elle diffère de la précédente par sa 
longueur moindre 0,023, par sa forme variable presque 
cylindrique, conique , ou presque en entonnoir, et surtout 
par ses pédoncules le plus souvent rameux, d’où résultent 
des groupes de 2 à 12 animaux. Le point coloré pris pour 
un œil est quelquefois tellement pâle, qu’on ne peut l’aper- 
cevoir; ce qui, suivant nous , tend à montrer combien a peu 
de valeur le caractère fourni parce prétendu organe de 
vision. 


** GENRE DistTicma. Ehr. 


Le genre Distigma, établi en 1830 par M. Ehrenberg pour 
des Infusoires de forme très-variable, pourvus de deux 
points oculiformes et sans queue, est caractérisé dans le 
dernier ouvrage de cet auteur, 1838, par les seuls mots : 
liberum , oculis duobus insigne. Les organes locomoteurs, 
dit l’auteur, ne sont pas visibles, et il paraît n’en point exis-. 
ter à l’extérieur, car les Distigma ne nagent point, ne pro- 
duisent pas de tourbillons dans l’eau colorée, et rampent 
plutôt comme les sangsues en changeant la forme: de leur 
corps, sans cependant émettre de prolongements, comme 
les Amibes. De nombreuses vésicules observées dans deux 
espèces ont été prises pour des estomacs, quoiqu’on n’y voie 
point pénétrer la couleur délayée dans l’eau. Gomme or- 
ganes de reproduction , auteur cite seulement la couleur 
verte d’une espèce qu'il dit produite par des œufs; mais 
dans les autres espèces , il déclare n’avoir pu reconnaître au- 
cun organe sexuel. Enfin, il veut nommer des yeux les très- 
petits points noirs qu'il indique près du bord antérieur, 
N'ayant moi-même rien vu qui se rapporte entièrement à 
cette description, je ne puis avoir d'opinion sur la vraie na- 
ture des Distigma. Les espèces décrites au nombre de quatre 


DES INFUSOIRES. 369 


sont : le Distigma? tenax (Ehr. Infus. PL VIE, fig. 3), 
long de 0, 112, hyalin jaunâtre, tour à tour renflé et res- 
serré çà et là, avec des yeux peu distincts : il est donné à 
tort comme synonyme du Proteus tenax de Müller (nf. 
PI. 11, fig. 13-18); 2° le Distisma proteus (Ehr. Infus. 
PI. VIL, fig. 4), long de 0,0625, incolore, tour à tour trës- 
renflé et très-resserré çà et là, avec des yeux distincts ; 3° le 
Distigma viride (Ehr. Infus. PI. VIT, fig. 5), long de 0,0625, 
vert, donné avec doute comme synonyme de l'Ænchelys 
punctifera de Müller (nf. PI. IV, fig. 2-3); 4° enfin, sous 
le nom de Distigma planaria, un animal long de 0,112, 
moins renflé que les espèces précédentes , eflilé et pointu 
aux deux extrémités , observé seulement pendant le voyage 
de l’auteur en Afrique, et qui, vraisemblablement, n’est pas 
mème un Infusoire. 


4° GENRE. ZYGOSELMIS. — Zygoselmis. 


An. de forme variable, nageant au moven de deux fila- 
, NA$ à À 
ments flagelliformes égaux , sans cesse agités. 


C'est la contractilité et la variabilité du corps des Zy20- 
selmis qui les distinguent des Diselmis ; la seule espèce con- 
nuc ne montre pas de tégument réticulé, distinct, et c’est 
plutôt par ses changements de forme que par l'observation 
directe , qu'on est conduit à y admettre ce tégument, 


1. ZYGOSELMIS NÉBULEUSE, — Zygoselmis nebulosa. PI. II, fig. 23. 


Corps incolore, tantôt globuleux, tantôt diversement renflé en 
poire ou en toupie, rendu trouble par des granules nombreux. — 
Long de 0,02 avec deux filaments égaux, de cette même longueur, 
et qui sont épais de 0,0006 environ. 


Cet Infusoire, qui change incessainment de forme en nageant, 
se trouvait, le 18 mars 1838, dans l’eau d’une fontaine (fontaine 
Amular), au sud de Paris. 

INFUSOIRES. 2h 


370 HISTOIRE NATURELLE 


5e Guvre. HETÉRONEME. — Zicteronema. 


An. de forme variable, oblongue, irrégulièrement ren- 
fléc en arrière ; ayant un filament flagelliforme plus fin 
et un filament traînant plus épais, rétracteur. 


Je ne puis que répéter ici ce que j'ai dit précédemment 
en parlant des Hétéromites et des Anisonèmes, au sujet des 
deux filaments de ces divers Enfusoires , et du rôle différent 
que chacun d’eux remplit dans la locomotion. Les Hétéro- 
nèmes se distinguent par la présence d’un tégument contrac- 
tile, obliquement strié; mais on ne peut méconnaître leur 
rapport bien prononcé avec les Anisonèmes. 


1. HÉTÉRONÈME MARINE. — Âleteronema marina. — P]. V, fig. 14. 


Corps oblong, irrégulièrement renflé en arrière, plus étroit en 
avant, marqué de stries obliques très-nombreuses. — Longueur , 
0,06. 

J'observais, le 28 mars 1840, cet Infusoire dans de l'eau de 
mer apportée de Cette depuis quinze jours ; les filaments étaient 
plus longs que le corps. 


6° Genre. POLYSELMIS.— Polyselmus. 


An. oblongs, de forme variable, nageant au moyen de 
plusieurs filaments flagelliformes partant du bord antérieur. 


Le seul Infusoire que j'aie trouvé avec ces caractères, 
ressemblait à une Euglène oblongue et arrondie aux deux ex- 
trémités ; un filament plus long s’agitait en avant; et autour 
de sa base, se voyaient distinctement trois où quatre fila- 
ments très-déliés plus courts. 


1. Poryseras verre. — Polysélmis viridis. — PI. TII fig. 26. 


Corps alongé, arrondi aux deux extrémités, plus on moins ren- 
flé et plié au milieu, vert avec un point oculiforme rouge. — Lon- 


gueur, 0,04. 
Observé le 7 décembre 1838 dans un verre où était conservée 
depuis plusieurs mois de l'eau de marais avec des Lemna. 


DES INFUSOIRES. 371 


XS FAMILLE. 


PÉRIDINIENS. 


Animaux sans organes intérieurs connus, enve- 
loppés d'un têt résistant ou membraneux régulier, 
d'où sort un long filament flagelliforme , et qui prèé- 
sente en outre un sillon ou plusieurs sillons occupés 
par des cils vibratiles. 


Les Péridiniens sont encore très - imparfaitement 
connus, parce qu'il n’en existe que fort peu dans Îles 
eaux douces , et que l’épaisseur et le peu de transpa- 
rence de leur têt roide et non contractile empêchent 
d’apercevoir distinctement ce qui se trouve à l'inié- 
rieur ; il semble toutefois que ce têt ne présente aucune 
ouverture béante, car on n’y voit point de corps étran- 
gers, et les substances colorées, si facilement avalées 
par d’autres Infusoires , n’y pénètrent point pendant 
la vie de l'animal. On ne voit de vivant, au dehors, 
qu'un long filament analogue à celui des Thécamo- 
niens , dont les Péridiniens se rapprochent par la non 
contractilité de leur têt, mais dont ils sont sufhisam- 
ment distincts par des cils vibratiles, occupant un sillon 
ordinairement transverse. Plusieurs d’entre eux ont 
Jeurtêt prolongé en pointes, ou en cornes de la manière 
la plus bizarre; plusieurs aussi montrent à l'intérieur 
nn point coloré, que M. Ebrenbers prend pour un œil 
comme chez certains Thécamonadiens, 

Deux ou trois espèces seulement de Péridiniens, 
dont une marine, ont été aperçues par Müller, qui ne 
soupçonna pas leurs organes locomoteurs, et placa 


l’une dans son genre Bursaire (BP. hirundinella), Yautre 
24. 


312 © HISTOIRE NATURELLE 
parmi ses Cercaires (C. tripos), et la troisième, qui est 
encore douteuse, parmi ses Vorticelles ( Ÿ. cincta); la 
première fut revue par Schrank, qui, avec raison, 
la prit pour type d’un nouveau genre , et l’appela Ce- 
ralium tetraceros. La seconde espèce fut rapportée par 
Nitzsch à ce même genre Ceratium ; elle fut plus par- 
ticulièrement étudiée avec plusieurs espèces nouvelles 
de la mer Baltique, sous le rapport de la phosphores- 
cence , par M. Michaelis. M. Bory avait peut-être revu 
la première, dont il fit le genre //irondinelle. Enfin 
M. Ehrenberg fit connaître un peu mieux la structure 
et les organes locomoteurs de ces mêmes espèces et de 
plusieurs autres, et le premier il créa le genre Peri- 
dinium, et la famille des Peridiniæa. Mais cette famille 
fut d’abord fort mal conçue : en 1830 elle devait cor- 
respondre comme famille d’Infusoires cuirassés aux 
Cyclidina , qui étaient des Infusoires nus, et former 
avec eux la deuxième section des polygastriques anen- 
térés, celie des Æpitricha, ayant le corps cilié ou garni 
de soies ; la bouche tantôt ciliée, tantôt nue, etc. Avec 
le genre Peridinium , auquel étaient réunis les Cera- 
tium ; cette famille contenait le genre Chætotypala et 
plusieurs F’olvociens. Ceux-ci ne furent érigés en fa- 
mille par l’auteur allemand qu’en 1832-1833, et la 
famille Peridiniæa fut complétée par le genre Chæto- 
glena et par le genre Æcineta, qui en est si diffé- 
rent. Eufin, dans son histoire des Infusoires (1838), 
M. Ehrenberg, laissant toujours cette famille à côté 
des Cyclidina, la compose définitivement des quatre 
genres Chætotyphla, Chœtoglena, Peridinium et 
Glenodinium. Or les deux premiers, entièrement dé- 
pourvus de sillon et de cils vibratiles, et n'ayant au- 
cun autre organe locomoteur qu’un filament flagelli- 


DES INFUSOIRES. 313 


forme, sont évidemment à reporter avec les Théca- 
monadiens, dont ils n'ont pu être séparés que quand 
on a voulu confondre les épines ou aspérités du têt 
avec des cils vibratiles. Quant au genre Glenodinium, 
il doit être fondu dans le genre Peridinium , dont il se 
distingue seulement par la présence d’un point coloré 
que M. Ehrenberg prend, suivant son usage , pour un 
œilet pour le représentant d’un système nerveux. Mais 
le genre Peridinium nous paraît devoir être restreint 
aux espèces globuleuses et sans cornes alongées, tan- 
dis que les espèces, plus ou moins concaves d’un côté 
et prolongées en cornes, forment le genre Ceratium. 

Si maintenant nous passons à l’examen des caractères 
donnés aujourd'hui par M. Ehrenberg, aux Peridi- 
niæa, en ces termes : « An. évidemment ou vraisem- 
blablement polygastriques , anentérés (sans intestin), 
cuirassés, vibrants, appendiculés par des cils ou des 
soies épars sur le corps ou la cuirasse; souvent ornés 
d’une ceinture ou d’une couronne de cils, avec une 
ouverture unique de la cuirasse ,» on voit que sans 
parler des organes digestifs qui ne sont pas même vrai- 
semblablement connus, il vaudra mieux ne faire men- 
tion que de la ceinture de cils, et ajouter, comme ca- 
ractère de première valeur, la présence du filament 
flagelliforme, pris pour une trompe par cet auteur. La 
coloration artificielle de leurs estomacs ne lui a réussi, 
dit-il, qu'avec les Peridinium pulvisculus et Peridi- 
nium cinctum; mais d'après ce qu'on voit dans tous 
les autres Infusoires à filament, on peut douter ou de 
la vraie dénomination générique de ces deux espèces, 
ou de la réalité de l'expérience. Il croit qu’une cer- 
taine tache observée dans le Ceratium tripos, est le 
testicule de cet animal ; enfin il ajoute :« Toutes les es- 


374 HISTOIRE NATURELLE 


pèces des divers genres sont colorées en vert, en jau- 
nâtre ou en brun; et, chez plusieurs espèces, cette 
coloration provient évidemment de granules internes 
qui sont des œufs. » Quant à la vésicule contractile 
dont il fait le complément de l'appareil génital mas- 
culin , il avoue qu’elle n’a pas encore été reconnue 
dans cette famille ; ce qui, en somme, n’apprend pas 
grand chose de positif sur l’organisation des Péridi- 
niens. 

Les Infusoires de cette famille vivent, soit dans la 
mer, soit dans les eaux douces stagnantes, au milieu 
des végétaux , ils ne se trouvent ni dans les infusions 
ni dans les eaux conservées. 


4 Genre. PERIDINIUM (1). Ehr. 


Corps globuleux ou ovoïde , entouré d’un ou de plu- 
sieurs sillons garnis de cils vibratiles. Têt membraneux. 


1. PERIDINIUM OCULÉ. — Peridinium oculatum (2). 


Corps ovoïde, jaunâtre , entouré d’un sillon, duquel part, d’un 
seul côté à angle droit, un autre sillon marqué d’une tache co- 
lorée ; cuirasse membraneuse , lisse. — Longueur, 0,047. 


Cette espèce n'est connue que par les descriptions de M. Ebren- 
berg qui a vu un filament flagelliforme de la longueur du corps 
partir du point de rencontre des deux sillons au-dessous de la 
tache colorée qu'il prend pour un œil en disant : « Une partie de 
la tache blanche prés de l'œil peut bien être le cerveau lui-même, 
comme cela se voit encore plus clairement dans l'Æmblyophis vi- 
ridis.» 1] n’a pu lui faire avaler du carmin ; il admet que la bou- 
che est au centre, et que de nombreux estomacs entourés par les 
ovaires se voient distinctement. En raison de la signification quil 


(1) De epi , autour ; divoc, tourbillon. 
(2) Glenodinium cinctum , Ehr. Inf, 1838, pl. XXII, p. 257. 


DES INFUSOIRES, 379 


attribue à la tache rouge, il a pris cette espèce pour type de son 
genre Glenodinium qui diffère en cela seulement des vrais Peridi- 
nium. À ce même genreil rapporte deux autres espèces, G. {abula- 
tum et G. apiculatum , observées par lui, comme la précédente , à 
Berlin ; l'une et l'autre sont d’un vert jaunâtre avec un point ocu- 
liforme oblong. Celle-ci, obtuse aux deux extrémités, a la cara- 
pace lisse, divisée en compartiments par des sillons hérissés de 
cils; celle-là, bidentée, tronquée en arrière, un peu aiguë et 
dentelée , a la carapace granuleuse, divisée en compartiments 
par dés lignes élevées, formant un réseau, mais non hérissées. 


2. PEntiniuM PoussIER. — Peridinium pulvisculus. (Ehr. Inf. 1838. 
PI. XXII, F. x1v, 293.) 


Corps brun, lisse , presque globuleux , à trois lobes peu mar- 
qués , avec un sillon transverse, long de 0,0147 à 0,025. 


M. Ehrenberg, qui seul a observé cet Infusoire près de Berlin, 
dit avoir pu , en 1830, y reconnaître, par l'introduction du car- 
min ou de l'indigo, plus de vingt estomacs trés- petits. Depuis lors 
(1839), il y a constaté l'existence du filament flagelliforme. 


* PERIDINIUM CEINTURE. — Peridinium cinctum. (Ehr. Infus. PI. 
XXII, F. xx, p. 268) (1). 


Corps vert, lisse, presque globuleux, à trois lobes peu marqués ; 
avec un sillon transverse. — Diamètre, 0,046. 


Ce n'est qu'avec doute que cette espèce peut être inscrite dans 
le genre Peridinium , car M. Ehrenberg n’a pu y voir le filament 
flagelliforme , et il assure avoir une fois vu les vésicules internes 
ou estomacs se remplir d'indigo. Müller, qui l'avait plusieurs fois 
observée au mois de novembre, dans l’eau des marais, la décrivit 
comme étant opaque , d’une couleur noire-verdâtre , de forme 
irrégulière , trapézoïde , entourée de cils trés-déliés, tous vibra- 
tiles et plus longs d’un côté : elle se montre souvent, dit-il, ovale 
et entourée d'une carène transversale, et présente sur ses bords 
deux ou quatre entailles correspondantes. Elle se meut lentement 
en tournant sur son centre. 


mo EEE 
(1) Worticella cincta, Müller, Inf. PI. XXXV, f. 5-6, p. 256. 


376 HISTOIRE NATURELLE 


** PERIDINIUM RUN. — Peridinium fuscum. — (Ehr. Inf. PI. XXII, 
F. xv, p. 294.) 


Corps brun, lisse , ovoïde , un peu comprimé , aigu en avant et 
arrondi en arrière, avec un sillon transversal, et un autre sillon 
partant à angle droit pour se rendre au sommet. — Longueur 
de 0,062 à 0,094. 


Cette espèce a été également observée à Berlin par M. Ebren- 
berg, qui n’y a point vu le filament flagelliforme. 


*Æ* PERIDINIUM ACUMINÉ. — Peridinium acuminatum. (Ehr. Inf. 
PI, XXII. fig. 16, p. 254.) 


Corps brun-jaunâtre , lisse, globuleux, à trois lobes peu mar- 
qués avec une pointe saillante en arrière, et un sillon transverse 
cilié. — Longueur , 0,045. 


Dans l’eau de la mer Baltique à Kiel. 


#%* Peridinium Michaelis. —(Ehr. Inf. PI. XXII, fig. 19.) 


, Corps jaune, lisse, globuleux avec une pointe saillante en avant, 
deux pointes en arrière, et un sillon transverse. — Longueur , 
0,027. 


Cette espèce , qui habite aussi la mer Baltique, est phospho- 
rescente dans l'obscurité. C'est une de celles que M. Michaëlis 
avait fait connaître, en 1830, dans un mémoire sur Ja phospho- 
rescence des eaux de cette mer. 


2° Genre. CERATIUM. — Ceratium, Schrank. 


Corps irrégulier , concave sur une partie de sa surface 
et prolongé en cornes, avec un seul sillon garni de cils, et 
un long filament flagelliforme. 


Gette dénomination ayant été employée par les botanistes, 
M. Ehrenberg a cru devoir la rejeter; mais il nous a paru 
convenable Fa la conserver comme bien significative pour 
les espèces à tèt cornu ( #épaç , COTE ). 


DES INFUSOIRES, 311 


1, CERATIUM HIRONDINELLE. — Ceratium hirundinella (1). — P1. IV, 
fig. 2. 

Corps brunâtre ou verdâtre , à surface rude, irrégulièrement 
rhomboïdal ou trapézoïdal à côtés convexes ; latéralement pro- 
longé dans le sers de la grande diagonale en cornes courbes , et 
présentant en outre un tubercule oblique plus ou moins saïllant ou 
aigu à chacun des autres sommets ; concave d’un côté, convexe de 
l’autre, avec un sillon dans le sens de la petite diagonale sur le côté 
convexe. — Longueur de 0,150 à 0,180. 


J'ai trouvé abondamment dans l’étang de Meudon, le 23 mars 
1838, un Peridinium d’une couleur vert-brunâtre, dont je donne 
la figure, et que je crois analogue à l'espèce de Müller, quoique 
je n'aie pu y voir les deux dents obliques représentées à tort, je 
crois, par l’auteur danois aux extrémités du sillon. Müller l'avait 
observé , aux mois de juillet et d'août, nageant en foule comme 
une fine poussière autour des Lemna, dans l’eau des mares 
d'une forêt; il le décrit comme formé d’une membrane trans- 
lucide, excavé au milieu, prolongé sur ses bords en quatre lobes 
ou en quatre pointes opposées deux à deux, et présentant une 
double ligne saillante en travers; il nomme latérales les deux plus 
petites pointes , et regarde, comme l’antérieure et la postérieure, 
les deux plus longues. « Ces Infusoires, dit-il, tournoyant lente- 
ment avec leurs bras étendus , rappellent la figure des hirondelles 
rasant les eaux, ou des navires à la voile aperçus dans le lointain. » 
L'espèce de Schrank et celle de M. Ehrenberg ne sont peut-être 
pas identiques avec la mienne. Ce dernier a bien vu le filament 
flagelliforme, mais il n'a pu faire absorber de substances colo- 
rées, ce qui ne l'empêche pas de nommer estomacs les globules 
nombreux , transparents, qu'on apercoit à l’intérieur. 1l donne 
aussi le nom d'œufs ou d'ovaire, suivant son système, à la masse 
grenue qui produit la coloration de l'animal. Enfin, il s'est as- 


(1) Bursaria hirundinella, Müller, Inf, PL. XVIL, f. 9-12, p. 119. 
Ceratium tetraceros. Schrank. Naturg. 1593, LI, p. 50. 
Hirundinella quadricuspis , Bory , Encyel. 1824. 

Peridinium cornutum , Ehr, nf, 1838, XXII, f. XVII, 


378 HISTOIRE NATURELLE 


suré que la carapace, ainsi que celle de son Glenodinium cinctum, 
n'a rien de siliceux, car elle disparaît entièrement par la com- 
bustion. 


2. CéRatIuM TRÉPIED. — Ceratium tripos (1). — PI. IV, f. 29. 


Corps jaune, lisse, phosphorescent, triangulaire à côtés con- 
vexes, largement excavé ; avec deux longues cornes latérales re- 
courbées en arrière, une troisième corne droite encore plus 
longue en forme de queue, et un sillon cilié, obliquement trans- 
verse. — Longueur totale, 0,187, ou sans les cornes, 0,06. 


Müller, qui avait vu frès-rarement cette espèce dans l’eau de la 
mer Baltique récemment puisée , la décrit comme ayant le corps 
déprimé , transparent ; il attribue à des cils cachés son mouve- 
ment de translation lent et sans aucune agitation ; remarquant 
que, toutes les fois que l'animal se trouve arrêté par l’adhérence 
de sa queue, il se produit le long de son corps un courant qui 
part de son extrémité antérieure. 

M. Michaëlis, qui l’observa depuis (1830) dans le même lieu, 
et qui à fait connaître le phénomène remarquable de phospho- 
rescence qu'il présente, a apercu le premier chez cet Infusoire 
le filament flagelliforme caractéristique des Péridiniens ; mais 
trompé par une illusion d'optique, il le crut multiple, et d’ail- 
leurs il ne vit pas les cils vibratiles du sillon. C’est M. Ehrenberg 
qui , étudiant de nouveau les Péridiniens phosphorescents de la 
mer Baltique, a définitivement fait connaître leurs organes loco- 
moleurs. 


3. CERATIUM FUSEAU, — Ceratium fusus (2). 


Corps jaune, lisse, phosphorescent, oblong et prolongé laté- 
ralement, en deux cornes opposées, presque droites, et traversé 
par un sillon cilié. — Longueur de 0,225 à 0,28. 


(1) Cercaria tripos, Müller, Inf. PI. XIX, fig. 22, p. 136. 
Ceratium tripos , Nitzsch , Beytr. p. 4. 

Tripos Mülleri, Bory, Encyel. 1824. . 

Cercaria tripos, Michaëlis, Leuchten der Ostsee. 1830, p. 38 , PL. 1. 
Peridinium tripos, Ehrenb. Inf. 1838, PI. XXII, f. XVIII, p. 255. 
(2) Michaëlis, Leuchten der Ostsee, 1830, p. 88, PL. 1. s 
Peridinium fusus , Ehrenb, Infus. 1838, PI. XXII, fig. XX, p. 256. 


DES INFUSOIRES, 379 


C'est une des espèces phosphorescentes observées dans l’eau 
de la mer Baltique , et montrant un filament flagelliforme bien 
distinct. 

*M. Ehrenberg décrit encore comme provenant du même lieu, 
et également phosphorescente une espèce qu’il nomme Peridi- 
nium furca, et qui pourrait bien n'être qu'une variété ou une 
modification de la précédente. 

*Le même auteur a classé avec doute parmi les Peridinium 
denx corps organisés fossiles des silex pyromaques de Delitzsch. 
Le premier, P. pyrophorum, présente une carapace ovoïde, 
grenue , un peu aiguë en arrière et munie de deux pointes en : 
avant. Sa longueur est de 0,046 à 0,056. C’est ce que Turpin 
(Compte-rendus de l'Acad. 1837, p. 313), crut être un œuf de 
Cristatelle ; l’autre, P. delitiense, présente une carapace ovoïde, 
celluleuse, aignë en arrière et avec une pointe roide , latérale 
au milieu ; sa longueur est de 0,062 à 0,093. 


380 HISTOIRE NATURELLE 


ORDRE IV. 


Infusoires ciliés, sans tégument contractile, avec 
ou sans bouche. — Nageants. 


XI FAMILLE. 


ENCHÉLYENS. 


Animaux partiellement ou totalement revêtus de 
cils vibratiles épars sans ordre. Sans bouche. 


Nous manquons de connaissances suffisantes , et par 
conséquent aussi de caractères positifs pour distinguer 
les Infusoires ciliés de cette famille et de la suivante ; 
il faut donc considérer seulement comme des groupe- 
ments artificiels et provisoires ces familles et les genres 
dans lesquels nous les avons divisées. Nous aurons en- 
core ici des êtres aussi simples que dans les ordres pré- 
cédents; nous serons aussi embarrassés pour préciser 
dans beaucoup de cas des caractères d'espèce et de 
genre ; car nous ignorerons si l'animal observé est 
complétement développé jon s’il n’a pas subi quelque 
modification importante de la part du milieu dans le- 
quel il vit : cependant nous avançons vers les types 
plus complexes qui nous montreront une bouche , une 
manducation réelle et des organes locomoteurs mieux 
appropriés au service d’une volonté. Rien de cela ne se 
trouve encore chez les Enchélyens ; mais l’analogie des 
cils vibratiles moteurs et de la forme extérieure pour- 
raitfaire soupconner quelquechose de plus quece qu’on 
aperçoit. Parmi les Enchélyens, les uns sont ciliés sur 


DES INFUSOIRES. 381 


une partie seulement de leur corps, ce sont les Æcomia 
ciliés à une des extrémités, nus sur tout le reste, et les 
Gastrochæta ayant seulement, d’un côté ou en dessous, 
une fente garnie de cils vibratiles ou ondulants. Ceux 
qui sont ciliés sur tout le corps sont des Enchelys, s'ils 
n'ont qu’une seule espèce de cils ; des Ælyscum , s’iis ont 
en outre quelques longs filaments contractiles qui leur 
servent à s’élancer tout à coup d’un lieu à l’autre ; ou 
enfin ce sont des Uronema , s'ils portent en arrière un 
long filament droit. 

Les Enchélyens, se développant presque tous dans les 
infusions ou dans les eaux stagnantes putréfiées , ont 
dû être vus par tous les anciens micrographes ; mais 
il est impossible de reconnaître avec certitude ce qu’on 
a voulu décrire, quand on n’a point indiqué les or- 
ganes locomoteurs , ni la grandeur réelle de ces êtres, 
qui eüt été au moins un caractère distinctif. Néan- 
moins on peut conjecturer que plusieurs Enchélydes 
et Trichodes de Müller appartiennent à cette fa- 
mille, ainsi qu'une partie des Infusoires désignés par 
Gleichen par le nom de petites ovales. M. Ehrenberg , 
ayant toujours basé la distinction de ses genres et 
de ses familles sur la disposition des organes digestifs 
qu'il est impossible de voir comme il les a vus, on ne 
peut encore, qu'avec doute, rapprocher de nos En- 
chélyens plusieurs de ses Cyclidium et Trichoda. 


ENCHÉLYENS Ciliés a une extrémité. . . . « . , Acomra. 
non ciliés partout. 


Ciliés dans un sillon longitudinal, . Gasrrocuxra . 
Cils tous semblables, . . . , . . . Encuécys. 


ENCHELIENS Des cils et des filaments trainants} AN 
ciliés partout. | T'ELLACÉEULS POP er At 0 » GER ire 


Un long filament droit en arrière. Uronema. 


382 HISTOIRE NATURGLLE 


1% Genre ACOMIE. — Acomia. 


An. à corps ovoïde oblong, ou irrégulier, incolore ou 
trouble, formé d'une substance glutineuse, homogène, 
contenant quelques granules imégaux, et cilié à une ex- 
trémité. 


Ce n’est pas, je le répète, d’après des caractères positifs ou 
zoologiques, que je réunis sous ce nom divers Infusoires 
sans bouche , sans autres organes visibles que des cils vibra- 
tiles à une extrémité seulement : je reconnais, au contraire, 
que , parmi ces animaux spontanément divisibles, les uns 
transversalement, les autres longitudinalement ; les uns for- 
més d’une substance glutineuse, diaphane comme les Mo- 
nades, les autres, paraissant doués d’un degré de consi- 
stance plus considérable ; je reconnais, dis-je, qu'il devra se 
trouver, quand ils seront mieux étudiés, de quoi établir 
plusieurs genres distincts. 


1. Acoura cree. — Acomia cyclidium.— PI. VIT, fig. 5. 


Corps ovale-oblong, déprimé, contenant des granules assez 
volumineux . et quelques vacuoles , spontanément divisible en 
travers. — Long., 0,04. — Marin. 


C'est dans l’eau de la Méditerranée , conservée depuis quatre 
jours, avec des Corallines, le 7 mars 1840, et déjà altérée, que 
se trouvait en grand nombre cet Infusoire qui, par sa forme ex- 
térieure , se rapproche beaucoup des Cyclides de M. Ehrenberg , 
mais qui n'a ni bouche ni cils sur son contour. Lorsqu'il se divise 
spontanément , les jeunes individus sont discoïdes. 


2. ACOMIE VITRÉE. — Acomia pitrea, — PI. VIT, fig. 6. 


Corps ovoïde, en partie cristallin , rendu trouble par des gra- 
nules, dans sa moitié postérieure , cilié au bord antérieur , spon- 
tanément divisible , d'avant en arrière. — Long., 0,0208. 


Cet Infusoire est remarquable par sa lmpidité parfaite en avant, 


DES INFUSOIRES. 389 


et par son mode de äivision spontanée d'où résultent des animaux 
doubles et soudés en arrière par une partie commune diaphane ; 
il se trouvait en abondance le 24 “écembre dans une eau fétide 
où s'étaient pourris des lombrics depuis un mois. 


2* ACOMIE OVALE. — Acomia ovala, — PI. VI, fig. 12. a-b. 


Cette Acomie ne diffère de la précédente que par les granules 
épars dans la partie antérieure qui est moins limpide, et par sa 
longueur (0,03) d'un tiers plus considérable. Elle était dans une 
eau de marais devenue fétide dans un flacon; elle m'a montre 
d’une maniére bien remarquable le phénomène de la formation 
spontanée de vacuoles dans les exsudations discoïdes du sarcode. 
(PI. VI, fig. 12.b.) 


3 ? AcomIE œur.— Acomia ovulum.— P]. VII, fig. 7. 


Corps ovoide présentant une partie noduleuse ou granuleuse 
qui semble se contracter à l'intérieur d’une enveloppe diaphane. 
— Mouvement de tournoiement. — Long. 0,02. 


Je ne place qu'avec donte parmi les Acomies cette espèce que 
j'observais le 20 décembre 1835 dans l’eau verte prise, quinze 
jours auparavant, dans une ornière prés de Paris. Elle me pa- 
raissait alors revêtue d’une enveloppe sphérique, gélatineuse, 
sous laquelle était irréguliérement contractée une masse nodu- 
Jleuse trouble. En avant se voyaient difficilement des cils droits, 
vivement agités ; son mouvement était bien celui que M. Ehren- 
berg attribue à son Doxococcus. 


4 ? ACOMIE vorTICELLE, — Acomia vorticella. PI. XI, fig. r. 
Corps ovoïde , presque globuleux , incolore, trouble , cilié dans 
sa moitié antérieure ; cils recourbés en arrière. Mouvement recti- 
ligne en tournant sur son axe. — Long. 0,026. 


Elle était le 28 février dans l’eau de la mare d'Auteuil , sur la- 
quelle se trouvait encore de la glace. On peut croire que c'est le 
inême infusoire que Müller a nommé Vorticella. Ce n'est qu'avec 
doute que j'inscris ici cette espèce qui, par son mode de loco- 
motion , diffère considérablement des précédentes. 


J84 HISTOIRE NATURELLE 


5 ? AGOMIE À cÔTES. — Æcomia costata, — PI. XI, fig. 2. 


Corps ovoïde oblong, plus étroit en avant, paraissant enveloppé 
d’une membrane épaisse ou d’une couche plus consistante , no- 
duleuse , formant souvent une ou plusieurs côtes longitudinales 
noduleuses. Division spontanée transversale. — Long. de 0,04 
à 0,052. 


Cet Infusoire , que j'observais au mois de décembre dans une 
infusion d'algues marines fraîches, se montrait d'abord presque 
cylindrique, avec une côte longitudinale saïllante , interrompue 
par une échancrure un peu avant le bord antérieur qui seul est 
garni de cils ; au bout de quelque temps il était creusé de vacuoles 
aplaties , tres-grandes et très-nombreuses , qui se soudaient plu- 
sieurs ensemble et paraissaient être sous le tégument. Puis, com- 
mençant à se décomposer, il s’aplatissait sur la plaque de verre, 
et laissait exsuder sur son contour de larges disques de sarcode 
parfaitement limpides. 


6. ?? AGOMIE VARIABLE. — Acomia varians. — PI, XI, fig. 3. 


Corps oblong , cylindroïde, tronqué et anguleux en avant, 
renflé ou resserré tour à tour en divers points de sa longueur , et 
par suite alternativement aminci postérieurement, et terminé en 
queue pointue ou arrondie. — Mouvement rectiligne en tournant 
sur son axe. — Long de 0,026 à 0,035. 


J'aurais besoin , pour être bien fixé sur ses organes locomoteurs, 
de revoir cet Infusoire, observé dans une infusion fétide de 
lombrics, en 1835, à une époque où mes moyens d'observa- 
tion ne me permirent pas de voir s’il existe des cils ou des fila- 
ments flagelliformes. Les angles prolongés du bord antérieur 
pourraient faire penser qu'il y a des filaments, comme chez le 
Trépomonas. 


2° Genre. GASTROCHÆTE. — Gastrochæta. 


An. à corps ovale, convexe d'un côté et creusé d’un 
large sillon longitudinal du côté opposé ; cils vibratiles dans 
tout le sillon et principalement aux extrémités. 


J'ai institué ce genre pour une seule espèce bien impar- 


DES INFUSOIRES. 309 


faitement connue, ou bien remarquable par ja simplicité de 
son organisation; car à une époque (9 novembre 1838), où 
j'étais le mieux préparé à faire de bonnes et complètes ob- 
servations , je ne l'ai vue que comme un corps ovale nu et 
sans tégument sur la plus grande partie de sa surface, et 
montrant seulement d’un côté, un large sillon évasé en avant, 
où le corps est un peu échancré, rétréci en arrière et pro- 
longé en pointe. Les cils vibratiles ne se montrent que dans 
ce sillon, et c’est surtout à la partie antérieure qu'ils sont le 
plus longs , ils sont agités d’un mouvement ondulatoire un 
peu lent, qui fait tourner le corps de gauche à droite sur 
son centre. Le corps, demi-transparent, contient à l’intérieur 
des granules nombreux et des vacuoles. Il se pourrait que 
cette forme singulière fût due à la présence d’un tégument 
non contractile, comme celui des Ervilies, qui ont égale- 
ment un sillon garni de cils vibratiles ; je ne les connaissais 
pas encore lorsque j'étudiais le Gastrochæte : ce sera un point 
à vérifier. 


1. GASTROCHÆTE FENDUE. — Gastroch«æla fissa, PI, VII, fig. 8. 


Corps demi-transparent, ovale tronqué en avant, montrant une 
très-petite pointe mousse au milieu du bord postérieur , convexe 
et lisse en dessus, creusé d’un sillon longitudinal en dessous. — 
Longueur, 0,064. 


Le 9 novembre dans l'eau de Seine recueillie avec des eallitri- 
ches, un mois auparavant. 


æ 


3° Gexre. ENCHÉLYDE. — Enchelys. Hill. 


An. à corps cylindrique, oblong ou ovoïde, entouré de 
cils vibratiles droits, uniformes, épars sans ordre. 


Le désir de conserver dans l’histoire des Infusoires une 
des dénominations les plus anciennes et les plus fréquem- 
ment employées, m'a determiné à former ce genre Enché- 
lyde avec des espèces qui ont, bien certainement, été nom- 

| INFUSOIRES. 25 


336 HISTOIRE NATURELLE 

mées ainsi par Müller et par d’autres micrographes ; mais 
ce ne sont certainement pas celles que l'anglais Hill désigne 
par ce nom qui, en grec, veut dire Anguille ; ilest probable 
que ces premières Enchélydes étaient des Euglènes , et peut- 
être des Trachélius, ou même le Spirostome et le Kondy- 
lostome. Comme il est désormais impossible de concilier 
cette signification du mot Enchelys avec la forme des Infu- 
- soires auxquels nous pourrions l’appliquer aujourd’hui, j'ai 
choisi pour cela une des formes les plus simples et les plus 
fréquentes en même temps, une de celles qu’on sera tou- 
jours certain de rencontrer, comme ies Kolpodes et les Pa- 
ramécies , dès le début des recherches ; mais il est possible 
que plusieurs espèces d’Acomies ou de Trichodes y soient 
réunies par la suite, quand une connaissance plus exacte de 
ces Infusoires , si simples, permettra d'établir différemment 
la caractéristique du genre. 

Des Enchélys de Müller, il en est tout au plus quatre 
(£. seminulum, Æ. tremula, Æ. festinans et Æ. episto- 
mium ? ), qu'on puisse rapporter à notre genre, où même 
aux Enchélyens en général ; les autres sont des Monadiens 
(£. intermedia , E. constricta). des Thécamonadiens (Z. 
pulvisculus), des Eugléniens (Z. deses, Æ. viridis), des 
Trachelius (Z. gemmata), et surtout des Paraméciens (Z. 
similis, E. serotina, Æ. nebulosa, Æ. ovulum, Æ. pyrum ? 
Æ. farcimen, Æ. pupa), dont lauteur n’avait pu distin- 
guer les cils vibratiles ; plusieurs même sont tout à fait 
indéterminables, telles que les Æ, index, Æ. truncus, Æ. 
larva, Æ. pupula ; on pourrait enfin pénser que son Æn- 
chelys retrosrada est une Planariée, et que son Æ. fusus 
est une Navicule. 

M. Ehrenberg a institué, en 1830, un genre Enchélys (1) 


(1) M. Ehrenberg a pris son genre Ænchelys pour type d'une fa- 
mille des Ænchelya, la quinzième de sa classification ;: cette famille, to- 
talement différente de nos Enchélyens, est placée par cet auteur dans 
la division des polygastriques entérodélés ou à intestin dislinet, enan- 
tiotrèles ou ayant les orifices du tube digestif aux deux extrémités du 


DES INFUSOIRES. 337 
tout différent du nôtre, et il le caractérisait ainsi : « An. poly- 
gastriques entérodélés (ou à intestin) enantiotrètes (à bouche 
et anus opposés), ayant la bouche droite garnie de cils, 
mais le corps entièrement nu, sans cils ni soies. » C’est en- 
core ainsi qu'il le décrit dans son histoire des Infusoires, 


corps. Il la divise en dix genres , de cette manière : un seul genre Pro- 
rodon, ayant la bouche dentée, est placé à la fin ; des neuf autres, 
deux seulement, les Leucophrys et les Holophrya, ont toute la surface 
couverte de cils vibratiles ; ils diffèrent parce que les uns ont la bouche 
obliquement tronquée avec une lèvre, et que eeux-ci ont la bouche 
droite sans lèvre ; parmi ceux qui n'ont pas de cils vibratiles sur toute 
la surface du corps, une première section caractérisée par la disposition 
de la bouche droite , terminale , sans lèvre , comprend les genres Æ£n- 
chelys et Disoma, montrant encore des cils vibratiles autour de la 
bouche , et les genres Actinophrys, Trichodiscus et Podophrya, si 
différents de tous les autres par leurs tentacules ou appendices filiformes, 
rayonnants, non vibratiles; ce sont nos Actinophryens (voyez page 259) ; 
une deuxième section, caractérisée par la disposition de la bouche obli- 
quementtronquée et munie d'une lèvre, se compose des genres Yrichoda 
et Lacrymaria , ce dernier seul ayant le corps prolongé en manière de 
cou. 

On voit done qu'a part les Actinophryens, il se trouve encore dans 
cette famille des genres tout à fait dissemblables qui n’ont pu être réunis 
que d'aprés la fausse supposilion d'un intestin droit que l’auteur n’a pu 
représenter que d'une manière purement idéale , en 1830, dans quel- 
ques Enchélys et Leucophres, qu'il a même été obligé de représenter 
plus tard avec une forme et des caractères différents, 

Les espèces rapportées par cet auteur à son genre Ænchelys me sont 
inconnues , ce sont : 1° Ænchelys pupa de Müller (Müll. Inf. PI, V, f. 
25-26.— Ehr. Inf. PI. XXXI, fig. 1), longue de 0,287, jaune verdätre, 
en forme de massue plus mince en avant; 2° l'Ænchelys farcimen de Mül- 
ler (Müll Inf. PI. V, fig. 7-8.—Ehr 1938, Inf. PI, XXXI, fig. 2), longue 
- de 0,062, cylindrique ou en forme de massue. Ce même auteur la nom- 
mait Ænchelys pupa en 1829-1831, il la décrit, comme amincie en 
avant, tandis que Müller la dit quatre fois plus longue que large, par- 
tout également épaisse, droite ou sinueuse, et tronquée aux deux ex- 
trémités : 3° l'Enchelys infuscata (Ehr. Infus. PI. XXXI, fig. 3) longue 
de 0,09 à 0,11, ovale ou sphérique, avec un cercle brun autour de la 
bouche; 4° l'Ænchelys nebulosa (Ehr. Infus. PI. XXXI, fig. 4), longue de 
0,011 à 0,046 , ovale , diaphane , à bouche saillante en forme de bec. 

Quant au genre Disoma, il a été établi sur un Infusoire très-incom- 
plétement observé pendant le voyage de l'auteur en Égypte , et l'on ne 
peut s’en former aucune idée précise d'après le dessin qui le représente 
seulement grossi æ 


25. 


358 HISTOIRE NATURELLE j 

mais je dois dire que je n’ai jamais rencontré, dans le cours 
de mes observations, aucun Infusoire auquel cette défini- 
tion püt s'appliquer , en faisant même abstraction de la pré- 
tendue disposition de l'intestin et de la grappe d’estomacs 
qu'il supporte ; je suis donc conduit à penser que les Enché- 
lydes de cet auteur sont des Paraméciens à bouche termi- 
nale, ou des Bursariens mal observés, et dont on n’a pas su 
reconnaître la surface ciliée. La famille des Cyclidina (1) de 
cet auteur a beaucoup plus de rapport avec nos Enchélydes. 
En effet, il ne suppose point aux Infusoires de cette famille 
un intestin ni une bouche terminale; il ne distingue ses 


(1) La famille des Cyclidina de M. Ehrenberg a pour caractère 
la présence des soies ou des cils vibratiles sur tout le corps ou sur le 
contour seulement , et d'un seul orifice auquel aboutissent les estomacs; 
elle fait donc partie de ses polygastriques anentérés, épitriques. Elle 
comprend trois genres mal définis et très-imparfaitement connus. L'un, 
Chœtomonas, caractérisé par des soies non vibratiles, se compose de 
deux espèces représentées par des figures tout à fait défectueuses au 
grossissement de 300 diamètres qui permettent seulement de penser 
que ce doivent être des Monadiens ; l'une (Chœtom. globulus, Ehr. Inf. 
PI, XXII, fig. 5) vit dans l'infusion de chair ; l'autre (Chœt. constricta, 
Ehr. Inf. PI. XXII, fig. 6), se développe dans le corps des Hydatines 
mortes. 4 

Les deux autres genres de Cyclidines se distinguent par les cils vi- 
bratiles qui garnissent seulement le contour du corps aplati des Cycli- 
dium , et qui couvrent au contraire tout le corps arrondi des Pantotri- 
chum. Le Pantotrichum ÆEnchelys (Ehr. Inf. PI. XXII, f. 5), long de 
0,023, observé dans l'infusion fétide de chair, paraît bien être notre 
Enchelys nodulosa; le Pantotrichum volvox (Ehr. Inf. PL XXII, 
fig. 8), long de 0,031, globuleux , vert, pourrait être le jeune âge de 
quelque Paramécien ; le Pantotrichum lagenula (Ehr. Infus. Pl. XXII, 
fig. 9), long. de 0,015 à 0,046, ovoide, également arrondi aux -deux 
extrémités avec une saillie en forme de bec ou de cou, est représenté 
par l’auteur aussi régulièrement cilié que nos Paraméciens. 

Des quatre espèces de Cyclides, deux (C? planum, C. Lentiforme), 
indiquées par l’auteur lui-même comme douteuses, ne sont décrites et 
figurées que d’après les notes prises pendant son voyage d'Afrique en 


1928; une autre , C. glaucoma (Müll. Infus. PL. XI, fig. 6-8. — Ehr. 


Infus. PI. XXII, fig. 1), a le corps elliptique, aplati, long de 0,0155, 


une dernière enfin, C. margaritaceum {Ehr. Infus. PL XXII, fig. 2. — 
Cercaria Cyclidium , Mül. Infus. PI. XX, fig. 2) a le corps aplati, 
oblong, strié en desst, long de 0,0268. 


DES INFUSOIBES. 389 


Pantotrichum et ses Cyclidium, que parce que ceux-ci sont 
ciliés seulement sur le contour, tandis que ceux-là le sont 
sur toute la surface, et véritablement les détails très-incom- 
plets qu’il donne sur les uns et sur les autres permettent 
bien de n’y voir que nos Enchélydes. 

Ces Infusoires se multiplient par division spontanée trans- 
verse. 


1. ENCHÉLYDE NODULEUSE. — Enchelys nodulosa. — PI. VI, fig. 2, 


et PI. VIL, fig. 95 1 


Corpsincolore , peu transparent, ovoide, oblong, plus ou moins 
plissé, et irrégulièrement noduleux; entouré de cils rayonnants 
très-fins , ayant souvent une ou plusieurs grandes vacuoles., — 
Longueur, 0,018 à 0,024. 


Cette espèce, très-commune dans les eaux de fossé ou de ma- 
rais qui se sont putréfiées dans les bocaux où on les conserve, 
me paraît être la même que M. Ehrenberg a nommée Pantotri- 
chum Enchelys (Inf. PI. XXII, fig. 7), quoique cet auteur, qui 
lui assigne pour habitation les infusions fétides de chair, la dé- 
crive comme ayant « le corps cylindrique, oblong, arrondi de 
part et d'autre, jaunâtre-pâle, trouble au milieu, diaphane aux 
deux extrémités.» 1l n’a pu lui faire avaler de substance colorée, 
et regarde les espaces diaphanes des extrémités, l'un comme la 
bouche, l’autre, avec doute, comme un testicule. 

Notre Enchélyde a le corps oblong, plus étroit en avant, mar- 
qué de cinq à six côtes noduleuses dont quelquefois deux ou trois 
plus prononcées le rendent comme prismatique ; eile se multiplie 
par division spontanée transversale , et plus rarement par divi- 
sion longitudinale ; en mourant elle se contracte en boule nodu- 
leuse, souvent creusée d’une grande vacuole; quelquefois aussi 
elle laisse exsuder un large disque de sarcode. Elle montre ordi- 
nairement, pendant la vie, une vacuole (terminale, et plus ra- 
rement une ou deux vacuoles au milieu et en avant, lesquelles 
sont peu profondes, et ont souvent l'apparence de cupules à re- 
bords noduleux. En raison de sa disposition à prendre une forme 
triangulaire, peut-être pourrait-on aussi rapporter cette espèce 
au Paramecium milium de M. Ehreuberg , mais non au Crelidium 
milium de Müller que cet auteur indique comme synonymes: 


390 HISTOIRE NATURELLE 


2 ,ExCRÉLYDE TRIQUÈTRE. — Ænchelys triquetra, — PI, NII, fig. 3. 


Corps incolore, peu transparent{, oblong, rugueux avec trois 
plis longitudinaux, irréguliers, qui le rendent comme prismatique, 
ayant souvent une grande vacuole en arrière. — Longueur, 0,037. 


Cette Enchélyde est très-abondante dans les eaux de marais 
putréfiées, ainsi que la précédente, dont on la pourrait croire 
une simple variété ; mais sa forme est toujours plus efflée, ses 
plis sont plus marqués , et surtout sa longueur est beaucoup plus 
considérable. Elle meurt en s'aplatissant, mais sans se contrac- 
ter en boule, et en laissant sortir sur son contour plusieurs dis- 
ques de sarcode. Ses cils sont moins longs que ceux de l'espèce 
précédente. 

C'est peut-être le Cyclidium milium de Müller. 


3, ENCHÉLyDE RIDÉE, — Enchelys corrugata. — P], VII, fig. 11. 


Corps incolore , peu transparent , oblong, plus étroit et limpide 
en avant, rugueux , avec des plis longitudinaux noduleux ; ayant 
souvent une vacuole en arrière et des granules à l'intérieur. — 
Long de 0,042 à 0,049. — Marin. 


Cette espece ressemble aussi beaucoup aux deux précédentes, 
mais elle est encore plus grande, elle s'aplatit en mourant et laisse 
alors sortir par expression, sur tout son contour, plusieurs 
disques de sarcode. Le nombre des plis ou des rangées de no- 
dnles varie de quatre à six sur une face. L'extrémité antérieure 
est mince et flexible, l'animal s'en sert comme les Trachelins 
pour palper les objets. | 

Je l'observais au mois d'octobre et de décembre, dans de l’eau 
de mer gardée depuis dix ou quinze jours avec divers zoophytes. 
Je l'ai vue aussi dans l’eau douce qui avait servi à laver une 
grande quantité d'algues. 


4. ENCHÉLYDE suB-ANGULEUSE.— Enchelys sub-angulata. 


Corps incolore, ovoïide, un peu granuleux, oblique et com- 
primé de manière a présenter deux ou trois angles arrondis, ayant 
souvent une vacuole profonde en arrière.—Long de 0,037 à 0,05. 


J'ai trouvé, en 1835, dans l’eau de l'Orne conservée avec des 


DES INFUSOIRES. 391 


fontinales, cetle espèce que j'ai souvent revue dans des eaux 
douces plus ou moins altérées. Elle se distingue par ses cils plus 
* courts et plus nombreux, par sa surface simplement granuleuse 
et non noduleuse ou rugueuse, comme chez les précédentes es- 
pèces ; une vacuole qu'elle présente ordinairement en arriére, a 
conséquemment une profondeur en apparence plus considérable. 
Elle se meut en tournant sur son axe. 


5. ENCHÉLYDE OVALE. — Enchelys ovata. — PI, VII, fig. 12. 


Corps incolore, ovoïde ou oblong, également arrondi aux extré- 
mités , couvert de cils courts ondulants, et contenant des granules 
et des vacuoles. — Long de 0,045 à 0,060. 

Cette Enchélyde se trouvait, le 26 janvier 1836, dans l’eau d'un 
bassin au Jardin du Roi; elle se mouvait en tournant sur son axe, 
elle avait en arrière une grande vacuole. 


4° Gewre. ALYSCUM. — Alyscum. 


An. à corps ovoïde-oblong irrégulier, entouré de cils 
rayonnants, et portant en outre un faisceau latéral de longs 
cils rétracteurs, au moyen desquels il saute brusquement 
d’un lieu dans un autre. 


La seule espèce d’Alyscam que j'aie reconnue, ressemble 
beaucoup à l'Enchéiyde noduleuse, elle ne s’en distingue que 
par ses filaments rétracteurs ; on pourrait même supposer que 
des observations nouvelles feront connaître dans d’autres 
Enchélydes quelque chose d’analogue. 


1. ALYSOUM SAUTANT. — Ælyscum saltans. — PI, VI, fig. 3. 


Corps incolore, oblong, arrondi aux extrémités, un peu con- 
cave du côté qui porte le faisceau de filaments rétracteurs ; ayant 
des sillons longitudinaux presque effacés. — Longueur de 0,020 
à 0,025. 


J’observais cette espèce, en janvier 1835, dans une infusion de 
foin" préparée depuis un mois; en mars 1838, dans l’eau d'une 
ornière de Montrouge conservée depuis longtemps ; et en janvier 
1839 , dans de l'eau de Seine où s'étaient pourries des callitriches. 


392 HISTOIRE NATURELLE 


5° Genre. URONÈME. — Uronema. 
An. à corps alongé, plus étroit en avant, un peu 
courbé, entouré de cils rayonnants, et portant en arrière 
un long cil droit. 


C’est en examinant avec soin les Infusoires sans bouche 
qui peuvent être confondus avec les Enchélydes, que j'ai 
reconnu ce type, qui réellement a trop peu d'importance 
pour constituer un genre ; mais je crois devoir le signaler 
sous une dénomination particulière, pour appeler latten- 
tion sur les particularités offertes par les Infusoires les plus 
communs en apparence. 


1. URONÈME MARINE. — Üronema marina. — PI. VII, fig. 13. 


Corps incolore, demi-transparent, noduleux, alongé, rétréci 
en avant, et courbé légèrement avec quatre ou cinq côtes longitu- 
dinales peu marquées. — Longueur, 0,044. 


Dans l’eau de la Méditerranée , gardée depuis trois jours avec 
des Corallines , au mois de mars, et devenue fétide ; cet Infusoire 
montrait ordinairement une vacuole à l'extrémité postérieure, et 
quelquefois une autre au milieu. J'ai cru voir plusieurs fois un 
long filament roide en avant. 


XIIe FAMILLE. 


TRICHODIENS. 


Infusoires à corps mou, flexible , de forme plus ou 
moins variable, cilié; ayant une bouche visible , ou 
simplement indiquée par une rangée de cils plus 
forts, en crinière , en écharpe ou en moustache. — 
Dépourvus de cirrhes. 


Comme je l'ai déjà dit plus haut, en parlant des 


DES INFUSOIRES. 393 


Enchélyens, cette deuxième famille aussi, qui pour- 
tant paraît naturellement indiquée, n’est établie que 
d’une manière incertaine; les types qui s’y rappor- 
tent ne sont pas encore suffisamment connus, et ses 
caractères sont trop vagues. Cependant, pour faciliter 
l'étude , il faut nécessairement mettre à part les Infu- 
soires qui, sans avoir une bouche aussi clairement 
visible que les Kéroniens , ne peuvent pas étre regardés 
comme en étant privés, et qu’on peut, jusquà un 
certain point, considérer comme présentant un degré 
d'organisation intermédiaire entre les Enchélyens, 
qui sont les plus simples des ciliés ;- et les Kéroniens 
qui nous conduisent aux types les plus complets de 
la classe des Infusoires. Mais, je me hâte de le dire, 
ce caractère de la présence d’une bouche non visible 
ou supposée est en vérité trop loin dela précision qu'on 
a droit d'exiger dans les classifications zoologiques ; il 
faut donc chercher un caractère extérieur plus facile 
à apprécier, quoique bien moins important en réalité, 
et on le trouve dans la nature des cils vibratiles et des 
appendices, dont aucun ne peut mériter le nom de 
cirrhe, ou de style ou de crochet, comme ceux qu’on 
voit dans la famille des Kéroniens. On est conduit 
alors à grouper avec les Trichodiens, en attendant 
qu'on en fasse une famille à part, le Dileptus, qui 
est couvert de cils fins vibratiles , er qui a une bouche 
bien visible à la base d’un prolongement antérieur en 
orme de cou , mais sans la rangée caractéristique de 
ciis en moustache. Un autre Infusoire, la Pelecida, 
également pourvu d’une bouche visible, est terminé en 
avant par un bord obliquement recourbé en fer de 
hache. Les espèces sans bouche visible peuvent, d’après 
leur forme sénérale et d’après la disposition de la ran- 


Î 


394 HISTOIRE NATURELLE 


gée de cils, former trois genres, savoir : les Æcineria, 
de même forme, ou plus alongés que les Pélécides, 
avec le bord antérieur obliquement courbé et portant 
une rangée de cils dirigés en avant ; les 7 rachelius, de 
forme très-alongée, ou au moins rétrécie en manière 
de cou en avant, avec une rangée des cils divergents 
et disposés en crinière au bord antérieur ; etles Zri- 
choda, de forme oblongue, ovoïde ou pyriforme, avec 
une rangée de cils ordinairement dirigés en arrière. 

Les Trichodiens ont été vus par Müller, et décrits 
par cet auteur dans ses genres Trichoda, Vibrio et 
Kolpoda. M. Bory a institué un ordre des Trichodés, 
qui n’a presque rien de commun avec nos Trichodiens; 
M. Ehrenberg, de son côté, a placé, dans sa famille des 
Enchelia, un genre Trichoda qui répond en partie au 
nôtre ; et d’ailleurs il a réparti parmi ses Leucophres, 
ses Enchélys, ses Trachelius , ses Loxodes, elc., beau- 
coup d’Infusoires que nous rapprochons dans cette fa- 
mille, parce que nous ne pouvons voir, comme cet au- 
teur, leurs organes digestifs. Les Trichodiens, vus 
isolément, paraissent incolores, ou du moins ne sont 
colorés que par les aliments contenus à lintérieur ; 
quelques-uns , réunis en amas, peuvent présenter une 
couleur brunâtre. Les uns se trouvent dans les infu- 
sions , les autres dans les eaux stagnantes ou dans les 
marais , entre les herbes aquatiques. Tous montrent 
à l’intérieur des vacuoles plus ou moins grandes, plus 
ou,moins nombreuses, qui, dans certaines espèces, 
sont manifestement susceptibles de s’ouvrir au dehors 
pour évacuer leur contenu, et qui, chez plusieurs 1 
peuvent contenir des substances colorées admises à 
l'intérieur par une bouche. Aucune trace d’intestin, - 
aucun organe distinct ou déterminable ne se voit d’ail- 


DES INFUSOIRES. 395 


leurs , en outre de ces vacuoles et de quelques globules 
non organisés , huileux ou autres. Le mode de propa- 
gation a lieu par voie de division spontanée trans- 
verse ou longitudinale. 


4e Genre. TRICHODE. — Trichoda. 


An. à corps ovoïde-oblong ou pyriforme , un peu flexible 
en avant, avec une rangée de cils dirigés en arrière et 
paraissant indiquer la présence d’une bouche. 


Comme nous l’avons déjà dit précédemment (page 147), 
le genre 7richoda de Müller était un amas confus d'Infu- 
soires et de Systolides , n'ayant de commun que la présence 
des cils apparents sur une partie plus ou moins considé- 
rable de leur corps. M. Bory avait déjà trouvé à établir un 
grand nombre de genres aux dépens de ces Trichodes ; 
M. Ehrenberg a mieux effectué cette séparation, quoiqu'il 
lait basée trop souvent sur des caractères supposés; etil ne 
conserva sous le nom de 7’richoda qu’un genre très-peu nom- 
breux faisant partie de ses Polygastriques entérodélés nus, 
énantiotrètes : c’est-à-dire des Infusoires sans cuirasse, ayant 
un intestin s’ouvrant au dehors par une bouche et un anus 
opposés, il le caractérisait en ajoutant que, la bouche ter- 
minale mais oblique , est souvent ciliée , que le corps n'est 
pas cilié, et qu'il n’a point de prolongement en forme de tête 
et de cou. Plus récemment , en 1838, cet auteur a modifié 
la caractéristique de ce genre, en disant que les Trichodes 
ont la bouche obliquement tronquée avec une lèvre; c’est 
seulement ainsi qu'il les distingue des Actinophrys faisant 
également partie de la section de ses Enchéliens sans dents, 
sans cils vibratiles à la surface , mais qui auraient, dit-il , la 
bouche tronquée parallèlement et sans lèvre, Ilne comprend 
alors dans ce genre que six espèces, dont cinq observées très- 
imparfaitement en 1828 , pendant son voyage en Égypte et 
en Arabie, sont fort douteuses, et dont une seule, Trichoda 


396 HISTOIRE NATURELLE 


pura (1), observée plus récemment en Europe dans les in- 
fusions, paraît se rapporter à notre genre Acomia. M. Eh- 
renberg, en 1830, plaçait dans son genre Trichode une 
septième espèce, Tr. carnium, qu’il a reportée depuis avec 
les Leucophres, parce qu’elle a tout le corps cilié, et qui, 
cependant , nous paraît bien mieux mériter le nom de Tri- 
chode. 

Cegenre, que je propose pour conserver convenablement 
un nom créé par Müller, et fréquemment employé depuis, 
devrait ne comprendre que des Infusoires plus ou moins 
complétement ciliés, mais sans réticulation apparente ou 
sans disposition sériale des cils, comme les Æcomia et les 
Ænchelys, mais il se distinguerait de ces deux genres par la 
présence d’une rangée régulière de cils, analogue à celle qui 
accompagne la bouche des Kérones. 

Les Trichodes qui sont encore des Infusoires d’une orga- 


(1) M. Ehrenberg caractérise ainsi son genre Trichode :« Corpsnu, 
bouche sans dents, munie de cils vibratiles, obliquement tronquée 
avec une lèvre, mais sans cou. » Il ajoute que les rapports organiques 
de ce genre sont incomplétement observés; il a cependant constaté 
l'intromission les substances colorées et en a conclu la position de 
l'anus, on. que les organes sexuels ont été imparfaitement 
observés, et que la division spontanée n'a été vue que dans la 77. 
pyrum qui est une des espèces si incomplétement observées pendant son 
voyage en Arabie. 

Sa Trichoda pura (nf. 1838, PI. XXXI, fig. 11, p. 307), est ainsi 
décrite : « Corps oblong, en massue, aminci en avant, avec une bouche 
latérale et des estomacs petits. Elle se trouve abondamment dans les in- 
fusions végétales avec le Cyclidium glaucoma, et ressemble beaucoup a 
la Leucophrys pyriformis qui est un peu plus grosse et ciliée partout. 
Elle admet aisément dans son corps les substances colorées, mais elle 
se distingue des espèces analogues par ses tres-petils estoinacs au nom- 
bre de plus de vingt. Précédemment , dit-il, je confondais ces deux 
espèces, et je vis souvent au milieu de leur corps une tache ronde 
claire qui parait être un testicule , et que depuis j'ai revue seulement 
dans la Leucophre. Cet Infusoire nage en tournant lentement sur sou 
axe puisquil a seulement peu d'organes locomoteurs. Une Leuco- 
phre semblable vit dans les infusions félides de chair , et l'on peut bien 
lui comparer aussi le Glaucoma scintillans etie Chilodon cucullus. — 
Grosseur 1/60 lig. (0,03:5), presque double de celle du Cyclidium, » 
M, Ehrenberg pense que cette espèce est une de celles que Müller à 


DES INFUSOIRES. 397 


nisation en apparence fort simple, se trouvent surtout dans 
les infusions et dans les eaux de marais conservées long- 
temps ou putréfiées. 


1, TRICRODE ANGULEUSE. — Trichoda angulata. PI. XI, fig. 8. 


Corps oblong, obliquement et irrégulièrement plié ou anguleux, 
ayant souvent une ou plusieurs vacuoles superficielles. — Lon- 
gueur, 0,052. 


Dans l’eau conservée avec des plantes marécageuses et déjà 
gâtée. Ce pourrait être la même espèce que la suivante. 


* Tricuona pyruM. — (Kolpoda pyrum? Müller.) 


Corps ovoïde, oblong, aminci en avant ou pyriforme, plus épais 
dans un sens que dans l’autre. — Long de 0,020 à 0,064. 


Cette espèce, qui se voit fréquemment dans les infusions fétides 


confondues sous le nom de Xolpoda pyrum avec la Trichoda pyrum , 
les Leucophrys pyriformis et carnium, et avec divers degrés de dé- 
veloppement des Glaucoma scintillans, Chilodon cucullulus, Para- 
mecium Kolpoda, etc. 11 caractérise lui-même ainsi (1. c. p. 308), sa 
Trichoda pyrum qu'il n'a vue qu’au mont Sinaï et qu'il représente 
grossie 200 fois et non ciliée : « Corps ovale, gonflé, subitement 
aminci et pointu en avant. » Long de 0,0225.« Tous les synonymes pré- 
cédents, dit-il, sont incertains, et l'on ne peut rien conclure des 
figures dans lesquelles les caractères ont été omis. Tout ce que j'avais 
précédemment considéré comme Z'richoda pyrum à Berlin, je suis 
maintenant plus porté à le rapporter à la Leucophrys pyriformis dont 
on ne peut apercevoir les cils de la surface, sinon quand on a délayé de 
la couleur dans l’eau : son mouvement a lieu en tournant lentement. La 
Trichoda pura, quand elle vient de se diviser spontanément, peut pré- 
senter une forme analogue. » 

Les Z'richoda nasamonum , Tr. ovata, Tr. asiatica du même au- 
teur, ont été observées seulement à la hâte en Égypte et en Arabie; elles 
avaient d’abord été décrites comme autant d'espèces de Condylostoma, 
en 1928 , dans les Symbolæ physicæ de MM. Hempricht et Ehrenbersg ; 
une dernière espèce enfin, décrite en même temps par ces auteurs sous 
le nom de Trichoda œthiopica , est conservée sous ce nom comme 
douteuse; mais il faut se rappeler que ces quatre dernières espèces ne 
peuvent en aucune manière étre comparées ni d'aprés les figures, ni 
d'aprés les descriptions avec ce que nous connaissons. 


398 HISTOIRE NATURELLE 


de chair, est sans doute la même que M. Ehrenberg avait nommée, 
en 1830, Zrichoda carnium, la croyant alors ciliée seulement au 
bord antérieur, et que depuis, en 1858, il a inscrit au nombre de 
ses Leucophres ( L. carnium), parce qu'il a reconnu, seulement 
en 1835, dit-il, qu'elle est ciliée partout, mais il admet que les 
cils de Ja surface forment environ dix rangées de chaque côté, 
ce qui véritablement serait un caractère de nos Infusoires ciliés à 
tégument contractile , et ce qui, je crois, a bien lieu pour son 
Leucophrys pyriformis, qu'on doit au contraire reporter avec les 
Glaucomes et les Kolpodes. Cet auteur décrit ainsi sa Leucophrys 
carnium (Infus. Pl. XXI, fig, 5, p. 313) : « Corps ovale, oblong 
blanchätre, un peu pointu en avant, avec des estomacs plus 
étroits. » 11 dit lui avoir reconnu récemment, comme organes 
sexuels, desœufs de un 2000° de ligne, 0,001 12, un testicule rond 
et une vésicule contractile simple, qui est sans doute la grande 
vacuole que moi-même j'ai vue aussi. Il a observé le fait dela colora- 
tion artificielle , et indique un anus à l’extrémité postérieure où 
il croit avoir vu un amas de substances excrétées. Il a vu aussi la 
division spontanée en long et en travers, 


2e Genre. TRACHELIUS. — Trachelius, Schrank. 


Corps plus ou moins allongé, notablement rétréci en 
forme de cou en avant; cils du bord antérieur divergents 
et disposés en crinière. 


Le genre Trachélius a été établi par Schrank avec des 
Débats des Vibrions et des Kolpodes de Müller, d’après 
le caractère d’un prolongement antérieur en forme de cou, 
comme l'indique son nom formé du mot grec Tp#yn)0ç, COU. 
M. Ehrenberg, adoptant ce genre, le prit pour type de sa 
famille des Trachelina (1), comprenant les polygastriques 
entérodélés allotrètes , ou spontanément divisibles en long et 


Li 


- 


(1) La famille des T'rachelina de M. Ebrenberg ainsi caractérisée est 
divisée en huit genres de cette manière : ceux qui ont la bouche den- 
tée sont les Chiots ou les Vassula , suivant que la lèvre supérieure 
est ou n'est pas prolongée. Ceux qui ont la bouche sans dents, mais 
avec une lame vibratile , sont les Glaucoma ; les autres sans lame vibra- 
tile à la bouche, sont les Phialina, dont le front est prolongé en ma- 


DES INFUSOIRES. 399 


en travers, qui ont la bouche’inférieure et l'anus terminal ; 
puis il distingua ce genre de ceux qui sont aussi sans dents et 
sans couronne de cils, parce que sa lèvre supérieure ou son 
front est alongé, cylindrique ou déprimé, et se prolonge en 
manière de trompe étroite. Plus tard, en 1838, il l’a caracté- 
risé ainsi: « Gorps cilié partout, bouche simple merme, lèvre 
supérieure très-longue en forme de trompe. » En ajoutant 
que les cils de la surface n’ont été vus par lui que dans cinq 
de ses huit espèces, et que le prolongement en forme de 
trompe qui porte la bouche non à son sommet, mais à sa 
base sert principalement ou accessoirement à la locomotion. 
Il a observé le fait de la coloration artificielle dans quatre 
de ses espèces, et attribue un suc digestif rouge-pâle à son 
Tr. meleagris ; il leur attribue des œufs, des testicules ronds 
ou ovales et une seule vésicule contractilé ; il a pris le phé- 
nomène de la diffluence pour la ponte chez deux de ses es- 
pèces , etenfin, nonobstant sa définition de 1830 , suivant 
laquelle la division spontanée devait avoir lieu de deux ma- 
nières , il déclare avoir vu seulement la division spontanée 
transverse dans deux espèces. 

Pour nous, qui à la vérité ne pouvons voir de vrais Tra- 
chelius dans toutes les espèces de cet auteur, nous n’attri- 
buons pas une organisation aussi complexe à ces animaux; 
bien loin de là : les Trachelius nous semblent dépourvus de 
tégument contractile ou réticulé distinct ; leur corps se com- 
pose d’une substance gluiineuse, contenant des granules 
inégaux et irrégulièrement renflée en nodules formant 
quelquefois des rangées; quand ils meurent sur le porte- 
objet du microscope, ils s’aplatissent et s’étalent en laïssant 
seulement des granulations irrégulières. En avant, ils ont, 
comme nous l’avons dit, une sorte de crinière formée par 


00m, 


nière de tenon; les Spirostomum, dont la bouche est en spirale. Les 
Trachelius , dont la lèvre est prolongée en forme de trompe ; les Loxo- 
des , dont la lèvre est aplatie et dilatée en fer de hache : et les Bursuria, 


dont le dos se prolonge en manière de front convexe au-dessus de la 
bouche. 


k00 HISTOIRE NATURELLE 


des cils plus forts que ceux du reste du corps, mais ils ne 
montrent pas de bouche distincte ; en arrière , on voit sou- 
vent une vacuole assez grande. Les cils de cette crinière 
sont d’ailleurs seuls visibles sur plusieurs espèces. 

Les Trachélius se trouvent dans les eaux stagnantes ou 
putréfiées, douces ou marines ; on en voit quelquefois aussi 
dans les infusions artificielles. 


1. Tracnzius ÉtroIT. — Trachelius strictus. — PI. VII, fig. 8. 


Corps filiforme, un peu pointu aux deux extrémités, avec des 
cils visibles en avant seulement. — Longueur, 0,065. 


J'observais, au mois de février 1836, cette espèce dans un fla- 


con où je conservais de l’eau de Seine, avec des débris de végé- 
taux et des Lemna. 


2. TRACHÉLIUS CYLINDRIQUE, — Trachelius teres. — PI. VII, fig. 9. 


Corps filiforme, cylindrique, obtus en avant, aminci et pointu 
en arrière , cilié au bord antérieur seulement. — Longueur, 0,15. 
— Marin. 


Dans l’eau de mer stagnante avec des Ulves à Cette, le 1°" 
mars 1840. Cette espèce diffère de la précédente par son habita- 
tion et par sa taille, il faudra que des observations ultérieures 
fassent connaître d’autres caractères. 


3. TRACHÉLIUS LAMELLE. — Trachelius lamella. — P]. VII, fig. 10. 


Corps très-alongé, déprimé, ou en forme de bandelette flexible, 
un peu plus large et obtus en arrière, cilié au bord antérieur seu- 
lement. — Longueur de 0,45 à 0,18. — Marin. 


J'ai vu fréquemment cette espèce, en octobre 1835, dans l'eau 
de mer où étaient morts depuis peu quelques Zoophytes des côtes 
de la Manche. 1] était souvent un peu tordu sur lui-même. 


4. TracnELius Faux. — Trachelius falx. — P]. VI, fig. 8, get 17. 


Corps alongé, déprimé, lancéolé ou sigmoïde, variable, 
plus étroit et un peu recourbé en forme de faux en avant ; cilié 
partout, avec une ou deux vacuoles en arrière.—Longueur, 0,062. 


1 


DES INFUSOIRES. RO 


Je réunis sous ce nom plusieurs Trachélius de forme variable, 
prenant parfois d'une maniere plus ou moins distincte la forme 
d'une lame de faux , un peu obtuse à l'extrémité ; mais pouvant 
aussi en se contractant se rapprocher beaucoup de l'espèce sui- 
vante. J'ai vu dans ces Infusoires des vacuoles remplies de gra- 
nules de carmin une demi-heure après avoir ajoute cette couleur 
au liquide où ils nageaient. Je les ai particulièrement étudiés 
dans l'eau de pluie ayant séjourné au fond d’une auge en pierre 
avec des feuilles mortes, au mois d'avril: et dans l’eau des or- 
nieres et des fossés au nord de Paris, le 15 novembre 1838. 


\ 


9. TRACHELIUS ANATICULE. — Trachelius anaticula. PI. VI, fig. 16. 


Corps pyriforme, aminci et alongé en avant, quelquefois en 
forme de flacon à long goulot, cilié partout, avec une grande va- 
cuole en arrière. — Longueur de 0,03 à 0,09. 


Je l'ai vu dans des eaux de marais conservées depuis plusieurs 
mois avec des herbes, et dans l’eau des bassins du Jardin du roi, 
au mois de novembre. J'ai vu plusieurs fois deux individus collés 
latéralement pendant plus d'une heure ; l’un était un peu plus 
avancé que l’autre, et je ne pouvais voir là ni un accouplement ni 
un fait de division spontanée, mais simplement un fait d'agglu- 
tination fortuite, et une preuve de l'absence d'un tégument. 

M. Ehrenberg observa, en 1832, ce même Infusoire qu'il decri- 
vit dans son troisième mémoire; il le distingue seulement des 
Leucophres, parce qu'il y reconnait une sorte de bouche, que 
moi-même je nai pu apercevoir. Cet auteur d'ailleurs recon- 
naît que le Trachélius anaticule ne peut avaler de couleurs; il 
nomme vésicule séminale la grande vacuole postérieure. 11 assure 
avoir aperçu, dans la partie trouble du corps, le contour peu dis- 
ünct des estomacs et les œufs, enfin, il termine en disant que les 
cils forment dix à douze rangées sur chaque moitié de ja surface, 
et il renvoie à la comparaison de la Trichoda pyrum et de la Leu- 
cophra pyriformis. 


INFUSOIRES. 26 


k02 HISTOIRE NATURELLE 


3e Genre. ACINÉRIE. — Acineria. 


Corps oblong, déprimé ou lancéolé, avec une rangée de 
cils dirigés en avant sur un des côtés qui est recourbé 
obliquement en lame de sabre. 


Je crois devoir indiquer, comme pouvant former un genre 
particulier, quelques Infusoires qui se distinguent des Tra- 
chélius par la disposition de leur rangée de cils et par leur 
courbure en avant. Ils paraissent dépourvus de bouche 
comme les Frachélius, et c’est là surtout ce qui les distingue 
des Pelécides , qui Oût une forme analogue. 


4. 


1. ACINÉRIE COURBE, — Acineria incurvata. — PI, XI, fig. 


Corps contractile, oblong, comprimé, presque lamelliforme, ar- 
rondi ou obtus enarrière, rétréci et recourbé vers l'extrémité an- 
térieure , avec une rangée régulière de cils dirigés en avant sur 
le bord convexe ; montrant cinq ou six côtes granuleuses peu mar- 


quées, et une ou plusieurs vacuoles variables.—Longueur , 0,044. 
— Marin. 


C'est dans de l’eau de la Méditerranée conservée depuis vingt 
jours , le 3 avril 1840, que j'observai avec soin cette espèce, qui 
m'a paru n'avoir pas d’autres cils que ceux de la rangée anté- 
rieure, et n'avoir pas de tégument réticulé et contractile, quoi- 
qu'elle fût contractile et flexible en totalité. La vacuole posté- 
rieure était variable et lentement contractile. 


2. ACINÉRIE AIGU . — Acineria acuta. Pl. VI, fig. 19 


Corps diaphane, avec des granules disséminés à l’intérieur, 
oblong, comprimé, pointu aux deux extrémités ou lancéolé, avec 
un des côtés plus convexe em avant, et garni sur presque toute sa 
longueur d’une rangée de cils fins dirigés en avant. Une vacuole 
à l'extrémité postérieure. — Longueur, 0,045. 


J'observai cet Infusoire, avec beaucoup d'autres espèces remar- 
quables, dans l’eau d’une ornière des Batignolles, au nord de 


DES INFUSOIRES. 105 
Paris, en novembre 1838. 11 me parut n'avoir pas d'autres cils 
que ceux du bord convexe, sa surface était bien lisse, sans 
côtes granuleuses, el sa consistance semblait être gélatineuse. 
Les granules disséminés dans l’intérieur étaient plus abondants 
sur deux bandes longitudinales, entre le bord et l'axe; je crois 
qu'ils étaient étrangers à l'organisme, c’est-à-dire que ce n'é- 
taient pas des œufs. 


e Genre. PÉLÉCIDE. — Pelecida. 


An. à corps flexible, contractile, oblong , comprimé, 
arrondi en arrière, recourbé en fer de hache en avant, 
cilié partout , et pourvu d’une bouche visible ou démontrée 
par la présence à l’intérieur de divers objets avalés par 
l'animal. 


Dans les genres précédents, la présence d’une bouche 
n'est que soupconnée, ici au contraire, elle est démontrée 
comme dans la plupart des Paraméciens dont les Pélécides 
ne diffèrent que par l'absence d’un tégument contractile. 
Le type de ce genre a été placé par Müller avec les Kolpodes 
et par M. Ehrenberg avec les Loxodes. 


1. PÉLÉCIDE ROSTRE. — Pelecida rostrum (1). — PI. XI, fig. 5. 


Corps oblong, un peu épaissi en arrière , lamelliforme et plus 
flexible en avant, où il est obliquement recourbé en forme de vir- 
gule, on en fer de hache, contenant à l'intérieur des vacuoles 
nombreuses, et divers objets avalés. — Longueur de 0,45 à 0,20. 


J'ai observé celte espèce , le 24 octobre 1835, dans l'eau de 
l'Orne, conservée depuis 3/4 jours avec des fontinales. Elle conte- 
nait un grand nombre de navicules qui lui communiquaient une 
couleur jaunâtre et qui semblaient réellement être engagées dans 
la substance glutineuse vivante de l'intérieur; entre elles, se 
voyaient aussi beaucoup de vacuoles bien distinctes, ne contenant 


(1) Kolpoda rostrum , Müller, Irfus. PL XII, fig. 7, 8, p. 94 
Loxodes rostrum , Ehr. Infus. 1838, PI, XXXIV, fig. 4, p. 324. 


26. 


kO% . HISTOIRE NATURELLE 


que de l'eau. Les cils épars sur toute la surface sont d’une té- 
nuité extrême. 

1] est vraisemblable que c’est la même espèce que Müller a dé- 
crite sous le nom de Æolpoda rostrum, en la désignant par ces trois 
mots : oblonga, anticè uncinata. C'est, dit-il, « un animal gris, 
recourbé d’un côté en crochet vers l'extrémité antérieure, obtus 
en arriére, rempli de molécules noirâtres, et dont un des bords 
se replie souvent en avant jusqu'au milieu, de telle sorte que le 
corps, d’ailleurs aplati dans cet endroit, paraît épais et triangu- 
laire. Les plus grands individus, quand ils tournoyent, semblent 
avoir le corps triangulaire ; ils montrent a l’intérieur 5 à 7 glo- 
bules plus grands (ovules?); ils égalent dix fois la longueur des 
plus petits, et sont jaunâtres, tandis que ceux-ci sont gris : quel- 
ques-uns échouant sur le rivage, se décomposent peu à peu en 
granules trés-petits; d'autres se dissolvent subitement en molé- 
cules ; leur mouvement est lent et horizontal , avec de fréquents 
changements de face (Müller, Infus. p. 94).» Müller indiquecette 
espèce comme assez rare dans les eaux couvertes de Lemna. 
M. Ehrenberg, qui la nomme Loxodes rostrum, la caractérise ainsi : 
« Corps blanc, lancéolé , légèrement courbé en $S, à cause de la 
lévre qui forme un crochet latéral. » — « Elle se trouve entre les 
conferves, et elle devient trés-grande ; cependant, dit-il, j'en ai 
vu aussi de petites en voie de se diviser spontanément , en même 
temps que les grandes. J'ai vu souvent dans l'intérieur, des Navi- 
cules, des Synédres et des Chlamidomonas avalées; mais elle n'a- 
vale jamais de couleur. La bouche est à la base de sa trompe sécu- 
riforme qui a un pli longitudinal, Les œufs forment souvent deux 
bandes aux deux côtés du corps. Les organes mes ne sont pas 
distincts (Ehr. Infus. 1838, p. 324.).» 


5° GENRE. DILEPTE.— Dileptus. 


An. à corps fusiforme, très-prolongé en manière de cou 
de cygne en avant , avec une bouche latérale à la base de 
ce prolongement antérieur; cils vibratiles sur toute la sur- 
face , mais plus prononcés en avant, et près de la bouche. 


Les Infusoires rapportés à ce genre ont été placés par 
Müller parmi les Vibrions , en raison de leur flexibilité et de 
leurs mouvements analogues à ceux des Anguillules, qui, 


DES INFUSOIRES. LkO05 


pour cet auteur, semblent avoir été le type des Vibrions. 
M. Ehrenberg les a rangés dans son genre Amphileptus avec 
d’autres Infusoires d’une forme à peu près analogue , mais 
qui sont évidemment pourvus d’un tégument réticulé, lâche 
comme les autres Paraméciens; tandis que nos vrais Dileptes, 
par leur aspect, par leur mode de diffluence ou de décom- 
position, semblent bien être sans tégument d’aucune es- 
pèce. Leur corps paraît uniquement formé d’une substance 
molle glutineuse assujettie à conserver une certaine forme 
pendant la vie de l'animal, mais se répandant, se dispersant 
en disques et en globules de sarcode aussitôt que la vie 
commence à décroître ou à s’affaiblir en lui. La surface est 
couverte de cils épars sans ordre , elle est parsemée de gra- 
nules engagés dans l’épaisseur même de la substance gluti- 
neuse et qui découlent avec les expansions sarcodiques, 
lors de la décomposition par diffluence. Cette décomposition, 
d’ailleurs, peut être provoquée par la plus légère cause de 
modification du liquide où nagent les Dileptes. 

Ainsi, il suflit d'approcher du porte-objet une plume 
trempée dans l’ammoniaque, pour voir aussitôt l’Infusoire 
se contracter et mourir en laissant échapper à la fois toute la 
masse glutineuse farcie de granules ; mais si au lieu d’agir 
brusquement, on soumet l’animal à une action délétère 
plus faible et plus lente, on voit la matière glutineuse for- 
mer tout autour du corps des expansions en lobes arrondis 
qui s'étalent et s’agrandissent peu à peu. Il se produit alors 
un phénomène bien digne d'attention , et dont l'explication 
pourrait être très-utile : les granules primitivement immo- 
biles dans la substance glutineuse vivante où ils sont enga- 
gés, commencent à être agités vivement du mouvement 
Brownien dans les expansions sarcodiques, à mesure que 
ces expansions se forment. C’est ensuite ce mouvement Brow- 
nien des granules , lequel a lieu plus vivement dans le sar- 
code que dans l’eau pure , c’est ce mouvement qui détermine 
l'agrandissement des lobes ou des disques sarcodiques, car 
les globules de sarcode qui ne contiennent pas de granules 


L06 HISTOIRE NATURELLE 


ne s’étalent point ainsi. Ces phénomènes démontrent claire- 
ment l’absence de toute membrane extérieure , de toute es- 
pèce de tégument chez les Dileptes. On doit cependant re- 
connaître que la surface présente un certain degré de résis- 
tance excepté à la base du prolongement antérieure dans un 
endroit qu’on peut nommer bouche. Cest par là, sans 
doute, que les substances étrangères pénètrent à linté- 
rieur et l’on peut croire que le mouvement des cils détermi- 
nant en cet endroit l’afflux du liquide chargé de ces sub- 
stances , une cavité produite par cette impulsion se creuse 
et s’'augmente jusqu'à ce qu’elle puisse se refermer par le 
rapprochement des parois contre lorifice ; il en résulte 
la formation d’une vacuele pleine d’eau et de substances 
étrangères ou une vésicule stomachale sans parois propres , 
qui, par suite de Pimpulsion sans cesse renouvelée au même 
orifice et communiquée à toute la masse intérieure, se trouve 
peu à peu transférée jusqu’à l'extrémité postérieure (1). Plu- 
sieurs vacuoles ou vésicules, venant alors à se rencontrer au 
même endroit, elles se soudent et se fondent en une seule 
vésicule plus grande, à la manière des gouttes d’huile ou 
des bulles de gaz qui se trouvent en contact dans l’eau. La 
srande vacuole qui en résulte, se rapproche peu à peu de 
la surface extérieure, et finit par percer la paroi et par se 
vider en partie au dehors. C’est donc un anus accidentel, 
sans aucune relation avec un intestin qui n'existe pas. Ii faut 
mentionner aussi les vacuoles qui se forment en grand 
nombre, quand l’animal est retenu entre des lames de verre. 


(1) Je dois dire cependant que ÿe n'ai pas vu directement l'intro- 
duction des matières étrangères s'effectuer ainsi, comme je l'ai vu 
dans les Paramécies, et qu'il serait possible que l'animal, en rampant et 
en appuyant cet orifice sur le plan de reptation, fit entrer par pression 
dans sa propre substance les objets qu'il rencontre. Ce qui tendrait à 
faire croire quil en est ainsi, c'est que d'une part les substances colo- 
rées n'ont pas été introduites à l'intérieur par le tourbillon comme chez 
les Paramécies, que d'autre part on voit des vacuoles semblables à cclles 
qui contiennent les aliments, se former et disparaitre dans les diverses 
parties du corps, même en avant de la bouche. ; 


DES INFUSOIRES, k07 


Fels sont les seuls détails d'organisation que nous connais 
sions chez les Dileptes, et nous ne voyons rien qu'on y 
puisse désigner comme des organes génitaux, pas même les 
graänules disséminés dans toute la masse sancodique , et dont 
le diamètre varie de 1/400 à 1/700 millimètre, (de0,0025 à 
0,00143) , et que rien n'autorise à nommer des œufs. 

Les Dileptes ne se trouvent que dans les eaux de rivière 
ou de marais entre les herbes, ou dans des eaux stagnantes, 
mais non dans les infusions. 


1. Dicerre À Lonc cou. — Dileptus anser (1). — PI. VII, fig. 17. 


Corps mou, demi-transparent, très-flexible, changeant de forme 
par ses flexions et contractions continuelles. — Tong de 0,20 à 
0,40. — Large de 0,03 à 0,40. 


J'ai vu souvent cet Infusoire dans l'eau de la Seine ou des 
étangs des environs de Paris; mais une seule fois, le 4 décembre 
1836, je l'ai trouvé en quantité prodigieuse dans l'eau des or- 
nières, le long du pare de Monceaux, à Paris. Il colorait en brun 
la surface de la boue, naturellement blanchâtre sous le liquide 
limpide; avec lui se trouvaient des Hydatines, des Euglènes et des 
Diselmis. La couche brune ayant été recueillie dans un flacon avec 
de l’eau , je vis, avec surprise, cette eau fourmiller de Dileptes, 
que je pus alors étudier complétement. Ils se mouvaient dans 
l’eau avec agilité, et en recourbant leur long cou en tout sens, ils 
montraient distinctement un orifice latéral un peu saillant à la 
base du cou. Je voyais des vacuoles se former spontanément à 
l'intérieur , puis s'effacer ; et quand l'eau commencait à leur 
manquer , ils se contractaient de manière à faire disparaître pres- 
que entièrement le cou , et alors les vacuoles y devenaient plus 
nombreuses et plus rapidement contractiles. Je voyais bien, pen- 
dant le mouvement de l'animal , quelques vacuoles peu à peu re- 


(1} — Joblot, Obs. micr. 1-2, p. 66, PI. VIIT, fig. 8. 

Goeze, Trad. all. de l'Insectologie de Bonnet, p. 381, PI. IV, fig. 9. 

V'ibrio anser, Müller, Inf. PL. X, fig. 7-11, p. 73. 

Amphileptus anser, Ehr. 1830-1838, Infus. PI. XXX VIT, fig. 4, 
p. 395. 


LOS HISTOIRE NATURELLE 


poussées vers l'extrémité postérieure où elles se fondaient en une 
seule grande vacuole irrégulière ou lobée, contenant de petits In- 
fusoires verts et d'autre objets avalés, qui étaient expulsés au de: 
hors, comme excréments, par une ouverture fortuite qui se re- 
fermait ensuite. Le carmin délayé dans l'eau ne pénétrait pas 
dans les vacuoles , c’est à peine si l’on en apercevait quelques gra. 
nules disséminés. Cet Infusoire se décomposait par diffluence d'une 
manière fort remarquable en s’entourant de lobes sarcodiques, 
dans lesquels s’agitaient vivement les granules auparavant im- 
mobiles dans la substance charnue, et dans ce mode de décom- 
position , on acquérait l'entière conviction de l'absence d'un té- 
gument. Les cils, qui étaient irrégulièrement épars à la surface, 
avaient environ 0,0066 de longueur, et 0,00028 d'épaisseur. 

Müller, en décrivant cet Infusoire sous le nom de Y’rbr1o anser, 
lui donna pour caractère d'avoir le corps elliptique avec un tu- 
bercule dorsal à la base d’un long cou; ce tubercule que j'ai vu 
de mon côté, ainsi que M. Ehrenberg, est la bouche. Voici la 
description qu'en fait Müller (Infus. p. 73) : 

« Le tronc elliptique, arrondi, sans bosse latérale, est diverse- 
ment extensible et flexible, jusqu'à devenir membraneux ; il est 
rempli de molécules, aminci et diaphane en arrière, prolongé à 
l'extrémité antérieure en un cou diaphane, comprimé, plus long 
que le tronc, et très-flexueux. Le cou est égal, non renflé à l'ex- 
trémité, mais obliquement tronqué, et montre des canaux (1) 
bleuâtres le long de chaque bord ; un courant rapide se voit dans 
le liquide, depuis l'extrémité du cou jusqu’au commencement du 
tronc ; une rangée de globules cristallins occupe souvent toute la 
longueur du cou. 

» Le mouvement du corpsest lent, celui du couflexueux, plus vif, 
souvent en spirale. Il aime à se reposer sur un point en tenant la 
moitié de son tronc repliée d’un côté et immobile , et en repliant 
son cou et le portant de differents côtés. 

« Dans le Vibrio anser, j'ai observé un phénomène rare. Au 
milieu du tronc opaque, on voyait une ligne oblique de division ; 
un rudiment de cou déjà distinct pour la partie postérieure, on une 
saillie cristalline, anguleuse, s'y appliquait sur la partie antérieure. 
La partie postérieure s’agitant de côté et d'autre en cet endroit, 
s'efforcait de s'en séparer : en quelques minutes, la séparation 


(1) C'est assurément une illusion d'optique. 


DES INFUSOIRES. k09 


s'effectua ; puis, sous mon œil , le cou de la partie postérieure 
continuant à s'accroître en même temps que la queue de la 
partie antérieure, l’une et l’autre moitié, dans l'espace d’une heure, 
étaient devenues un animal complet qui n’eût pu être distingué 
des autres. » 

M. Ehrenberg, qui nomme ce même Infusoire Æmphileptus an- 
ser, le décrit ainsi : « Corps gonflé, filiforme , blanchâtre, avec 
une trompe obtuse de la longueur du corps, et une queue courte 
pointue. » Il ajoute que la trompe, quoique en forme de cou, n'est 
pas un cou, mais un front ou une lèvre supérieure, puisque la 
bouche est à la base ; il n’a pu lui faire avaler de couleur , maisil 
a vu des Chlamidomonas avalées dans les vésicules intérieures ; il 
prétend aussi avoir vu une vésicule séminale contractile, et deux 
testicules arrondis. 


2. DILEPTE FEUILLE. — Dileptus folium. — PI. XI, f. 6. 


Corps très-flexible , en forme de feuille lancéolée , rétréci en 
avant ; avec des côtes noduleuses, réticulées, irrégulières.—Long 
de 0,15 à 0,20. , 


Cette espèce, que j'observais en septembre 1835 dans l’eau de 
l'Orne, est bien distincte par sa forme déprimée et par ses réti- 
culations noduleuses, qui ressemblent un peu aux nervures d'une 
feuille. On voit ordinairement à l'intérieur une ou deux vacuoles 
interrompant les séries de nodules : ce qui tend à prouver que ces 
nodules sont de simples renflements de la substance glutineuse. 
Je n'ai pas bien vu les cils de la surface. 


* J'ai observé, dans l’eau des mares dela forêt de Fontainebleau, 
en avril 1838, un Dilepte dont je donne la figure (PI. XI, fig. 7), 
et qui montrait à la fois l'orifice saillant à la base du cou comme 
le Dileptus anser, et les rangées de nodules de la surface comme 
le Dileptus folium , mais ces rangées de nodules avaient une ap- 
parence de régularité qui aurait pu faire croire qu'on avait sous 
les yeux un Æmphileptus. Les cils vibratiles étaient visibles sur 
toute la surface , et des vacuoles se formaient dans le cou comme 
dans le reste du corps. 


k10 HISTOIRE NATURELLE 


* Dizerrus (AMPHILEPTUS MARGARITIFER ; Ebr. Infus. PI, XXXVH, 
fig. 5, p. 355). 


M. Ebrenberg veut donner ce nom à un Infusoire que Müller Fe 
confondu avec le précédent en signalant la rangée de vésicules 
qni le distingue, et il le décrit ainsi : « Corps grêle, filiforme, 
blanchâtre, orné d'une rangée de vésicules en ligne droite , avec 
une trompe aussi longue que le corps, et une queue courte, l'une 
et l'autre un peu pointues. » 11 regarde ces vésicules comme con- 
tenant un suc digestif, incolore, et attribue au même animal de 
petits œufs, et une vésicule séminale contractile, simple ; mais il 
n'a pu voir de testicules. 


XIIT° FAMILLE. 
KÉRONIENS. 


Animaux à corpsirrégulièrement cilié , mou , flexi- 
ble, avec une rangée régulière de cils obliques vibra- 
tiles conduisant à la bouche, et des cils forts ou cirrhes 
en forme de stylets ou de crochets mobiles , mais non 
vibratiles. 


Les appendices en forme de stylets ou de crochets 
caractérisent à la fois cette famille et celle des Plæs- 
coniens ; mais celle-ci se distingue par une apparence 
de cuirasse , et nos Kéroniens sont mous; flexibles, 
sans aucune apparence de tésument. Ge sont des 
Infusoires extrêmement communs qu'au premier coup 
d'œil on reconnaîtra toujours à ces appendices qui 
paraissent roides comme les soies ou les moustaches 
des mammifères, mais qui, en réalité, sont d’une 
nature bien différente. Ces appendices , en effet, ne 
diffèrent pas du reste de la substance vivante et se 
contractent ou se décomposent de même, lors de la 
mort de l'animal; leur roideur n’est donc qu'appa- 


DES INFUSOIRES. kA1 


rente, et ils sont flexibles et contractiles par eux- 
mêmes ; aussi l'animal s’en sert-il souvent comme de 
pieds pour marcher sur les corps solides. D’après leur 
forme, on a donné à ces appendices les noms de cils, 
de soies, de stylets, de crochets ou de cornicules ; 
mais comme ce sont toujours des prolongements d’une 
même substance sans autre différence réelle que leur 
volume ou leur flexibilité, on ne peut caractériser 
d’une manière absolue des genres ou des espèces 
d’après telle ou telle forme d’appendices. Cependant, 
pour faciliter l'étude des Kéroniens, nous distin- 
guons sous le nom de Kerona ceux seulement qui 
ont des appendices courts , plus épais à la base 
et ordinairement recourbés en crochet quand ils sont 
appuyés contre un corps solide. Nous nommons Oxy- 
tricha , ceux qui n'ont point ces cornicules ou cro- 
chets, et qui sont seulement pourvus de cirrhes ou 
d’appendices droits, roides en apparence et ressem- 
blant à des soies ou à des stylets suivant leur volume. 
Un autre genre, alteria, qui mériterait peut-être 
de former une famille à part, se rapproche des pré- 
cédents, seulement par le volume de ses grandes soies 
roides , mais il en diffère considérablement par sa 
manière de vivre et par ses mouvements. 

Tous nos Kéroniens sont compris dans le genre 
Kerona de Müller , que cet auteur caractérise par ses 
appendices corniculés et dans son genre 7richoda 
en partie. M. Bory, qui a créé le genre Oxytrique sans 
cependant le circonscrire convenablement, l’a placé 
avec le genre Kérone dans sa famille des Mystacinées, 
caractérisée par la disposition des cils en petits fais- 
ceaux ou en séries ; mais il reporta l’Halteria (7richo- 
da grandinella, M.) parmi ses Urcéolaires. 


4142 _ HISTOIRE NATURELLE 


M. Ehrenberg a formé, en 1830, sous le nom 
d’Oxytrichina, une famille qui EH à peu près à 
nos Kéroniens; mais en voulant tirer de la forme des 
appendices un caractère trop absolu, il a établi deux 
genres de plus que nous, savoir : les Urostyla ayant 
des stylets sans crochets, et que nous réunissons aux 
Oxytricha distingués uniquement par l'absence de 
stylets, et les Stylonychia pourvus de stylets et de 
crochets que nous voulons réunir aux Kérones qui, 
suivant cet auteur, n'auraient que des crochets sans 
stylets. Un cinquième genre a été créé par M. Eh- 
renberg sous le nom de Ceratidium , pour un Infu- 
soire à front cornu , dépourvu de crochets et de stylets, 
et qui paraît être quelque autre Kéronien altéré ou 
mutilé. Quant à notre //alteria, cet auteur la réunit 
avec de vraies Urcéolaires dans son genre 7richodina , 
dont cependant elle n’a nullement les caractères. 

Les Kéroniens ne montrent qu’une substance molle, 
diaphane, glutineuse, formant une masse oblongue 
très-flexible et très-variable , rapidement décomposée, 
au moins en partie, par un phénomène de difiluence 
très-remarquable aussitôt que la vie a cessé ou que les 
circonstances nécessaires à la vie ont commencé à chan- 
ger. À l'extérieur on ne voit que les différentes sortes 
d’appendices dont nous avons parlé, et un orifice large 
servant de bouche à l'extrémité inférieure de la rangée 
de cils vibratiles, en moustache ou en écharpe. Le 
mouvement régulier, mais non continuel de la rangée 
de cils, produit dans le liquide un courant qui, en frap- 
pant l’orifice buccal , y détermine le creusement d’une 
vésicule stomacale sans parois propres, contenant avec 
de l’eau diverses substances avalées. Cette vésicule 
venant à être séparée de cet orifice, par le rapproche- 


DES INFUSOIRES. k13 


ment de la substance glutineuse derrière l'orifice même, 
est transportée dans l'intérieur de la masse en vertu de 
l'impulsion reçue. À l'intérieur on voit des granules 
et des corpuscules de diverse nature, les uns évidem- 
ment avalés par l'animal , tels que des grains de fécule, 
des Bacillariées, des débris de végétaux, de petits 
Infusoires, etc. Souvent même on y voit des Infu- 
soires encore vivants, qui, continuant à s’agiter dans 
la vacuole pleine d’eau qui les contient, pourraient 
donner lieu de croire qu'il y a là quelque organe par- 
ticulier. D’autres corpuscules ou granules très-petits 
sont disséminés dans toute la masse, mais leur irré- 
gularité ne permet pas de penser que ce soient des œufs. 
En outre des vacuoles ou vésicules internes, conte- 
nant l’eau seule, ou les substances avalées, on voit 
aussi à l'intérieur un ou plusieurs corps ovales demi- 
transparents que M. Ehrenberg a nommés testicules. 
Une ou plusieurs vacuoles plus grandes, plus visi- 
blement extensibles et contractiles spontanément, 
ont également été nommées par cet auteur vésicules 
séminales. M. Ehrenberg n'a représenté directement 
l'intestin quil attribue à ces Infusoires, que dans 
une seulefigure desa Stylonychia mrytilus, en 1833, 
et encore le représente t-il tout différemment de ce qu’il 
l'avait annoncé d’abord, large partout, avec des esto- 
macs en massue, à large pédoncule. Mais, ni dans cette 
espèce, ni dans aucun autre Kéronien, je n'ai jamais 
rien vu qui autorisât à y admettre l'existence d’un in- 
testin quelconque, servant de lien commun aux pré- 
tendus estomacs. Cependant j'ai bien vu, par une ou- 
verture fortuite du contour, une excrétion véritable 
des substances avalées et quelque temps retenues dans 
les vésicules ou vacuoles à l’intérieur du corps. 


Tu HISTOIRE NATURELLE 

La division spontanée des Kéroniens s’observe très- 
fréquemment; elle est plus ordinairement transverse, et 
l'on doit faire attention que les animaux récemment 
provenus de ce mode de multiplication diffèrent, plus 
encore par leur forme que par leur taille, des individus 
complets. Les premiers indices de division spontanée 
sont un étranglement et une seconde rangée transverse 
de cils au milieu de la longueur ; cela pourrait faire 
croire qu'on a sous les yeux une espèce différente. 
Mais des erreurs de cette sorte proviennent surtout 
des déformations singulières produites chez les Ké- 
roniens par une mutilation, par une blessure, ou par 
une décomposition partielle. 

Les Kéroniens se trouvent dans les eaux stagnantes, 
douces ou salées ; quelques-uns se montrent plus par- 
ticulièrement quand: ces eaux sont déjà altérées et 
putréfiées, ou bien dans les infusions végétales. La 
plupart sont incolores ou ne sont colorés que par les 
substances avalées, mais il en est plusieurs qui ont 
une couleur propre bien prononcée. 


1e Gevre. HALTERIE. — Aalteria. 


An. à corps presque globuleux ou turbiné, entouré de 
longs cils rétracteurs très-fins qui, s’agglutinant au porte- 
objet et se contractant tout à coup, lui permettent de 
changer de lieu brusquement et comme en sautant. Une 
rangée de cils obliques très-forts occupe le contour. 


Le type de ce genre est un Infusoire très-commun qui avait 
été nommé par Müller T'richoda grandinella, parce qu'il 
paraît sauter et rebondir comme un grêlon. Son organisa- 
tion est très-obscure, il montre à l’extérieur deux sortes 
d'appendices ; savoir : 4e des cils droits rayonnants, d’une 
ténuité extrême, qui paraissent être la cause de ses mouve- 


0 


DES INFUSOIRES. 45 


ments , si brusques qu'on ne peut, maigré la plus grande at- 
biéion , reconnaître exactement comment ils sont pr oduits : 
2° des cils très-forts rangés obliquement sur tout le contour, 
et qui rappellent bien, parleur disposition, la rangée e 
cils en moustache des Kérones et des Oxytriques. Ils parais- 
sent également destinés à conduire les aliments à la bouche, 
mais je n’ai pas vu cette bouche, quoique M. Ehrenberg ait 
représenté un de ces Infusoires occupé à avaler un long in 
d'Oscillaire. A intérieur du corps des Haltéries, on ne voit 
que des granules irréguliers et une ou plusieurs vacuoles no- 
duleuses. Si on emprisonne un de ces animaux entre des 
lames de verre avec de l'eau , il ne tarde pas à se décomposer 
en laissant sortir de larges expansions sarcodiques diaphanes, 
bientôt creusées de vacuoles régulières. En même temps, le 
corps tout entier secontracte par petites secousses ; quelque- 
fois, on voit au milieu de la masse un disque blanchâtre qui 
réfracte la lumière plus fortement que la substance environ- 
nante. 


1 HALTÉRIE GRÉLON. — Halteria grandinella. 


Corps presque globuleux ou turbiné , à peine transparent ; pa- 
raissant, vu de face , comme un disque de 0,007 à 0,030 , entouré 
de cils épais , obliques, et, vu de côté, comme un ovoïde court : 
plus étroit en arrière , couronné par ces mêmes cils et entouré de 
cils rayonnants extrêmement fins. Mouvement par sauts brusques. 


Cet Infusoire , l’un des plus communs et des plus faciles à re- 
connaître , est en même temps l’un des plus difficiles à étudier en 
raison de la vivacité brusque de ses mouvements. Müller l'in- 
dique comme vivant dans les eaux les plus pures et dans les In- 
fusions végétales ; il le décrit sons le nom de Trichoda grandinella 
(Inf. p. 160), comme un globule trés-petit, diaphane, muni sur 
un point de sa surface de deux , trois ou plusieurs cils qui, 
contractés avec beaucoup de force, le font presque à chaque in- 
stant sauter hors du champ de la vision. Cet auteur, tr oImpÉ par 
une fausse apparence, ajoute que les cils sont étalés en deux fais- 


ceaux ou répartis sur tout le eontour d’une ouverture qu'il suppose 
devoir exister. 


416 HISTOIRE NATURELLE 

M. Ehrenberg a placé cet Infusoire qu'il nomme Tricho- 
dina dans sa famille des Y’orticellina, avec des espèces totale- 
ment différentes et auxquelles nous restituons le rom d’Urcéo- 
laire ; il la caractérise ainsi : « Corps conique, presque globuleux, 
ayant le front tronqué et couronné de cils, et le dos un peu 
pointu, inerme. » Il lui a fait avaler de l’indigo , et dit avoir vu 
un individu continuant à tournoyer avec un brin d'oscillaire en 
partie avalé et sortant encore d’une longueur double hors de la 
bouche, 

J'ai trouvé presque constamment l'Haltérie dans les flacons où 
je conservais de l’eau de marais ou de rivière avec des conferves, 
et dans l'eau qui baignait des conferves et des oscillaires dans une 
soucoupe. 

J'ai vu quelquefois exclusivement dans un liquide, des indivi- 
dus tous très-petits (0,007) et qui pourraient bien être une espèce 
particulière ; d’autres fois, j'en ai vu exclusivement aussi d’une 
certaine grandeur plus considérable, et je pourrais même dire 
d’une forme un peu différente ; mais il est si difficile de regarder 
attentivement ces Infusoires pendant quelque temps, que jenepuis 
être certain d’une différence spécifique réelle. 


2e GENRE. OXYTRIQUE. — Oxytricha, Bory. 


An. à corps mou, flexible, ovale ou oblong, plus ou 
moins déprimé avec des cirrhes ou cils plus forts non vibra- 
tiles en forme de soies ou de stylets, mais sans cornicules. 


Les Oxytriques confondus par Müller, parmi ses Tri- 
chodes, ont le corps évidemment mou, sans tégument, muni 
de cils vibratites épars, entre lesquels sont d’autres cils plus 
épais, droits, flexibles, mais non vibratiles, ayant l’appa- 
rence de soies roides ou de stylets; une rangée régulière de 
cils obliques plus forts se voit ordinairement en avant, et 
produit dans le liquide un tourbillon destiné à conduire les 
aliments à la bouche, A l’intérieur on observe des granules 
de diverses sortes, et des vacuoles ou vésicules remplies 
d'eau seulement, ou contenant en même temps des sub- 
stances avalées. Quelquefois aussi on y voit des corps ovales 


DES INFUSOIRES. 4147 


ou arrondis, blanchâtres, demi-transparents, que M. Ehren- 
berg a nommés des testicules. 

M. Bory a formé son genre Oxytrique avec des Trichodes 
de Müller, telles que la 77. lepus, Tr. pellionella, etc., 
qui sont bien, en effet, des Oxytriques comme nous les 
comprenons, et les Kerona pullaster, et Lepus du même 
auteur; mais il y a réuni beaucoup d’autres espèces de Tri- 
chodes très-différentes, et dont plusieurs ont été établies 
par Müller, d’après des Infusoires altérés ou mutilés. 


M. Ehrenberg rapporte à ce genre huit espèces seulement, 
mais deux de ses Trichodes ( 77. nasamonum, et Tr. æthio- 
pica) nous paraissent devoir y être également rapportées, 
ainsi que ses Urostyla. Lui-même, en 1838, y a réuni 
une espèce dont il avait fait précédemment un l/roleptus ; 
d’un autre côté, nous pensons que son Oxytricha cicada 
appartient à la famille des Plœsconiens. 


Les Oxytriques, dont plusieurs sont colorées en rouge, 
se trouvent dans les eaux stagnantes douces ou salées, et 
dans les infusions naturelles ou artificielles : elles se se 
plient par division spontanée ordinairement transverse, 
mais aussi longitudinale suivant M. Ehrenberg. 


1. OXYTRIQUE PELLIONELLE, — Oxytricha pellionella. — PI. XI, 


fig. 10 (1). 


Corps déprimé, oblong, incolore , irrégulièrement granuleux , 
avec des soies droites à la partie postérieure. — Longueur 
de 0,07 à 0,40. 


Cet Infusoire est un des plus communs dans les eaux stagnan- 
tes ou putréfiées; il a été vu par tous les micrographes, et comme 
il est facilement altéré ou mutilé, il a donné lieu à l’établisse- 
ment de plusieurs espèces. I1 se montre souvent bombé d’un côté 


EE 


(1) Trichoda pellionella , Müll. Inf. PI, XXXI, fig. 22. 
Oxytricha pellionella, Bory, Encycl, 1834. 
Oxytricha pellionella, Ehr. Infus. PL. XL, fig. 10. 


INFUSOIRES. 27 


k18 HISTOIRE NATURELLE 


et un peu concave de l’autre : les granules ou nodules de Ja sur- 
face sont irrégulièrement Cpars, cependant on distingue quel- 
quefois des plis longitudinaux. Comme il se remplit fréquemment 
des substances qu'il avale , il est diversement coloré par elles. 


2, OXYTRIQUE RENFLEÉE, — Oxytricha incrassata. — P\. XI, fig. 14. 


Corps ovoide, allongé , incolore, garni de soies roides en ar- 
rière.— Longueur , 0,075. — Marin. 


Cette sspece diffère de la précédente par s1 longueur moindre, 
par son habitation, et surtout parce que son corps est bien moins 
déprimé. Je l'ai observée dans l’eau de la Méditerranée, conservée 
depuis trois jours et déjà altérée, au mois de mars. 


9. OXYTRIQUE LANGUE. — Oxytricha lingua. — PI. XI, fig. 11. 


Corps diaphane, déprimé, flexible, allongé, presque également 
large partout et arrondi aux deux extrémités, sans soies etsans cils 
apparents en arrière; granules de la surface en rangées presque 
régulières. — Longueur, 0,125. 


J'observais au mois de décembre cet Infusoire dans de l'eau 
conservée depuis un mois avec des Conferves prises dans des fosses 
au sud de Paris. Il se meut seulement en avant d'un mouvement 
assez lent et sans tourner sur son axe; il s’'infléchit souvent en, 
quand il rencontre des obstacles. A en juger par les figures ce 
pourrait bien être le même que Müller a nommé 7richoda 


linter. 


4. OXYTRIQUE BOSSUE, — Oxytricha gibba. — PI, XI, fig. 12. 


Corps incolore, oblong , renflé au milieu avec deux rangées 
ventrales de cils. — Longueur , 0,11. 


Je nomme ainsi une Oxytrique que j'ai observée dans l'eau de 
la Méditerranée conservée depuis quinze jours, mais non gâtée; 
mais je ne suis nullement certain que ce soit la même que 
M. Ehrenberg désigne sous ce nom (Infus. Pl. XLI, fig. 2), et 
qu'il a trouvée dans l’eau dorice entre des Oscillaires et des Navi- 
cules au mois de février. Il la décrit comme ayant une large bou- 


DES INFUSOIRES. h19 


che arrondie et contenant de nombreuses vésicules stomacales 
ét des Navicules avalées. Ce même auteur y rapporte comme 
synonyme la Trichoda gibba de Müller (Müll., Inf. PI. XXV, 
fig. 16-20), mais ce rapprochement me paraît fort douteux, car 
Müller ne parle point de la double rangée de cils qui certaine- 
ment ne lui eût pas échappé, et d’ailleurs il lui donne pour ca- 
ractère d’avoir le dos convexe ou bossu, et le ventre concave ou 
excavé , et lui attribue des stries longitudinales. 


5. OXYTRIQUE AMBIGUE. — Oxytricha ambigua. —P1. XI, fig. 15. 


Corps incolore, ovale, oblong , déprimé au centre, et concave 
d’un côté avecles bords arrondis, renflés , pourvu de cils locomo- 
teurs très-forts, épars sur la face concave et de soies roides en 
arrière. Sans bouche. — Longueur , 0,08.— Marin. 


J'observais ce singulier Infusoire le 30 mars 1840, dans de l'eau 
de mer puisée dans l'étang de Thau dix huit jours auparavant. 
Malgré tous mes efforts je n’ai pu y reconnaître aucun indice de 
bouche ; aussi dois-je penser qu'il pourrait être le type d’un nou- 
veau. genre à établir. Beaucoup de vacuoles existant à l’intérieur 
présentaient au centre un globule huileux réfractant beaucoup 
la lumiere et qui paraissait avoir été la cause de leur formation. 


OxyrriQue RouGE. — Oxytricha rubra. —P]. XI, fig. 15. 


Corps allongé, linéaire, rouge, aminei et pourvu de soies en ar- 
rière. — Longueur de 0,18 à 0,22. — Marin. 


J'ai trouvé abondamment cette espèce dans l’eau du canal des 
Étangs , à Cette, avec plusieurs autres Infusoires également colo- 
rés en rouge; les soies de la rangée antérieure étaient surtout 
bien prononcées, mais je n'ai pas vu aussi distinctement les deux 
rangées ventrales de soies que M. Ehrenberg attribue à l’Infusoire 
marin qu'il nomme ainsi (Ehr., Infus. PI. XL, fig. 9). Cet auteur 
l'a observé en décembre et janvier dans l’eau de la mer Baltique, 
conservée depuis le mois d'août. 11 y était, dit-il, tellement 
abondant, que l’eau en était colorée eu rouge. M. Ehrenberg 
rapporte comme synonyme Ja Trichoda patens de Müller (Infus, 
PI. XXVI, fig. 1-2 ), 


27. 


420 HISTOIRE NATURELLE 


7. OXYTRIQUE À QUEUE. — Oxytricha caudata.— PI. XII, fig. 6. 


Corps incolore, allongé, linéaire, lancéolé, arrondi en avant, 
prolongé postérieurement en manière de queue. — Longueur, 
0,20. 


M. Ehrenberg (Infus. 1838, p. 365) nomme ainsi un Infusoire 
qu'il a observé dans l'eau douce à Berlin, et il en rapproche un 
autre Infusoire de même forme, mais quatre fois plus petit, qu'il 
a vu dans l’eau de la mer Baltique. 11 l'avait d'abord (en 1833) 
décrit sous le nom d’Uroleptus patens. J'ai observé de mon côté 
une forme analogue dans les eaux stagnantes des environs de 
Paris, et je l'ai représentée dans la planche 1%, fig. 6 (1). 


OXxYTRIQUE RAYONNANTE. — Oxytricha radians. — PI]. XI, fig. 16. 


Corps discoïde , rouge, entouré de longues soies rayonnantes, 
bliques. — Longueur, 0,05. 


Au nombrédes Infusoires rouges que j observai en grand nom- 
bre dans l’eau du canal des Étangs, à Cette, se trouvait cette forme, 
que je ne rapporte ici qu'avec doute, parce qu'elle pourrait n'être 
que le jeune âge de quelque autre espèce. 


(1) Le genre Uroleptus de M. Ehrenberg, à en juger d'après les 
figures de la plupart des espèces, doit être en partie réuni aux Oxy- 
triques, quoique cet auteur l'ait rangé parmi ses Colpodées en le ca- 
ractérisant seulement par l'absence d'un œil, d'une langue et d'une 
trompe, et par la présence d'une queue. Des cinq espèces qu'il y rap- 
porte aujourd'hui, la première, Uroleptus piscis (Infus.. 1838 , PL. XL, 
fig. 1), donnée comme synonyme du T'richoda piscis de Müller (Müll. 
Inf. Pl. XXXI, fig. 4, 1-4), avait été en 1830 nommée par le même 
auteur Oxytricha piscis ; elle a le corps cylindrique, presque turbiné, 
aminci postérieurement en forme de queue épaisse. Sa longueur est de 
0,18; ce pourrait bien être la même que nous nommons Oxytricha 
caudata. La deuxième, Uroleptus musculus (1. c. fig. 2), donnée pour 
synonyme du Trichoda musculus (Müll, Inf. PI. XXX , fig. 5-7), avait 
été placée par M. Bory dans le genre Æatule ; elle a le corps blanc, 
” pyriforme, renflé en arrière, puis aminci tout à coup en forme de 

queue, long de 9,12. La figure donnée par Müller n’est assurément pas 

celle d'une Oxytrique , et la phrase caractéristique de cet auteur indi- 


DES INFUSOIRES. LA 


** Oxytricha lepus. Ehr. Inf. PI. XLI, fig. 5, et Oxytricha pullaster. 
Ehr. 1..c.f à: 


Les deux espèces que M. Ehrenberg veut nommer ainsi nous 
paraissent fort douteuses. En effet, il dit lui-même ne les avoir 
pas revues depuis 1830 ; il décrit la première comme aÿant le 
« corps blanchätre, elliptique, glabre, plat, cilié en avant, muni 
de soies en arrière. » La seconde a le « corps blanchâtre, lancéolé, 
obtus aux deux extrémités, et ventru au inilieu, avec une tête 
un peu distincte, uñe queue hérissée , et la bouche fort étroite. » 


Le Trichoda nasamonum du même auteur, nommé d’abord par 
lui et par M. Hempricht Condylostoma paraît bien être, comme 
il le pense aussi, une Oxytrique imparfaitement observée en 
Afrique; elle est longne de 0,09, et la figure n’est grossie que 
cent fois. Ce dont M. Ehrenberg a voulu faire le genre Ceratidium, 
caractérisé par une profonde échancrure en avant, n'est sans 
doute aussi qu'une Oxytrique mutilée ; il ne l’a pas revue depuis 
1820, et, à cette époque, il la trouva parmi des conferves, et ne 
put l’observer qu’au grossissement de 100 diamètres. 11 la décrit 
comme ayant le corps cunéiforme, le front bicorné avec les 
cornes tronquées. 


quant une forme aplatie et une queue implantée en dessous et quelques 
cils rares et très-courts en avant, se rapporterait plutôt à un Systolide 
ou à une Ervilie. Dans l'ouvrage de M. Ehrenberg , la figure représente 
bien un Infusoire muni partout de cils en séries régulières, comme les 
Paraméciens ; mais les cils plus longs de la bouche, et la forme générale 
se rapportent au contraire à une Oxytrique. La troisième espèce, Uro- 
leptus hospes (Inf. PI. XL, fig. 3) a été vué par M. Ehrenberg en avril 
et en août 183x, dans les enveloppes muqueuses vides du frai de Gre- 
nouille. Dans chaque cellule il n'y avait qu'un seul animal long de 
0,11, verdûtre, ovale-oblong , turbiné , obliquement tronqué et ex- 
cavé en avant , et effilé en manière de queue en arrière. La quatrième 
espèce, nommée avec doute Uroleptus ? lamella est probablement un 
Trachelius; quant à la cinquième enfin, Uroleptus filum (Inf. PL. XL, 
fig. 5), il est vraisemblable qu'elle a plus de rapports avec le Spi- 
rostomum ambiguum, qu'avec les autres Uroleptus ou les Oxytriques, 
ou avec l'Enchelys caudata de Müller (Inf. PL IV, fig. 25, 26), citée 
mal à propos comme synonyme. 


k22 HISTOIRE NATURELLE 


** Urostyla. 


Le genre Urostyla de M. Ehrenberg contient une seule espece, 
Urostyla grandis (Ehr. Infus. PI. XLI, fig. 8), qui par sa forme 
se rapproche bien des Oxytriques , mais qui, suivant la descrip- 
tion de l’auteur, en différerait par des rangées de cils nom- 
breuses et régulières, comme chez les Paraméciens et les Bur- 
sariens. Sa longueur est de 0,18 à 0,28. Son corps est blanc, 
demi-cylindrique, presque en massue, arrondi aux deux ex- 
trémités, mais un peu plus épais en avant; il est muni de styles 
courts. La bouche est une trés-grande fente située en avant, 
bordée de longs cils, et égalant le tiers ou le quart de la lon- 
gueur totale En arriere, dit M. Ehrenberg, on distingue une 
fente plus petite, qui est évidemment l'anus et qui est seulement 
bordée de cinq à huit petits stylets d’un côté. L'Urostyle avale 
facilement l’iadigo; elle contient souvent à l’intérieur des Ba- 
cillaires et de petits Infusoires qu'elle a dévorés et qui la font 
paraître bigarrée. 


3° Genre. KERONE. — XKerona. 


An. à corps mou, flexible, ovale, déprimé avec des 
cirrhes ou cils épais, non vibratiles , en forme de soies 
ou de stylets, et avec d’autres cirrhes plus courts et plus 
épais , recourbés en forme de crochets ou de cornicules, et 
servant souvent de pieds. 


Les Kérones de Müller, bien caractérisées par ce que cet 
auteur nomme des cornicules , appartiennent presque toutes 
à notre genre Kérone. M. Ehrenberg, au contraire, a sé- 
paré des Kérones, pour en former son genre S{ylonychia, 
toutes les espèces qui, avec les cornicules, ont aussi des 
stylets, de sorte qu'il ne conserve le nom de Kérone, qu’à 
une seule espèce, vivant parasite sur les Polypes d’eau 
douce. 


Les Kérones ne diffèrent des Oxytriques que par la forme 
de leurs cirrhes ou appendices, dont la base est ordinaire- 


DES INFUSOIRES, L23 


ment renflée en un globule transparent qui se meut en même 
temps. Elles sont également voraces, et se montrent de 
même abondamment dans les eaux stagnantes et dans les 
infusions. Elles éprouvent facilement des déformations très- 
variées , qui ont donné lieu à l'établissement de beaucoup 


d'espèces par Müller. 


1. KÉRONE PuSTULÉE. Aerona pustulala (1). — PI, VI, fig. 10, 11, 
14 et 18, et PI. XII, fig. 7. 


Corps incolore, ovale, oblong , déprimé , contenant fréquem 
ment des corps étrangers. — Long. 0,18. 


Cet Infusoire, l’un des plus communs et des plus faciles à 
reconnaître, se montre dans les infusions et surtout dans l’eau 
des marais conservée avec quelques herbes, et déja altérée par 
la putréfaction ; j'ai représenté (PI. VI, fig. 11, 14,18) quel- 
ques-unes des déformations singulières qu'il présente par suite 
d'une mutilation ou d'une décomposition partielle; on reconnaît 
aisément dans ces altérations l'absence d'un tégument chez les 
Kérones, et la possibilité qu'a un lambeau ou un lobe isolé de 
continuer à vivre. La figure 18 de la planche VI montre com- 
ment des corps étrangers (c) avalés par l'animal peuvent être 
excrétés ou expulsés au dehors ; on y voit aussi une partie ova- 
laire («) en apparence moins molle et moins transparente que le 


ee] 


(1) Grosse araignée aquatique, goulue. Joblot, Microsc. PI, 2, 
fig. 3-5, PL..5, fig. 9, PI. 10, fig. 19. 

Volvox oniscus , Ellis, Phil. trans. t. 59. 

Trichoda silurus , — cyclidium , — pulex , — calvitium , — cursor, 
— augur, Müller. 

Kerona pustulata , -— Müller , PI. XXXIV , f. 14. 

Himantopus larva , volutator, Fabr. Ap. Müller. 

Oxytricha pulex , — volutator, — pullaster, Bory , Encycl. 

Kerona pustulaia , augur, — forcata, — silurus, — larvoide , 
Bory. 

Mystacodela cyclidium , Bory , Encycl. 

Kerona pustulata, Ehr. Mém. Berlin, 1830-1831. 

Stylonychia pustulata, Ehr. Inf, 1838, PI. XLIT, fig. 1. 


RAM HISTOIRE NATURELLE 


reste ; c'est ce que M. Ehrenberg a voulu nommer le testicule. 

J'ai vu parl’addition d’uneseule gouttelette d’alcoolces Kérones 
se décomposer à vue en commençant par une extrémité et laisser 
flotter dans le liquide des globules sarcodiques et des lobules 
encore retenus par cette même substance étirée , tandis que le 
reste du corps continue à se mouvoir. 


* Kerona calvitium (Müll. Inf. PI. XXXIV), fig. 11-13; et Trichoda 
foveatà (Müll. Inf. PI. XXXVI, fig. 6-8). 


On peut je crois rapporter à l'espèce précédente, comme sim- 
ples variétés, les deux Infusoires décrits sous ce nom par Müller ; 
car les appendices qui caractérisent cette espèce sont très-varia- 
bles quant à leur nombre et quant à leurs dimensions ; quelque- 
fois même on n'apercoit que par instants et dans certaines posi- 
tions les cornicules caractéristiques. Le premier de ces Infusoires 
est signalé par les seuls mots « latiuscula , oblonga, anticè corni- 
culis micantibus.» Et à cette phrase linnéenne indiquant qu'il est 
oblong , un peu large, muni en avant de cornicules agitées, l’au- 
teur, dans la notice suivante, ajoute que le corps est égal presque 
plan, obtus aux deux extrémités, rempli de molécules noirâtres, 
qu'il a en avant deux ou trois cornicules et qu il est muni de soïes 
en arriére. Îl a été trouvé dans les infusions végétales, et Müller 
dit avoir rencontré un animal très-semblable dans l'eau de mer. 

L'aütre (7r. foveata) a pour phrase caractéristique ces seuls 
mots «oblong un peu large, avec des cornicules agitées en avant, 
mais sans soies en arriere.» C'est dans les remarques suivantes 
que Müller dit qu'il est excavé d'un côté et renflé en bosse du 
côté opposé. Il a été trouvé dans l'eau de mer fétide. 


“*_ Kerona histrio (Müll., PI. XXXIII, fig. 3-4) Séylonichia his- 
trio (Ebr., Infus. PI. XLIT, fig. 4). 


C'est probablement aussi une variété où une modification de la 
Kerona pustulata qui a recu ces noms de Müller et de M. Ehren- 
berg. Le premier de ces naturalistes l’a observee dans les eaux 
douces, parmi les conferves ; il la caractérise par cette phrase 
« K. ovale obiongue, pourvue en avant de points noirs mucro- 
nés (punctis mucronatis nigris) et en arrière de pinnules longi- 
udinales » ; et 1l ajoute dans ses remarques que les quatre ou 


DES INFUSOIRES, L:95 


cinq points noirs mobiles de la partie antérieure sont des pointes 
mobiles sur un nodule, ou plus exactement sont des globules 
pourvus d’une cornicule flexible et paraissant changer de place 
par suite de leur agitation continuelle. Le corps membraneux, 
diaphane, est rempli de très-petits points moléculaires entre les- 
quels sont des globules plus grands, isolés, très-transparents, au 
nombre de quatre ou davantage, et qu’il suppose être des ovules, 
en observant qu'on ne les voit pas dans tous les individus. Les pin- 
nules postérieures ressemblent à des soies, elles ne dépassent pas 
le corps et sont rarement écartées. M. Ehrenberg, en la regar- 
dant comme synonyme de l’espèce deMüller, décrit sa S{ylonichia 
histrio comme ayant le «corps blanc, elliptique, un peu renflé au 
milieu avec des crochets rassemblés en un groupe antérieur , et 
pourvu de stylets, mais sans soies.» «Elleest dit-il, très-analogue 
a la S4. pustulata et me paraît en différer seulement parce que ses 
crochets sont groupés près du front au lieu d’être disséminés sur 
toute la face ventrale, par l'absence des trois soies terminales et 
par la position plus reculée de la bouche. » ( Ehr. 1. c. 373.) 


** Keérone poulette.—Kerona pullaster. —(Müll.Inf. PI. XXXIIT , 
fig. 21-23). 


Sous ce nom , Müller a décrit une espece dont il donne trois 
figures totalement dissemblables et qui nous paraissent encore 
des Kérones pustulées, mal observées ou déformées par une cause 
quelconque. Cet auteur la décrit comme ayant le corps presque 
ovale, sinueux en avant, le front corniculé, et l'extrémité posté- 
rieure garnie de soies. M. Ehrenberg l'indique comme synonyme 
de son Oxytricha pullaster (Inf. 1838. PI. XLI, fig. 9 ). 


2. KERONE MOULE. — Æerona mytilus. — PI. XIII, fig. 2-3 (1). 


Corps très-déprimé , ovale oblong, élargi et arrondi aux deux 
extrémités, pourvu d’appendices très-longs , formant une rangée 


A 


(1) Le pirouetteur , Joblot, Micr. PL IL, fig. 2. — Paramecium, 
Hill. 1951. 

Kerona mytilus, Müller , Inf. PI. XXXIV > fig. 1-4. 

Stylonychia mytilus, Ehr. 3° mém. 1833, PI. VI. — Infus. 1838, 
Pl. XLI, fig. IX. 


426 HISTOIRE NATURELLE 


de cils tres-forts en avant; une seconde rangée de cirrhes recourbés 
en crochet, et des stylets nombreux en arrière. La rangée de cils 
qui conduit à la bouche n’atteint pas le milieu du corps.—Longueur 
de 0,14 à 0,28. 

Cet Infusoire, l’un des plus grands, vit dans l’eau de marais 
conservée depuis longtemps, et surtout dans l’eau qui baigne des 
Oscillaires ou des Conferves ; il ne différe encoreguere de la Kérone 
pustulée que par ses dimensions et par la force de ses appendices ; 
il faut cependant noter aussi que les bords antérieur et postérieur 
sont plus minces, plus flexibles et susceptibles de se relever contre 
les obstacles, de la même maniere que chez certains Pœlsconiens, 
notamment chez la Flæsconie patelle, avec laquelle il a quelques 
rapports, et chez les Loxodes. Il avale un grand nombre de corps 
étrangers, et j'ai vu même un individu contenant une bulle d'air 
que sans doute il avait avalée à la surface des conferves entre 
lesquelles il vit. 11 se décompose en diffluant avec une extrême 
facilité. Pour peu que le liquide soit modifié par l'évaporation ou 
autrement, et si la décomposition n’est pas complete, le reste 
continue à vivre sous une forme tout à fait différente. Ainsi, 
comme le pense avec raison M. Ehrenberg, les Xerona cypris, 
K, haustrum K. haustellum et Trichoda fimbriata de Müller, sont 
établies sur des restes de la partie antérieure de notre Kérone 
moule ; les Trichoda erosa et T. rostrata sont des restes de la partie 
postérieure, et les Himantopus acarus, A. ludio H. sannio et A. co. 
rona ont été institués par Fabricius , d'après les dessins de Müller, 
représentant divers débris du même Infusoire. 

Müller décrit la Kérone moule comme étant presque claviforme 
avec les deux extrémités plus larges, diaphanes, ciliées, et comme 
pourvue de cornicules en avant et de soies en arrière; puis il 
ajoute que la forme de cet Infusoire, quiest l’un des plus grands, 
est difficilement déterminée; il signale la présence d’une rangée 
de globules diaphanes le long d’un des bords et décrit exactement 
le mode de décomposition par diffluence. Il l’a trouvée commu- 
nément dans l’eau de marais conservée longtemps dans des vases. 

M. Ehrenberg, qui prend cette espèce pour type de son genre 
Stylonychia, lui attribue un large intestin d’où partent de nom- 
breux estomacs en massue , un ovaire granuleux, deux testicules 
ovales et une vesicule séminale contractile. II lui assigne la forme 
d'une moule et la représente entourée d’une rangée de cils infle- 
chie d'un côté , que je n'ai pu voir comme lui. 


DES INFUSOIRES. L27 


3. KÉRONE sILURE. — Xerona silurus. — PI. XIII, fig. 4 (1). 


Corps ovale oblong, plus large et arrondi en avant, garni de 
cirrhes corniculés sur toute la face ventrale, et de stylets en ar- 
rière; la rangée de cils qui conduit à la bouche occupe la moitié 
du corps. — Longueur , 0,12. 


Quoique très-voisine de la précédente , cette espèce parait s'en 
distinguer suffisamment par sa taille et par ses appendices. Elle 
se trouve de même dans l’eau de marais conservée longtemps. 
Müller l’a fort mal figurée en la parsemant de crochets trop pro- 
noncés, tandis que dans sa notice descriptive il dit que les crochets 
ou cornicules ne s’apercçoivent pas facilement et que souvent ils 
ne paraissent que comme de simples points mobiles. M. Ehren- 
berg nomme Stylonychia silurus un Infusoire qu'il ne rapporte 
qu'avec doute à l’espèce de Müller ; il le décrit comme de même 
forme que la précédente espèce, mais plus petit et pourvu de 
vingt cils frontaux, de huit crochets, de cinq stylets et de trois 
soies , tous ces appendices étant tres-longs. 


* Stylonychia appendicuiata (Ebr., Infus. PI. XLIL, fig. 3). 


Sous ce nom M. Ehrenberg décrit un Infusoire qu'il a trouvé 
dans l’eau de la mer Baltique, et qui me paraît bien voisin du 
précédent ; l'auteur lui attribue également de longs appendices, 
mais il le distingue par sa forme elliptique plus arrondie, et le 
mode d'insertion oblique des soies. 


4.? Kerona lanceolata. (Stylonychia lanceolata, Ehr. Inf. PI. XLII, 
fig. 5.) 


Cette espèce, que je n'ai point vue, paraît d’après la description 
de M. Ehrenberg devoir être bien distincte de toutes les autres ; 
elle a le corps long de 0,20 à 0,22 d’une couleur verdâtre pâle, 
lancéolé, également obtus aux deux extrémités; son ventre est 


(1) Kerona silurus ? Müll. Inf, PI. XXXIV, fig. 9. 
Stylonychia silurus | Ehr. Inf, 1838, PI. XLII, fig. 2. 


L28 HISTOIRE NATURELLE 

plat, ses crochets sont groupés près de la bouche, elle manque 
de stylets. Elle vit parmi les Conferves. L'auteur lui attribue seize 
à dix-huit rangées dorsales régulières de cils, ce qui tendrait à la 
faire prendre pour un Bursarien, Il a compté en avant cinq cro- 
chets et en arrière quatre stylets ; il dit aussi avoir vu une vési- 
cule séminale simple et un grand testicule ovale. Enfin il décrit 
et représente la décomposition par diffluence comme le phéno- 
mène de la ponte. On ne peut d’ailleurs, d’après sa description, 
s'empêcher de supposer une grande analogie entre cette espèce et 
l'Urostyla grandis du même auteur. 


5. Kerona polyporum (Ehr., Inf. PI. XLI, fig. 7). 


Sous ce nom M. Ehrenberg décrit un Infusoire qui aurait déjà 
été vu par Leeuvenhoek , Trembley et Ræsel, vivant parasite sur 
l'Hydre ou polype d'eau douce, et qui aurait été nommé Cyrclidium 
pediculus par Schrank et par Olfers. Cet animal, long de 0, 18, 
blanchâtre, déprimé, à contour presque réniforme, est pourvu 
de cils et de crochets à la face inférieure , et présente en avant 
une rangée de cils plus saillants. M. Ehrenberg ne conserve que 
cette seule espèce dans son genre Kérone qu'il caractérise alors 
par l'absence des stylets. 


XIV: FAMILLE. 


PLOESCGONIENS. 


Animaux à corps ovale ou réniforme, déprimé, 
non contractile et très-peu flexible, mais soutenu par 
une cuirasse qui n'est qu'apparente, et se décompose 
par diffluence en même temps que tout le reste; avec 
des cils vibratiles autour de la bouche , formant souvent 
une rangée régulière, et souvent aussi avec des cirrhes 
en formes de stylets ou de crochets mobiles ; — nagéant 
au moyen de cils vibratiles ou marchant au moyen des 
autres appendices. | 


La famille des Plæsconiens comprend des types 


DES INFUSOIRES. 29 


bien différents, qui n'ont de commun qu'une appa- 
rence de cuirasse résultant d’une consolidation tem- 
poraire de la surface du corps, qui n’est que peu ou 
point flexible , et qui ne montre une sorte de contrac- 
tilité que quand l'animal commence à se décomposer. 
On voit bien alors que ces Infusoires , comme tous les 
précédents, ne sont encore formés que d’une sub- 
stance molle, glutineuse , sans traces de fibres ou de 
membranes. De ces Infusoires , les uns ont des cirrhes 
plus forts en forme de crochets ou de stylets comme 
les Kéroniens, et pourraient véritablement constituer 
une famille à part : ce sont ceux dont M. Ehrenberg 
forme sa famille des Euplota , les autres n’ont que dé 
cils minces , vibratiles , souvent à peine visibles ; cesont 
les Zoxodes, genre établi par M. Ehrenberg, mais 
reporté par lui avec ses 7'rachelina. 

Les Plæsconiens, pourvus de cirrhes ou d’appen- 
dices en forme de stylets, de crochets, etc., se divi- 
sent en quatre genres, dont les deux premiers, Plæs- 
conia et Chlamidodon , distingués par la présence 
d’ane bouche bien visible, diffèrent l’un de l’autre 
par l’armure dentaire qu'on observe chez le second 
seulement. Les deux autres genres n’ont pas de bouche 
visible; ils sont caractérisés par la position des cirrhes 
ou appendices qui, chez les Diophrys, sont groupés 
aux deux extrémités, tandis que, chez les Coccudina, 
ils occupent toute la face inférieure. 

Müller laissa tous ces Infusoires confondus parmi 
ses Trichodes, ses Kérones et ses Kolpodes; M. Bory 
a séparé les Plœsconia, mais il les a malheureuse- 
ment associés avec des Systolides dans sa familles des 
Citharoïdes. 

Les Plœsconiens, comme les divers types des fa- 


4365 HISTOIRE NATURELLE 


milles précédentes, ont pour organes locomoteurs des 
cils ou cirrhes plus où moins épais, plus ou moins 
mobiles ; chez plusieurs, la bouche est très-visible, 
ainsi que la rangée de cils destinée ,par son agitation, 
à y conduire les aliments. Quelques-uns ont la bouche 
entourée d’un faisceau desoies fortes. À l’intérieur on 
voit aussi, comme dans les précédents, des vacuoles, 
les unes contenant les aliments, les autres ne contenant 
que de l’eau et se contractant plus rapidement ou dis- 
paraissant tout à fait, mais rien n’y ressemble à un 
Intestin. 

Souvent des corps étrangers, avalés par l'animal, 
se voient à l'intérieur, ainsi que des corps ovalaires 
demi-transparents, que M. Ehrenberg , comme dans 
les autres types, veut nommer des testicules. 

Leur multiplication a lieu par division spontanée, 
transverse ; mais on voit dans des infusions des indi- 
vidus beaucoup plus petits, qui s’accroissent peu à 
peu, et qui ont dü provenir d’un autre mode de pro- 
pagation ; cependant je ne crois pas qu'on soit sufl- 
samment fondé à nommer œufs les granules qu’on 
aperçoit dans l’intérieur du corps de divers Plæsco- 
niens , ni ceux qui restent après la décomposition de 
ces animaux par difiluence. 

Plusieurs se produisent abondamment dans les in- 
fusions végétales non putrides, et dans les eaux de 
marais conservées avec des débris végétaux ; d’autres 
habitent en foule dans les eaux stagnantes, soit douces, 
soit marines , parmi les herbes aquatiques. 


DES INFUSOIRESs k3A 


4 Genre. PLOESCONIE. — Plæsconia. 


An. à contour ovale, plus ou moins déprimés, soutenus 
par une apparence de cuirasse marquée de côtes longitu- 
dinales, munis, sur une des faces ordinairement plane, de 
cils épars, charnus, épais, en forme de soies roides ou de 
crochets non vibratiles, mais mobiles et servant, comme 
autant de pieds pour la progression sur les corps solides ; 
portant sur l’autre face une rangée semi-cireulaire et en 
baudrier ou en écharpe, de cils vibratiles régulièrement 
espacés, dépassant le bord , et devenant plus minces à par- 
tir de la partie antérieure jusqu’à la partie postérieure où 
se trouve la bouche, 


E n’y a pas d’Infusoires plus faciles à reconnaître d’une 
manière générale que les Plæœsconiens, dont la forme et le 
mode de natation sont assez bien indiqués par le mot grec 
Floioy navire, et qui ont en outre l'habitude de se servir 
des cils de leur face ventrale comme de pieds pour marcher 
lentement sur différents corps solides à la manière des In- 
sectes, ce qui leur a fait donner le nom de petites araignées 
aquatiques, par d'anciens micrographes ; mais en même 
temps , il n’en est pas de plus difficiles à étudier dans les 
détails de leur forme et de leur organisation. Leur transpa- 
rence est si grande, et leur cuirasse apparente comme leurs 
cils, ont si peu de consistance, que pour se faire une idée 
de leur structure , on n’a pas d'autre moyen que de dessiner 
un grand nombre de fois et de comparer les apparences qu'ils 
présentent sous différentes incidences de lumière ou quand 
on fait varier légèrement la distance du porte-objet aux len- 
tilles du microscope : et encore, malgré toutes ces précau- 
tions, est-on fort embarrassé pour décider ce qui est le dessus 
ou le dessous de l’animal, et si tels cils, tels appendices 
en particulier, telles côtes saillantes appartiennent à la face 
supérieure ou à la face inférieure. On ne sera donc pas sur- 
pris de voir qu'il est absolument impossible de rapporter 


hk32 HISTOIRE NATURELLE 


avec certitude les espèces figurées par Müller, et notamment 
son Zrichoda Charon à aucune des espèces qu'on voudra 
étudier avec soin aujourd'hui. Bien plus, je dois dire qu'il 
m'a été impossible de reconnaître une quelconque des es- 
pèces que j'ai étudiées, dans aucune des figures données à 
trois différentes époques (1830-1833-1838), comme de plus 
en plus exactes, par M. Ehrenberg pour son Zuplæa ou Eu- 
plotes Charon, qu'il dit être le même que le Trichoda Cha- 
ron de Müller. Tout dans la forme des Plæsconia manque 
de symétrie , je dirais même de régularité, si l’on ne trouvait 
cette dernière condition dans la disposition des cils formant 
la bande semi-circulaire, et jusqu’à un certain point dans 
les côtes de la cuirasse apparente ; mais ni les cirrhes qui 
servent de pieds, ni le contour du corps, ni les diverses sail- 
lies, ne montrent la moindre régularité. On ne peut même 
plus apercevoir aucune trace de régularité dans le reste, 
quand par suite de l’altération du liquide ou par l'effet d’une 
circonstance quelconque, l’animal n’est plus dans des condi- 
tions convenables ; car alors cette apparence de cuirasse ve- 
nant à s’eflacer peu à peu, il s’arrondit en un disque creusé 
de vacuoles de plus en plus nombreuses, et ses cils ou cirrhes, 
après s'être agités encore pendant quelque temps , se crispent 
ou se flétrissent et finissent par disparaître (pl. X fig. 19) ; 
tel est l'effet produit par l’approche d’une barbe de plume 
trempée dans l’ammoniaque ; ou bien si l’animal a été blessé 
ou déchiré par quelque frottement ou par la compression 
entre les débris sur lesquels il se trouve, on le voit déformé 
et contourné de la manière la plus bizarre (pl. X, fig. 7 et 
fig. 13); sa cuirasse a disparu, et c’est à peine si l’on recon- 
naît un indice de régularité dans les cils de l’écharpe. É 

Je n’oserais assurer que dans tous les cas j'aie pu me 
faire une idée bien précise de la structure des Plæœsconies ; 
cependant voilà ce que j'ai cru voir à plusieurs reprises et 
après de nombreuses observations : une Plæœsconie a la forme 
d’un disque oblong, un peu plus épais au centre, La face 
supérieure, lisse ou marquée de côtes suivant les espèces , 


DES INFUSOIRES. L33 


présente une rangée de cils presque semi-circulaire, ou 
mieux en écharpe ou en baudrier, qui, étendue d’abord 
près du bord antérieur, descend à gauche jusqu’au delà du 
milieu, en rentrant peu à peu vers le centre. Ges cils plus 
épais à la base, infléchis diversement dans le reste de leur 
longueur , ont une direction oblique vers la gauche : ils 
éprouvent tous successivement un mouvement de vibration 
rapide, qui se propage depuis le bord antérieur jusqu’à 
l'extrémité postérieure où se trouve la bouche, et où ce 
mouvement conduit les particules nutritives qui sont ava- 
lées par l’animal, ou du moins logées dans les vacuoles qui 
se forment successivement au fond de la bouche. C’est aussi 
au moyen du mouvement vibratile des mêmes cils , que l’ani- 
mal péut nager. La face inférieure, celle qui est toujours 
tournée vers les surfaces sur lesquelles marche la Plæsconie, 
est pourvue de gros cirrhes épais à leur base, amincis au som- 
met , souvent roides ou courbés en crochet; mais toujours 
tres-flexibles et susceptibles de se mouvoir dans toute leur 
longueur au gré de l’animal qui s’en sert absolument comme 
de pieds , tandis qu'il nage à l’aide des cils de la rangée en 
écharpe. Les cirrhes de la face inférieure ou ventrale sont 
disposés très - irrégulièrement; on remarque néanmoins 
qu'ils sont plus abondants aux deux extrémités, et quel- 
quefois , ils forment comme une rangée vers le côté droit. 
Ils peuvent être tous semblables, mais ordinairement, ceux 
de l'extrémité antérieure sont plus courts et ont la forme 
de crochets (uncini de Müller); et ceux de l'extrémité 
postérieure sont plus longs, plus roïdes et ont été dé- 
signés par le nom de stylets (styli, Ehr.); leur base paraît 
supportée par un renflement globuleux, ce qui a fait croire 
qu'ils sont sécrétés par un bulbe comme les poils des ani- 
maux supérieurs, mais c’est une erreur; bien loin d’être des 
poils véritables, ce sont des prolongements de la substance 
charnue de l’Infusoire , participant à la vitalité de tout le 
reste. Ge qui le prouve, c’est la manière dont ils se dé- 
forment et se contractent quand l’animal meurt. 
INFUSOIRES. 26 


L34 HISTOIRE NATURELLE 

Ainsi, dans mon opinion, une Plæsconia, malgré la 
complexité apparente de son ofrganisation , est encore un 
animal aussi simplement organisé que ceux que nous avons 
étudiés précédemment : une simple substance charnue ho- 
mogène, prenant pendant la vie une forme assez complexe, 
qu’elle perd à l'instant où l’animal va cesser de vivre, parce 
que rien de membraneux et de fibreux ne la soutient; des 
cils ou des cirrhes de diverses formes , mais encore de même 
nature, et je dirais presque de mème consistance; une 
bouche, mais point d’anus; des vacuoles creusées soit au 
fond de la bouche par l’effet de l'impulsion communiquée 
par les cils vibratiles au liquide environnant, soit creusées 
spontanément dans un endroit quelconque près de la sur- 
face, quand lanimal comprimé ou n'étant plus dans les 
conditions normales, va cesser de vivre (PI. VI, fig. 7, — 
PI. VIE, fig. 4. — PI. X, fig. 12); enfin des granules de di- 
verse nature, disséminés dans la masse, et que je ne puis 
prendre pour des organes déterminés ou pour des œufs. 

Il y a bien loin de cette manière de voir à celle de M. Eh- 
renberg ; en effet, pour cet auteur, les Plæsconia dont il a 
changé le nom d’abord en Zuplæa (es bon, rhovoy navire),puis 
en Æuplotes (evbon, rhorrc navigateur), sont des« Polygastri- 
ques cuirassés, à tube intestinal distinct, ayant deux orifices 
séparés et dont aucun n’est terminal.» Il a constaté, dit-il , 
la structure polygastrique de l’appareil digestif dans quatre 
espèces, en leur faisant avaler des substances colorées, mais 
ilne montre dans ses figures que des globules de couleur et 
non l'intestin. Dans une seule espèce, il a reconnu directe- 
ment la position de l’anus par la sortie des excréments ; dans 
les autres , il la déduite de la saillie de la cuirasse en arrière. 
Les appareils génitaux qu’il dit avoir vus dans leur dualisme 
chez sept espèces, mais complétement dans une seule, sont à 
Ja fois chez quatre de ces espèces des granules incolores, ronds 
éuovoiïdes, qu'il appelle des œufs ; puis chez trois espèces, un 
corps rond qu'il nomme testicule ; enfin, chez cinq espèces, 
une vacuole ; et ehez une autre , deux vacuoles qu’il nomme 


DES INFUSOIRES. L35 


des vésicules séminales. Il dit que la division spontance à 
été observée chez une seule espèce dans le sens longitudinal 
et dans le sens transversal, et que chez les autres, ce dernier 
mode seul a été observé. 

Nous croyons qu’en effet la division spontanée ne se fait 

chez ces Infusoires que transversalement, et le fait de deux 
individus collés parallèlement, quoique vu par Müller une 
seule fois et par M. Ehrenberg, est accidentel et sans rap- 
port avec la propagation de ces êtres. 
_ Les Plæsconies se trouvent très-abondamment dans l’eau 
de mer stagnante et dans celle qui est conservée avec quel- 
ques plantes marines ; elles se trouvent aussi dans les eaux 
douces conservées de la même manière; enfin, certaines es- 
pèces se produisent en quantité considérable dans les Infu- 
sions. 


1. PLŒSCOME ParELLE. — Plæsconia patella(s). — PL VIE, fig. 1-4. 


Corps déprime, en ovale presque régulier (d'un quart plus long 
que large), aminci et transparent sur les bords ; rangées de cils 
vibratiles formant un arc de cercle assez éloigné du bord qui est 
dilaté de ce côté, et ne dépassant pas le milieu de la longueur ; 
20 à 25 cirrhes presque semblables en dessous ; cinq côtes peu mar- 
quées à la cuirasse. — Long de 0,080 à 0,126. 


J'ai trouvé abondamment cet Infusoire , le 23 janvier 1836 , et 
du 1°" au 6 mars 1838, dans un bocal ou je conservais depuis six 
mois de l’eau de l'étang de Meudon avec des Lemna et des Con- 
ferves; j'ai vu des individus avec des cirrhes rameux, d'autres 
avec un prolongement irrégulier en manière de queue; beaucoup 
avec des vacuoles très-grandes. Quand l'eau dans laquelle na- 
geaient les Plæsconies entre des lames de verre, s'était à moitié 


Pré 


(1) Trichoda patella , Müller , Verm. p. 95. 

Kerona patella, Müll. Inf. Pl. XXXIIT, f. 14-18, p. 238. 

Coccudina Keronina et C. clausa, Bory, Encyel. 1824, p. 540. 

FRS patella, Ehr. 1833. — Infus. 1859, PI. XLII, f. 1X, 
p. 376. 


28. 


k36 HISTOIRE NATURELLE 


évaporée , si j'ajoutais tout à coup de l’eau fraîche, je voyais ces 
animalcules changer de forme en s’arrondissant (PI. VIII, fig. 4), 
émettant sur leur contour un ou plusieurs lobes sarcodiques , 
dans lesquels se produisaient, comme dans le reste du corps, 
de nombreuses vacuoles qui en s’agrandissant finissaient par se 
fondre ensemble, et d'ou résultaient des vacuoles plus grandes à 
contour lobé; en même temps, les cils se contractaient et finis- 
saient par disparaître. 

Müller doit avoir vu cette espèce, mais il la figure de la ma- 
niére la plus inexacte, sauf peut-être les figures 16 et 137. 11 la 
définit comme une«Kérone urivalve, échancrée et corniculée en 
avant, pourvue en arrière de soies (cirrhes) flexibles, pendantes.» 
11 signale lesglobules mobiles qui supportent les cirrhes dont l'a- 
nimal se sert alternativement comme de pieds ou de rames. Il 
l’observait pendant l'hiver de 1776 à 1777 dans de l’eau de ma- 
rais conservée avec des Lemna. M. hi Hg qui observa ce 
même Infusoire au mois de janvier 1836, avec des Lemna re- 
cueillies sous la glace, en donne une figure (Inf. PI. XLII, fig. 1) 
qu'on ne peut s'empêcher de trouver fort inexacte. 1] lui attribue 
sept côtes fines sur la cuirasse, dit que le gosier est en arrière du 
milieu, et que l’anus est derrière la base des styles; il a compté 
30 à 32 estomacs; il indique une grosse glande ovale (testicule) 
au milieu du corps, et une vésicule séminale contractile simple 
en arriere ; enfin, ilcompte 10 crochets, quatre rie deux soies 
et vingt ou rente cils. 


2. PLŒSCONIE van. — Plæsconia vannus (1). — PI. X, fig. 10. 


Corps déprimé, ovale-oblong (deux fois plus long que large), 
très-transparent, lisse, sans côtes ; la rangée de cils vibratiles en 
écharpe s’approchant du bord , et atteignant presque le quart pos- 
térieur de la longueur ; cirrhes de l’extrémité antérieure au nom- 
bre de 5 à S en forme de crochets courts, quelques-uns près du 
bord droit ; 7 à 8 autres, droits, peu allongés en arrière. — Lon- 
gueur, 0,12. 


Observée, le 2 avril 1840, dans de l’eau de la Méditerranée con- 


or 


(1) Kerona vannus, Müll. inf. PI. XXXIII, L. 19-20, p. 240, 
Plœsconia vannus, Bory, Encycl. 1624. 


DES INFUSOIRES. 437 


servée depuis vingt jours. — Müller l'avait observée dans l’eau 
de la mer Baltique. 


? PLŒSCONIE BOUCLIER. — Plæsconia scutum, — PI. X, fig. 7. 

Dans la même eau de mer, où j'avais précédemment observé 
l'espèce précédente , j'ai vu, deux mois plus tard, une Plæsconie 
plus grande, ayant la bande de cils vibratiles moins prolongée 
en arrière, et les cirrhes de l'extrémité postérieure infléchis et si- 
nueux ; d'ailleurs, les proportions étaient à peu près les mêmes ; 
mais je n'ai vu que des individus plus ou moins altérés par le 
frottement ou la compression, pendant que j'étudiais d’autres ob- 
jets; je donne donc ici les trois figures 7 a-b-c, plutôt pour 
montrer les modifications de forme dont ces animaux sont sus- 
ceptibles, que pour proposer l'établissement d'une nouvelle es- 
péce. 


3. PLŒSCONIE À BAUDRIER, — Plæsconia balteata, — PI. X, fig. 1°, 


Corps ovale (une fois et demie aussi long que large), un peu 
plus étroit en avant, diaphane, avec cinq côtes grenues presque 
effacées ; la rangée de cils vibratiles s’'approchant du bord gauche 
en avant, et se prolongeant en arrière au delà descinqsixièmes de 
la longueur ; cirrhes faibles, peu nombreux. — Longueur , 0,086. 


Je l'ai observée, le 5 mars 1840, à Cette, dans de l’eau -de mer 
déjà altérée et un peu fétide; le prolongement extraordinaire 
de sa rangée de cils, qui dénote pour la bouche une position plus 
reculée que dans aucune autre espèce, la distingue suffisamment ; 
l'absence de cirrhes en formede crochet suffirait aussi pour empé- 
cher qu'on ne la regardât comme variété de la Plæsconia vannus, 


4. PLosconiE Luru, — Plæsconia cithara,—P]. X, fig. 6. 


Corps ovale (une fois et demie aussi long que large), avec dix 
côtes régulières, lisses, bien marquées ; la rangée de cils vibra- 
tiles en demi-cercle , prolongée jusqu'aux deux tiers de sa lon- 
gueur ; cirrhes peu allongés, presque tous à l'extrémité postérieure. 
— Long de 0,090 à 0,095. 


Cette belle espèce était excessivement abondante, à la fin de 


L38 HISTOIRE NATURELLE 


février, dans quelques flaques d’eau de mer stagnante, à côté du 
chemin de fer de Cette, avec des Cryptomonas dont eile se nour- 
rissait. Elle se distingue, au premier coup d'œil, par son contour 
presque régulier et par ses côtes longitudinales, plus nombreuses 
que dans aucune autre. J'aurais cru pouvoir affirmer'qu’elle n’a 
pas de cirrhes en crochets ou corniculés à la partie antérieure, si 
je n’en avais apercu deux ou trois très-difficilement, une fois seu- 
lement. 11 paraît toute fois que ces appendices manquent souvent. 
C’est une des espèces où j'ai cru voir la rangée de cils située à 
droite au lieu d'être à gauche, comme dans le plus grand nom- 
bre ; mais je n'ai pas une entière certitude à ce sujet. 

- Les figures données par Müller, pour sa Trichoda charon , res- 
semblent plus à cette espèce, par le contour et par le peu desaillie 
des appendices, qu'à celle que nous nommons Plæsconie charon; 
d’après la description de cet auteur, il est probable qu'il a con- 
fondu plusieurs espèces sous la même dénomination. 


5. PLorscONIE EPAISSE. — Plæsconia crassa.— PI. X,, fig. 5. 


Corps ovale, oblong (la largeur n’est que les 3/5 de la longueur), 
épais (de moitié dé sa largeur), diaphane, avee quelques indices 
de côtes presque effacées ; la rangée de cils vibratiles peu courbée, 
assez éloignée du bord, dépassant la moitié de la longueur; cir- 
rhes groupés aux deux extrémités, les antérieurs, au nombre de 6 à 
8, corniculés; les postérieurs, au nombre de 5 à 7, presque 
droits. — Longueur de 0,072 à 0,080. 


Cette espèce se trouvait abondamment avec la précédente dont 
elle se distingue par sa forme plus allongée, plus épaisse, par 
l'absence presque totale des côtes, par la présence des appendices 
corniculés, et enfin par ses dimensions moindres. Elle est re- 
marquable aussi par l’'écartement souvent considérable qu'on ob- 
serve entre la rangée de cilset le bord externe. 

Je l'ai revue dans l'ean du canal des Étangs apportée de Cette à 
Toulouse, depuis vingt jours. 


6. PLœsconiE Canon. — Plesconia Charon. — PI. X, fig. 8-13. 


Corps irrégulièrement ovale (la largeur excède les 3/5 de la lon- 
gueur), tronqué en avant, plus étroit en arrière, marqué de côtes ir- 


DES INFUSOIRES. 439 


régulières très-prononcées, qui le rendent comme plissé ou prisma- 
tique et épais, ou en coque de navire; la rangée de cils presqu’au 
bord , peu recourbée en dedans, et dépassant le milieu de la lon- 
gueur , des cirrhes assez longs , droits en arrière , point de cirrhes 
corniculés en avant. — Long de 0,065 à 0,07. 


Cette espèce, extrêmement commune dans l’eau de mer conser- 
vée, est vraisemblablement celle que Müller a décrite sous le nom 
de Trichoda Charon, mais non celle qu'il a figurée ; il la dit 
trés -abondante dans l’eau de mer déjà fétide ; de mon côté, 
je l’ai observée sur les côtes de la Manche , en octobre 1835, et 
daus l’eau de la Méditerranée que je conservais depuis vingt 
jours, le 3 avril 1840. Elle est bien reconnaissable à ses côtes 
très-prononcées, comme des plis allant aboutir en convergeant 
à l'extrémité postérieure qui est un peu rétrécie ; le bord saillant 
qui porte la rangée de cils présente à son point de départ, en 
avant et à droite {quand on le voit par-dessus) , une échancrure 
profonde qui, en raison de la forte réfringence de ce bord, fait 
paraître le corps tronqué en avant. Les cils vibratiles, tres-longs 
et tres-déliés, dépassent beaucoup le bord externe, dont leur in- 
sertion est d’ailleurs assez rapprochée; je n'ai pas vu de cirrhes cor- 
niculés vers l'extrémité antérieure; mais seulement des cirrhes 
presque droits, longs, irrégulièrement distribués vers l'extrémité 
postérieure , et le long du bord droit. Cet Infusoire , blessé par 
une compression trop forte, a présenté la singulière déformation 
dont je donne la figure (PI. X, fig. 15); il continuait à se mouvoir 
avec une extrême agilité , mais il n’offrait plus aucune trace de 
sa cuirasse et de ses cirrhes postérieurs. 

Müller définit sa Trichoda Charon par ces paroles: « T. en forme 
de nacelle, sillonnée, chevelue en avant eten arrière.» 1] la décrit 
ensuite comme ayant le corps ovale, creusé en dessus d’une fos- 
sette longitudinale qui contient les viscères , et replié sur les côtés, 
lesquels, vus à un fort grossissement, sont sillonnés ; puis il ajoute 
qu'en dessous ou à la face dorsale, il est convexe, sillonné, offrant 
une poupe arrondie, garnie d’une touffe de poils infléchis, pen- 
dants, et une proue plus étroite munie de quelques soies dressées. 
Cet auteur a vu, quand l'animal mourait par suite de l’évaporation 
de l’eau, les cils seuls disparaître, et les poils, ainsi que les sillons du 
corps, persister tandis que le corps même se dissout à peine; mais 
cela lient, je pense, à ce que l’eau de mer en s'évaporant laisse 


AE HISTOIRE NATURELLE 


une solution saturée de sels déliquescents, bien propre à conser- 
ver infacts les Infusoires ; car j'ai vu moi-même, dans cette cir- 
constance , toutes les Plæsconies marines, et d’autres espèces non 
contractiles , conserver assez bien leur forme : dans l’eau douce, il 
en est tout autrement. 

Müller a pris pour un ovaire une expansion sarcodique ( bullu 
pellucida) d'une de ses Trichoda Charon; et dans d’autres, il a vu 
une grande vacuole qu'il nomme aussi bulla pellucida, vide et in- 
colore , occuper soit la poitrine, soit une partie du ventre; au 
bout de deux mois, il en vit un qui contenait une bulle opaque, 
jaunâtre (bu/la farcta et flavida). Cet Infusoire, dit-il, se rompit 
instantanément, comme un pétard d'artifice, et le corpstout entier 
se décomposant en molécules, il ne resta que la bulle, à l'intérieur 
de laquelle on voyait un globule assez grand rempli de granules. 
Müller conséquemment veut y voir un ovaire que cet Infusoire por- 
tait sous sa poitrine , à la manière des Cloportes; mais il est bien 
plus probabie qu'il n’y a eu dans tout cela qu’un phénomène de 
décomposition par diffluence, après lequel restait une masse 
de substances précédemment avalées par la Plæsconie. 

M. Ehrenberg a décrit et figuré de plusieurs manières un ZÆu- 
plœa ou Euplotes Charon vivant dans l’eau douce, et qu'il regarde 
comme identique avec la Trichoda Charon de Müller, mais que, 
dans aucun cas, je ne puis rapporter à aucune des espèces que j'ai 
vues. Il l'a décrit d’abord (1830 1° mém. PI. VI, fig. 2. Erlaut. 
der Kupf, p. 102), comme nageant sur ledos qui est revêtu d'un 
bouclier diaphane, muni en dessous d'une double rangée de cro- 
chets dont il se sert comme de pieds, portant en arrière environ 
cinq soies plus fortes et plus longues, et en avant, quelques autres 
soies plus fines; ayant une bouche formée par une très-grande 
fente latérale ciliée, qui occupe toute la longueur du côté droit et 
offre au milieu un orifice particulier plus petit pour l'entrée de 
l'œsophage; c'est à son extrémité postérieure, et un peu de côté, 
que se trouve l'anus. En 1833, il rectifie, d'apres de meilleures ob- 
servations, dit-il, la première description, quant au nombre des 
divers appendices , et il ajoute ce qu'il nomme organe de féconda- 
tion; ses figures montrant déjà la rangée de cils un peu moins pro- 
longée en arrière, et les crochets qui servent de pieds moins nom- 
breux et moins régulièrement placés. En 1838, enfin, il le décrit 
comme ayant une cuirasse ovale, elliptique, un peu tronquée obli- 
quement en avant, et avec 6à 7 stries dorsales granulées, 7 à 8 cro- 


DES INFUSOIRES. ll 4 


chets servant de pieds (Ærallenfüsse), 5 styles presque semblables, 

et 20 à 40 cils ; ajoutant qu'il n’a pas vu de soies (Borsten). Les 

nouvelles figures (Infus. PI. XLII, fig. 10) ne montrent plus du 
tout la double rangée de cirrhes ou crochets servant de pieds, et 

indiquent les stries dorsales comme autant de rangées de perles, 

ce qui est totalement différent de ce que je puis voir; quant à la 
rangée de cils, quoique trés-inexactement exprimée , elle n'est 
plus trop longue. 


7. PLŒSCONIE voisine. — Plæsconia affinis. — PI. VI, fig. 7. 


Différant de la PI. Caron, seulement par son habitation dans 
l’eau douce, et par sa forme plus étroite en avant , un peu plus 
ronde et moins plissée en arrière. Ilm’a semblé aussi que le rebord 
saillant qui porte la rangée de cils n’est pas échancrée de même à 
l’origine. — Longueur, 0,068. 


Elle vivait en grand nombre, le 8 janvier 1838, dans de l’eau 
recueillie quinze jours auparavant dans une ornière près de Pa- 
ris où vivaient d'abord des Æydatina senta et des Euglènes qui 
la coloraient en vert. Les Hydatines avaient disparu, et les Eu- 
glènes étaient en petit nombre et contractées. Ces Plæsconies com- 
primées entre des lames de verre m'ont présenté les déforma- 
tions les plus curieuses (PI. VI, fig. 7 b 7 c) ; elles s’arrondissaient 
peu à peu, en cessant de présenter aucun indice de la cuirasse et 
des cirrhes ; mais les cils vibratiles repoussés au bord continuaient 
àas'agiter. En même temps, ces Infusoires se creusaient de vacuoles 
très-nombreuses, qui bientôt, en s'agrandissant, venaient à se 
toucher et à se confondre lentement comme des gouttelettes de 
graisse sur du bouillon qui se réfroidil. 


8 ? PLŒSCONIE ARRONDIE, — Plæsconia subrotunda.—P\. XIII, fig. 5. 


Corps ovale (la largeur égale les 4/3 de la longueur d'abord ; 
plus tard elle en est les 3/4 seulement), épais , trouble , ‘ranuleux, 
sans côtes distinctes ; tronqué et échancré en avant. La rangée de 
cils courte , éloignée du bord externe et ne dépassant pas le mi- 
lieu de la longueur ; des cils longs et minces aux deux extrémités. 
— Longueur de 0,041 à 0,055. 


Cette espèce s’est développée abondamment dans une infusion 


LL HISTOIRE NATURELLE 


de foin préparée le 24 décembre 1835, et tenue à une tempéra- 
ture de ro° à 12°. Le 21 janvier, il y avait déja beaucoup de 
Plæsconies jeunes, arrondies, longnes de 0,041; ces Infusoires 
étaient revus un peu plus gros à diverses époques ; le 22 février, 
notamment, il y en avait de longs de 0,048 à 0,055 , et alors 
d'une forme moins allongée ; de sorte que le principal caractere, 
tire de la forme, pourrait bien tenir simplement à l'âge ou au de- 
gré de développement; et si les côtes étaient aussi apparentes que 
dans la P/æœsconie voisine , ou dans la Plæsconie Caron , on ne de- 
vrait pas hésiter à la considérer comme une simple variété, 


* S? PLŒSCONIE RAYONNANTE, — Plæsconia radiosa. 


Elle diffère de la précédente par ses dimensions un peu plus 
considérables (0,05 à 0,066) par des côtes aussi prononcées que 
celles de la P/. Caron ,'et en-même temps par des cilstrès-longs, 
égaux et étalés en rayons aux deux extrémités. 

C'est dans l’eau de Seine gardée pendant cinq ou six mois dans 
des bocaux avec des Myriophyllum , des Zygnema, etc., que j'ai 
vu fréquemment en hiver cette Plæsconie, qui n'est peut-être 
qu'une variété ou un âge plus avancé de l'espèce précédente. 


9. PLOŒSCONIE LONGIREME. — Plæsconia longiremis. — PI. X, fig. 9 
eb'12. 


Corps très-déprimé , irrégulièrement ovale (la largeur égale les 
2/5 de la longueur) , très-dilaté du côté de la rangée de eils, plus 
transparent dans cette partie, et montrant trois ou quatre côtes 
larges, grenues, presque effacées. La rangée de eils en écharpe 
forme un demi-cercle accompagné d’une large bande diaphane 
et dépasse la moitié de la longueur. — Cirrhes nombreux , très- 
longs, flexibles. — Longueur de 0,065 à 0,085. 


Cette espèce est très-commune dans l’eau de mer; elle fourmii- 
lait dans de l’eau apportée des côtes de la Manche à Paris, depuis 
un mois, le premier décembre 1835 ; d'autre eau du même lieu, 
apportée le 10 décembre, en était encore remplie le 2 février 
1836 ; je l'employai à préparer des infusions avec un 80° de son 
poids de gélatine ou un 80° de gomme; dix jours aprés, ces infu- 
sions contenaient encore les Plæsconies , peut-être plus grosses el 


DES INFUSOIRES. Lkl3 


plus arrondies, avec beaucoup d’autres Infusoires qui s’y étaient 
développés. Cette espèce, exposée un instant à l'odeur de l’ammo- 
niaque , s’est décomposée comme le montre la figure 12 a b ; elle 
s'arrondit d'abord en disque, se creusa de vacuoles, et ses cirrhes 
se crispérent, puis lesvacuoles devenant toujours plus nombreuses 
et plus grandes, elle ne présenta plus que l'aspect de la figure : 2 6. 


10. PLŒSGONIE 4 AIGUILLON. — Euplotes aculeata. (Ehr. Inf., 
PI. XLIL, fig. 15.) 


Corps ovale oblong, presque carré, à dos convexe, avec deux 
eôtes longitudinales, dont l’une porte au milieu ur'aiguillon court. 
— Longueur, 0,062. 


M. Ehrenberg a observé dans l'eau de la mer Baltique cette 
espèce remarquable, qui pourrait bien avoir une cuirasse mem- 
braneuse, et devrait alors appartenir à un autre genre; il lui 
attribue six à huit cirrhes ou crochets épars à la face ventrale ; 
il ajoute qu'elle paraît aussi avoir quatre à cinq styleis, et que 
cependant il n'a pas vu clairement ces détails. 11 suppose que ce 
pourrait être la Xerona rastellum de Müller. 


"Le même auteur décrit sous le nom d'£uplotes turritus un 
autre Infusoire portant sur le milieu du dos un long aiguillon un 
peu courbé. 1] l'a trouvé dans l’eau douce et dans l’eau de mer; 
il lui a vu cinq stylets en arrière, et cinq cirrhes en crochet à la 
partie antérieure; mais il n’a pu lui reconnaître de cils, en raison 
de la rapidité de ses mouvements. 


"* Malgré tous mes efforts, je n’ai pu reconnaitre dans trois 
autres espèces du même auteur : £uplotes striatus E. appendicu- 
latus, E. truncatus, aucune des espèces que j'ai vues. 


LE] 


Le genre Discocephalus de M. Ehrenberg a été établi sur un 
Infusoire observé, comme il le dit lui-même, non assez exacte- 
ment, ni à un grossissement assez considérable (cent fois le dia- 
mètre), en 1825, dans l’eau de mer. 1l est représenté comme 
formé de deux disques inégaux, garnis de longs cirrhes, et carac- 
térisé par l'étranglement qui sépare ainsi une sorte de tête discoïde 
(Ebr. Inf. PI, XLH, fig. 6, p. 375). 


ll le HISTOIRE NATURELLE 


* Genre Âimantophorus. Ehr. 


Sous ce nom, M. Fhrenberg a institué un genre qu’il 
avait d’abord nommé , comme Fabricius, Himantopus, et 
qui contient une seule espèce, fimantopus Charon (Fabr., 
Müll. Infus. PI. XX XIV, fig. 22), Zimantophorus Charon 
(Ehr. Infus. PI. XLIT, fig. 7), vivant dans l’eau de mer et 
dans Peau douce; mais que je n’ai pas vue moi-même, à 
moins que ce ne soit quelque Plæsconie sans stylets visibles, 
comme la Pl. .scutum ; dont tous les appendices seraient 
également flexueux. 

Müller la décrit comme étant « en forme de nacelle, sil- 
lonnée et pourvue de cirrhes dans une excavation ventrale. » 
Elle rappelle beaucoup, dit-il, sa Trichoda Charon, mais 
elle est plus grande , et s’en distingue par l’absence des poils 
(stylets) postérieurs et par les cirrhes flexueux, situés à la 
face ventrale. 

M. Ehrenberg distingue aussi son genre Himantophore 
par l’absence des styles et par ses crochets (uncini) très- 
nombreux ; il décrit l'Himantophore caron, comme ayant 
le « corps diaphane , plan , elliptique , un peu obliquement 
tronqué en avant, avec de petits cils et des crochets longs 
et grèles. » Ces crochets, servant de pieds, forment une 
large bande sur la face ventrale, où ils sont presque dispo- 
sés par paires. De ce côté est aussi une rangée de cils allant 
de la bouche fort loin en arrière. De nombreuses vésicules 
stomacales se voient à l’intérieur, Au bord postérieur se 
trouve une grande vésicule séminale contractile , et le long 
de la rangée de cils une série de taches glanduleuses. 


2% Gevre. CHLAMIDODON. — Chlamidodon. Ehr. 


Animal de forme ovale aplatie; pourvu de cils et de cro- 
chets à la face ventrale, et ayant une bouche entourée 
d’un faisceau de baguettes ou de dents droites. 


Une seule espèce, Chlamidodon Mnemosyne (Ehr. Inf. 


Là 


DES INFUSOIRES. kh5 


PI. XLIT, fig. 8), dont nous donnons la figure d’après 
M. Ehrenherg (PI. XIII, fig. 8), constitue ce genre bien 
remarquable, créé par cet auteur et placé dans sa famille 
des Æuplota, en notant que c’est une Oxytrique cuirassée et 
dentée. Cet infusoire, long de 0,11, est vert ou hyalin, 
élégamment bigarré de vésicules roses; il vit dans l'eau de 
la mer Baltique. 


8° Genre. DIOPHRYS. — Diophrys. 


An. de forme discoïde irrégulière , épais, concave d’un 
côté et convexe de l’autre , avec de longues soies groupées 
aux deux extrémités. Sans bouche. 


1. DioPHRYS MARINE. —Diophrys marina, — PI, X, fig. 4, a-b. 


Corps ovale, avec une excavation longitudinale, terminée en 
avant par cinq grands cils vibratiles, et en arrière par quatre 
ou cinq soies très-longues , géniculées. — Longueur, 0,045. 


Cet Infusoire, si remarquable par sa forme et par ses appen- 
dices , se trouvait, au mois de mars 1840, dans l’eau du canal des 
Étangs, à Cette. 1] diffère considérablement des Plæsconies, et 
cependant plusieurs des figures données par Müller, pour sa 
Kerona patella (les fig. 14, 19 et 18, PI. XXXIII), présentent de 
mème des appendices en deux groupes terminaux, aux extrémi- 
tés d’une excavation longitudinale, et surtout les cirrhes poste- 
rieurs géniculés on infléchis en angle au milieu de leur lon- 


_ gueur. 


4 Genre. COCCUDINE. — Coccudina. 


An. à corps ovale, déprimé ou presque discoïde , sou- 
vent un peu sinueux au bord; convexe, sillonné ou gra- 
nuleux et glabre en dessus ; concave en dessous et pourvu 
de cils vibratiles et de cirrhes ou appendices corniculés 
servant de pieds. Sans bouche. 


. Les Infusoires réunis dans ce genre sont très-imparfaite- 


Lkh6 HISTOIRE NATURELLE 


ment connus : ils sont intermédiaires entre les Loxodes et les 
PlϾsconies, comme ayant les appendices de celles-ci etla forme 
_ générale de ceux-là ; mais c’est là tout ce que nous savons sur 
leur organisation. On ne leur voit pas de bouche; on dis- 
tingue seulement à l’intérieur des granules irréguliers et des 
vacuoles remplies d’eau. [ls se servent de leurs cirrhes pour 
marcher sur les corps solides, comme des insectes ou des 
petites araignées ; aussi doit-on penser que Joblot a voulu 
désigner sous cette dernière dénomination quelques Goccu- 
dines. 

Ge nom de genre a été créé par M. Bory, qui le donna 
mal à propos à la Plæsconie patelle en même temps qu’à de 
vraies Coccudines. M. Ehrenberg ne l’a pas admis et il a 
laissé parmi les Oxytriques et les Plæsconies ou Euplotes 
les espèces qu'il a connues, et que déjà précédemment Mül- 
ler avait classées parmi les Trichodes (77. cicada, Tr. 
cimezx ). 

Leur multiplication a lieu par division spontanée trans- 
verse. 


1. CoccuninE à côTEs, — Coccudina costata. — PI. X, fig. v. 


Corps ovale , obliquement rétréci et sinueux en avant, convexe 
et sillonné en dessus, ou présentant cinqà six côtes très-saillantes, 
tuberculeuses ; appendices groupés aux deux extrémités ; les an- 
térieurs plus minces, vibratiles. — Longueur, 0,027. | 


Je l'observais, au mois de décembre, dans de l'eau de marais 
(du Plessis-Piquet), conservée depuis le mois d'août avec des débris 
de végétaux. 


>. CoccüniNE ÉPusse. — Coccudina crassa. — PI. X, fig. 2. 


Corps ovale, plus large et comme tronqué en arrière , rétréci 
et sinueux en avant, convexe en dessus et marqué de côtes pres- 
que effacées; convexe en dessous, avec les bords épaissis. Ap- 
pendices de la moitié antérieure en forme de crochets; les posté- 
rieurs droits en forme de stylets. — Longueur, 0,05. — Marin. 


Elle vivait dans l'eau de mer prise à Cette depuis huitjours avec 
des Corallines, et déja gâtée. æ 


DES INFUSOIRES. h4T 


3. COocCUDINE POLYPODE. — Coccudina polypoda. — PI. X, fig. 3. 


Corps ovale, sinueux en avant, convexe et marqué en dessus 
de sept à huit côtes étroites, plat en dessous , et muni de cirrhes 
épars , nombreux, longs et flexibles. — Longeur, 0,033. — Marin. 


Dans l’eau de mer stagnante, près du chemin de fer, à Cette, 
Je 5 mars. 


4. CoccuninE cicae. — Coccudina cicada. — PI. XIII, fig. 1. 


Corps ovale, granuleux , très-convexe, à bords arrondis, con- 
cave en dessous , et muni de cirrhes épars longs et flexibles. — 
Longueur , 0,032. 


Cet Infusoire, que j'ai trouvé dans l'eau de Seine, entre les 
Ceratophyllum, en novembre 1838, paraît bien être le même que 
Müller a décrit sous le nom de Trichoda cicada (Müller, Infus., 
pl. XXXII, fig. 25-27), comme étant « ovale, à bords obscurs, 
chevelue en avant et en dessous, sans cils en arriére.» Mais ce 
n'est pas, je crois, l'espèce que M. Ehrenberg donne sous le nom 
d'Oxytrieha cicada (Ehr., Inf., pl. XLI, fig. 4), comme syno- 
nyme de celle de Müller. En effet cet auteur lui donne pour ca- 
ractere d'avoir le dos sillonné et crénelé, ce qui ferait penser 
qu'il a eu en vue notre Coccudina costata (1) et non la C. cicada. 


" Coccudina cimex, Bory. 
Je ne sais s’il faut réellement faire une espece de Coccudine de 


l’infusoire nommé par Müller Trichoda cimezx (Müll. Inf. PI. XXXII, 
fig. 21-24), ou si ce n’est pas simplement une Plæsconie mal 


{1) M. Ehrenberg dit avoir réussi à colorer par l'indigo les nombreux 
estomacs de son Oxytricha cicada, que nous croyons pouvoir être 
nôtre Coctudina cicada ; il ni à compté huit à treize côtes dorsales , et 
il a remarqué que dansla décomposition par diffluence de cet {nfusoire , 
on reconnait que le corps tout entier est mou, ce qui le conduit à le 
ranger plutot parmi les Oxytriques qu'avec les Plæsconies, quoique ces 
dernières aient bien ce mème caractère. 


LkhG8 HISTOIRE NATURELLE 


observée. Cet auteur la décrit comme étant « ovale, à bords 
transparents , pourvue de cils en avant et en arrière. » Il ajoute 
que, quand l’eau s'évapore, elle montre, en se contractant, des 
sillons longitudinaux, et il termine en disant qu'elle est trop 
semblable (zeimis similis) à sa Trichoda Charon, qui est une de 
nos Plæsconies. 1] lui donne pour synonyme ce que Joblot (Micros. 
2 part., p. 79, pl. 10, fig. 15) a nommé petite araignée aqua- 
‘tique. 1 F 
M. Ehrenberg a nommé d'abord cette espèce Séylonychia ? 
cimex , puis il l’a confondue avec son Euplotes Charon , et enfin il 
en a fait une espece distincte, sous le nom d'Euplotes cimex (Ehr. 
Inf., p. 380, PI. XLIT, fig. 17), en déclarant toutefois qu’elle de- 
‘ mande une observation plus exacte. 1] lui attribue un têt oblong, 
elliptique, lisse, et la dit pourvue de cils, de stylets et de crochets. 


** Coccudina reticulata. 


Je ne fais qu'indiquer sous ce nom un Infusoire observé au mois 
de décembre dans de l’eau de Seine, conservé depuis l’été avec 
des Myriophylles vivants. Il était long de 0,045, et sa surface 
granuleuse était évidemment réticulée où marquée de stries 
croisées, d'où résultait une dentelure au contour. Il avait aux 
deux extrémités des cirrhes coudés assez volumineux. 


* GENRE Aspidisca. Ehr. 


C'est bien, je crois, avec les Coccudines qu’il faut ranger 
le Trichoda Lynceus (Müller, Inf. PI. XXXII, fig. 1-2), 
dont M. Ehrenberg a fait le type de son genre Aspidisca 
et par suite, de sa famille des AspipiscrnA qui, suivant lui, 
devrait contenir les Polygastriques cuirassés, entérodélés, 
à orifice double, mais dont l’orifice anal est seul terminal. 
En décrivant son genre Aspidisca ( Ehr. Inf. p. 343), il dit 
que cet animal a la plus grande analogie avec les ÆZuplotes, 
mais que chez ceux-ci la cuirasse déborde le corps en arrière 
comme en avant, ce qui fait que orifice anal, de même que 
la bouche, n’est pas terminal. 

Müller désigne sa Trichoda Lynceus par ces mots : 
« Tr, presque carrée, à bec crochu, à boucheciliée, et bord 


DES INFUSOIRES. Lk49 


postérieur garni de soies. » Au premier aspect , dit-il , elle 
ressemble à un Entomostracé du genre Lyncée, mais elle 
n’est pourvue ni de cuirasse ni d'yeux , etc. « Son corps 
est membraneux, comprimé, sans épaisseur, prolongé en un 
bec recourbé en avant, et tronqué en arrière. Sous le bec 
est un faisceau de poils pendants, qui par son agitation ferait 
croire que l'animal avale de l’eau. Le bord postérieur est 
sinueux, muni desoies rares qui s’agitent au gré de l’animal 
et paraissent servir à la natation. Les intestins (interanea) 
sont extrêmement remarquables; en effet, un tube courbé 
s'étend de la bouche jusque dans les viscères (2ntestina) du 
milieu du corps; ceux-ci, ainsi que le tube, éprouvent une 
fréquente agitation; entre le bord postérieur et l’antérieur 
est un autre tube longitudinal souvent rempli d’une liqueur 
bleuâtre. Le corps et les molécules cristallines ont un bord 
obscur distinct... J'en ai surpris quelques-uns accouplés; 
les organes génitaux sont situés dans l’échancrure du bord 
postérieur...» Müller a représenté en effet les Infusoires 
de cette espèce joints par le bord postérieur ; mais tous ces 
détails d’une organisation que Müller croit avoir vue n’ont 
aucun rapport avec ce que de son côté M. Ebrenberg pré- 
tend avoir découvert. 


5° GENRE. LOXODE, — Zoxrodes. 


An. à corps plat, membraneux ou revêtu d'une enve- 
loppe membraneuse apparente , flexible , non contra 
renflée au milieu de la face supérieure ou dorsale, souvent 
concaye à la face inférieure ; à contour ovale irrégulier , 
sinueux, et obliquement prolongé en avant, pourvu de 
cils vibratiles très-fins au bord antérieur seulement. 


Ce genre, confondu par Müller avec les Kolpodes, est bien 
réellement distinct, mais il est encore peu connu sous le 
rapport de la structure et de l’organisation, et sa place 
dans la série des Infusoires est très-difficile à indiquer avec 
précision ; il ne peut être placé, ni avec les Paraméciens, 

INFUSOIRES, 29 


450 HISTOIRE NATURELLE 

ni avec les Leucophryens, puisqu'il n’a point sa surface 
réticulée ou garnie de rangées régulières de cils; il pourrait 
peut-être avec plus de raison être rapproché des Traché- 
lius dans la famille des Trichodiens ; mais il offre une appa- 
rence de tégument tellement nette que je me suis trouvé 
dans l’alternative de créer pour lui seul une famille parti- 
culière, ou de le placer avec les Plœsconiens auxquels il se 
rattache à la vérité par les Coccudines ; cependant il s’en 
éloigne aussi par l'absence de cirrhes, et c’est ce qui empêche 
de caractériser cette famille aussi nettement qu’on lepourrait 
faire. De nouvelles observations permettront assurément 
d'apporter dans la classification des Infusoires une précision 
plus grande; pour le moment nous nous contentons de faire 
connaître autant que possible ces animaux. 

Les Loxodes sont de ceux qu’on rencontrera le plus sûre- 
ment et le plus fréquemment dans les infusions et dans les 
eaux de marais déjà altérées par la putréfaction. Ils ne mon- 
trent à l’œil en quelque sorte qu'un disque presque diaphane 
obliquement prolongé en avant en une manière de bec obtus 
d’une transparence parfaite; ils rampent souvent sur la surs 
face des corps solides et alors ils se plient pour s’accommoder 
aux inégalités de ces corps , et leur bord antérieur se replie 
contre tous les obstacles qu’il rencontre. On distingue pres- 
que toujours le contour de la partie charnue vivante, au 
milieu d’une enveloppe plus transparente ; maïs qui cepen- 
dant n’est pas une membrane persistante, comme le prouve 
la facilité qu’ont les Loxodes de s’agglutiner quand ils vien- 
nent à se toucher entre eux. 

Les cils du bord antérieur, seuls organes externes des Lo- 
xodes, sont souvent très-difliciles à apercevoir; à l’intérieur, 
on ne voit que quelques vacuoles isolées, ordinairement co- 
lorées en rouge pâle. Une bouche est rarement visible, mais 
des corps étrangers, tels que des Navicules, qu’on voit dans 
l'intérieur, n’ont évidemment pu y pénétrer que par une 
ouverture buccale. Quelques Infusoires, ressemblant d’ail- 
leurs entièrement aux Loxodes, ont au contraire une bouche 


DES INFUSOIRES. h51 


que rend parfaitement visible un faisceau tubuleux de peti- 
tes baguettes transparentes qui l'entourent. La présence de 
cette armature buccale ne me paraît pas toutefois un motif 
suffisant pour les réunir aux Chilodons qui ont toute la 
surface ciliée comme les autres Paraméciens avec lesquels 
je les ai placés. 

M. Ehrenberg, en 1830, institua le genre Loxode et y 
comprit six espèces, savoir : {4° le Z. cucullulus, dont ila 
fait plus tard le genre Chilodon ; 2° le Z. cucullio, qu’il 
place avec doute aujourd’hui dans son genre Xolpode; 3° le 
L. rostrum, dont nous faisons le genre Pélecide ; 4° le Z. 
cithara,quiest certainement un Bursarien ou un Paramécien; 
5° le L, bursaria , regardé d’abord par l’auteur comme une 
variété de son Paramecium chrysalis, et qui nous paraît 
devoir, en effet, appartenir à la familie des Paraméciens ; 
enfin , 6° le Z. plicatus, dont l’auteur lui-même signale la 
grande analogie avec l'Oxytricha cicada ; il s'ensuit que le 
genre Loxode de M. Ehrenberg n’a presque plus aucun 
rapport avec le nôtre aujourd'hui (1). 


1. LOXODE cHAPERON. — Loxodes cucullulus. — PI. XIII, fig. 9(2). 


Corps ovale, lisse ou un peu granuleux, renflé au milieu, 
aminci et flexible en avant. — Long de 0,03 à 0,06. 


(1) Le Loxodes cithara (Ehr. Inf. PI. XXXIV, fig. 2) a le corps 
triangulaire, comprimé, blanc, élargi et obliquement tronqué en 


ayant, rétréci en arrière. Long de 0,125. — Le L. Lursaria (1. ec. 
fig. 3) est vert, oblong, obliquement tronqué et comprimé en avant, 
arrondi et renflé en arriére, long de 0,09. — Le L. plicatus (1. c. 


fig. 4) a le corps elliptique, comprimé , renflé au milieu avec une lèvre 
en crochet, et l'abdomen obscurément sillonné et plissé ; il est long de 
0,06. — Tous les trois ont été observés dans les eaux douces des envi- 
rons de Berlin. 
(2) Petites huîtres, Joblot , Microsc. PI. II, PI. IV, PI. V, fig. 4. 
de Hill. 1951. — Volvox torquilla , Ellis, Philos. transact. 
1769. 
Ovalthierchen , Gleichen , Infus. PL XXVII, XXVIII, XXX. 
Kolpoda cucullus , Müller , Inf, PI, XV, fig. 7-11. 


29. 


452 HISTOIRE NATURELLE 


Cette espèce , décrite par Müller sous le nom de Æolpoda cucul - 
lulus , est une des plus communes dans les infusions et dans les 
eaux stagnantes. J'observais ce Loxode le 14 janvier 1836 dans 
l'eau d'un appareil d'endosmose préparé depuis cinquante-quatre 
heures avec de la vessie de cochon et de l'eau sucrée ; il présentait 
quelques vacuoles qui devenaient plus nombreuses quand il allait 
cesser de vivre, il se contractait irrégulièrement alors et perdait 
cette apparence membraneuse si distincte qu'il avait auparavant. 
J'ai vu fréquemment dans le liquide où les Loxodes étaient très- 
abondants, deux ou trois de ces Infusoires agglutinés par un 
point quelconque de leur surface, ce que l'on ne pouvait au- 
cunement , comme je l'ai dit, prendre pour accouplement. 
Müller, qui les observa dans une infusion de Laitron (Sonchus ar- 
vensis), où ils s'étaient excessivement multipliés au mois d'octobre, 
dit en avoir vu ainsi jusqu'à cinq agglutinés par le dos et na- 
geant ensemble pendant quelquesinstants. Ce même auteur décrit 
son Kolpode comme ayant le corps prolongé en avant au delà du 
contour ovale, et paraissant dans cette même partie comprimé en 
carène : « C'est, dit-il, un animal tres-diaphane, cristallin, 
pourvu de deux globules diaphanes (g/obulis pellucidis) en arrière, 
ou d’un plus grand nombre de ces globules , épars au milieu.» 
Ces globules sont ce que je nomme des vacuoles. 

M. Ebhresberg en 1830 avait confondu cette espèce avec le 
Chilodon cucullus qui est beaucoup plus grand ; aussi lui attri- 
buait-il alors une longueur de 0,093. 


Loxodes cucullio. 


Je ne sais si l'on doit regarder comme une espèce distincte le 
Kolpoda cucullio de Müller (Inf. PI. XV, fig. 12, 19), que cet àu- 
teur décrit comme étant ovale, déprimé, très-légerement sinueux 
près de l'extrémité antérieure , déprimé en dessus et convexe en 
dessous; ayant le tiers antérieur de son corps formé d'une mem- 
brane diaphane, ainsi que le bord postérieur. La membrane an- 
térieure est très-flexible et susceptible de se replier contre les 
obstacles. 11 se meut lentement en glissant dans une position ren- 
versée, c’est-à-dire sur la partie convexe du corps. Müller l'indi- 
que comme vivant dans les eaux couvertes de Zemna, avec les 
Rotifères et les Paramécies; il l’a trouvé aussi dans une infusion 
de poire, D'après cette description, on serait tenté de rapporter 


DES {NFUSOIRES 453 
cette espèce an Loxodes cucullulus, mais les figures données par 
Müller sont totalement différentes, et l'on doit penser qu'il a re- 
présenté en même temps plusieurs autres Infusoires voisins des 
Acineria. 

M. Ehrenberg avait nommé d'abord Zoxodes cucullio un Infu- 
soire long de 0,03, qui est peut-être celui de Müller; mais plus 
tard il l’a réuni à ses Kolpodes. 


2 ? LoxopE RÉTICULÉ. — Loxodes reticulatus. — PI. XIII, fig. 9-10. 


Corps ovale, un peu rétréci et sinueux en avant, où il est plus 
flexible ; surface granuleuse , presque réticulée. — Long de 0,035. 


J'observais, en janvier 1836, cet Infusoire dans l’eau de marais 
qui s'était pourrie dans un flacon; je n’y ai pu distinguer de cils. 


3. LoxonE marin. — Loxodes marinus. — PI, XIE, fig, 11. 


Corps déprimé , à contour ovale, sinueux, presque réniforme, 
avec une petite pointe en arrière : des granulations fines dans 
l'intérieur, et une rangée de points près des bords antérieur et 
postérieur, — Long de 0,073. 


J'ai trouvé ce Loxode dans l’eau du canal des Étangs, qui com- 
munique avec la mer à Cette. 11 avait une grande vacuole hya- 
line dans l'intérieur, et contenait des Navicules, ce qui prouve 
l'existence d'une bouche assez ample. Le bord antérieur est garni 
de cils obliques très-fins. 


4. LOxODE DENTÉ, — Z,0xo0des dentaius. 


J'ai plusieurs fois rencontré des Infusoires de même forme que 
le Loxode chaperon, mais pourvus d’un faisceau de baguettes au- 
tour de la bouche comme les Chilodons, dont ils différent par la 
Cuirasse et par l'absence des cils de la surface. 


L5% HISTOIRE NATURELLE 


XVe Famizze. 
ERVILIENS. 


Animaux de forme ovale plus ou moins déprimée, 
revètus en partie d’une cuirasse membraneuse persis- 
tante, et pourvus de cils vibratiles sur la partie dé- 
couverte ; avec un pédicule court en formé de queue. 


La famille des Erviliens se compose d'espèces peu 
nombreuses et encore peu connues : elle est surtout 
remarquable en ce qu’elle présente à la fois plusieurs 
caractères de l’organisation des Systolides avec les 
caractères négatifs les plus importants des Infusoires, 
savoir : l’absence de symétrie et l'absence d’un canal 
digestif. Ces animaux, en eflet, sous une cuirasse 
résistante, paraissent composés seulement d’une sub- 
stance sarcodique, homogène qui se creuse sponta- 
nément de vacuoles. Leur multiplication a lieu aussi 
par division spontanée transverse. 

La seule espèce connue de M. Ehrenberg a été 
confondue par cet auteur avec ses Euplotes (Plæs- 
conia), sous le nom d’'ÆEuplotes monostylus. Peut- 
être aussi, ce que Müller avait nommé Cercaria turbo, 
et dont M. Bory a fait le genre Turbinella, et 
M. Ehrenberg le genre Urocentrum , doit-il appar- 
tenir à cette famille ? Ce serait alors un exemple d'Er- 
vilien vivant dans l’eau douce, tandis que les espèces 
connues avec certitude sont exclusivement propres à 
l’eau de mer. Les deux seuls Erviliens connus doivent 
appartenir à deux genres; le premier Ervilia caractérisé 
par une cuirasse comprimée et ouverte d’un côté, le 
deuxième Z'rochilia montrant une cuirasse ouverte en 
avant seulement. 


DES INFUSOIRES. 455 


je Genre. ER VILIE,. — Zruilia. 


An. de forme ovale , comprimée , revêtusid’une cuirasse 
ouverte latéralement et en avant ; pourvus de cils vi- 
bratiles tout le long de cette ouverture, et d’un appendice 
formant un pédicule latéral à l'extrémité postérieure. 


1. ERVILIE cOUSSE. — Ervilia legumen. — PI. X, fig. 14. 


Corps très-diaphane , montrant quelques vacuoles à l’intérieur. 
— Long de 0,04 à 0,06. 


J'ai trouvé dans l’eau de le Méditerranée, en mars 1840, cet 
Infusoire dont la forme rappelle un peu celle d’une gousse d’£r- 
vum, d'où j'ai dérivé son nom générique. Le pédicule peut s’ag- 
glutiner sur les corps solides. M. Ehrenberg a trouvé dans l’eau 
de la mer Baltique un animal que je crois bien être le même, 
quoique la description et la figure ne s'accordent pas tout à fait 
avec ce que j'ai vu. Il le nomme ÆEuplotes monostylus (Ehr. , Inf. 
PI. XLIT , fig. r4), et dit avoir observé sa multiplication par divi- 
sion spontanée transverse, et sa coloration artificielle par l’indigo. 


9e GENRE. TROCHILIE. — 7rochilia. 


An. de forme irrégulièrement ovale, plus étroite en 
ayant, où se montrent des cils vibratiles ; cuirasse oblique- 
ment sillonnée, et comme contournée et terminée en arrière 
par un pédicule mobile. — Point de bouche distincte. 


1. TROCuILIE siGMOÏDE. — Trochilia sigmoïdes, — PI. X, fig. 15. 


Corps ovale , rétréci et sinueux en avant; cuirasse montrant 
cinq à six côtes arrondies, obliques; pédicule susceptible de 
s’agglutiner au porte-objet. — Long de 0,028 à 0,035. 


J'observais en grand nombre des Trochilies dans l’eau de mer 
prise à Gette, au canal des Étangs, et conservée depuis un 
mois à Toulouse , en avril 1840 : quelques-unes étaient en voie de 


496 HISTOIRE NATURELLE 

se diviser spontanément en travers; on distinguait alors au mi- 
lieule nouveau pédicule de la moitié antérieure ; le nombre des 
côtes ou des sillons était assez variable ainsi que leur degré de 
torsion. 


XVI Fame. 
LEUCOPHRYENS. 


Animaux de forme déprimée , ovale ou oblongue , 
revêtus de cils vibratiles très-serrés et disposés en 
séries régulières. — Sans bouche distincte. 


Les Leucophryens paraissent entièrement dépourvus 
de bouche , ou bien s'ils en ont une, elle n’est pas 
distincte et leur sert seulement pour avaler le liquide 
au milieu duquel ils vivent , car les vacuoles de l’in- 
térieur ne contiennent ni corpuscules étrangers, ni 
rien de solide, et il est plus probable que ces animaux 
se nourrissent uniquement par absorption. La plu- 
part vivent parasites dans les cavités viscérales ou 
interviscérales des Annélides et des Batraciens, et 
quand ils en sont retirés pour être mis en liberté dans 
l'eau pure, ils nagent d’abord avec une extrême viva- 
cité, mais ils ne tardent pas à périr par suite de l’ac- 
tion dissolvante , de ce liquide ainsi que les Helmin- 
thes. C’est quand ils vont cesser de vivre qu'on voit 
exsuder sur tout leur contour des disques et des glo- 
bules de sarcode dans lesquels il se produit souvent 
des vacuoles, d’une manière fort remarquable. Au 
milieu du corps des Leucophryens on observe une ou 
plusieurs masses d'apparence spongieuse, qui à la 
mort de l'animal se contractent de plus en plus : on 
ne peut supposer que ce soient des glandes don£ on 
n’apercevrait point les relations avec d'autres organes : 


DES INFUSOIRES. 451 
ce sont plutôtles restes d’un tissuou d’une sorte de trame 
contractile préalablement étendue dans tout le corps. 

Les Leucophryens se multiplient par division spon- 
 tanée transverse. Nous en faisons trois genres, savoir : 
les Leucophres et les Spathidies qui n’ont aucune 
trace de bouche et qui se distinguent parce que 
celles-ci sont élargies et tronquées en avant, et que 
celles-là sont arrondies aux deux extrémités. Puis un 
dernier genre, Opaline, chez lequel une fente oblique 
en avant paraît indiquer une bouche. 

Müller avait établi un genre Leucophre caractérisé 
par les cils vibratiles dont la surface est entièrement 
garnie. Ce genre très-nombreux contenait avec quel- 
ques vraies Leucophres beaucoup de Paraméciens et 
de Bursariens, et divers objets qui ne sont même pas 
des Infusoires, tels que des débris de branchies de 
Moule. Il avait placé dans son genre Enchelys notre 
Spathidie. M. Bory a conservé presque sans chan- 
gement le genre de Müller. M. Ehrenberz, dès l’année 
1830 , admit un genre Leucophre faisant partie de la 
famille des Enchéliens, mais caractérisé par une large 
bouche obliquement tronquée , et par conséquent bien 
plus voisin des Bursaires, quoiqu'il renferme aussi 
une Leucophre sans bouche, celle de l’Anodonte 
et la Spathidie qui est également dépourvue de 
bouche. C’est au contraire dans son genre Bursaire 
que cet auteur a reporté la plupart des vrais Leu- 


cophryens avec d’autres Infusoires à bouche très-dis- 
tincte. 


1% Genre. SPATHIDIE. — Spathidium. 


An. à corps oblong, plus épais etarrondi en arrière; 
plus mince , élargi et (ronqué obliquement en avant. 


L58 HISTOIRE NATURELLE 


1, SPATHIDIE myALIN. — Spathidium hyalinum. — PI. NUL, fig, 10. 


Corps oblong , lancéolé, hyalin , aminci et comme membraneux 
en avant , et terminé par un bord rectiligne oblique, le long du- 
quel s’observent des petits points noirs irrégulièrement rangés. 
— Long de 0,18 à 0,24. 


J'ai observé plusieurs Infusoires de cette espèce dans l’eau d’une 
ornière des Batignolles, au nord de Paris, le 11 novembre 1838. 
Ils étaient d'une transparence parfaite, ne contenaient aucune 
particule solide qu'on eût pu croire avalée par eux, et montraient 
une ou plusieurs vacuoles limpides ; on comptait sur une face 
vingt à vingt-sept stries parallèles indiquant des rangées de cils 
vibratiles très-fins; mais le bord antérieur ne montrait ni cils ni 
aucun indice de bouche. 


L’Enchelys spathula de Müller (Inf. PI. V, fig. 19-20) paraît 
bien être la même espece ; l'auteur le décrit «comme ayantle corps 
exactement cylindrique, trés-diaphane, cristallin, marqué de 
stries longitudinales tres-déliées; dilaté, membraneux au sommet, 
et tronqué, sinueux en avant, avec les angles tant soit peu repliés 
en oreilles, d’où résulte une figure de spathule.» Müller a remar- 
qué aussi des vacuoles ou vésicules hyalines ordinairement au nom- 
bre de deux, l’une au dela du milieu , l’autre à l'extrémité pos- 
térieure. 


M. Ebrenberg a décrit sous le nom de ZLeucophrys spathula 
(Ebr., Inf. PI. XXXII, fig. 2), comme synonyme de l'Enchelys de 
Müller, un Infusoire qui paraît différer du nôtre par une rangée 
de cils tres-prononcée au bord antérieur, où l’auteur suppose une 
bouche en forme de fente ; les stries de la surface sont au nombre 
de neuf seulement de chaque côté, et garnies également de cils 
plus visibles. M. Ehrenberg dit en outre avoir coloré par l'indigo 
les vésicules stomacales de son Infusoire. 


2° Genre, LEUCOPHRE. — Zeucophrys." 


An. à corps déprimé , ovale ou oblong, également arrondi 
aux deux extrémités , couvert de longs cils vibratiles for- 
mantdesrangées parallèles très-nombreuses.—Sans bouche. 


DES INFUSOIRES. L59 


Les seuls Infusoires auxquels je conserve le nom de Leu- 
cophre vivent parasites dans le corps des Lombrics entre 
l'intestin et l'enveloppe musculaire; peut-être doit-on y 
ajouter aussi celle que M. Ehrenberg a trouvée dans l'Ano- 
donte? Gleichen et Müller les avaient déjà observées, et on 
les rencontrera certainement si on les recherche avec persé- 
vérance dans le liquide qui s'écoule des blessures faites à des 
Lombrics, surtout vers la partie postérieure, et si l’on sou- 
met à cette recherche les Lombrics de diverses localités. 


1. LEucOP&RE sTRIÉE. — Leucophra striatys. — PI. IX, fig. 1-4. 


Corps oblong, marqué de 55 stries longitudinales granulées. 
— Long de 0,08 à 0,125. 


Pendant les mois de mars et d'avril 1838, à Paris, je trouvai 
abondamment cette Leucophre dans les Lombrics de mon jardin. 
Observée dans le liquide écoulé de la blessure du Lombric, elle est 
uniformément demi-transparente , avec quelques petits granules 
disséminés , et présente quelques vacuoles contractiles irrégulie- 
rement rangés le long d’un des côtés ou des deux côtés. Tenue 
dans ce même liquide préservé del’évaporation, la Leucophremon- 
tre bientôt au milieu de son corps une bande longitudinale irré- 
guliére, trouble. En ajoutant de l'eau, le mouvement de la Leu- 
cophre est d'abord plus vif, son contour est plus tranché, et 
l’on distingue un double rebord ; en même temps la bande cen- 
trale devient plus distincte; bientôt les vacuoles se montrent plus 
nombreuses , quelques-unes même sont multiples, mais on voit 
clairement qu'elles ne communiquent point avec la bande cen- 
trale, qui dans aucun cas ne peut être nommée unintestin; les 
.stries cessent d’être aussi distinctes, et des exsudations discoïdes 
ou globuleuses de sarcode se montrent sur le contour; enfin, 
quand la Leucophre est morte, on voit, au lieu de la bande 
centrale, une masse allongée plus ou moins infléchie et si- 
nueuse. 

Les stries granuleuses, épaisses de 0,60 14 et bien régulières d’a- 
bord, s'effacent peu à peu, et les cils dont elles sont garnies ces- 


sant de vibrer aussi uniformément , Se groupent diversement et 
deviennent alors plus visibles. 


460 HISTOIRE NATURÉLLE 


Dans le nombre des Leucophres nageant dans le liquide inté- 
rieur des Lombrics, il y en a souvent qui sont er voie de se divi- 
ser spontanément; chacune des moitiés, apres cette division, est 
moins arrondie du côté ou elle touchait à l’autre. 


>. LEUCOPHRE NODULEUSE, — Leucophrys nodulata, — PI. 1X, 
fig. 5-9 (1). 


Corps oblong , regulièrement cilié, mais sans stries bien dis- 
tinctes ; ayant deux rangées de vacuoles. —Long de 0,10 à 0,42. - 


Au mois d'octobre 1835, en Normandie, j'observai , dans des 
Lombrics , cette Leucophre que je crois distincte de la précédente 
par l'absence de stries ; cependant toutes les fois que depuis lors 
j'ai essayé de la trouver, je n'ai vu que la Leucophre striée; peut- 
être cette différence tient-elle seulement à ce que mes Leucophres 
de 1835 avaient déja été altérées par leur séjour dans l’eau. 

J'ai décrit avec soin dans les Annales des sciences naturelles 
(tome 4, décembre 1835), les phénomènes que présente cet Infu- 
soire, dans l’eau, quand il va cesser de vivre; je donne dans 
notre planche IX, fig. 7, 8, 9, quelques-unes des figures que j'a- 
vais publiées alors pour montrer comment les exsudations de 
sarcode se forment autour de la Leucophre et se creusent de va- 
cuoles. | 

Gleichen avait trouvé dans un Lombric un Infusoire que je sup- 
pose être le même que celui-ci ; Müller a décrit sous le nom de 
Leucophra nodulata un Leucophryen que je croirais bien être 
exactement le nôtre, s’il ne l’eût trouvé exclusivement dans l’in- 
testin de la ais littoralis, 1] lui attribue une forme ovale-oblon- 
gue déprimée, une double rangée de nodules (vacuoles) et un pe- 
tit tube intermédiaire. 


3? LEUCOPRRE DE L'ANODONTE. — Leucophrrs Anodontæ.-- (Ehr., 
Inf., PI. XXXII, fig. 6.) 


Sous ce nom M. Ehrenberg décrit comme douteuse une espèce 
de Leucophre qu'il a trouvée en Sibérie dans un Anodonte , en 


(1) Perlenthierchen,Gleichen, Microse. PI, XX VIE, f, 1 ,et Pl. XXVIN, 
LE 

Leucophra nodulata , Müller , Zool. dan. fase. 2, tab. 80 , fig. &-1. 
— Infus. p. 153: 


_ BES INFUSOIRES. 461 


lui donnant pour synonyme, avec doute, la Leucophra fluida de 
Müller (Müll., Zool. dan., fase. », PI. LXXIIT, fig. 1-6. — Inf., 
P. 156), trouvée par cet auteur dans l'eau de la moule commune, 
et qu'on doit plutôt considérer comme un lambeau de la bran- 
chie du mollusque. Quant à l’espèce de M. Ehrenberg, ce paraît 
être un véritable Infusoire, cilié partout et sans bouche distincte. 
Les vacuoles qu'il présentait à l’intérieur ont empêché l'auteur 
de le confondre avec les lambeaux de branchies. Son corps est 
ovale, gonflé, hyalin, très-obtus de part et d’autre, long de 0,062. 


3° Genre OPALINE. — Opalina. 


An. à corps ovale ou oblong, avec une fente oblique 
indiquant une bouche vers l'extrémité antérieure. 


Le genre Opaline proposé par MM. Purkinje et Va- 
lentin , pour des Infusoires vivant dans l’intérieur du corps 
des Grenouilles, est un genre tout à fait artificiel et pro- 
visoire ; car si la bouche existe il faut le réunir aux Para- 
méciens ; si elle n'existe pas il faut le réunir aux Leuco- 
phres avec lesquelles il a la plus grande analogie; c’est 
même cette analogie qui nous a déterminé à le placer ici en 
attendant de nouvelles recherches. On trouve les Opalines 
dans l'intestin ou dans les humeurs des Batraciens et des 


Annélides. 


0] 


1. OPALINE pu LomBnic. — Opalina lumbrici. — PI. XII, fig. 12. 


Corps ovale , déprimé, plus étroit en avant, tronqué en arrière. 
— Long de 0,14 à 0,18. 


Je trouvai, le 4 septembre 1836, dans un Lombric pris sur le 
rivage humide de la Seine , des Infusoires très-ressemblants à des 
Leucophres, mais ayant en avant une apparence de bouche obli- 
que; l'un d'eux fortement tronqué et même excavé en arriére, 
avait deux , rangées régulières de six vacuoles; un autre, plus 
large et plus arrondi en arrière, avait une grande vacuole en- 
tourée de petites vacuoles formant comme un rang de perles, 


462 HISTOIRE NATURELLE 


2. OPALINE pes naïs. — Opalina naïdum. — PL. IX, fig. 1O-11. 


Corps oblong ou très-allongé , presque cylindrique , marqué de 
stries longitudinales et transverses, et parsemé de vacuoles. Un 
pli oblique partant de l'extrémité antérieure arrive presqu’au mi- 
lieu. — Long de 0,10 à 0,20. 


Cette Opaline était fort abondante dans le corps des Naïs qui 
peuplaient les fossés du boulevard Mont-Parnasse, à Paris, le 
24 février 1837; quelques individus très-allongés étaient presque 
cylindriques et courbés en arc (fig. 10), d’autres étaient beaucoup 
plus courts, mais les uns et les autres étaient revêtus de cils très- 
déliés disposés en séries longitudinales. J'ai trouvé dans l'intestin 
de l'Aæmopis sanguisuga des Opalines presque semblables qui 
devaient provenir des Naïs dont cette Annelide se nourrit. 


3. OPALINE DES GRENOUILLES. — Opalina ranarum. — P]. XIII, 


fig. 13 (1). 


Corps rond ou ovoïde plus ou moins allongé, de forme variable, 
avec une large fente oblique , ciliée en avant. — Long de 0,10 à 
0,20. 


Dans les excréments d'un Triton nourri depuis vingt jours avec 
des lombrics, au mois d'avril 1838, je trouvais beaucoup d’Infu- 
soires à corps rond ovoïde, obtus en avant, plus etroit en arrière, 
longs de 0,17 à 0,20, et larges de 0,107 à 0,125 , tournant sur 
eux-mêmes, et ayant leur surface couverte de stries granulées ré- 
guliéres très-fines. Des vacuoles contractiles, de plus en plus nom- 
breuses et très-vastes, se montraient à l’intérieur, et quand cesani- 
maux avaient séjourné dans l'eau pure , ils commencaient à se 
décomposer en laissant exsuder des globules de sarcode qui se 
creusaient de vacuoles, et souvent renfermaient des particules 
agitées du mouvement Brownien. 

Le 11 juin de la même année, dans le liquide mêlé de sang 
qui occupait la cavité pectorale d'une grenouille morte depuis 
vingt heures , je trouvai des Infusoires analogues , mais de diver- 
ses formes; les uns presque globuleux, les autres presque ver- 
miformes, quatre à cinq fois aussi longs que larges, rétrécis en 


DES INFUSOIRES. 463 


arriére ; tous parsemés de très-petits granules, et renfermant des 
vacuoles souvent tres-grandes. Précédemment , en février 1836, 
j'avais aussi trouvé, dans des excréments de grenouilles , des Opa- 
lines de forme variable , dont quelques-unes étaient comprimées 
ou contournées diversement, et qui finissaient par se creuser de 
vacuoles très-nombreuses. 

Toutes ces variétés me paraissent devoir constituer une seule 
espèce que Leeuwenhoeck le premier a observée dans les excré- 
ments de grenouilles où elle est très-commune, que Bloch observa 
et décrivit sous le nom de Chaos intestinalis , et d’Hirudo intesti- 
nalis, et que MM. Purkinje et Valentin décrivirent comme nou- 
velle sous le nom d’Opalina ranarum ; maïs Müller lui-même en 
avait déjà parlé sous le nom de Vtbrio vermiculus et de Leuco- 
phra globulifera, et M. Ehrenberg, en 1831 , l'avait inscrite 
parmi ses Bursaires, sous le nom de Bursaria intestinalis. Le même 
auteur distingua, en 1835, sous le nom de Bursaria nucleus, ceux 
de ces Infusoires qui ont le corps ovale plus petit, arrondi aux 
deux extrémités, mais un peu plus étroit en avant ; puis, en 1838, 
il nomma Bursarta ranarum ceux qui ont le corps ovale, lenticu- 
laire comprimé , un peu aigu en avant, et souvent tronqué en 
arrière. Mais, comme je l'ai dit, je présume que ce ne sont que 
des variétés d’un même animal. 


XVII Famiece. 
PARAMECIENS. 


Animaux à corps mou , flexible , de forme variable, 
ordinairement oblong et plus ou moins déprimé, 
pourvu d’un tégument réticulé lâche, à travers lequel 
sortent des cils vibratiles nombreux en séries régu- 
lières. — Ayant une bouche. 


La famille des Paraméciens, pour qu’elle püût être 
caractérisée plus nettement, devrait être débarrassée 
de quelques genres comme les Pleuronema et La- 
crymarta , dont on formerait des familles distinctes ; 


464 HISTOIRE NATURELLE 


mais en attendant que ces animaux soient mieux 
connus, nous avons préféré les grouper tous ensemble 
d’après les caractères un peu vagues tirés de la pré- 
sence du tégument et de la disposition des cils vibra- 
tiles. En effet , la bouche attribuée aux Paraméciens 
-en général, n’est que soupconnée chez les Lacrymaria, 
et elle nous paraît douteuse quoique l’enfoncement dé- 
signé comme tel soit bien visible, chez les Pleuronema. 

C'est chez les Paraméciens que l’on observe mieux 
le summum d'organisation des Infusoires, car ils mon- 
trent à la fois le tégument réticulé contractile , Les cils 
en séries régulières servant d'organes locomoteurs , la 
bouche au fond de laquelle le tourbillon excité par les 
cils détermine le creusement d’une cavité en cul-de- 
sac, et la formation de vacuoles sans parois permanentes 
dans lesquelles sont renfermées les substances avalées 
avec de l’eau; chez eux aussi on observe la production 
spontanée de vacuoles contractiles près dela surface et 
des exsudations de sarcode sur tout le contour, et 
enfin on voit souvent à l’intérieur ce que M. Ehren- 
berg a nommé le testicule. 

Les Paraméciens ont été vus de tous les anciens 
observateurs ; ils sont répartis dans les genres Para- 
mécie, Cyclide, Kolpode et Vibrion de Müller. 
M. Bory les a classés aussi dans plusieurs familles où 
bien souvent ils sont confondus avec des animaux 
tout à fait différents. M. Ehrenberg les à distribués 
dans ses familles des Ophryocercina, des Enchelyens, 
des Trachéliens et des Kolpodiens, suivant la position 
de: là bouche qui est terminale chez les Enchélyens 
seulement, et suivant la position de l’anus que cet 
auteur prétend être terminal chez les Trachéliens. 

Nous reconnaissons bien en effet que chez des Pa- 


DES INFUSOIRES. LGS 


raméciens la bouche est tantôt latérale et tantôt ter- 
minale, et nous trouvons là de bonnes distinctions 
génériques ; Mais, COMME nous l'avons dit précédem- 
ment, nous n’accordons à ces animaux ni intestin, ni 
anus, et conséquemment nous ne pouvons nous servir 
des caractères supposés par M. Ehrenbers. Nous 
avons donc dü , pour distinguer les genres de Para- 
méciens , chercher des caractères dans la forme gé- 
nérale du corps de ces animaux, et dans la présence 
d’un faisceau de petites baguettes entourant la bouche 
comme une sorte d’armure dentaire. 

Séparant donc d’abord les Zacrymaria et les Pleu- 
ronema dont la bouche est douteuse et qui diffèrent 
entre eux parce que chez celui-ci le corps est ovale, 
oblong, déprimé avec une large ouverture latérale 
d'où sort un faisceau de filaments, et que l’autre a le 
corps rond prolongé en manière de cou , il reste en- 
core dix genres que l’on divise en deux groupes sui- 
vant la position de la bouche , savoir : ceux qui ont 
la bouche latérale, parmi lesquels on distingue d’abord 
les Glaucoma et les Kolpoda qui ont la bouche ap- 
pendiculée ou pourvue d’une lèvre qui est longitu . 
dinale et vibratile dans ceux-là, inférieure et trans- 
verse dans ceux-ci; les autres, ayant la bouche non 
appendiculée, sont distingués par la forme du corps. 
Le corps en effet n’est jamais globuleux chez les Pa- 
ramecium , les Amphileptus, les Loxophyllum et les 
Chilodon. Ces deux derniers à corps aplati, sinueux, 
diffèrent parce que la bouche de l’un est nue et celle 
de l’autre dentée ou entourée d’un faisceau de pe- 
tites baguettes [cornées; les deux autres ont le corps 
oblong marqué d’un pli oblique chez les premiers et 


A , , Five 
très-allongé ou rétréci chez les seconds. 
INFUSOIRES . 30 


&GG HISTOIRE NATURELLE 

Le corps passe au contraire de la forme ovoïde ou 
oblongue à la forme globuleuse chez les Panophrys et 
les Nassula , qui diffèrent encore parce que la bouche 
est nue chez ceux-là et dentée chez ceux-ci. 

Le deuxième groupe, caractérisé par la position ter- 
minale de la bouche , ne renferme que deux genres : 
Holophrya à bouche nue, et Prorodon à bouche 
dentée. 

Les Paraméciens se multiplient par division spon- 
tanée, le plus ordinairement transverse. Ils se dé- 
veloppent pour la plupart dans les infusions ou dans 
des eaux stagnantes, qui sont de vraies infusions na- 
turelles ; d’autres se trouvent exclusivement dans des 
eaux stagnantes, limpides, contenant certains prin- 
cipes en dissolution; d’autres enfin dans les eaux 
pures, entre les herbes aquatiques. Presque tous sont 
blancs ou incolores, et leur multitude est quelquefois 
si prodigieuse que l’eau en est troublée; quelques-uns 
sont colorés soit par eux-mêmes, soit par leurs ali- 
ments. 


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h58 HISTOIRE NATURELLE 


der GENRE. LACRYMAIRE, — Zacrymaria. 


An. à corps rond ou pyriforme, très-contractile et varia- 
ble, revêtu d’un tégument réticulé, et prolongéen manière 
de cou avec une apparence de bouche indiquée par des cils 
près de l'extrémité. 


Les Infusoires de ce genre , tous caractérisés par leur forme 
de fiole à long col, ou de lacrymatoire, ont été vus de tous 
les micrographes , mais rapportés par eux à des genres diffé- 
rents ou même à des familles éloignées ; ainsi Müller en fit 
des Trichodes quand les cils étaient visibles pour lui, et des 
Vibrions dans le cas contraire; Schranck les rangea dans 
son genre Trachelius; M. Bory en fit des Amibes, des La- 
crymatoires et des Phialines ; M. Ehrenberg enfin, admet- 
tant que la plupart ont le corps non cilié, les a classés, d’après 
la position supposée d’une bouche et d’un anus, dans le 
genre Lacrymaria de sa famille des Enchéliens, ou dans le 
genre Phialina de'sa famille des Trachéliens, ou enfin dans 
le genre Trachelocerca , type de sa famille des Oranxocer- 
QUES. Ainsi ses Lacrymaria auraient le corps sans cils pro- 
longé en un cou étroit et terminé par une bouche ciliée 
obliquement tronquée, et l’anus à l'extrémité opposée; ses 
Phialina en différeraient seulement parce que le cou, au lieu 
d'être terminé par un renflement simple, présenterait une 
entaille près de l'extrémité qui serait alors en forme de te- 
non, d’où résulte, pour l'emplacement présumé de la bouche, 
une position un peu latérale; ses Trachelocerca, qu’il nomme 
Vui-même des Lacrymaria à queue, sont censés avoir la bou- 
‘che seulement terminale et l’anus latéral en avant du pro- 
longement conique caudiforme. Cet auteur a réussi à colo- 
rer artificiellement les vésicules stomacales des Lacrymaria, 
et paraît même admettre que les substances avalées doivent 
traverser un œsophage étroit de la longueur du cou. Ilnomme 
œufs les granules blancs ou colorés qu’on observe chez la 


BES INFUSOIRES. L&69 


plupart; il signale aussi comme organe mâle une grande va- : 
cuole postérieure qu’il nomme vésicule contractile chez les 
Phialines. Enfin il n’a point vu ces Infusoires se diviser 
spontanément. Ceux de ces animaux que nous avons ren- 
contrés vivaient isolément dans les eaux de la Seine entre 
les herbes; leur corps était très-contractile, de forme telle- 
ment variable qu’ils méritaient bien le nom de Protée que 
leur avait donné Baker. Leur surface était distinctement ré- 
ticulée et ciliée. 


5. LACRYMAIRE GyGNE, — Lacrymaria olor (1). 


Corps fusiforme , prolongé en un cou très-long, renflé à l’extré- 
mité. — Long de 0,11 sans le cou , ou 0,4 à 0,3 avec le cou. 


Müller, qui trouva rarement cet Infusoire dans l’eau des marais 
parmi les lentilles d'eau , le décrit comme agitant sans cesse avec 
vivacité son long cou, qui est cylindrique, filiforme, égal, très- 
diaphane, ordinairement étendu, souvent aussi flexueux , mais 
jamais retiré et caché dans l'intérieur du corps; ce cou, renflé à 
l'extrémité ou terminé par un tubercule, est deux fois, trois fois 
et jusqu'a six fois aussi long que le corps. Müller n’a pu y voir 
de cils, quoiqu'il en existe bien certainement. 

M. Ehrenberg dit avoir vu le résidu de la digestion excrété par 
une ouverture située au côté dorsal en avant de la queue, que 
d'après cela il veut nommer non une queue, mais un rudiment 
de pied. 


(1) Proteus , Baker, Empl. micr. 
Brachionus Proteus , Pallas, Elench. zooph. p. 94. 
Vibrio Proteus, Müller , Verm. terr. fluv. 28. — Wibrio olor, Müll. 
Inf. PI. X, fig. 12-15. 
Trachelius anhinga , Schrank. Faun. boïc. 111, 2. 
ar olor. — Phialina cygnus. — Lacrymaria olor , Bory, Encycl. 
1824. 


Lacrymaria olor, Ehr. Mém. 1830-1831. — 7rachelocerca olor , 
Ehr. Infus. 1838, Pl. XXXVIIL, fig. 5, p. 342. 


470 HISTOIRE NATURELLE 


2. LACRYMAIRE VERTE. — Lacrymaria viridis. = (Trachelocerca vi- 
ridis, Ebr. Inf., pl. XXXWVIIL, fig. 8.) (1). 


Corps fusiforme, vert, avec un cou très-agile et très-long , ter- 
miné par une petite tête, comprenant une bouche ciliée et une 
lèvre, — Long de 0,225. 


M. Ehrenberg, qui seula vu cette espèce dont il fait une Tra- 
chelocerca , dit qu’elle se distingue par ses ovules verts, mais 
aussi par une sorte de lèvre articulée comme chez les Lacry maria. 
Il ajoute que la surface est couverte de plis transverses fins, 

* Le même auteur a inscrit dans son genre Trachelocerca, 
comme une troisième espèce (7r. biceps), un Infusoire de même 
forme que les précédents, mais bifide en avant et comme pourvu 
d’une double tête. 11 ne l’a vu qu'une seule fois, et pense que ce 
pourrait être une monstruosité. 


/ 


3. LacRYMAIRE ProtTéEe. — Lacrymaria Proteus. (Ehr. Inf., 
pl. XXXI, fig. 17 (2). 


Corps ovoide, obtus en arrière, pourvu en avant d’un cou al- 
longé , rétractile. — Longueur totale, 0,18. 


Müller l’a trouvée dans l’eau de rivière avec la L. cygne, à 
laquelle elle ressemble beaucoup, mais dont elle diffère par la 
rétractilité de son cou moins long et moins délié, et par la con- 
tractilité de son corps. Cet auteur signale aussi les cils bien visi- 
bles de l'extrémité du cou; mais il donne mal à propos cette es- 
pèce comme synonyme du Protée de Baker. M. Ehrenberg, qui 
la décrit comme finement plissée en travers, dit avoir vu l’indigo 
pénétrer dans ses estomacs, en traversant rapidement, par molé- 
cules, son œsophage étroit; mais il ne lui a vu ni ovules, ni tes- 
ticules, ni vésicule contractile. 


(1) M. Ebrenbersg institua, en 1831, une famille des Ophryocercina 
pour un seul Infusoire qu'il nomma Ophryocercina ovum (v. pag. 487), 
mais plus tard il reconnut que ce qu'il avait pris pour une queue et 
dont il avait fait le caractère distinctif de ce genre , est au contraire une 
partie antérieure ; en conséquence il reporta cet Infusoire au genre 
Trachelius , mais en même temps il trouva d'autres formes dont l